Le tunnel des Grands Goulets
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Le tunnel des Grands Goulets
CHANTIERS Le tunnel des Grands Goulets Pierre Hingant - Directeur de Projet, Scetauroute Direction Tunnels et Travaux Souterrains Lucy Rew - Responsable Travaux, Scetauroute Direction Tunnels et Travaux Souterrains Rachid Kabbaj - Directeur de Projet, Bouygues Travaux Publics Il existe plusieurs possibilités d’accéder au plateau du Vercors depuis la vallée de l’Isère. La RD 2 appelée, "route de l’Arps", permet d'atteindre le Vercors par le col de Carri, mais c'est un itinéraire long, sinueux et avec de fortes pentes, donc assez peu emprunté par les usagers, sauf les PL ne pouvant pas passer par la RD 518, limitée à 19 tonnes. Il est possible d’accéder de Grenoble par Villard-de-Lans en prenant la RD 103A. L'axe le plus direct et le plus emprunté pour accéder au plateau du Vercors depuis la vallée de l'Isère est la route des Grands Goulets, la RD 518, qui relie Pont en Royans à la Chapelle en Vercors et qui se poursuit jusqu'à Die par le Col du Rousset. Figure 1 - Plan de localisation Résumé : Ce tunnel fait partie du projet d’aménagement de la RD 518 entre Ste Eulalie en Royans et les Baraques-en-Vercors. Le tunnel permettra de sécuriser l’itinéraire de la route des Grands Goulets à l’approche des Baraques-en-Vercors. Le creusement du tunnel est construit dans un environnement particulièrement sensible. Ce chantier était l’occasion de mettre en œuvre des procédés innovants : utilisation d’explosif pompable, concept du coffrage outil, utilisation du béton projeté renforcé de macro-fibres synthétique. Abstract : The Grands Goulets road tunnel This tunnel is part of the improvement scheme of the RD 518 between Ste Eulalie en Royans and the Baraques-enVercors. The tunnel will improve the safety of the Grands Goulets road as it approaches the Baraques-en-Vercors. The excavation of the tunnel is taking place in a particularly sensitive environnment. This project has been an opportunity to use innovating techniques : the use of emulsion explosive with Nonel, the design of tunnel lining formwork, and the use of shotcrete reinforced with synthetic macro-fibres. L a réalisation de cette route remonte à 1843 où il était déjà indispensable de désenclaver le plateau central en forçant les portes des Goulets. La construction dura dix ans et en 1854 les premières voitures purent circuler (source : "Le guide du Vercors" de M. Dupont). La route surplombe la Vernaison d’une centaine de mètres au départ des Petits Goulets (cinq tunnels taillés dans la falaise). Environ dix kilomètres plus loin, se situe le défilé des Grands Goulets, route très étroite longée de plusieurs belvédères et qui débouche sur le plateau au lieudit des Baraques-en-Vercors. Le défilé des Grands Goulets est exposé aux chutes de blocs, d’où l’idée du Conseil Général de la Drôme de sécuriser l’itinéraire en faisant construire un tunnel, court-circuitant ce passage difficile. Le Maître d’Ouvrage est le Conseil Général de la Drôme. La Maîtrise d’Œuvre complète du projet, comprenant la conception et la direction de l’exécution des travaux, a été confiée à la Direction des Tunnels et Travaux Souterrains de Scetauroute. Le projet d’aménagement de la RD 518 entre Ste Eulalie et les Baraques-en-Vercors comprend également l’aménagement des Petits Goulets. Description des ouvrages Le tunnel comprend un seul tube qui sera exploité en bidirectionnel et présente une largeur roulable de 7m et une hauteur libre minimale de 4,30 m, une longueur de 1683 m, dont 33 m de casquette à l’aval, avec une pente unique de 4,71% vers Sainte-Eulalie-en-Royans. (figure 2) La largeur entre piédroits se décompose de gauche à droite (sens Sainte-Eulalie-enRoyans vers les Baraques) comme suit : • Un trottoir de 0,87 m ; • Une chaussée de 7 m à deux voies (chacune de 3 m + bande dérasée de 0,50 m) ; • Un trottoir de 0,85 m. La hauteur libre minimale est de 4,30 m sur 7 m de largeur. Le dévers est constant et égal à 