sociologie de la famille, sociologie du logement : un

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sociologie de la famille, sociologie du logement : un
CATHERINE BONVALET
SOCIOLOGIE DE LA FAMILLE,
SOCIOLOGIE DU LOGEMENT :
UN LIEN À REDÉFINIR
RÉSUMÉ : Le logement est une entrée possible et féconde des questions familiales en raison
de la distance qu’il introduit par rapport à l’objet. Si les données des recensements et des
enquêtes logement ont permis d’avancer dans la connaissance de la famille, les catégories
statistiques utilisées ont contribué à restreindre la notion de famille à celle de ménage. Pour
rendre compte des comportements des individus en matière d’habitat, il a fallu sortir le
groupe familial du cadre statistique où il était cantonné et replacer le ménage dans le temps
long des générations. Certaines trajectoires résidentielles ne deviennent compréhensibles
qu’à condition d’observer la famille dans son ensemble et révèlent, à partir de là, une réalité
familiale dont elles ne sont que l’expression. Les questions du logement, loin de limiter la
famille au groupe de corésidents, laissent au contraire apparaître la diversité et la densité
des réseaux de parenté.
La famille demeure un objet de recherche difficile parce qu’il soulève des questions qui « nous touchent de si près, écrit Durkheim, que nous ne pouvons nous empêcher d’y mêler nos passions ». Chacun a sa propre expérience d’où il tire une
vision spécifique de la famille. Son étude demande donc un travail constant de mise
à distance si l’on veut échapper aux pièges de l’idéologie, pièges dans lesquels on
risque de tomber en établissant une hiérarchie entre les différents types familiaux,
comme l’a fait Le Play, en faisant l’hypothèse que l’industrialisation de la société a
provoqué la dislocation de la famille ou encore en célébrant le « renouveau » des
solidarités entre générations. Un des moyens d’éviter les risques de glissements
sémantiques consiste sans doute à aborder le thème de la famille à partir d’autres
champs 1 ou d’autres sujets de recherche (Le Bras, Goré, 1985, Kauffman, 1992).
Ainsi le logement, dont les liens avec la famille ont toujours été très étroits, est-il
progressivement apparu, au cours de ces dernières années, comme une entrée possible et féconde des questions familiales en raison du décalage qu’il apporte par rapport à l’objet.
1.
D’ailleurs Durkheim lui-même conseillait à ses étudiants d’analyser la famille à partir de trois
sources : l’ethnographie, l’histoire, la démographie (Durkheim, 1888).
Sociétés Contemporaines (1997) n° 25 (p. 25-44)
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CATHERINE BONVALET
C’est d’ailleurs dans cet esprit que, dès le début des années 1950, l’équipe de
Chombart de Lauwe avait montré comment « habitation et famille sont deux termes
étroitement liés dans l’histoire des hommes. (...) La famille n’a de sens qu’étudiée
dans l’ensemble des structures sociales dont elle est une pièce maîtresse.
L’habitation ne peut pas être séparée du cadre matériel de vie d’une société dans
l’espace. (...) Étudier les transformations de l’habitat et du logement, c’est étudier
les transformations de la société et la transformation de la famille » (Chombart de
Lauwe, 1959). De fait, le logement et l’habitat ont toujours constitué un terrain particulièrement favorable à l’étude de la famille, que ce soit la famille observée à
l’intérieur du logement ou les relations de parenté en milieu urbain 2. À la fin des
années cinquante, les recherches en sociologie urbaine de Chombart de Lauwe en
France et de Willmott et Young en Grande Bretagne ont permis de tempérer le discours qui dominait à l’époque sur la disparition de la famille élargie au profit de la
famille nucléaire. De même aujourd’hui, les travaux qui se situent au croisement des
thèmes de la famille et du logement invitent à nuancer la vision de la famille
contemporaine où dominent les sentiments d’autonomie et d’indépendance en
essayant de mettre en évidence la complexité et la diversité des enjeux familiaux qui
sous-tendent les stratégies résidentielles.
Mais avant de rendre compte de ces travaux et de la démarche des chercheurs
qui travaillent sur ces questions, il est apparu utile de rappeler le rôle de la résidence
dans la définition même de la famille ainsi que dans l’élaboration du concept de
ménage au cours du siècle dernier. Et ce pour deux raisons. La première est que,
grâce à ces notions de ménage et de famille définie par la corésidence, des statistiques et classifications de familles ont pu être établies. Le recul préconisé par
Durkheim dans l’analyse de la famille est devenu possible puisque « la statistique
nous met en présence de chiffres impersonnels ; non seulement ces chiffres traduisent d’une manière authentique et objective les phénomènes sociaux, mais ils les
traduisent mieux parce qu’ils en rendent sensibles les variations quantitatives et
permettent la mesure » 3. La seconde tient aux limites mêmes des chiffres et des
concepts utilisés pour analyser le fait familial, car la production des chiffres, loin de
se faire au hasard, a une raison d’être. Elle peut donc donner une image déformée de
la réalité.
Nous verrons donc, dans un premier temps, comment, à partir des données des
recensements, les statisticiens et les chercheurs ont peu à peu contribué à restreindre
la notion de famille à celle de ménage. Les catégories statistiques utilisées ont
influencé notre vision de la famille, dominée par le modèle de la famille nucléaire.
Elles ont entraîné un appauvrissement de l’idée même de famille en excluant, en
dehors du logement, toute référence aux liens de sang et d’alliance. Dans un second
temps, nous étudierons comment l’analyse des trajectoires résidentielles a permis de
dépasser cette représentation de la famille en remettant en cause une définition
devenue trop « évidente ». Pour comprendre les comportements des individus en
2.
3.
Même si beaucoup de ses recherches portent sur la famille nucléaire, Chombart de Lauwe a également étudié la famille étendue. M. Amiot (1986) relate comment, en essayant de décrire la dislocation du groupe familial qui, selon Parsons, se serait opérée en milieu urbain, l’équipe de
Chombart de Lauwe a eu la surprise de découvrir la force des liens de parenté.
Durkeim (E.) (1888)
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SOCIOLOGIES DE LA FAMILLE ET DU LOGEMENT
matière d’habitat, il a fallu « sortir » le groupe familial du cadre statistique où il était
cantonné et replacer « le ménage » dans le temps long à la fois dans le déroulement
des événements historiques et dans la succession des générations (Bonvalet,
Gotman, ed. 1993). Ainsi, les questions de logement, loin de limiter la famille dans
un cadre donné, laissent au contraire apparaître la diversité et la densité des réseaux
de parenté.
1.
L’APPROCHE STATISTIQUE :
UN RISQUE DE RÉDUCTION DE LA FAMILLE AU MÉNAGE
Si le logement possède, tout comme la famille, la caractéristique d’être au carrefour de plusieurs sciences sociales, l’approche économique et statistique a été initialement et demeure privilégiée dans l’analyse. Son influence sur la manière dont
les autres disciplines traitent les questions résidentielles et familiales reste forte.
