Cité de la m usique
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Directeur général Laurent Bayle Cité de la musique Président du Conseil d’administration Jean-Philippe Billarant LA CHANSON CONTESTATAIRE Du mercredi 15 au dimanche 19 décembre 2004 Vous avez la possibilité de consulter les notes de programme en ligne, 2 jours avant chaque concert : www.cite-musique.fr 6 JEUDI 16 DÉCEMBRE - 20H Bell Œil 8 Dominique A et Katerine 2 La chanson contestataire VENDREDI 17 DÉCEMBRE - 20H 10 VENDREDI 17 DÉCEMBRE - 22H30 Mendelson 12 SAMEDI 18 DÉCEMBRE - 20H Jean-François Pauvros/Les Wampas 15 DIMANCHE 19 DÉCEMBRE - 16H30 Gnawa Diffusion Il y a plusieurs façons de nourrir cette ambition-là. Certains choisissent de creuser le sillon d’un genre pour mieux le prolonger – le punk-rock pour Les Wampas, qui bougent encore après vingt ans de bons et loyaux sévices, ou le rock réaliste pour Bell Œil. D’autres exposent la chanson d’ici à quelques courants d’air venus d’ailleurs, comme Gnawa Diffusion qui, depuis 1992, se plaît à plonger l’Hexagone dans le grand bain de culture musical méditerranéen. Et il y a ceux, enfin, qui importent dans les territoires de la chanson des langages musicaux moins codifiés, semeurs de désordre. Richard Robert 3 Serge Teyssot-Gay Avant-propos SOMMAIRE 4 MERCREDI 15 DÉCEMBRE - 20H L’appellation « chanson contestataire » pose d’emblée un épineux problème de définition. Qui range-t-on au juste derrière cet étendard ? Des purs, des durs, des tatoués ? Des redresseurs de tort professionnels, toujours prêts à dénoncer les injustices et à défier les puissants ? Pas nécessairement. Les chanteurs dont il est question ici sont des empêcheurs de tourner en rond qui, avant même de vouloir changer le monde, s’appliquent à transformer l’univers de la chanson lui-même. Des musiciens qui, malgré toutes les contraintes formelles dont ils sont a priori tributaires, veulent encore envisager l’art du coupletrefrain comme un chantier esthétique majeur, une tradition non figée, éternellement remise en jeu. Mercredi 15 décembre - 20h On croit qu’on en est sorti Sur des extraits de La Peau et les os de Georges Hyvernaud Richard Robert Durée du concert : 50mn sans entracte 5 Serge Teyssot-Gay Serge Teyssot-Gay, guitariste de Noir Désir, n’a pas connu l’écrivain Georges Hyvernaud (1902-1983). Il a pourtant la sensation de l’avoir rencontré. C’était en 1996, et il découvrait La Peau et les os (1949) : le premier roman cinglant d’un homme qui, à peine sorti de cinq années dans les camps de prisonniers, s’aperçoit que l’humanité tout entière est uniformément captive, dépossédée. Désireux de mettre en sons certaines pages de cette œuvre minérale, et pourtant si riche, Teyssot-Gay en a tiré un album âpre et courageux, On croit qu’on en est sorti (2000). Un disque où, pour mieux donner corps à la parole d’Hyvernaud, il a décidé de ne jamais effacer sa propre voix. « J’avais pris conscience de la musicalité de son écriture et je ne voulais pas me contenter d’un simple accompagnement. Il fallait que je crée mon propre univers, quitte à me réapproprier ses mots. » On croit qu’on en est sorti témoigne d’une parfaite adéquation entre les options esthétiques d’Hyvernaud, qui taillait avec une rare rigueur dans la pâte des mots, et la patte ferme de Teyssot-Gay, qui peint au couteau des trames rugueuses, à la brutalité soignée, à la sécheresse féconde. Scandant le texte, évitant les écueils de l’emphase comme de la récitation, le musicien retrouve en une commune solitude un écrivain dont il a dit un jour : « Il était debout contre rien, planté sur ses deux pieds, sans artifices ni compromis. » Une juste description de l’état de nudité dans lequel le guitariste s’expose