2.5 % vers la droite (sens Ste Eulalie-en-Royans vers TUNNELS ET OUVRAGES SOUTERRAINS - N° 200 - MARS/AVRIL 2007 65 CHANTIERS Le tunnel des Grands Goulets s’appuyer une dalle biaise accompagnée de poutres "pare-soleil". Les poutres pare-soleil sont encastrées sur la dalle d’un côté et reposent sur le mur latéral de l’autre côté. Local technique Un local technique réalisé en béton armé est situé dans la continuité de la paroi clouée Est. Il est enterré dans le talus, ne laissant apparaître que sa face principale. Des murs de soutènement latéraux maintiennent les terres au bas du talus. Réservoir incendie Afin d’alimenter le réseau incendie du tunnel, il sera réalisé : • Un réservoir incendie de capacité 120 m3. Celui ci est situé approximativement à 60 m en contre haut de la tête amont. • Une conduite en fonte Ø200 de 350 m de long reliant le réservoir à l’entrée du tunnel. Figure 2 – Coupe type du tunnel en section courante Les Baraques), compatible avec la vitesse de 70 km/h et le rayon minimal en plan de 500 m. Le tunnel comportera un revêtement en béton C25/30 coulé en place dont l’épaisseur théorique est de 30 à 45 cm selon le profil. Afin de permettre des conditions d’utilisation correcte du tunnel et des équipements, quelles que soient les conditions climatiques (et éviter notamment la formation de glace en paroi ou sur la chaussée l’hiver), il est mis en place un complexe d’étanchéité comprenant une feuille PVC associée à une protection mécanique. Les eaux sont captées en arrière et à la base du piédroit par des drains longitudinaux associés à des matériaux drainants. Un drainage sous chaussée des eaux venant du massif sera assuré par des drains Ø 100 longitudinaux. Ouvrages des têtes La conception architecturale a été confiée par le Maître d’ouvrage au groupement Jacques Dolveck, paysagiste et Christophe Céron, Charles Lavigne, architectes. Tête amont L’ouvrage de tête amont comprend une tranchée de 30 m de long environ encadrée par deux parois verticales à parement architectonique sur lesquelles vient Les travaux du marché génie civil comprennent également la réalisation de la chaussée et la peinture des piédroits sur une hauteur de 4.30m au-dessus des trottoirs. Figure 3 La tête amont avant habillage des murs 66 TUNNELS ET OUVRAGES SOUTERRAINS - N° 200 - MARS/AVRIL 2007 Assainissement – bassin de traitement Un assainissement global de la tête et du giratoire de raccordement est réalisé et se décompose de la manière suivante : • Fossé en crête de talus récupérant les eaux de ruissellement ; • Captages des différentes sources ; • Récupération des eaux de chaussées. Les eaux seront traitées avant rejet dans le canal situé de l’autre côté de la RD 103A par un bassin débourbeur accompagné d’une lame de déshuilage. CHANTIERS Le tunnel des Grands Goulets Ouvrages tête aval Ouvrage voûté tête aval La tête aval du tunnel des Grands Goulets se présente comme une voûte qui émerge du flanc de la montagne. Cette voûte est tronquée à son extrémité aval parallèlement à la falaise. Figure 5 Coupe type galerie de secours Elle est dotée d’un dispositif d’ailettes composé de lames de béton rayonnantes débordant de la casquette. Elles s’arrêtent vers l’amont du tunnel, contre un mur en béton biais. Sur le flanc droit de l’ouvrage voûté, un mur cyclopéen assure le maintien des remblais et permet le raccordement sur le talus. (Voir fig. 4). Bassin de rétention et de traitement Le bassin de rétention et de traitement d’une capacité de 160 m3 a été réalisé en béton armé sous la chaussée existante de la RD 518. Il comprend un bassin de décantation associé à un bassin de déshuilage. Principaux aménagements de sécurité L’application de la circulaire 2000-63 au tunnel des Grands Goulets a conduit aux aménagements de sécurité suivants : Aménagements de génie civil : • Trottoirs à droite de chaque sens de circulation ; • 6 galeries de liaison avec la RD 518 avec une inter distance de l’ordre de 240 mètres ; • Une aire de garage (surlargeur de 3 mètres) est aménagée