La solidarité fait un « miracle » pour un orphelinat au Bénin

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La solidarité fait un « miracle » pour un orphelinat au Bénin
À la rencontre de…
L’ONG ESPOIRS D’ENFANTS
La solidarité fait un « miracle »
pour un orphelinat au Bénin
Ghana
Niger
Nigeria
NOUVEL ÉLEVAGE devrait assurer une marge
7LEannuelle
d’environ 18 000 euros en rythme
Porto
Novo
de croisière. De quoi couvrir les deux tiers
du budget de fonctionnement.
Ouidah
ESPOIRS D’ENFANTS
Bénin
Togo
Burkina
Faso
Un élevage de près de 4 500 poules va voir
le jour à Ouidah grâce à la persévérance béninoise
et la compétence française. Ces trois poulaillers
rendront autonome un orphelinat de 53 enfants.
S
erge Agbo, ancien instituteur et
homme à tout faire de l’orphelinat qu’il a créé à Ouidah, l’affirme dans une vidéo sur le site
d’Espoirs d’Enfants(1) : « ce que
je vis depuis un peu plus d’un an tient du
miracle. » Lui qui galérait pour joindre
les deux bouts afin de subvenir aux
besoins quotidiens d’enfants âgés de 2 à
17 ans voit l’avenir sous de meilleurs
auspices. Si tout se passe comme prévu,
l’élevage avicole, qui lui permet de faire
rentrer un peu d’argent, passera de 350
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n° 189 • septembre 2013
à 4 500 poules pondeuses en février
prochain. Il assurera les deux tiers des
27 000 euros annuels nécessaires pour
assurer le gîte, le couvert et l’éducation
des 53 enfants qu’il a recueillis avec son
épouse Yvonne.
La sincérité et l’abnégation de Serge ont
fini par être reconnues et soutenues. Pas
au Bénin, mais en France. Le « miracle »
dont parle Serge tient d’abord à Isabelle
Legendre, qui a su convaincre et mobiliser des partenaires français en un temps
record. Moins de trois ans se seront
écoulés entre sa première rencontre avec
Serge Agbo et la réalisation d’un élevage
avicole béninois co-construit avec des
professionnels français.
Isabelle cherche les moyens
de sécuriser l’orphelinat
C’est en décembre 2010 qu’Isabelle
Legendre a été ébahie et chamboulée par
son voyage humanitaire au Bénin. Partie
trois semaines en famille, via l’agence de
tourisme solidaire Double sens, pour
apporter un peu d’aide à un orphelinat,
elle est revenue avec la conviction qu’elle
devait faire quelque chose pour ces
enfants démunis de presque tout, mais
riches d’humanité. « Mon idée initiale
était de faire un don pour renouveler le
cheptel, fournir les aliments et les médicaments pour six mois. » En octobre 2011,
elle crée l’ONG Espoirs d’Enfants afin de
fédérer les bonnes volontés et de
commencer à récolter les 3000 euros
nécessaires. Mais plutôt que de donner
l’argent, elle préfère trouver le moyen de
« leur apprendre à pêcher ». Son idée est
PARCOURS
Un orphelinat autogéré et autofinancé
• Décembre 2010 : découverte
Le revenu moyen béninois est
estimé à 1,45 euro par jour.
Dans ce pays de 9 millions
d’habitants, assurer sa subsistance
et celle de ses enfants peut être
un défi quotidien. Comme l’État
est incapable d’y pourvoyer,
les Béninois ne peuvent compter
que sur eux-mêmes, leur famille
ou sur la solidarité internationale.
Une partie des enfants sans famille
ou abandonnés est recueillie dans
des orphelinats « privés », comme
de l’orphelinat de Ouidah par Isabelle
Legendre au cours d’un séjour familial
avec ses trois enfants
• Octobre 2011 : création de l’ONG
Espoirs d’enfants
• Mars 2012 : mission de Jean-Michel
Boyé, avec Isabelle Legendre, pour
évaluer la faisabilité du projet avicole
• Octobre 2012 : Paul Agblo rejoint
le projet et rencontre Serge Agbo avec
Jean-Michel Boyé
• Février 2013 : finalisation du
celui que Serge et Yvonne Agbo
ont mis en place en 2004 à Ouidah.