C’est pourquoi, en examinant comment le logement est appréhendé par les économistes et, d’abord, comment les statisticiens ont, influencés par les hygiénistes du
e
XIX siècle, construit des catégories d’analyse qu’emploient les économistes, sociologues et démographes, il est possible d’apporter un éclairage sur l’évolution des
conceptions de la famille.
1. 1. DE L’ÉVOLUTION DES CATÉGORIES STATISTIQUES : LOGEMENT, FAMILLE,
MÉNAGE
Les économistes étudient traditionnellement le logement en référence à un agent
qui est, selon les cas, l’individu ou le ménage. La théorie économique du cycle de
vie, par exemple, considère un individu, supposé parfaitement rationnel, capable de
faire le calcul des avantages et des inconvénients respectifs de la location et de la
propriété. En France, dans les études économiques tirées du recensement et des
enquêtes logement de l’INSEE, l’unité de référence est le « ménage » défini comme
l’ensemble des personnes habitant un même logement. Ces enquêtes donnent une
photographie très complète des conditions de logement des Français (statut d’occupation, taille et type de logement, localisation) des différentes catégories de population identifiées par les caractéristiques du chef de ménage ou du groupement de
personnes.
C’est, en effet, à travers le concept de ménage que dans toutes les analyses du
logement, statisticiens, démographes et économistes ont l’habitude de relier les thèmes de la famille et de l’habitat. Or, sous son apparente simplicité, le concept même
de ménage 4 est trompeur car il recouvre une réalité complexe que l’on a parfois tendance à oublier.
En établissant une identité entre les concepts de ménage et de logement, il semble que l’on poursuive trois objectifs distincts :
1. Décrire avec précision la structure du parc de logements dans ses rapports avec
les structures démographiques et sociales, et suivre son évolution dans le temps à
partir des résultats des recensements successifs. Il s’agit par exemple de décomposer
la croissance du nombre de ménages selon les facteurs démographiques et socio4.
« En France, la définition du ménage coïncide avec celle du logement comme l’escargot et sa
coquille », (Le Bras, 1979).
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économiques, d’observer la progression du confort des logements ou encore
d’analyser la diffusion de la propriété au sein des catégories sociales 5. Ce souci de
description du parc de logements est relativement récent, et ce n’est que depuis 1946
que l’on dispose de statistiques fines sur les logements et les ménages.
2. Disposer d’une unité statistique pertinente de décision permettant d’étudier la
façon dont les agents opèrent des choix en matière de logement, d’équipement en
biens durables et biens de consommation. Sur ce plan, le concept de ménage a une
efficacité peu contestable puisque, grâce aux recensements et aux enquêtes de
l’INSEE, on connaît dans le détail les caractéristiques du logement, la composition
du patrimoine, les modes de consommation, d’équipement et de loisirs, selon différents critères : sexe, âge, catégorie socioprofessionnelle de la personne de référence
du ménage. À partir de ces données, il est possible de construire des modèles économétriques pour expliquer les évolutions passées, et de prévoir l’évolution à venir
de la consommation et l’équipement des ménages 6.
3. Décrire le système familial dans le but de cerner la famille, si malaisée à saisir à
travers l’appareil statistique. Dans cette optique, on cherche à identifier, dans le
cadre du ménage, les différents types de familles qu’il peut inclure, en définissant
des « familles principales » et éventuellement des « familles secondaires » ; et à
l’intérieur de celles-ci, on reconstitue les « noyaux biologiques » par l’analyse des
liens entre les différents membres du ménage.
Cette manière d’aborder la famille n’est pas nouvelle. Un des précurseurs dans
l’élaboration de typologies de familles est F. Le Play. Celui-ci étudie minutieusement la vie des familles et convertit en chiffres leurs habitudes quotidiennes, en établissant des budgets familiaux. À partir de ces « monographies », il distingue plusieurs catégories de familles : trois types principaux, dont deux extrêmes, la famille
patriarcale où tous les fils, mariés ou non, s’établissent au foyer paternel et où les
propriétés restent indivises, la famille instable où les enfants s’en vont lorsqu’ils
deviennent autonomes financièrement pour former à leur tour une autre famille
instable et un type intermédiaire, la famille souche dans laquelle un seul des enfants
reste auprès des parents et cohabite avec eux et avec ses propres enfants.
Les historiens ont poursuivi ce travail de classification des familles définies par
la corésidence. Et au début des années 1970, les recherches de Peter Laslett à
Cambridge ont permis d’éclaircir les notions de groupes domestiques, de ménages et
de familles. « Nous soulignons que le mot famille (family) ne désigne pas le groupe
familial. C’est le mot ménage (household) qui désigne l’appartenance à un lieu
d’habitation, la parenté et la communauté de vie » (Laslett, 1972). Ces recherches
ont abouti à l’élaboration de deux outils : une typologie des ménages et une méthode
de simulation du cycle de vie des ménages à l’aide desquels Peter Laslett a pu critiquer la conception de l’évolution de la famille – qui conduit à la disparition des
5.
6.
Cette préoccupation date du siècle dernier, quand les hygiénistes se sont élevés contre les conditions déplorables dans lesquelles vivaient un grand nombre d’ouvriers (Bertillon, 1894).
Le concept de ménage est utilisé en économie pour définir un indicateur, « l ’unité de consommation », qui tienne compte non seulement de la taille du ménage mais également de l’âge de ses
membres (Strauss-Kahn, 1977). Dans ce livre, l’auteur définit le ménage comme « la représentation
instantanée de la famille ».
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SOCIOLOGIES DE LA FAMILLE ET DU LOGEMENT
ménages complexes au profit des familles nucléaires – conception que l’on retrouve
depuis Le Play jusqu’à Parsons et qui n’est pas totalement absente chez Durkheim.
Pour Peter Laslett, le ménage simple correspond à la famille nucléaire, famille
élémentaire ou encore famille biologique. Il s’agit de deux individus mariés vivant
ensemble, qui forment le noyau familial. La famille élargie est une famille conjugale
à laquelle s’ajoutent des membres apparentés par un autre lien filial. La famille
étendue est constituée par un ensemble d’individus apparentés qui entretiennent des
relations étroites, sans pour autant vivre ensemble. Peter Laslett désigne toutes ces
structures sous l’expression « groupes domestiques ».
Là encore, comme on le voit, la place du logement est essentielle dans la définition même des différents types de structures familiales. Et ce n’est pas un hasard si
depuis le milieu du XXe siècle les types de familles ont été définis, dans les recensements, à partir des types de ménages.
