Macbeth Un film d`Orson Welles

Transcription

Macbeth Un film d`Orson Welles
Macbeth
Un film d’Orson Welles
Avec Orson Welles, Roddy McDowall, Jeanette Nolan
A
cinq ans, le petit Orson connaissait par cœur les
répliques du Roi Lear. Trois films illustrent, avec
des fortunes diverses, ce lien particulier entre
l’auteur de Citizen Kane et le poète anglais : Macbeth,
réalisé à peu de frais en 1948, puis le sombre et
magnifique Othello (en 52) et ce drôle d’objet qu’est
Falstaff, en 66. (...) Citizen Kane lui a ouvert les portes
de Hollywood, dont l’ardeur artistique a les limites
imposées par les cordons de la bourse, mais le public
n’est pas friand de ses audaces. Qu’à cela ne tienne !
Orson Welles (...) tourne en un temps record (vingttrois jours) l’adaptation ténébreuse de la pièce de
Shakespeare, le tout dans des studios bon marché et
en répétant les scènes au théâtre.
Macbeth n’a pas la perfection plastique et la
mélancolie d’Othello, ni l’humour et la cocasserie
dynamique de Falstaff. «L’enfer est morne», comme
dit Lady Macbeth : film sombre sur l’orgueil,
la malédiction et la folie sanguinaire, les noirs
wellesiens sans équivalent reflètent une sorte de nuit
perpétuelle où le plateau (de cinéma ou de théâtre
?) est étrangement présent, au moyen d’une science
de l’éclairage assez étonnante. Comme si Welles,
dans cette mise en scène de son propre orgueil déçu - d’artiste, jouait avec cette contrainte (pas de
«major», peu de décor) et choisissait de l’exhiber avec son génie tellement inventif - au lieu d’essayer à
toute force de la dissimuler par des artifices de mise
en scène. Rétrospectivement, Macbeth a un peu le
culot du Dogville : il fleure bon le studio mais tourne
à son avantage ce qui pourrait être un défaut. Le film
est bien sûr un objet de cinéma (gros plans obliques
sur les regards en dessous, travellings, etc.) mais, à
l’inverse des adaptations de Shakespeare qui vont
suivre dans la carrière de Welles, Macbeth reste ancré
dans une dimension théâtrale ingénieuse, qui se
perçoit plus qu’elle ne se voit.
C’est aussi l’intérêt de ce film qui offre par ailleurs
tout le meilleur de Welles : sa liberté (il élague le
texte de Shakespeare et impose à ses acteurs l’accent
écossais en plus de la langue fleurie et imagée du
poète), l’humour dans la représentation de lui-même
en roi tyrannique et maudit... sans parler de ces
traces fortes, personnelles de sa créativité visuelle : le
brouillard, la nuit, l’ombre.
Orson Welles-Macbeth, ivre et décadent, sème la
mort et se tourne en ridicule. Il y a quelque chose
de sadien dans cette mise en scène mélancolique et
solitaire que Welles fait de lui-même dans tous ses
films. Seul, acharné, méchant et ridicule, il cherche le
moyen de transformer la terre, l’univers en une tabula
rasa qui seule pourrait ressembler à son royaume (...).
Macbeth est un film à comparer aux meilleurs d’Orson
Welles, et à revoir donc, pour le plaisir trouble et le
sourire vague, amusé et inquiet, que suscite chacun
de ses films.
Avoir-alire.com
Max Robin