Tentatives frustrantes de perte de poids et l`alternative de la
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Tentatives frustrantes de perte de poids et l`alternative de la
Pratique clinique Tentatives frustrantes de perte de poids et l’alternative de la chirurgie bariatrique Rhys Williams à 42 ans, ‘S’, amie et collègue de l’auteur de cet article, pesait 204 kg. Aujourd’hui, trois ans plus tard, après un régime intensif et une psychothérapie, elle s’est débarrassée de 10 % de son poids corporel. Mais elle se situe toujours 38 unités au dessus de l’IMC recommandé et au-delà du seuil de 30 kg/m2 qui définit l’obésité ; elle se trouve d’ailleurs dans la fourchette de l’obésité morbide. D’ici quelques semaines, elle subira une opération de chirurgie bariatrique. Rhys Williams nous raconte son histoire. S, dont aucun des parents n’est en surpoids ou obèse, est la plus annoncé à haute voix et entendu de tous. Cette consultation ne jeune de quatre enfants. L’un de ses frères, comme elle, était en lui a fait aucun bien. Il a été conseillé à sa mère de la conduire surpoids lorsqu’il était enfant. Les deux autres le sont devenus vers dans un centre d’amincissement. Au début de l’adolescence, elle l’âge de 20 ans. La mère de S a été emportée prématurément pesait presque 90 kg. par une crise cardiaque à l’âge de 59 ans. S a pris du poids à cause d’un travail La première fois que S a réalisé qu’elle était plus grosse que les sédentaire combiné à un grignotage régulier. filles de sa classe elle avait 7 ans et jouait dans une pièce de théâtre. Bien qu’elle ne faisait pas l’objet de moqueries à l’école, Pendant les années suivantes, son poids a oscillé. Parfois, elle pre- elle s’est sentie gênée lors de sa première visite à la clinique qu’on nait du poids – en partie à cause d’un travail sédentaire combiné lui avait recommandée pour son problème de poids. Lorsqu’elle à un grignotage régulier, parfois elle en perdait en comptabilisant est montée sur la balance de la clinique pour adultes (celle de les calories. à 30 ans, une hypertension a été diagnostiquée et à la clinique pédiatrique n’était pas suffisante), son poids a été 31 un dysfonctionnement de la thyroïde (hypothyroïdie). Décembre 2007 | Volume 52 | Numéro 4 25 26 Pratique clinique à 35 ans, un insecte l’a piquée à la jambe provoquant une quatre médicaments distincts pour l’hypertension, la thyroxine, inflammation douloureuse de la peau pour laquelle elle a dû une statine, de l’aspirine et de la medroxyprogestérone. Son IMC être hospitalisée et traitée par injections d’antibiotiques. Cette était de 75 kg/m2. inflammation, qui s’est installée doucement, a réduit sa mobilité, entraînant un nouveau gain de poids de 40 kg. Chirurgie abdominale de l’obésité Alors qu’il existe différentes procédures de chirurgie abdominale Peu après, elle a commencé à se sentir fatiguée, déprimée ; elle pour l’obésité morbide, de plus en plus d’études indiquent que ces avait souvent soif, urinait beaucoup et avait des démangeaisons interventions prolongent de façon significative l’espérance de vie qui se transformaient parfois en abcès. Lorsqu’elle a consulté son des personnes comme S. Dans une étude canadienne, la perte médecin généraliste, aucun test d’urine ou sanguin de dépistage du de ‘poids excessif’ (poids situé au-delà de ce qui serait considéré diabète n’a été effectué. Il lui a dit que les symptômes disparaîtraient comme normal ou sain) était beaucoup plus importante dans le si elle perdait du poids. Heureusement, une infirmière clairvoyante groupe traité par voie de chirurgie (plus de 1000 personnes) que a décidé de demander un test sanguin lors de son hospitalisation chez les personnes d’un poids comparable traitées par d’autres suivante (de nouveau pour un problème d’inflammation de la peau), moyens.1 Parallèlement à la réduction des décès précoces, les un an plus tard. Sa glycémie était de 17 mmol/l (306 mg/dl) et son personnes traitées par la chirurgie souffraient moins de troubles taux d’HbA1c de 12 %. Un diabète de type 2 a été diagnostiqué cardiovasculaires, de cancers, de troubles endocriniens (dont le et elle a commencé un traitement à base de metformine, ce qui diabète de type 2) et de conditions infectieuses et psychiatriques. aurait dû se produire au moins un an plus tôt. En outre, le NICE (UK National Institute for Health and Clinical Excellence) a récemment mis en évidence un certain nombre à ce moment-là, elle prenait de la thyroxine pour son hypo- d’études qui ont fait état d’améliorations suite à une intervention thyroïdie, un diurétique thiazidique pour son hypertension, de chirurgicale chez des personnes atteintes de diabète.2 la metformine (combinée ensuite à une sulphonylurée) et de la medroxyprogestérone pour un problème gynécologique pénible Ces opérations se centrent sur deux mécanismes : lié à son poids. Une hystérectomie s’imposait mais ne pouvait la restriction, qui consiste à réduire la quantité de nourriture qui être réalisée à cause de son poids. peut être consommée en une fois, principalement en réduisant le volume et donc la capacité de l’estomac Une hystérectomie s’imposait la malabsorption, qui limite fortement l’absorption de nutriments, mais ne pouvait être réalisée réduisant ainsi l’apport en calories. Ce