Dans l’histoire de la statistique française, les rapports entre logement, famille et
ménage ont, en effet, évolué. On trouve pour la première fois l’usage d’un bulletin
de ménage dans le recensement de 1856 7 : « Par ménages, on a désigné non pas les
familles, mais les individus, mariés ou non mariés, avec ou sans enfants, habitant un
local distinct. Aux termes des instructions ministérielles, une personne vivant seule
dans un logement séparé a été considérée comme formant un ménage, aussi bien
qu’une famille composée du mari, de la femme, d’un ou plusieurs enfants, d’un ou
plusieurs domestiques demeurant ensemble dans le même appartement. »
Cette conception du ménage reprend une des définitions traditionnelles du
groupe domestique fondées sur la corésidence (l’ancien « feu », le foyer) 8. Malgré
cet effort de clarification que l’on trouve dans les anciens recensements, il faut souligner que les définitions du ménage et du logement se caractérisent par une certaine
imprécision et incohérence qui ne disparaîtront qu’après la seconde guerre mondiale 9. On ne peut que s’en étonner quand on sait l’importance de la question du
logement au XIXe et dans la première moitié du XXe siècles. En effet, tout au long du
siècle dernier, le problème du logement ouvrier a influencé fortement l’élaboration
des statistiques 10 et justifié l’identité ménage-logement (Bonvalet, 1994). C’est ainsi
qu’à partir de 1850, « le ménage va devenir l’équivalent du logement qui, sous
l’influence des hygiénistes et des spéculateurs urbains, commence à apparaître dans
la statistique. On se met à compter les cuisines, les pièces, les commodités et l’on y
loge le ménage sans autre détail que le nombre de ses membres » (Le Bras, 1979).
7.
8.
9.
10.
C’est au recensement de 1856 qu’apparaît pour la première fois un bulletin de ménage (décret du 9
février et circulaire du 14 février 1856).
J. Bertillon signale que « le document le plus ancien qui existe sur la population de Paris est un
recensement par feux exécuté dans toute la France en 1328 ».
On trouve, en effet, plusieurs définitions en 1891 : le ménage est un groupe d’individus vivant sous
la même clé, ou encore vivant sous la direction d’un même chef. Ainsi malgré la définition du
ménage donnée en 1856, son application n’était pas homogène, certains agents recenseurs se
référant au critère de vie effective en commun et non à celui basé sur le nombre de personnes vivant
dans un même logement.
En 1901, apparaît le premier dénombrement des logements, en 1911 et 1926 les logements sont
décrits suivant le nombre de pièces et le nombre de personnes. Le but poursuivi était alors
d’analyser le degré d’occupation des logements à l’aide d’une grille de surpeuplement (dite de
1911).
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CATHERINE BONVALET
Pierre Durif explique la pauvreté des données par l’absence d’une véritable
politique du logement, en dépit des problèmes d’habitation des ouvriers dans les
villes, et qualifie la première moitié du XXe siècle de « préhistoire des statistiques du
logement » (Durif, 1987).
Quant à la famille, le souci de sa description a varié au cours des recensements.
En 1886, on compte le nombre d’enfants présents ou survivants. En 1906, on
s’intéresse, en raison « de la faiblesse de la natalité française », au nombre d’enfants
nés vivants afin d’étudier la fécondité des femmes. Au recensement de 1946, la
définition de la famille est la suivante : « une famille est constituée par un couple
légitime ou par une personne veuve ou divorcée – et par ses enfants, quels que
soient l’âge et le lieu de résidence de la famille ». En 1954, « le fascicule “famille”
disparaît pour réapparaître en 1962 où l’on cherche à la saisir à l’intérieur du ménage » 11, en même temps qu’apparaissent les premières Enquêtes Familles 12. C’est
en fait en 1961, dans un article de l’INSEE analysant les résultats du recensement de
1954, qu’est apparue la définition actuelle de la famille, désormais restreinte aux
individus vivant dans le même logement. À partir de ce moment-là, on constate une
séparation entre les travaux sur la fécondité et la descendance finale des générations,
d’une part, et les statistiques des familles, d’autre part (Desplanques, 1994). Cette
séparation va de pair avec une tendance à réduire la famille au ménage tel que le
décrivent les recensements. Cette séparation a abouti à une reconstruction de la
famille définie par la corésidence dans la mesure où ce n’est ni une typologie des
ménages, ni une classification de la famille (Le Bras, 1979).
1.
2.
LA FAMILLE NE PEUT SE DÉFINIR EXCLUSIVEMENT PAR LE LOGEMENT
Ce réexamen des notions utilisées au cours du temps ne vise pas à remettre en
cause systématiquement le concept de ménage mais à préciser son usage afin de
limiter les risques d’identification de la famille au groupe domestique. Si par exemple le concept de ménage permet d’atteindre le premier objectif mentionné ci-dessus
(décrire le parc de logements), et dans une moindre mesure, le second (cerner l’unité
de consommation pertinente), en réduisant la famille à sa dimension atomiste et
instantanée, il ne paraît pas totalement adéquat pour saisir et expliquer l’évolution
actuelle de la famille et son fonctionnement dans les sociétés industrielles.
En effet, le terme de famille ne désigne pas seulement les liens parents-enfants.
Il désigne plus généralement les liens de sang et d’alliance entre les individus,
fussent-ils lointains. Sans remettre en cause l’approche statistique, on peut néanmoins souligner qu’à vouloir décrire la famille par le ménage, on nie parfois cela
même qui la constitue : les liens de sang. Ainsi, en France, une veuve et son petitfils vivant sous le même toit ne sont pas considérés comme une famille, alors que
11.
12.
Cet objectif restera constant, malgré des modifications importantes des définitions, dans les recensements suivants. On trouvera dans le rapport de l’OCDE rédigé par Hervé Le Bras en 1979 une
description fine de ces évolutions, en particulier l’apport du recensement de 1962 et l’établissement
d’une typologie de famille.
La première Enquête Famille date, en réalité, de 1954. Il s’agit d’un questionnaire complémentaire
distribué à un échantillon de femmes mariées, veuves ou divorcées âgées de 45 à 54 ans. Au
recensement de 1962, l’échantillon comprend toutes les femmes mariées, veuves ou divorcées de
moins de 70 ans, et une observation rétrospective devient alors possible ; cette opération sera
renouvelée et enrichie aux recensements de 1975, 1982 et 1990.
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SOCIOLOGIES DE LA FAMILLE ET DU LOGEMENT
deux concubins, quelle que soit la durée de leur union (n’eût-elle que deux mois au
moment du recensement) sont considérés comme formant une famille. Par ailleurs
les liens entre collatéraux ne sont pas reconnus et deux frères vivant ensemble sont
recensés comme ménage sans famille.
En fait, ce qui pose problème, c’est de donner un rôle central – voire exclusif –
au logement dans la définition de la famille. De plus, l’usage du mot ‘famille’, dont
l’acception est plurielle, auquel s’ajoute le flou de la catégorie famille dans les
sciences humaines, ne facilite pas les choses. Car dans les études statistiques, la description des structures familiales va servir de support à l’étude sociologique des
familles (Villac, 1983). Cette approche comporte un risque non négligeable d’assimiler famille et ménage, c’est-à-dire de réduire la famille à cette unité statistique que
l’on observe dans les enquêtes et les recensements. Sous cet angle, la famille
apparaît comme un sous-ensemble du ménage. Or, en réalité, on peut inverser les
termes et se demander si ce n’est pas le ménage qui est un sous-ensemble de la famille.