aussi sur scène. Commentaires Mercredi 15 décembre - 20h Amphithéâtre Jeudi 16 décembre - 20h Hurle tout... Léo Ferré Bell Œil Christophe Bell Œil, paroles et musique, chant, accordéon et orgue Thierry Lepicier, guitares Cédric Maurel, batterie et percussions Samuel Mareil, contrebasse et pétrelle Richard Robert Durée du concert : 1h30 sans entracte 7 Bell Œil Avant d’être chanteur, Christophe Bell Œil était peintre. Quand il dit aujourd’hui que la musique de son groupe est « expressionniste », on peut donc en déduire qu’il n’utilise pas ce terme à la légère. De fait, cet adjectif décrit bien les chansons à la fois épurées et intenses de Bell Œil. Mieux, en tout cas, que cette étiquette « réaliste » qu’on leur a parfois accolée. Réaliste, cette formation ne l’est que dans sa façon forcenée et féroce de demander l’impossible, de déborder des cadres, de déchirer la toile sur laquelle la chanson française traditionnelle a coutume d’apposer ses couleurs. En dix ans d’existence et trois albums, dont un disque enregistré en hommage à Léo Ferré (Hurle tout, 2003), cette troupe d’idéalistes écorchés a tracé les contours accidentés d’un univers intranquille, d’un monde moins confortable et plus vivant où le cri est plus que jamais « l’expression la plus naturelle, la plus authentique qui soit. » Mais la musique de Bell Œil n’est pas que bruit et fureur. Il y a de la matière dans ces chansons-là. Matière sonore, d’abord, tout autant brute que travaillée, où se mêlent les couleurs vives de l’électricité et les teintes fauves d’un accordéon ou d’un orgue. Matière humaine, ensuite, malaxée, étalée au couteau par un chanteur qui ne cache rien de ses plaies ni de ses bosses, de ses douleurs ni de ses doutes. Matière combustible, enfin, que ce groupe pyromane, qui compte plus de cinq cents concerts à son actif, s’empresse de faire flamber sur scène. Où l’on pourra constater que la beauté est aussi dans l’œil de ceux qui, sans façon ni ménagement, mettent le monde à nu. Commentaires Jeudi 16 décembre - 20h Amphithéâtre Vendredi 17 décembre - 20h Dominique A, chant et guitare Katerine, chant et guitare Régis Boulard, batterie Vincent Guérin, contrebasse David Euverte, claviers Daniel Paboeuf, cuivres et clarinette Jérôme Bensoussan, cuivres et percussions Durée du concert : 2h sans entracte Richard Robert 9 Dominique A et Katerine Il y a dix ans, on avait un peu trop vite rangé Dominique A et Katerine sous la banderole d’un hypothétique « courant minimaliste ». Il est vrai que tout, dans leurs premiers albums respectifs (La Fossette et Les Mariages chinois), semblait alors les rapprocher : leur origine géographique (le pays nantais), leurs bricolages musicaux en solitaire, leur façon de ramener la chanson française dans le périmètre intime de leur chambre à coucher, leur fragilité assumée, leurs chants murmurés. Depuis, tous deux se sont mués en chanteurs conquérants, arpentant des univers en perpétuelle expansion : Katerine a débridé son inspiration en compagnie des jazzmen affranchis des Recyclers, et Dominique A n’a cessé de refondre son style, jusqu’à se transformer en courageux chanteur lyrique dans son dernier album, Tout sera comme avant. Aussi dissemblables dans leurs expressions musicales que proches par leur volonté de tracer la route, ces deux musiciens en mouvement devaient fatalement croiser leurs chemins un jour ou l’autre. C’est chose faite avec ce concert en tandem, où ils exprimeront leur admiration commune pour Léo Ferré (tous deux ont participé à la compilation-hommage Avec Léo). Vu ici comme un exemple à suivre plutôt que comme un modèle à copier, Ferré, onze ans après sa disparition, se pose plus que jamais en chef de meute pour tous les jeunes loups de