sur 55 mètres dans le sens montant (Sainte-Eulalie-en-Royans —> la Chapelle-en-Vercors) au milieu du tunnel ; • Face au garage, se situe une aire de retournement creusée perpendiculairement à la chaussée ; • 8 niches de sécurité sur chaque piédroit du tunnel avec un espacement de 200 m environ ; elles sont équipées d’extincteurs et d’un poste d’appel d’urgence ; • Une conduite d’incendie sous pression en trottoir Ouest alimentant les 6 galeries de sécurité en tunnel et les bornes implantées à chaque tête. Equipements de sécurité : • Double alimentation de l’ouvrage en 20 000 kV bouclée ; • Ventilation longitudinale assurée par des accélérateurs ancrés en voûte réversibles (5 ventilateurs pour le tunnel) ; • Balisage lumineux implanté sur les piédroits ; • Système de détection incendie ; • Feux de barrage rouge clignotant associés à des barrières mécanisées type « SNCF » commandées par les alarmes de l’ouvrage ; • Réseau de retransmission radio. De plus le tunnel disposera des équipements suivants : • Eclairage sur toute la longueur, renforcé sur les entrées et en sortie, et partiellement secouru par des ensembles de batteries et des onduleurs d’une autonomie de 30 minutes. Géologie Le projet du tunnel recoupe le flanc Ouest du synclinal de “Rencurel / La Balme-enVercors”, d’axe orienté Nord-Sud. Les formations rencontrées font partie d’une puissante série sédimentaire, datée du Crétacé, en disposition monoclinale (flanc occidental du synclinal). Dans le détail, ces terrains apparaissent localement plissotés et surtout affectés par plusieurs failles subverticales d’orientation méridienne en général. Figure 4 - Photo montage tête aval TUNNELS ET OUVRAGES SOUTERRAINS - N° 200 - MARS/AVRIL 2007 67 CHANTIERS Le tunnel des Grands Goulets Les terrains concernés par le projet du tunnel sont de lithologies très variables, et appartiennent au Crétacé inférieur et supérieur. ment préservé, le Parc Naturel Régional du Vercors : Site inscrit « le pavillon et les Baraques-en-Vercors », ZNIEFF de type I « cours moyen de la Vernaison », Espace Naturel Sensible du département de la Drôme « les goulets », site d’intérêt communautaire retenu dans le réseau Natura 2000 « Sources et habitats rocheux de la Vernaison et des Goulets ». (Voir fig. 7). Des niveaux les plus récents (tête Est / amont) aux plus anciens (tête Ouest / aval), la succession stratigraphique des différents terrains est la suivante : • Albien, constitué par des sables fins homogènes, mal stratifiés, plus ou moins indurés, glauconieux ; • Aptien supérieur, représenté par des calcaires grossiers, gris jaune à vert, glauconieux, en bancs décimétriques, à fossiles (“Lumachelles”) ; • Bédoulien supérieur, il s’agit de marnes sableuses grises à noires, d’aspect schistosé, en bancs centimétriques, et riches en fossiles d’Orbitolines ; • Urgonien supérieur, il s’agit de calcaires blancs massifs, coralliens ; • Barrêmien : cet étage a deux formations lithologiques : - une formation supérieure, caractérisée par des calcaires compacts d’aspect marneux ; - une formation inférieure, caractérisée par des calcaires plus francs, en bancs plus épais. Tête aval Le site de la tête Aval se caractérise par un placage d’éboulis au pied d’une haute falaise de calcaires du Barrêmien. La falaise présentait des risques significatifs de chutes de blocs : des travaux de mise en protection de la RD 518 ont été réalisés par le Maître d’Ouvrage avant le démarrage des travaux de creusement. Figure 6 - Excavation de la tête amont Travaux préparatoires Les travaux de terrassement et accès de la tête Amont ont été réalisés par le groupement Berthouly – MTS préalablement au marché de génie civil pour des raisons de planning et de contraintes liées au démarrage de l’attaque amont. Le marché de la tête amont comprenait la réalisation de: • La déviation de la RD 103A permettant de dégager une plate-forme de travail ; • Les terrassements de la tranchée d’accès au tympan, ainsi que la réalisation du tympan ; • Des terrassements pour