On retrouve là un débat ancien où une fois de plus apparaît le rôle du logement
dans la définition de la famille. Comme l’a montré Jean-Louis Flandrin dans son
ouvrage Familles, parenté, maison, sexualité dans l’ancienne société, la lecture des
dictionnaires anglais et français du XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles révèle que « le
concept de famille était écartelé entre l’idée de corésidence et l’idée de parenté que
l’on trouve soudées dans la définition devenue la plus courante aujourd’hui. Le mot
évoquait, en effet, beaucoup plus fréquemment un ensemble de parents qui ne résidaient pas ensemble, et il désignait couramment aussi un ensemble de corésidents
qui n’étaient pas nécessairement liés par le sang ou le mariage » (Flandrin, 1976).
Ce n’est en fait que depuis le XIXe siècle que les idées de corésidence et de parenté
proche se trouvent liées dans le concept de famille.
Cette association n’est sans doute pas dénuée d’arrière-pensées chez les réformateurs libéraux et hommes politiques du XIXe siècle. En effet, derrière la construction de l’identité famille-ménage, se noue, au cours de la seconde moitié du siècle
dernier, une série d’enjeux sociaux et politiques. Il s’agit en réalité de domestiquer
la famille à travers le ménage. Cette idée rejoint la thèse développée par Isaac
Joseph lorsqu’il parle de « constitution du ménage ». Cette dernière « a été la condition de possibilité première d’une formation permanente des familles, parce que
c’est seulement en devenant opaque latéralement qu’elle pouvait être traversée par
tout un ensemble de prescriptions venant d’en haut » (Joseph, 1976). À partir de là,
des politiques de la famille et du logement ont pu être élaborées. Isaac Joseph poursuit : « Ce qu’il y a de neuf dans la manière de poser les rapports du logement et de
la famille, dans le dernier tiers du XIXe siècle, c’est que la famille est inscrite à plat
dans le système des objets, réduite à un ensemble de fonctions elles-mêmes descriptibles comme des fonctionnements. Le logement n’est plus seulement une “boite à
habiter”, qu’il faut rendre transparente aux regards, le domicile du pauvre qu’il faut
visiter ; il est une machine à produire de la famille. »
Le succès d’un certain discours sur la crise de la famille ne tiendrait-il pas pour
une part au fait que le logement a trop bien fonctionné comme une machine à produire de la famille ? N’est-ce pas parce que l’on aborde la famille par le logement
ou peut-être parce que les rapports entre logement et famille changent effectivement
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CATHERINE BONVALET
que l’on met l’accent sur la crise de la famille ? On pourrait ainsi faire une lecture
des « deux crises de la famille », différente de la lecture usuelle, et se demander si
elles ne sont pas avant tout des transformations des modes de cohabitation. La question paraît se poser aussi bien pour le passage de la famille complexe à la famille
nucléaire, combattu par le Play et les moralistes du XIXe, qu’à propos de la baisse de
la proportion des familles nucléaires, avec la montée du nombre des personnes seules, la cohabitation hors mariage et l’augmentation des divorces et des séparations.
Dans les deux cas, en effet, il ne semble pas que l’on puisse affirmer de manière
certaine que la famille (au sens de « famille étendue » selon la définition de Peter
Laslett) ait connu de crise profonde (Willmott, 1991), même si les périodes de grandes migrations ont eu pour conséquence, dans un premier temps, de distendre les
liens entre les différents membres de la parenté.
Ces différentes interprétations de l’évolution des structures familiales montrent
bien qu’une certaine prudence s’impose dans l’utilisation du concept de ‘ménage’
ainsi que celui de ‘famille’ si l’on veut éviter des risques de confusion qui peuvent
entraîner des conclusions parfois discutables (Lefranc, 1995). Par ailleurs, le glissement que l’on voit très souvent s’opérer dans les articles et ouvrages comporte fréquemment, comme on l’a vu chez Le Play, une connotation idéologique et morale.
Celle-ci est, au demeurant, souvent inconsciente dans les travaux plus contemporains, mais les mots ne sont pas neutres 13. Des grands types familiaux, on en vient à
une hiérarchie des liens familiaux, qui seraient forts dans les ménages complexes et
faibles dans les familles nucléaires ou monoparentales, et cela même si des auteurs
tels que Hervé Le Bras et Emmanuel Todd manifestent une certaine prudence et
associent un type de sentiment familial à un type de famille uniquement pour le
monde rural 14. Or seule la connaissance de la famille étendue qui conduit Peter
Willmott à distinguer les familles étendues localisées, les familles étendues dispersées et les familles étendues atténuées, permet de déceler la force, le rôle et la
pérennité des relations corésidentes ou non (Willmott, 1991).
Il est vrai que l’évolution historique confère une certaine légitimité au concept
de ménage, la taille des ménages ayant tendance à diminuer. En outre, la structure
13.
14.
L’expression ‘familles monoparentales’ constitue un exemple intéressant. Comme l’écrit Nadine Le
Faucheur dans un article de la revue Dialogues (n°101, 1988), « l’utilisation de ce concept semblait
présenter l’intérêt de permettre aux foyers dont le chef était une femme d’accéder au rang de ‘vraies
familles’. Dans ce cas, le terme ‘famille’ est erroné et iI serait plus juste de parler de ‘ménages
monoparentaux’, dans la mesure où l’autre parent est généralement vivant. Nadine Le Faucheur
utilise alors la notion de ‘familles bifocales’ qui prend en compte le parent absent, contrairement
aux ‘familles monoparentales’ (cf. l’article de François de Singly : « Comment définir la famille
contemporaine », Solidarité Santé, Études statistiques du Ministère des Affaires sociales et de
l’Intégration, n°4, 1993), mais là aussi, la confusion entre ‘ménage’ et ‘famille’ demeure. Elle est
encore plus nette pour les familles recomposées (cf. I. Thery : « Trouver le mot juste. Langage et
parenté dans les recompositions familiales après divorce », in M. Segalen (ed), 1991. En effet,
comme le souligne Martine Segalen, dans le cas des processus de recomposition familiales : la
notion de famille est dissociée de celle de co-résidence (cf. M. Segalen, 1993).
H. Le Bras, E. Todd, (1981) « En milieu urbain, le sentiment familial définit vraisemblablement des
réseaux de parenté serrés dans le Sud-Ouest et lâches dans l’Ouest intérieur, qui n’apparaissent pas
à l’échelle du ménage, mais de groupes de ménages. Ce qui est en milieu rural structure de ménage
est en milieu urbain structure de la parenté ». Si, comme le montrent ces auteurs, la cohabitation
entre générations a effectivement un sens et s’inscrit en continuité avec d’autres phénomènes, son
absence ne signifie pas pour autant la disparition du « sentiment familial ».
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SOCIOLOGIES DE LA FAMILLE ET DU LOGEMENT
des ménages devient au fil des années de plus en plus simple : 128 000 ménages
comprenant une cohabitation entre deux familles en 1990 15, contre 328 000 en
1982 ; 746 000 familles hébergent d’autres personnes, soit 3,5 % des ménages.