la chanson française. Commentaires Vendredi 17 décembre - 20h Salle des concerts Pascal Bouaziz, guitare et chant Charlie O., orgue Hammond et piano Pierre-Yves Louis, guitare Sylvain Joasson, batterie Jean-Michel Pirès, batterie Quentin Rollet, saxophone Richard Robert Durée du concert : 1h30 sans entracte 11 Mendelson Ce groupe est en guerre contre la fatalité. La fatalité qui voudrait que la chanson française soit une vieille fille anodine et frileuse, accrochée à ses petites habitudes, satisfaite des carcans mélodiques et poétiques dont elle est prisonnière depuis des lustres. Ou encore la fatalité qui voudrait que le rock français décline encore péniblement ses influences anglo-saxonnes et ne s’aventure jamais qu’à tâtons du côté de l’improvisation, de l’électricité sans gants, de l’expérimentation sans filet. Depuis son premier album, L’Avenir est devant (1997), la formation évolutive créée par Pascal Bouaziz (voix, guitares, textes) et Olivier Féjoz (basse, contrebasse) déniaise l’art de la chanson en lui apprenant la beauté des mélanges, le sens de la durée, le goût du risque. Une chanson éveillée, jouée cœur et yeux ouverts, qui jette un regard pénétrant sur le monde, à travers des textes puisant à la source même du quotidien, écrits à hauteur d’homme et nappés d’une bonne dose d’humour à froid. On n’écoute pas Mendelson pour passer le temps ni pour s’évader du quotidien, mais au contraire pour les ressaisir l’un et l’autre, se les réapproprier pleinement. S’il ne relève pas du divertissement, chaque concert du groupe est bel et bien une fête, comme toute lutte contre le confort et l’ennui, comme tout ce qui envoie valser les certitudes. Commentaires Vendredi 17 décembre - 22h30 Vendredi 17 décembre - 22h30 Amphithéâtre 60’ Samedi 18 décembre - 20h Jean-François Pauvros, chant et guitare entracte Deuxième partie : Les Wampas 90’ Didier Wampas, chant et guitare Philippe Wampas, guitare Jo Dahan, guitare Jean-Michel Lejoux, basse Nico Wampas, batterie Durée du concert (entracte compris) : 2h50 Les Wampas Comment préserver la flamme du punk, plus de vingt-cinq ans après ses premières frasques ? Les Wampas ont la réponse : ils en ont retouché la lettre et rafraîchi l’esprit. Chez eux, la sacro-sainte esthétique « Do it yourself » et ses corollaires – l’énergie dépensée sans compter, le plaisir de mettre le volume à fond et de jouer à toute blinde – s’est enrichie en absorbant des sonorités empruntées autant au rockabilly qu’à la pop ou à la chanson française. Quant à la fureur de dire qui fut la marque de fabrique des premiers punks, Didier Wampas l’a nuancée en l’ouvrant à l’humour 13 Première partie : Jean-François Pauvros et ses invités Jean-François Pauvros Il est de ces pionniers qui, dès 1970, ont ouvert et élargi le front de la free music en France. Libre, Jean-François Pauvros l’était alors déjà, puisqu’il refusa dans la foulée de se transformer en simple petit soldat des musiques improvisées. Sa guitare indisciplinée, qui a côtoyé une foultitude de musiciens hors-la-loi (Arto Lindsay, Evan Parker, Rico Rodriguez…), ne s’est jamais pliée aux lois d’un quelconque genre. Elle n’a cessé de briller et de brûler, comme dans l’incendiaire trio Catalogue, formé avec Jac Berrocal et Gilbert Artman : un trio sans musique fixe où, entre une insurrection rock et une dérive free, Pauvros s’amusa déjà à pousser la chansonnette hors de son pré carré… Plus tard, il y eut encore La Belle Décisive (1997), perle méconnue dans laquelle il troussait d’une voix profonde d’étonnantes ritournelles, dans un registre à la fois intimiste et extrémiste. Pour ce concert, cet insaisissable agitateur pratique une fois de plus l’art du contre-pied : là où d’autres auraient