L`évaluation du risque des fonds de
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L`évaluation du risque des fonds de
L’évaluation du risque des fonds de fonds GREG N. GREGORIOU LA MÉTHODE DE LA MOYENNE-VARIANCE de Markowitz 1 utilisée pour régler le problème du choix d’un portefeuille de valeurs a souvent été la cible de critiques exagérées, car elle se sert de la variance pour mesurer l’exposition au risque lors de l’analyse de fonds spéculatifs. Les firmes de placement et les grandes banques ont récemment adopté la valeur à risque (VAR) comme mesure courante pour le risque financier. Étant donné la récurrence des marchés baissiers depuis que le fonds spéculatif Long-Term Capital Management (LTCM) a volé en éclats en 1998, la VAR est un outil qui joue un rôle primordial dans la gestion du risque et est considérée comme une technique courante lorsqu’il s’agit d’évaluer et de communiquer dans quelle mesure un fonds spéculatif est exposé au risque du marché. Toutefois, lorsqu’une VAR normale est utilisée, elle n’analyse que l’extrémité négative de la distribution des événements. Cela va de soi pour les fonds communs de placement, mais, quand il s’agit de fonds spéculatifs, des problèmes se posent en raison de l’anormalité des rendements2. Dans le présent article, nous classons 25 fonds de fonds en fonction du ratio de Sharpe modifié et de la VAR modifiée. Si le ratio de Sharpe traditionnel est utilisé pour classer les fonds de fonds, plus la distribution s’éloignera de la normale, plus le risque lié à l’extrémité de la distribution s’en trouvera sous-évaluée. La VAR modifiée prend en considération la moyenne, l’écart type, l’asymétrie et l’aplatissement, et ce, en raison de l’anormalité des rendements. L’impact de l’asymétrie et de l’aplatissement serait plus important si la VAR était calculée à 99 %. En d’autres termes, si le risque d’un portefeuille de placements traditionnels composé de 50 % d’actions et de 50 % d’obligations est calculé en n’utilisant que l’écart type, il pourrait être sous-évalué de plus de 35 %3. Analyse documentaire Il existe de nombreuses techniques pour mesurer la VAR modifiée ou conditionnelle et le ratio de Sharpe modifié, mais nous nous servons de la technique élaborée par Favre De nombreuses caisses de retraite utilisent aujourd’hui le ratio de Sharpe traditionnel pour analyser le rendement corrigé du risque des fonds de fonds.Cette façon de faire peut cependant poser des problèmes compte tenu des rendements anormaux de cette catégorie d’actifs de substitution,entre autres il surestime le véritable rendement du risque des fonds de fonds.Le ratio de Sharpe modifié constitue une solution à ce problème. et Galeano2 afin d’évaluer correctement les fonds spéculatifs. Ces auteurs ont pu démontrer que la VAR modifiée améliore l’exactitude de la VAR traditionnelle. La différence entre la VAR modifiée et la VAR traditionnelle (la moyenne et l’écart type) est qu’il est possible de réduire d’au moins 15 % 3 la probabilité de rendements négatifs importants. On peut user d’autres méthodes pour mesurer la VAR, comme la méthode delta-normale 4. Mais celle-ci entraîne des inconvénients, car les hypothèses quant à la normalité des distributions ne sont pas respectées, les fonds spéculatifs utilisant les ventes à découvert pour les contrats d’options. Rockafellar et Uryasev 5 ont récemment mis au point une VAR conditionnelle pour les distributions générales de pertes, tandis que Agarwal et Naik 6 ont élaboré une VAR qui constitue une moyenne conditionnelle et qui démontre que l’analyse de la moyenne-variance sous-évalue le risque lié aux extrémités de la distribution. Le ratio traditionnel de Sharpe ne fait pas de distinction entre le risque de hausse et le risque de baisse. Il pénalise le risque de hausse en le considérant comme un risque de baisse, mais il fait une distinction entre les pertes irrégulières et répétées. AVRIL 2003 35 L’évaluation du risque des fonds de fonds Classement des rendements corrigés du risque des fonds de fonds au moyen d’un ratio de Sharpe modifié pour la période de janvier 1994 à juillet 2002 Fonds spéculatifs Univest (B) Fonds GAM Trading Fonds Blue Rock Capital Arden International Capital Arden Advisers Rosewood Associates Hudson Investment Partners Fonds Regency Pleiades Partners Olympia Stars Series Mesirow Arbitrage Trust Fonds GEMS à