l’insertion du local technique ; • Le réseau d’assainissement de la plateforme ainsi réalisée. Ces travaux ont été réalisés d’octobre 2004 à septembre 2005. Les contraintes d’exécution liées à l’environnement L’élaboration de la notice environnement a été confiée par le Maître d’ouvrage à Soberco Environnement. Le site des Grands Goulets se trouve dans un cadre environnemental particulière- La flore protégée inclut l’orchis odorant, la doradille élégante, le lichen pulmonaire et le cratoneurion ou tuffière. La faune protégée inclut l’aigle royal, la circaète Jean-leBlanc, le grand duc, le faucon pélérin et la rosalie des Alpes. La tête amont se trouve à proximité des habitations des Baraques-en-Vercors, interdisant les travaux de nuit. Les contraintes d’exécution liées à la Programmation générale des travaux La durée globale du marché est de 32 mois, y compris la période de préparation. Le programme général des travaux était basé sur une attaque principale avale montante. Néanmoins, en raison des techniques différentes utilisées pour le creusement de l’Albien, et pour réduire le délai, une attaque amont descendante mécanisée était autorisée sur les 150 premiers mètres. Le marché incluait une période de préparation de deux mois, à l’issue de laquelle les travaux de terrassement et soutènement de la tête aval pouvaient être engagés. La RD 518 a été fermée à la circulation publique le 5 septembre 2005, deux mois après le démarrage des travaux de terras- Limite des vibrations acceptables Des restrictions à l’usage de l’explosif ont été imposées pour limiter les ébranlements qui peuvent affecter la stabilité de la falaise. En phase études, des tirs d’essais ont été réalisés. Quatre sondages carottés subhorizontaux de 50 à 80 m de profondeur ont été réalisés, à l’emplacement des futurs galeries de secours. Trois tirs ont été réalisés par sondage. L’instrumentation a consisté en la pose de 17 géophones 3D. L’analyse des enregistrements de ces tirs a permis d’optimiser l’utilisation de l’explosif, et de définir pour chaque zone les vitesses particulères maximales à ne pas dépasser. Le marché imposait donc l’enregistrement systématique de tous les tirs. Figure 7 - Le magnifique environnement du site 68 TUNNELS ET OUVRAGES SOUTERRAINS - N° 200 - MARS/AVRIL 2007 CHANTIERS Le tunnel des Grands Goulets sement de la tête aval. Elle sera réouverte le 1 juillet 2007. A cette date les travaux de creusement et tous les travaux de réaménagement de la zone de la tête aval seront réalisés. Les travaux d’équipements seront réalisés après l’achèvement complet des travaux de génie civil, prévu fin 2007. Il est prévu de mettre le tunnel en service au début de l’été 2008. Figure 8 Foration pour ancrages à la tête aval Travaux de génie civil Après appel d’offres, le marché de travaux de Génie Civil du tunnel des Grands Goulets a été confié à l’entreprise Bouygues Travaux Publics. Le montant des travaux est de 28,9 M E HT et le délai d’exécution de 32 mois. Bouygues TP a sous-traité les travaux de terrassement de la tête aval à un groupement d’entreprises comprenant DTP Terrassement (agence de Vienne - 38) et Cheval Frères TP (26). Les études d’exécution ont été confiées à ARCADIS. Le marché a été notifié le 3 mai 2005 qui est la date de départ du délai contractuel et de la période de préparation de 2 mois. Comme prévu par le marché, deux attaques ont été mises en place : • Une attaque principale montante depuis la tête aval à l’explosif sur 1500 m dans du calcaire ; • Une attaque secondaire descendante depuis la tête amont avec une machine à attaque ponctuelle d’une puissance de 200 KW à la tête dans des sables grésifiés très sensibles à l’eau, sur 150 m. Installations de chantier tête aval Les installations de chantier et les travaux de terrassement et de soutènement de la tête aval ont débuté le 5 juillet 2005. Bouygues Travaux Publics en concertation avec le maître d’œuvre Scetauroute DTTS et les services de la subdivision de la DDE de St Jean en Royans ont réussi à maintenir