proposé une sélection des plus belles chansons militantes françaises, il a décidé de concocter un florilège des plus belles chansons militaires françaises… Attention : ceux qui pensent que « musique » et « militaire » sont deux mots qui ne vont pas très bien ensemble seront surpris. Tirailleur inégalé, grenadier voltigeur, Pauvros, qui n’a jamais été du genre à jouer les planqués de l’arrière, sait toujours faire parler la poudre, même lorsqu’il manie un matériau a priori aussi peu subversif… Commentaires Samedi 18 décembre - 20h Salle des concerts Gnawa Diffusion 15 Amazigh Kateb, chant Philippe Bonnet, batterie Pierre Bonnet, basse Pierre Feugier, guitare Salah Meguiba, claviers Abdelaziz Maysour, chant et gumbri Mohamed Abdennour, banjo et mandole Amar Chaoui, percussions Programme Richard Robert Dimanche 19 décembre - 16h30 Salle des concerts Dimanche 19 décembre - 16h30 14 La chanson contestataire comme à la petite musique des sentiments, des souvenirs, du quotidien. Cet homme n’est pas par hasard le leader, chanteur et parolier emblématique de cette formation : son refus naturel de se laisser distraire par un quelconque plan de carrière (il est, aujourd’hui encore, employé à la RATP) ou griser par le succès (voir, l’an passé, le carton remporté par le single Manu Chao), illustre parfaitement l’état d’esprit d’une bande de copains qui a su conserver la sensibilité des amateurs, l’exigence des artisans et la passion quasi enfantine des musiciens en herbe qui, dans leur garage, refont le monde avec quatre accords. Réputés pour leurs prestations scéniques, les Wampas n’ont jamais dérogé à la règle qu’ils se sont imposée à leurs débuts : tout donner, ne rien calculer. De la mouvance « rock alternatif » dont ils furent les électrons libres au milieu des années 80, il n’est donc pas étonnant qu’ils soient aujourd’hui les seuls à ne pas s’être épuisés, affadis ou compromis. Durée du concert : 1h30 sans entracte 16 La chanson contestataire Est-ce parce qu’il est né en 1992 à Grenoble, une cité cernée par les murailles alpines, que l’art de Gnawa Diffusion s’est fixé pour but d’étendre au maximum son horizon, de raboter les barrières censées séparer les cultures, les peuples, les langues ? Contester l’ordre des choses, aujourd’hui, c’est peut-être cela : résister à la fragmentation de tout, rétablir le courant, faire circuler les énergies, dégager des chemins que les mauvaises herbes de l’ignorance et des préjugés ont peu à peu obstrués. Dans la tête d’Amazigh Kateb, le porte-parole du groupe, une cloison s’est ainsi effondrée lorsque, à l’âge de 9 ans, il découvrit lors d’un séjour dans le sud de l’Algérie les connexions – secrètes, mais bien réelles – qui reliaient son pays et l’Afrique noire, subsaharienne. Sa fascination pour le peuple Gnawa, originaire du Soudan et déporté jadis vers l’Afrique du Nord par des seigneurs de Fès et d’Alger, a nourri une vision musicale délibérément ouverte, qui intègre dans son champ reggae, rap, chaâbi, ragga, rock, jazz, électro… La musique de Gnawa Diffusion réactualise le melting-pot explosif pratiqué autrefois par The Clash : c’est un désordre organisé, un Souk Système (titre du dernier album du groupe) qui est le meilleur support possible à des textes combatifs, toujours sur le fil entre ironie et colère, traitant aussi bien de la situation des immigrés que du marigot politique algérien ou de la tragédie du Moyen-Orient. Pas décidés à être « la pointe de piment qui va relever la fadeur ambiante », les musiciens de Gnawa Diffusion préfèrent de loin l’activisme politique à la cuisine exotique : la ferveur contagieuse avec laquelle ils actionnent sur scène leur métier à métisser en est la meilleure preuve. Richard Robert