Parallèlement, le poids relatif des familles nucléaires dans la structure des ménages
baisse au profit des personnes seules et des familles monoparentales. Actuellement,
de nombreuses recherches en sociologie de la famille portent sur la « famille conjugale », les familles monoparentales ou recomposées, c’est-à-dire sur des familles
constituées par la corésidence. Les notions mises en avant pour décrire la famille
contemporaine sont celles d’individualisation, autonomie et prise de distance par
rapport à la parenté : toutes évoquent la logique du repli familial (De Singly, 1994).
Mais on peut se demander si, à mesure que la taille des ménages diminue, le ménage reste l’unité pertinente de décision. En effet, avec les divorces, les séparations,
les phénomènes de décohabitation de plus en plus complexes, le concept statistique
de ménage s’écarte de plus en plus de la réalité familiale et sociale qu’il est censé
décrire. Du coup, le concept statistique actuel de famille défini comme un sousensemble du ménage correspond-il lui aussi à une réalité économique et sociologique ? Pour Guy Desplanques, il n’est plus suffisant et il faut maintenant « déborder
le cadre du logement pour conserver la trace des liens consanguins » (Desplanques,
1994). L’exemple des familles recomposées est d’ailleurs frappant : dans les années
soixante « les contours de la maison traçaient les frontières de la famille », maintenant « la famille transcende les murs de la maison pour se définir d’abord par le
lien » (Théry, 1991).
Si la famille occupe une place négligeable dans les études sur le logement, c’est
en partie parce qu’elle n’est pas saisie dans les statistiques en tant que telle. Nous ne
disposons dans les recensements et les enquêtes que de la notion de « ménage », et
cet outil statistique très performant a fait quelque peu oublier que chaque ménage a
une origine, une histoire et qu’il appartient à un groupe familial plus large dont
l’influence sur son comportement est loin d’être secondaire.
2.
L’APPROCHE LONGITUDINALE ET INTERGÉNÉRATIONELLE :
UNE AUTRE VISION DES RAPPORTS FAMILLE-LOGEMENT
C’est pourquoi, si les enquêtes statistiques sur le logement ont entraîné dans un
premier temps un « effacement de la famille », l’analyse approfondie des trajectoires
résidentielles des individus révèle, au contraire, dans un second temps, son rôle fondamental tout au long du cycle de vie. Les enquêtes longitudinales de l’INED sur le
logement montrent comment, aux différents moments de l’existence, les choix de
statut d’occupation, de localisation et de type d’habitat sont influencés par l’histoire
de la famille. Apparaît alors toute une dynamique familiale autour des questions
résidentielles que ne peuvent saisir les enquêtes transversales, notamment les
enquêtes logement, car elles se préoccupent uniquement des conditions de logement
du ménage saisies à un moment donné. Les notions de ménage et de logement, qui
avaient été conçues pour décrire des situations à un instant précis, s’avèrent inadaptées dans les analyses longitudinales. L’approche biographique offre maintenant la
possibilité de dépasser ces visions classiques, en étudiant l’évolution du groupe
15.
Selon la définition antérieure de la famille, car entre 1982 et 1990 la définition a changé.
33
CATHERINE BONVALET
familial de l’individu au cours de la vie, ainsi que la succession des logements qu’il
a habités (Bonvalet, Lelièvre, 1995).
C’est pourquoi, bien qu’on assiste à l’heure actuelle à une redécouverte des liens
familiaux 16, en particulier des liens entre grands-parents et petits-enfants, ces
enquêtes longitudinales, effectuées auprès de personnes relativement âgées (50 – 60
ans), montrent que les relations familiales ne sont pas plus fortes aujourd’hui
qu’hier 17. On peut avancer l’hypothèse que ce qui a changé, c’est davantage le
regard porté sur la famille que la famille elle-même.
Si l’on prend l’exemple du logement, en particulier celui de la propriété, on
s’aperçoit que les années 1950-1960, qui correspondent aux débuts de la société de
consommation, ont été marquées par l’affirmation du ménage et du jeune couple.
On pensait à cette époque que la famille nucléaire n’avait plus besoin de son réseau
de parenté. Par le système de prêts mis en place dès le début des années 1950, les
familles en cours de constitution pouvaient devenir propriétaires au prix d’un effort
financier important. On avait tendance à passer sous silence l’aide du réseau familial, le ménage apparaissant isolé dans le processus de l’accession à la propriété.
Durant toutes ces années, pour de multiples raisons – économiques mais également idéologiques –, le couple l’emporte sur la parenté, dans la réalité mais, plus
encore, dans les représentations. Et ce n’est pas l’effet du hasard si, après les années
fastes des « trente glorieuses », la famille réapparaît. La crise économique, le chômage, les difficultés de logement ont révélé l’importance du soutien de la parenté
pour pallier les insuffisances des systèmes économiques (Pitrou, 1987). D’autres
facteurs jouent, surtout l’allongement de la vie qui se traduit par une durée de vie en
couple plus longue, et l’augmentation du pouvoir d’achat des retraités par rapport
aux générations précédentes. Non seulement la famille à trois, voire quatre générations, est de plus en plus fréquente, mais elle a les moyens d’aider les jeunes à
s’insérer dans le monde adulte, ce qui ne signifie pas pour autant que, « toutes choses égales par ailleurs » (espérance de vie et revenus égaux), la famille soit plus
solidaire de nos jours qu’elle ne l’était auparavant. Observée dans les grandes
enquêtes, reconnue par la société civile, la famille étendue se trouve donc
actuellement réhabilitée.
Mais si, comme en témoignent de nombreux travaux (Segalen, 1991, AttiasDonfut, 1995), les liens intergénérationnels sont aujourd’hui mieux reconnus, le rôle
de la famille est souvent présenté comme instrumental, la famille et la parenté étant
alors envisagées comme fournisseurs de services et pourvoyeurs de capital social.
« Les malentendus », écrit François de Singly, « qui existent dans la sociologie de la
famille à propos du rôle de la famille et de la parenté dans les sociétés contempo-
16.
17.
Depuis une quinzaine d’années, on assiste à une véritable « explosion » en matière de travaux sur la
famille à la fois chez les historiens ethnologues (Burguière, Segalen, Zonabend) et chez les
sociologues (Pitrou, de Singly, Roussel).
En effet, d’une part, les travaux des historiens montrent l’importance des réseaux familiaux, en
particulier dans la migration, d’autre part, les entretiens non directifs réalisés à partir des enquêtes
« Peuplement et dépeuplement de Paris » et « Proches et Parents » révèlent qu’une grande majorité
des personnes âgées ont bénéficié de l’aide des parents, que ce soit pour le logement, pour l’emploi
ou pour la garde des enfants (Bonvalet, 1991, Bonvalet et al, 1993).
34
SOCIOLOGIES DE LA FAMILLE ET DU LOGEMENT
raines viennent de ce que les spécialistes construisent leur raisonnement selon le
principe de l’alternative ‘ou...ou’ » 18.