un accès de 5 m de large suffisant pour éviter la mise en place sur la RD 518 de l’alternat envisagé dès l’origine des travaux. La première phase des travaux a consisté en la réalisation par le groupement DTP Terrassements et Cheval TP, d’un remblai provisoire de 20 mètres de hauteur à partir duquel le confortement et les terrassements de la tête aval ont pu être menés à bien. Après l’enlèvement des éboulis, le pied de la falaise a été miné par passes descendantes de 4 mètres de hauteur jusqu’au niveau du radier du tunnel. La falaise a été renforcée avec des boulons injectés au coulis de 5 à 14 m de long avant d’être habillée d’un grillage. A partir du 5 septembre 2005, la route des Grands Goulets a été fermée au public comme prévu. Les travaux d’installation en tête aval ont pu être réalisés par Bouygues TP pendant que le groupement DTP – Cheval TP poursuivait l’exécution des travaux préparatoires de la tête aval. Compte tenu de la forte sensibilité environnementale des lieux, les dispositions suivantes ont été retenues par l’entreprise : • Les bureaux ont été installés à l’hôtel du Refuge ; • Les bétons sont fournis par les centrales du réseau de Béton Rhône Alpes ; • Le choix de l’explosif pompable a permis d’éviter la réalisation d’une zone de stockage dédiée à cet effet et limite le transport de matière explosive sur la voie publique aux détonateurs et cordeaux détonants. Par ailleurs, une station de traitement des eaux, dimensionnée pour traiter 40 m3/h, a été installée à l’entrée aval. Cette installation comprend deux bacs de décantation intégrant chacun un séparateur d’hydrocarbure complétés par une centrale de floculation et de correction du pH. Pour faire face à une éventuelle venue d’eau dont le débit serait largement supérieur aux capacités de traitement installées, l’entreprise a proposé de réaliser dés la fermeture de la RD 518 le bassin définitif de rétention d’un volume de 160 m3. L’eau alimentant le chantier est puisée dans la Vernaison à l’entrée des Grands Goulets côté Baraques-en-Vercors et transite par la RD 518 dans un flexible calorifugé long de 2 kilomètres jusqu’à la tête aval d’où elle est renvoyée dans le tunnel. Le débit de pompage installé est de l’ordre de 8 m3/h. Installations de chantier tête amont Ce chantier secondaire a été installé à partir du 5 septembre 2005 à l’entrée des Baraques-en-Vercors sur la RD 103 reliant Villard de Lans à la Chapelle en Vercors, au nord de la déviation. Les eaux du chantier transitent par un bac de rétention avant d’être rejetées dans un bassin équipé d’un déshuileur pour rejoindre finalement le milieu naturel. Les bureaux et vestiaires sont installés dans une maison toute proche de l’emprise du chantier pour réduire, comme à l’aval, l’impact des installations de chantier sur l’environnement. L’alimentation électrique n’étant pas disponible à l’amont, un câble 20.000 volts a été tiré depuis l’aval sur plus de deux kilomètres via les Grands Goulets, ceci pour éviter l’installation de puissants groupes électrogènes, sources potentielles de nuisances. Creusement – soutènement amont Dans les sables grésifiés, l’excavation a été réalisée en descendant en demi-section supérieure jusqu’au contact rocheux, sur 150 m de long. Fin septembre 2005, les premiers mètres de voûte ont été excavés à l’abri d’une voûte parapluie en tubes pétroliers de 150 mm de diamètre. L’espacement des cintres à oreille est de un mètre sur une quinzaine de mètres. Il a été porté ensuite à 1,5 mètres. L’espace TUNNELS ET OUVRAGES SOUTERRAINS - N° 200 - MARS/AVRIL 2007 69 CHANTIERS Le tunnel des Grands Goulets Creusement soutènement aval L’entrée tête aval La particularité et la difficulté de réalisation de la tête aval du tunnel des Grands Goulets tiennent au fait qu’elle vient s’inscrire de biais dans la falaise en un endroit recouvert par les éboulis. Figure 9 - La machine à attaque ponctuelle entre cintres a été rempli à l’avancement de béton projeté non fibré. Un radier provisoire de 10 cm d’épaisseur a été bétonné à l’avancement pour bloquer les pieds de cintres à oreilles et protéger la couche d’Albien du ruissellement de l’eau et du charroi de chantier. Le rythme d’excavation atteint a été de 8 cintres par semaine, 5 jours sur 7, 2 postes par jour. Le contact avec le rocher se faisant de biais, les cinquante derniers mètres ont été excavés en combinant la machine à attaque ponctuelle qui creuse la partie haute et droite de la voûte, et l’explosif pour la partie basse et gauche. L’avancement a été stoppé lorsque 90 % du front se situait dans le rocher. 