faible volatilité Aurora Austin Capital All Seasons Fonds Suma I Fonds Access Fonds Optima Fonds Optima Ltd. Three Rivers Equity Partners Fonds de placement Excelsior Lafayette Holdings Fonds diversifié P&A V Praesdis Equity Partners Peabody Global Partners Pan Domestic Moyenne 1,1 1,2 0,5 0,8 0,9 0,7 1,0 0,7 0,8 0,9 0,7 0,7 0,9 0,9 0,7 0,7 1,1 1,1 0,9 0,7 1,2 1,4 1,1 1,2 0,8 % % % % % % % % % % % % % % % % % % % % % % % % % Volatilité 1,0 1,6 0,6 1,0 1,0 0,8 1,6 0,9 1,0 1,8 1,0 1,1 1,5 1,8 1,3 1,4 2,7 2,8 3,4 1,2 3,8 3,8 2,6 4,1 1,7 Rendement composé % % % % % % % % % % % % % % % % % % % % % % % % % Données et méthodologie L’ensemble des données s’applique à 103 fonds de fonds actifs dont les rendements mensuels, nets de tous frais, pour la période allant de janvier 1994 à juillet 2002 (103 mois), ont été transmis à la base de données de Zurich Capital Markets. À partir de ces données, nous extrayons les 25 meilleurs fonds et les classons en fonction du ratio de Sharpe modifié et de la VAR modifiée. Comme l’étude de la formule utilisée pour mesurer la VAR modifiée dépasse le cadre de cet article, nous ne faisons que présenter la formule ci-bas et invitons le lecteur à consulter l’ouvrage de Favre et Galeano 2 pour de plus amples détails. Ratio de Sharpe modifié = Rp – RFR / VAR modifiée Résultats empiriques Dans le tableau ci-haut, la moyenne et la volatilité mensuelle des fonds de fonds se passent d’explications. En comparant les résultats entre le ratio de Sharpe modifié et le ratio de Sharpe traditionnel, nous constatons que ce dernier est plus élevé, donc que le risque lié à l’extrémité de la distribution est sous-évalué lorsqu’une mesure «traditionnelle» du rendement du risque est utilisée. Nous constatons également à la dernière colonne que l’extrémité représente les rendements négatifs qu’affichent certains fonds de fonds, qui ne sont en fait que la VAR modifiée moins la VAR normale. Il s’agit du prix 215,13 201,52 79,12 139,73 164,15 96,98 156,90 93,95 111,55 158,14 117,58 89,10 144,25 147,35 116,50 101,31 177,30 192,63 144,69 84,44 178,11 293,62 196,79 227,93 123,61 VAR modifiée – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – 0,4 1,0 0,6 0,9 1,0 0,9 1,2 1,0 1,0 1,5 1,2 1,3 1,8 1,9 1,4 1,6 2,5 2,5 2,1 1,6 3,0 3,6 2,8 3,2 2,1 % % % % % % % % % % % % % % % % % % % % % % % % % Ratio de Sharpe modifié annualisé 2,90 1,45 1,18 1,85 2,21 1,01 1,20 0,80 1,19 1,07 1,47 0,56 1,17 0,98 0,90 0,77 0,81 0,90 0,57 0,64 0,62 0,96 0,94 0,73 0,89 Ratio de Sharpe traditionnel annualisé 3,15 1,55 1,26 1,98 2,39 1,07 1,27 0,83 1,27 1,13 1,57 0,61 1,24 1,02 0,94 0,81 0,83 0,93 0,58 0,67 0,64 0,99 0,98 0,74 0,93 Extrême 0,0 0,0 0,1 0,1 0,3 0,3 0,0 0,3 0,2 0,0 0,3 0,2 0,3 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,3 0,0 0,0 0,0 0,0 0,1 % % % % % % % % % % % % % % % % % % % % % % % % % qu’un investisseur paie pour l’asymétrie et l’aplatissement; plus la VAR modifiée est faible, meilleur est le prix. D’ailleurs, quand des mesures traditionnelles du rendement du risque sont utilisées pour analyser les aberrances et les rendements anormaux des fonds de fonds, comme il ça c’est produit en août 1998, des difficultés surgissent. Les gestionnaires de caisses de retraite doivent examiner les statistiques de rendement attentivement à l’aide du ratio de Sharpe modifié et de la VAR modifiée, ce qui leur donnera un meilleur aperçu des rendements asymétriques. Greg N. Gregoriou est lauréat de l’Institut de finance mathématique de Montréal dans le programme de doctorat en finance et professeur chargé de cours à l’Université du Québec à Montréal. Références 1 Markowitz, H. «Portfolio Selection», Journal of Finance, 1952, Vol. 77, no 1, p. 77-91. 2 Favre, L. et Galeano, J.A. «Mean-Modified Value-at-Risk with Hedge Funds», Journal of Alternative Investments, 2002, Vol. 5, no 2, p. 21-25. 3 Favre, L. et Singer, A. «The Difficulties in Measuring the Benefits of Hedge Funds», Journal of Alternative Investments, 2002, Vol. 5, no 1, p. 31-42. 4 Jorion, P., Value at Risk, McGraw-Hill Publishers, 2000, New York. 5 Rockafellar, R.T. et Uryasev, S. «Conditional Value-at-Risk for General Loss Distributions», 2001, Rapport de recherche, ISE Dept., University of Florida. 6 Agarwal, V. et Naik, N. «Risks and Portfolio Decisions Involving Hedge Funds», Review of Financial Studies, à paraître. OBJECTIF CONSEILLER 36