mécanisme est induit à cause de son poids. principalement en réduisant la longueur du petit intestin que traverse la nourriture. Bien que S soit parvenue à contrôler son diabète, ses problèmes ont continué entre ses 38 et 40 ans. Elle a développé le syn- L’opération à laquelle S se soumettra – la dérivation bilio-pan- drome du canal carpien au niveau des deux poignets et devait créatique avec commutation duodénale – combine restriction et être opérée. Son hypertension s’est aggravée et elle a donc dû malabsorption. augmenter la dose d’antihypertenseurs. Elle a tenté de perdre du poids en prenant de l’orlistat, puis de la sibutramine et enfin du Ces opérations ne doivent pas rimonabant. Mais les effets secondaires de ces trois médicaments être prises à la légère ; il ne s’agit contre l’obésité étaient tels qu’elle a dû interrompre ce traitement. absolument pas de chirurgie esthétique. Face à ces difficultés thérapeutiques et aux co-morbidités du diabète et de l’hypertension, son médecin généraliste l’a dirigée Ces opérations ne doivent pas être prises à la légère ; il ne s’agit vers le seul chirurgien du Pays de Galles qui pratique la chirurgie en aucun cas de chirurgie esthétique. L’objectif est clair : limiter bariatrique pour les niveaux d’obésité extrême. l’invalidité liée au surpoids excessif et contrer la diminution de l’espérance de vie provoquée par ces niveaux d’obésité extrêmes. à 42 ans, elle pesait 204 kg. Elle prenait une combinaison de Toute opération comporte des risques et ceux-ci sont aggravés deux médicaments (rosiglitazone et metformine) pour son diabète, dans le cas de l’anesthésie d’une personne en surpoids ou obèse Décembre 2007 | Volume 52 | Numéro 4 Pratique clinique (rappelons que l’hystérectomie de S avait été reportée à cause La motivation de S pour affronter ce processus se base en grande de son poids). partie sur son désir de se débarrasser de son diabète de type 2. Il est très probable que cela lui permettra d’éviter les complica- De plus, le suivi post-opératoire doit se prolonger à vie pour tions à long terme. Une réduction considérable de son poids sera s’assurer que la malabsorption des vitamines et des minéraux, toutefois extrêmement bénéfique. à ce niveau d’obésité, chercher par exemple, n’est pas trop forte. Souvent, le diabète de type 2 à perdre du poids par un régime et, surtout, maintenir cette perte disparaît complètement quelques semaines après une dérivation de poids, revient à ‘escalader l’Everest en ballerines’, une mission bilio-pancréatique. Cet effet radical s’explique probablement par impossible et hautement débilitante. les changements hormonaux qui se produisent lorsque la nourriture évite une grande partie du petit intestin.3 L’heure de l’opération approche S sera entre les mains d’une équipe compétente et expérimentée : des chirurgiens particulièrement intéressés par ce type d’opération, assistés de spécialistes en diététique, en soins infirmiers et en soins opératoires. Elle a rencontré un médecin expérimenté et un anesthésiste, tous deux particulièrement intéressés par les différents aspects de ces procédures, notamment en matière d’anesthésie. Du matériel spécialisé pour la manipulation de patient lourd assurera sa sécurité pendant l’opération et la phase de récupération. Une longue attente pour une opération n’est pas rare dans le système de soins public britannique. Rhys Williams Le cheminement de S jusqu’à cette opération n’a pas été aisé. Sa première visite date de 2004, lorsqu’elle avait 40 ans. Une aussi longue attente pour une opération n’est pas rare dans le Rhys Williams est Professeur d’épidémiologie clinique auprès de l’Université de Swansea, Royaume-Uni, et Rédacteur en chef de Diabetes Voice. système de soins public britannique. L’opération est possible dans le secteur privé mais cette option était au-dessus des moyens de S. En fait, le suivi à long terme par un spécialiste doit également être payé, en plus de l’opération elle-même. Ainsi que d’autres patients qui attendaient leur chirurgie bariatrique depuis plusieurs années, S a été rayée de la liste d’attente suite à la limitation du financement public de ces interventions spécialisées et coûteuses. Il a été demandé aux organisations responsables de Références 1 C hristou NV, Sampalis JS, Liberman M, et al. Surgery decreases long-term mortality, morbidity, and health care use in morbidly obese patients. Ann Surg 2004; 240: 416-23. 2 N ational Institute for Health and Clinical Excellence. Clinical Guideline 43 Obesity: the prevention, identification, assessment and management of overweight and obesity in adults and children. NICE. London, 2006. 3 G reenway SE, Greenway FL, Klein S. Effects of obesity surgery on noninsulin-dependent diabetes mellitus. Arch Surg 2002; 137: 1109-17. ces services de limiter le nombre d’opérations à réaliser ; elles ont donc établi un ordre de priorité dans les cas à traiter. à un moment donné, le cas de S n’a plus été considéré comme prioritaire et son opération a été reportée indéfiniment. Le recours contre cette décision, soutenu par son médecin généraliste – en partie sur la base de l’inflammation de peau récurrente – a été gagnant et elle devrait être opérée avant la fin de cette année. Décembre 2007 | Volume 52 | Numéro 4 27