70 Les travaux réalisés par DTP Terrassement et Cheval TP ont mis au jour la morphologie réelle du rocher sous les éboulis de part et d’autre du PM 0. Entre novembre 2005 et fin février 2006, un faux tunnel de 14 m de long a été réalisé pour mettre à l’abri d’une éventuelle chute de blocs l’entrée en galerie, et six nappes de boulons de 14 mètres ont été installés dans la falaise au-dessus de l’entrée en galerie où l’épaisseur insuffisante de rocher va se traduire par l’ouverture d’une « fenêtre ». Le creusement proprement dit du tunnel en pleine section ne débute finalement que le 17 février 2006 à partir du PM 26, une fois réunies toutes les conditions d’épaisseur et de stabilité du rocher autour du profil excavé. Le stross a été excavé en descendant sur 90 mètres environ à la machine à attaque ponctuelle, les cintres étant repris en sous œuvre. Comme en demi-section supérieure, un radier provisoire a été bétonné à l’avancement sur 10 cm d’épaisseur sur un terrain extrêmement sensible à l’eau pour le protéger du charroi des engins de marinage. Huit plots de contre-voûte de 12,5 mètres de longueur élémentaire ont été ensuite réalisés en remontant vers la tête. Les travaux de contre-voûte ont été terminés en avril 2006. Le génie civil de la tête amont pouvait alors commencer. La principale difficulté rencontrée par les équipes travaux lors de l’entrée en galerie tenait à la topographie du substratum rocheux effectivement rencontré au droit du PM 0. La position du rocher a nécessité des adaptations du projet initial. Des murs en L préfabriqués ont été installés sur 14 m de long devant le PM 0. Ces murs permettaient, tout en réalisant le ferraillage de la longrine d’appui de la voûte du faux tunnel, la pose simultanée des cintres en HEB 180 du faux tunnel sous la zone en surplomb préalablement purgée et grillagée. Les cintres du faux tunnel ont été blindés en intrados à l’aide de tôles métalliques qui les intégrait, ce qui a permis de réaliser une voûte en béton armé coffré avec du bois en extrados. Figure 10 - Phasage en tête amont Figure 11 - Le début du faux tunnel TUNNELS ET OUVRAGES SOUTERRAINS - N° 200 - MARS/AVRIL 2007 Au-delà du PM 0, compte tenu de la faible épaisseur de rocher, l’excavation a été réalisée en sections divisées. Au droit du rein ouest de la section, le rocher dont l’épaisseur varie entre le PM 0 et le PM 25 de un à cinq mètres, a été préalablement boulonné par l’extérieur avec des ancrages HA scellés au mortier. Le phasage retenu a consisté à excaver une galerie bouchon la plus éloignée de la falaise suivie par une excavation de la pleine section par abattage de travées de 1 m de long, ce qui a permis d’éviter la mise en place des oreilles de cintre. Malgré les précautions prises sur le site, la faible épaisseur de rocher s’est traduit par l’ouverture d’une « fenêtre » en voûte sur environ 13 ml. Cette « fenêtre » a été cintrée à l’avancement à l’aide de HEB 180 sans oreilles tous les mètres. Les piédroits ont été fortement soutenus avec des boulons HA 25 scellés au mortier, cette fois-ci depuis le tunnel. Au droit de l’ouverture, une voûte en béton armé a été réalisée audessus des cintres HEB 180, blindés en intrados, mis en place à l’excavation. Cf. Figure n° 12, le faux tunnel est à gauche et la « fenêtre » à droite. Une fois cette fenêtre bétonnée, les travaux d’excavation ont repris avec beaucoup de précaution, galerie bouchon déportée par rapport à la falaise et pose