Avec les moyens du bord, ils logent
et nourrissent 53 enfants de 2
à 17 ans. Ces enfants participent
aux tâches ménagères.
Des villageois offrent des vêtements
et de la nourriture. Pour financer
l’orphelinat, Serge élevait
350 poules pondeuses, complétées
d’un jardin potager. Autodidacte
de l’élevage, Serge a perdu
son cheptel à plusieurs reprises.
projet et versement de 70 000 euros
par Les Fermiers de Janzé et la CCPA
• Février à juin 2013 : défrichage
du terrain, construction des 4 bâtiments
et des logements des 3 salariés recrutés
DROITE D’ISABELLE LEGENDRE,
7ÀPRÉSIDENTE
D’ESPOIRS D’ENFANTS,
• 22 juillet 2013 : arrivée du
Trois poulaillers de
plus de mille poules
et une poussinière
de développer le potager et l’élevage existants, avec trois missions : fournir une
alimentation protéique aux enfants, créer
une activité économique pérenne et lucrative, sensibiliser les enfants aux bonnes
pratiques d’élevage et de maraîchage, dans
la perspective d’une transmission du
savoir.
Jean-Michel expertise la faisabilité
technique et économique du projet
La production d’œufs ou de poulets a été
naturellement privilégiée. « Je n’y connais
absolument rien, rapporte Isabelle, et j’ai
voulu l’avis de professionnels capables de
transmettre leur expérience. Comme j’habite Janzé en Ille-et-Vilaine, j’ai contacté
les Fermiers de Janzé. » De fil en aiguille,
elle rencontre Avipole Formation à Ploufragan dans les Côtes-d’Armor et JeanMichel Boyé, ancien accouveur. Depuis
P. LE DOUARIN
premier lot de 1300 poulettes d’un jour
sa retraite, il réalise bénévolement des
missions en Afrique. Isabelle le convainc
de se rendre avec elle au Bénin pour faire
un état des lieux et discuter du projet
avec Serge Agbo. Ils commencent à bâtir
un prévisionnel technique et économique,
adapté au contexte d’élevage local et en
mesure de trouver des débouchés. La
production d’œufs est retenue. JeanMichel Boyé a fait quatre fois le voyage
à Ouidah. Se disant « incompétent dans
le métier de l’œuf de consommation », il a
aussi fait appel à un expert de la production d’œufs pour peaufiner le projet.
Paul apporte sa comptétence « œufs »
et son expérience africaine
Béninois et natif de Ouidah, Paul Agbo
travaille en France dans la filière ponte.
Il a gardé des liens avec sa terre natale et
y vient régulièrement pour conseiller des
producteurs d’œufs. « Au-delà de l’aspect
technique, je me suis emballé pour ce
projet », reconnaît Paul. Après des
échanges en France avec Isabelle, les deux
hommes se sont retrouvés au Bénin avec
les deux experts Jean Michel
Boyé et Paul Agblo ; ainsi que les
deux mécènes : Les Fermiers de
Janzé (Stéphane Letué) et CCPA
(Gaétan Rocaboy).
Serge Agbo, avec l’objectif de « faire simple
et efficace, éviter les surcoûts inutiles et ne
pas mécaniser pour créer des emplois ».
Initialement prévu avec deux bâtiments
de 1000 poules, le projet s’est mué en un
« business plan » de trois poulaillers de
1000 à 1300 poules en âges multiples,
plus une poussinière sur le même site
d’un hectare qui servira de potager. Paul
Agblo conseillera régulièrement Serge
Agbo lors de ses escapades béninoises.
Mais rien n’aurait pu se concrétiser sans
des fonds venus eux aussi de France. Deux
mécènes avicoles, Les Fermiers de Janzé
et la firme-service CCPA, aussi installée
à Janzé, ont chacun apporté 35 000 euros.
Le premier lot de 1300 poulettes « françaises » a été mis en place le 22 juillet et
le dernier le sera en février prochain.
Espoirs d’Enfants ne compte pas s’arrêter
là. D’autres Serge Agbo et d’autres orphelinats, du Bénin ou d‘ailleurs, ont besoin
qu’on les aide à apprendre à élever des
poulets ou à produire des œufs.
Pascal Le Douarin
(1) www.espoirsdenfants.org
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