Dès le milieu des années 1970, Louis Roussel et Agnès Pitrou ont montré le rôle
que continuait à jouer la famille après le mariage des enfants. Le premier pour
décrire les dons et les cadeaux lors du mariage ou de l’achat du logement, la
seconde pour analyser la place essentielle des aides, « aides de subsistance » ou
« aides de promotion », dans la vie des jeunes ménages. Mais c’est surtout dans le
domaine de la propriété que les chercheurs ont mis en évidence l’influence et le
poids de la parenté dans le processus d’accession et le sens de cette intervention
dans les dynamiques familiales (Bonvalet, Gotman, ed., 1993).
2.
1.
FAMILLE ET PROPRIÉTÉ
Paul Cuturello et Francis Godard ont, les premiers, décrit la mobilisation de la
famille autour de l’accession à la propriété. Ils ont réintroduit la dimension intergénérationnelle dans un processus où auparavant le ménage seul était pris en
compte, et ils ont montré que l’individu n’était pas isolé, qu’il appartenait à un
groupe familial (deux groupes familiaux en cas de mariage), ce qui pouvait profondément modifier, dans un sens ou dans un autre, ses stratégies patrimoniales.
L’accession à la propriété s’avère être un moment privilégié de la mobilisation
familiale. Ce phénomène est d’autant plus surprenant, voire paradoxal, que le mécanisme de l’accession à la propriété repose, dans son principe même, sur les ressources propres du ménage. Car c’est bien la capacité à épargner d’abord, puis à emprunter, qui était valorisée et encouragée. Mais la réalité sociale dépasse le cadre
économique dans lequel étaient tenues les études sur la propriété jusqu’au début des
années 1980. La famille a su s’adapter aux nouvelles donnes économiques en épaulant les jeunes ménages dans leur aspiration au statut de propriétaire.
Plus récemment, le rôle de la famille dans les questions relatives au logement a
émergé par le biais de l’étude de l’héritage, dans les travaux des économistes, qui
ont intégré les transferts intergénérationnels dans leurs modèles de cycle de vie
(Masson, 1990, 1995), et dans ceux des sociologues urbains (Gotman, 1988).
Mais les relations familiales ne se réduisent pas à l’héritage, elles sont le solde
de tout un système d’échanges, de services, d’entraides intergénérationnelles. L’analyse des récits de vie montre que ce système d’échange est une donnée fondamentale
pour cerner l’attitude des individus par rapport au logement. Les travaux d’Anne
Gotman ont fait « sortir » l’héritage de la sphère économique car l’individu en terme
de patrimoine ne part pas forcément de zéro, comme le voulait le premier modèle
économique du cycle de vie, et ne se termine pas sa vie en ayant consommé tous ses
revenus.
La propriété a une valeur symbolique très forte en France, ce qui se traduit par
une vision hiérarchique des statuts d’occupation, vision selon laquelle le propriétaire
d’une maison individuelle ou d’un appartement en centre-ville se situe au sommet
de l’échelle résidentielle, et le locataire de HLM au bas. À cette image correspond
18.
Ou la famille traditionnelle a disparu pour laisser la place à la famille « conjugale » et aux autres
formes familiales que sont les familles monoparentales et familles recomposées, ou elle survit au
travers des relations de parenté qui s’expriment par les aides, les donations et les visites fréquentes.
35
CATHERINE BONVALET
l’idée d’un « parcours logement » idéal, dont l’aboutissement ne saurait être que la
propriété, et la location qu’une étape (Cuturello, 1992) : la propriété constituant sans
aucun doute un des éléments importants de la position sociale (Bourdieu, 1990).
D’autres facteurs interviennent, dont les uns sont d’ordre économique – tel le souci
d’épargner, de constituer un patrimoine – et les autres d’ordre psychologique. C’est
ainsi que la propriété procure en général un sentiment de sécurité, car elle permet
d’échapper aux règles de fonctionnement du marché, alors que les locataires sont
dépendants de leur bailleur. De plus, le statut de propriétaire offre une plus grande
latitude pour aménager son logement et ainsi se l’approprier au plein sens du terme
(Raymond, Haumont, 1966). Mais à côté de ces données sociales et économiques (le
logement représente l’essentiel du patrimoine des Français), il existe des raisons
plus profondes à cet attachement à la propriété. Celle-ci, en se transmettant, permet
à l’individu de se prolonger au delà du terme de sa propre vie. Même si Durkheim
estime que le droit successoral sous forme testamentaire disparaîtra et qu’il faudra
trouver un « autre groupe solidaire » que la famille, il reconnaît la force des liens qui
unissent la famille et le patrimoine. « En effet, nous y sommes si bien faits, si bien
accoutumés que la perspective de transmettre héréditairement les produits de notre
travail est devenue le ressort par excellence de notre activité. Si nous ne poursuivions que des fins personnelles, nous serions moins fortement incités au travail, car
notre travail ne prend de sens que parce qu’il sert à autre chose qu’à nous-mêmes.
L’individu n’est pas pour lui-même une fin suffisante. Quand il se prend pour fin, il
tombe dans un état de misère morale qui le mène au suicide. Ce qui nous attache au
travail, c’est qu’il est pour nous le moyen d’enrichir le patrimoine domestique,
d’accroître le bien-être de nos enfants. »
Réalisant d’une certaine façon les vœux des hygiénistes et des philanthropes du
siècle dernier, le logement, en particulier la maison en accession à la propriété, est
devenu le lieu où s’identifie et s’investit la famille. Car, « liée à la famille comme
maisonnée, à sa permanence dans le temps, qu’il vise à garantir et qu’il suppose,
l’achat de la maison est donc à la fois un investissement (par rapport à la location)
ou du moins une forme de thésaurisation, en tant qu’élément du patrimoine durable
et transmissible, et un investissement social dans la mesure où il enferme un pari sur
l’avenir ou, plus exactement, un projet de reproduction biologique et social »
(Bourdieu, 1990).
Toutes ces raisons expliquent pourquoi la famille est omniprésente dans le processus d’accession à la propriété, qu’il s’agisse de conseils, d’informations ou
d’incitations à l’achat en prêtant de l’argent aux enfants ou encore en mettant à leur
disposition des plans d’épargne logement. Mais la transmission ne s’arrête pas aux
seuls biens ou aides matériels. Se transmettent, de génération en génération, des
valeurs, des attitudes face à la propriété et à l’épargne, voire des savoir-faire qui diffèrent selon les familles (Maison, 1993) 19. C’est ainsi par exemple que pour certains
parents, le recours à la famille en cas d’accession à la propriété est « naturel » ; dans
ce cas, la famille joue le rôle d’une banque où l’argent circule parmi les différents
membres selon les besoins. Pour d’autres, au contraire, les stratégies d’aide au
logement sont secondaires au regard des stratégies scolaires : l’important est alors
de donner en priorité à chaque enfant un métier, les jeunes générations devant
19.
Par exemple l’acculturation par le crédit (Maison, 1993).