de cintres HEB 180 à l’avancement tous les mètres jusqu’au PM 26, PM où la section excavée s’est inscrite pleinement et en sécurité dans le massif avec une couronne de rocher enfin égale à 5 m en tous points. Le creusement du tunnel par la tête aval Le marché imposant un jumbo robotisé, c’est un Robofore 3 bras qui a été retenu par Bouygues TP, pour assurer la foration d’abattage à l’explosif des calcaires. Bouygues TP a décidé pour des raisons de sécurité et de sûreté d’utiliser de manière Figure 12 - Le faux tunnel et la “fenêtre”en tête aval CHANTIERS Le tunnel des Grands Goulets industrielle sur ce chantier l’émulsion mise au point par NITRO CHIMIE (voir article suivant « Utilisation du système MORSE dans le tunnel des Grands Goulets »). Le soutènement appliqué est à base de béton projeté renforcé de fibres métalliques (30 kg/m3) et d’ancrages à friction, et si nécessaire des cintres HEB 180 d’ancrages HA scellés au mortier. Figure 15 Chargement de la volée Le Robofore a été équipé de tiges de forage de 5,50 m de long, qui lui permettent de forer des volées pouvant aller jusqu’à 4,90 m selon la qualité du rocher. Figure 16 Le marinage en tunnel : chargeuse avec godet à déversement latéral Figure 13 - Robofore 3 bras à front La cadence d’excavation après quelques semaines de travaux a atteint les 40 mètres par semaine dans le bon rocher mais dans les calcaires argileux du Barrêmien supérieur la mauvaise qualité des terrains rocheux a imposé une réduction de la longueur des volées et la mise en place de cintres à l’avancement. C’est dans l’Urgonien que le meilleur avancement de 46,5 mètres par semaine a été obtenu avec une moyenne de 40 m/semaine pendant 12 semaines. Béton projeté renforcé par macro-fibres synthétiques Scetauroute DTTS et Bouygues TP, en concertation avec Chryso, ont engagé des essais visant à déterminer le poids nécessaire de macro-fibres synthétiques par mètre cube pour obtenir des performances en poiçonnement-flexion et en résistance à l’écrasement équivalentes à celles obtenus avec les fibres métalliques. Les 30 kg de fibres métalliques DRAMIX pour 1 m3 de béton projeté ont été rem- Figure 14 Matériel de terrassement et marinage devant l’entrée aval placés par 7 kg de macro-fibres synthétiques Chryso. La couche de 3 cm de béton projeté non fibré destinée à éviter la perforation de l’étanchéité a pu être supprimée, et l’épaisseur de béton projeté fibré optimisée. Le contrôle sismique de la falaise Le marché imposait à l’entreprise une restriction à l’usage des explosifs et l’obligation de respecter les vitesses particulères maximales issues des tirs d’essais. L’entreprise à développé des plans de tir avec YSO Consultants, qui assurait par ailleurs l’enregistrement systématique des vibrations. Le tir séquentiel était une nécessité imposée par le marché. L’entreprise a développé un plan de tir séquentiel Nonel pour des facilités de mise en oeuvre avec l’émulsion. Cette approche Nonel déjà employée par Bouygues TP sur les chantiers de tunnel à Ferden (Suisse) et à Hong Kong a été ici reconduite avec succès. Revêtement Le revêtement en béton coffré du tunnel est constitué d’un béton non armé C25/30, comprenant 280 kg de ciment et 50 kg de cendres volantes par mètre cube. TUNNELS ET OUVRAGES SOUTERRAINS - N° 200 - MARS/AVRIL 2007 71 CHANTIERS Le tunnel des Grands Goulets Le décintrement est autorisé 12 heures après la fin du bétonnage et après obtention d’une résistance à l’écrasement d’au moins 8 MPa. Son épaisseur minimale est de 30 cm. Cette épaisseur est de 45 cm dans les zones cintrées. Le revêtement peut être associé dans certaines zones à un radier contre-voûté. Au total, les bétons de revêtement représentent un volume de l’ordre de 20.000 m3. Les galeries de secours creusées à l’avancement du tunnel ont permis de lancer les opérations de revêtement sans attendre la fin du creusement du tunnel, car une fois réalisées elles sont utilisées pour assurer la ventilation du tunnel (prise d’air frais et rejet des fumées de tir) et le transit des fluides. Le revêtement est réalisé dans le sens montant du tunnel. Dès août 2006, le montage du coffrage outil devant l’entrée aval a été engagé. Après 3 plots test en tunnel il a été employé pour réaliser dans un premier temps l’ouvrage architectural prévu sur la tête aval. Figure 17 - Galerie de secours n° 1 et la section courante Etanchéité Crédit photographique : Eric MINODIER Le bétonnage du revêtement est précédé par le passage d’un portique de contrôle du gabarit lui-même précédé par un relevé au scanner qui permet d’anticiper les opérations de reprofilage avant la mise en place de l’étanchéité par GCC. 72 niveau sonore au poste de travail par rapport aux vibreurs à air comprimé habituellement utilisés. Un distributeur de béton facilite le bétonnage. Quand aux habituels effondreurs mécaniques, ils ont été remplacés par des vérins hydrauliques. L’ensemble est télécommandé. Figure 18 - Etanchéité posée par GCC • Une feuille de PVC 20/10 translucide thermocollée sur les rondelles PVC, les lés de PVC faisant l’objet d’une double soudure mécanisée, permettant le contrôle externe systématique des soudures ; • Une feuille de PVC de protection mécanique aval (noir) 19/10, posée au droit des masques et en base de piédroit. Coffrage outil de tunnel Le coffrage tunnel conçu par Ducrocq Industries en collaboration avec Bouygues TP est un coffrage autoblocant à portique intégré, un effort précontraint étant appliqué par les butons obliques dans l’ossature du coffrage. Il pèse 160 tonnes et est long de 12,5 m. Le transport de l’outil et son montage sur site ont été facilités grâce aux huit éléments de peau longitudinaux de 12,5 m de long. Les travaux de bétonnage étant prévus pour partie avant la fin du creusement, un gabarit de passage suffisant pour permettre le passage de tous les engins nécessaires à l’excavation a été aménagé. La réalisation du revêtement est faite dans le sens montant et le chantier a opté pour une technique innovante de déplacement du coffrage : l’outil avance comme un pont poussé à l’aide de pieds marchants, ce qui évite l’utilisation de rails et les risques de glissement. La vitesse de progression de l’outil est de 12,5 mètres en 30 minutes. La vibration électrique permet de réduire fortement le Le béton projeté fibré a été préalablement recouvert d’une épaisseur de 3 cm de béton projeté non fibré. Le complexe d’étanchéité mis en place comprend : • Feuilles drainantes en polyéthylène (Delta MS), posées en cerce en présence d’eau, et en lisse en base de piédroit ; • Un géotextile 600 ou 1000 g/m2, cloué sur le béton projeté par spit et rondelle PVC (orange) ; TUNNELS ET OUVRAGES SOUTERRAINS - N° 200 - MARS/AVRIL 2007 Fin 2006, les 3 plots de la casquette aval ainsi que les 100 premiers mètres (8 plots) en tunnel étaient réalisés. Conclusion Le tunnel des Grands Goulets va permettre de sécuriser l’itinéraire de la RD 518 à l’approche des Baraques-en-Vercors. Ce chantier a permis à Bouygues TP et Scetauroute DTTS de mettre en œuvre des procédés innovants, que ce soit dans le domaine de l’explosif pompable associé au Nonel, une première expérience industrielle en France métropolitaine, dans la conception d’outils coffrants, ou dans le domaine des nouveaux matériaux – macro-fibres synthétiques pour le béton projeté. La réalisation de l’ouvrage a été conduite dans un environnement particulièrement sensible, mais également dans le respect des règles de sécurité et de gestion de la qualité. En ce début d’année 2007, après 20 mois de chantier, le tunnel des Grands Goulets est loin d’être terminé. Il reste encore en section courante 240 m à creuser ainsi que 3 galeries de secours totalisant 500 m environ. Plus de 100 mètres de la voûte du tunnel ont été bétonnés avec un coffrage «marchant». Derrière cet atelier devront enchaîner la pose des VRD, la réalisation de la chaussée et enfin la peinture des piédroits pour une remise de l’ouvrage prévue en fin d’année 2007. Figure 19 Coffrage outil de tunnel devant l’entrée aval