36
SOCIOLOGIES DE LA FAMILLE ET DU LOGEMENT
acquérir, à leur tour, leur propre autonomie résidentielle. L’existence de véritables
« familles de propriétaires » et de « familles de locataires » témoigne de ces
différentes cultures familiales et du poids des déterminations dans les stratégies
résidentielles (Cuturello, 1989). Aux déterminants classiques du choix de statut
d’occupation, (âge, revenu, marché du logement), s’ajouteraient donc des effets de
transmission entre génération – positifs ou négatifs –, des effets d’alliance entre
lignées qui diversifient et structurent les parcours résidentiels.
2.
2.
FAMILLE ET ACCÈS AU LOGEMENT AU COURS DU CYCLE DE VIE
Les recherches récentes ont montré que la mobilisation familiale ne se limitait
pas aux seuls accédants à la propriété. L’accès au logement locatif, privé ou social,
nécessite souvent une intervention du groupe familial. Le ménage n’est pas isolé et
il ne se présente pas seul sur le marché du logement.
La crise du logement qui sévit depuis plusieurs années, en particulier la pénurie
de logements locatifs, a permis de redécouvrir le poids de la famille sur le marché
immobilier et sur les processus de peuplement des villes et des quartiers. La famille
peut ainsi intervenir de multiples façons, de la cohabitation prolongée des jeunes à
la recohabitation des moins jeunes lors d’un moment difficile, au paiement de la
caution ou à la mise à disposition d’un logement appartenant au patrimoine familial.
La cohabitation constitue, de fait, la première aide apportée par les parents. Elle
peut être due au chômage ou à la précarité de l’emploi, au désir de poursuivre des
études dans de meilleures conditions ou encore à la difficulté de trouver un logement. Parmi les personnes interrogées dans l’enquête « Proches et parents » de
l’INED, 15 % ont vécu en couple chez leurs parents ou beaux-parents. Le manque
de logements locatifs surtout dans les grandes villes a eu pour effet de retarder le
phénomène de décohabitation des jeunes et d’entraîner des situations de cohabitation comparables à celles que nous avions pu observer chez les générations arrivant
sur le marché du logement durant la période d’après-guerre (Bonvalet, 1988). Il
existe néanmoins une différence entre cette époque et l’époque actuelle : le départ
de chez les parents semble de moins en moins définitif, notamment pour les hommes
(Arbonville, 1995). La famille apparaît alors comme un recours, un point d’ancrage.
Elle permet aux jeunes de se stabiliser et de faire face aux moments difficiles qu’ils
soient d’ordre professionnel ou affectif.
Après la décohabitation, la famille continue d’intervenir sur le marché du logement, tout d’abord en aidant les enfants dans leur recherche d’un toit, en servant
d’intermédiaire entre eux et les propriétaires, en les informant des logements qui se
libèrent ou encore en les mettant en contact avec un gardien, un gérant d’immeuble
(Péraldi 1989, Grafmeyer 1991). D’après l’enquête « Proches et Parents », une personne sur cinq parmi les enquêtés a ainsi eu recours à un parent ou un ami pour
trouver un logement (une sur trois chez les moins de 35 ans).
Selon les périodes, la recherche d’un logement est plus ou moins difficile et
nécessite une intervention plus ou moins grande de la famille et des amis. Parmi les
Parisiens nés entre 1925 et 1935 qui ont donc décohabité au moment de la crise du
logement des années cinquante, 27 % ont trouvé leur premier logement par
l’intermédiaire de leur famille (Bonvalet, 1988). Après une détente sur le marché du
logement dans les années 1970, faisant suite à la pénurie d’après-guerre, la situation
37
CATHERINE BONVALET
s’est de nouveau dégradée, notamment dans le secteur locatif. Les jeunes sont les
plus touchés par la crise actuelle et ont souvent recours à une tierce personne pour
accéder au marché du logement. Mais le soutien qu’ils reçoivent dépend en grande
partie des ressources familiales et de leur milieu social, les cadres supérieurs apparaissant nettement favorisés par rapport aux employés et ouvriers (Bonvalet et al.,
1993).
Dans ces interventions, la famille domine largement par rapport aux amis. Les
parents et les beaux-parents forment en effet le groupe le plus important (38 % dans
l’enquête Proches et Parents). Le rôle des collatéraux, contrairement à ce que l’on
aurait pu penser, n’est pas négligeable : les frères et sœurs représentent 11 % des
aides apportées et les collatéraux éloignés (oncles et cousins) 8 %.
Les difficultés liées à la pénurie de logements locatifs privés et à la cherté des
loyers sont devenues telles que les candidats locataires doivent apporter de plus en
plus de garanties. Les parents sont alors amenés à se porter caution auprès des propriétaires bailleurs pour permettre à leurs enfants de trouver un logement car ces
pratiques sont fortement encouragées par les propriétaires bailleurs et les gérants
d’immeubles (Grafmeyer, 1991).
Si l’on considère l’ensemble des aides financières (dépannage pour payer un
loyer, prêt pour constituer l’apport personnel), on constate qu’au total plus du tiers
des personnes ont été aidées (la moitié parmi les moins de 35 ans). Là aussi les
cadres supérieurs sont les plus favorisés et les ouvriers les moins avantagés, les agriculteurs et artisans commerçants, en revanche, sont beaucoup plus soutenus financièrement qu’ils ne l’étaient dans la recherche d’un logement. Plus l’engagement
financier est important et plus le cercle d’entraide se restreint. Les amis jouent un
rôle important dans la recherche d’un logement, mais en ce qui concerne les aides
financières, on note la quasi-disparition des amis et la place prépondérante de la
famille, en particulier des parents (et des grands-parents, avec l’allongement de la
vie).
Ces résultats ne signifient pas pour autant que l’aide familiale est moins importante chez les ouvriers et employés. Elle se manifeste autrement et passe moins par
l’argent. Des entretiens semi-directifs de l’enquête « Peuplement et Dépeuplement
de Paris », il ressort, au contraire, l’existence d’une forte solidarité familiale. Disposant de moyens plus réduits, les ouvriers, employés et professions intermédiaires
apportent leur soutien de façon différente en mobilisant une main-d’œuvre pour
aménager l’appartement, pour construire ou terminer le pavillon (Maison, 1994). Au
lieu d’être relégués à la dernière ou avant-dernière place comme pour les autres
types d’aides, les ouvriers et artisans-commerçants figurent en bonne position dans
l’enquête « Proches et Parents », un tiers d’entre eux ont été aidés pour réaliser des
travaux importants dans leur logement (contre 25 % pour les cadres supérieurs).
Ainsi, en donnant des conseils, des informations sur les logements vacants dans
l’immeuble, dans la cité, dans le quartier, en se portant caution auprès des propriétaires bailleurs, en payant le loyer ou le remboursement des mensualités lorsque les
enfants sont défaillants, la famille agit, pourrait-on dire, comme une agence immobilière, une assurance logement, et même dans certains cas (tel celui des autoconstructeurs), comme une entreprise de bâtiment. Pour cela, la famille développe de
véritables stratégies qui remettent partiellement en question l’analyse du marché du
38
SOCIOLOGIES DE LA FAMILLE ET DU LOGEMENT
logement selon laquelle on interprète le rapport entre l’offre et la demande comme
le filtrage de la demande. Dans le secteur privé, ce filtrage repose sur le niveau de
solvabilité, et dans le secteur public, sur la procédure d’attribution bureaucratique
par les organismes de logements sociaux. En réalité, l’individu se caractérise non
seulement par son âge, son revenu, sa catégorie sociale, mais aussi par son appartenance familiale ou plus exactement par l’existence d’un réseau familial et par sa
capacité à mobiliser ce dernier pour accéder au logement.
L’étonnante proximité géographique des différents membres de la famille fournit
d’ailleurs une preuve de cette mobilisation. Elle est le fruit de stratégies – parfois
complexes – de regroupement et de rapprochement de réseaux de parentèle que l’on
observe à l’échelle du quartier ou de la cité, aussi bien dans les milieux de
l’ancienne bourgeoisie (Grafmeyer, 1994) que dans les catégories de populations
immigrées. Force est de constater l’efficacité et l’impact de la famille dans les processus même de peuplement 20. À l’inverse, l’éloignement géographique d’un individu par rapport à ses parents ou à ses frères et sœurs, quand il ne résulte pas de
contraintes liées à la profession ou au conjoint, peut signifier un désir de prise de
distance, voir un rejet de la famille (Willmott, 1991).
CONCLUSION
Le rôle de la famille dans les sociétés urbaines est tel que l’on ne peut comprendre actuellement le logement, les marchés locaux de l’habitat, la recomposition des
quartiers anciens, en considérant uniquement le ménage sans prendre en compte
l’agent économique que représente la famille. L’introduction du fait familial a donc
permis dans les recherches récentes de mieux comprendre les comportements des
ménages en matière de logement et d’habitat, tout au long de leur cycle de vie. Et
inversement, l’étude des choix résidentiels effectués au cours de l’existence a
permis de mieux cerner la diversité et la complexité des stratégies familiales ainsi
mises à l’œuvre. « Parce que le résidentiel mobilise les solidarités familiales, il rend
plus concrète l’existence même des liens de famille. En cela, les stratégies
résidentielles participent à la construction du familial » (Bertaux-Wiame, 1995).
L’idée essentielle est alors que la position résidentielle s’élabore dans le temps long
des générations et des événements historiques et qu’elle n’est pas le simple produit
des contraintes du moment (revenu, cycle de vie, marché du logement). Certaines
trajectoires résidentielles ne deviennent compréhensibles qu’à condition d’observer
la famille dans son ensemble et révèlent, à partir de là, une réalité familiale dont
elles ne sont que l’expression. Comme l’ont montré les travaux du SRAI, l’aide de
la famille – loin d’être instrumentale – n’existe réellement ou potentiellement que
dans la mesure où elle fait partie d’un ensemble plus vaste englobant les flux de
transmission immatériels et les flux de socialisation qui circulent au sein des
familles. « Instance de socialisation secondaire autant que primaire, l’univers
familial est non seulement un flux, mais aussi un producteur d’images de mémoire,
et de projets » 21. La façon dont les individus se saisissent de cette mémoire et de ces
20.
21.
On observe également parfois un regroupement familial dans les résidences secondaires qui
s’apparente parfois à un phénomène de transplantations familiales aussi bien dans les stations balnéaires que dans les villages les plus reculés (Bonvalet, 1991).
Cf. l’introduction de l’ouvrage collectif du SRAI, 1993.
39
CATHERINE BONVALET
projets est en soi significative, car la famille procure ou ne procure pas des atouts
aux individus qui restent libres de les utiliser ou non. Elle constitue ou a constitué
un univers résidentiel auquel l’individu pourra se référer selon les circonstances et
les opportunités, ou qu’au contraire il pourra ignorer, voire rejeter. Cette vision qui
s’écarte d’une vision déterministe des pratiques de logement rejoint une conception
dynamique de l’habitus comme « médiation » selon laquelle « le dépôt des
expériences passées se convertit en disposition pour l’avenir » (Héran, 1987). Et
c’est dans la mesure où « vie familiale et projet résidentiel se donnent sens
mutuellement » comme l’ont montré les travaux du SRAI, que le logement donne
une autre vision de la famille dans la mesure où il peut être considéré comme un
analyseur des enjeux qui se nouent au sein des familles. Ces enjeux sont de
plusieurs ordres :
— enjeu économique, avec l’accumulation d’un patrimoine immobilier au fil des
générations ;
— enjeu affectif, car les liens familiaux peuvent être réactivés – ou parfois distendus
– autour des questions du logement (accession à la propriété, résidence secondaire,
maison de famille) ;
— enjeu de la reproduction ou non de comportements, parce que le rapport au
logement peut contribuer à la formation d’un « habitus familial » et jouer un rôle
dans la transmission d’une morale, qui peut être celle de l’épargne, de l’effort ;
— enjeu conjugal dans la mesure où les compromis opérés au sein des couples
quant au choix du statut d’occupation, du lieu de résidence, du type d’habitat portent
les empreintes des expériences vécues dans l’enfance et en révèlent les effets ;
— enjeu social, dans la mesure où la position résidentielle de l’individu ne concerne
pas seulement le ménage dans lequel il vit, mais rejaillit, en quelque sorte, sur
l’ensemble du groupe familial.
La problématique s’est donc ainsi peu à peu déplacée et pour un certain nombre
de chercheurs qui travaillent à la fois sur la famille et le logement, le logement n’est
plus l’objet premier, mais il est devenu petit à petit un révélateur des enjeux conjugaux et familiaux qui se nouent autour des questions d’habitat. Si dans un premier
temps, étudiant les phénomènes d’accession à la propriété ou de peuplement des
quartiers, ils ont « redécouvert la famille » ou plutôt montré qu’elle n’avait jamais
disparu, ils ont analysé, dans un deuxième temps, comment le logement permettait
d’observer la famille autrement. Les choix effectués en matière résidentielle, tout au
long du cycle de vie familial, portent l’empreinte des effets de transmission, des
rapports entre les générations et des compromis opérés au sein des couples. Étudier
les choix de localisation, de statut d’occupation ou de type de logement, c’est étudier en fait la façon dont l’individu se positionne, plus ou moins volontairement,
plus ou moins consciemment, à l’égard de sa famille. Et on peut les interpréter
comme une traduction du lien familial, qu’il soit de l’ordre de la reproduction, du
rejet ou de l’indifférence.
Le croisement au sein d’une même problématique des questions résidentielles et
des questions familiales nous a ainsi permis, au delà d’une vision purement instrumentale du logement et de la famille, de modifier notre regard sur l’un comme sur
40
SOCIOLOGIES DE LA FAMILLE ET DU LOGEMENT
l’autre. Et, si l’approche des trajectoires renvoie une image différente du logement,
elle livre également une nouvelle image de la famille, en nous faisant pénétrer dans
un univers complexe où les relations ne sont pas exclusivement positives, mais
peuvent être marquées par une ambivalence.
Catherine BONVALET
INED
27, rue du Commandeur
75014 PARIS
41
CATHERINE BONVALET
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