La pharma face à l`ETP : Financeurs oui
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La pharma face à l`ETP : Financeurs oui
Industrie Santé publique La pharma face à l’ETP Financeurs oui, concepteurs non ! L’éducation thérapeutique du patient (ETP) est désormais inscrite dans le marbre de la loi Bachelot. Elle concerne en premier chef les associations de patients, mais aussi les professionnels de santé. Les industriels sont priés de financer, sans intervenir directement. L ’article 22 de la loi HPST, lors de son passage à l’Assemblée Nationale, puis au Sénat jusqu’à son adoption finale en juin dernier, a très clairement posé les limites du rôle de l’industrie pharmaceutique dans l’ETP. Cette dernière est invitée à financer, mais non à concevoir les programmes destinés aux patients ! Le Sénat, en émettant la possible création d’un « fond national », a semblé plus favorable aux laboratoires. Reste que le flou demeure sur les sources du financement de l’ETP. Pour le Dr Frédéric Sanguignol, secrétaire général de la Société d’Education Thérapeutique Européenne - qui organise ce mois de septembre un colloque sur le sujet à Toulouse - « la loi constitue une avancée majeure ». « L’ETP est enfin reconnue », a noté ce dernier la veille de l’été lors d’une conférence de l’AQIM1. Un groupe de travail avec le ministère de la Santé a abouti à la pre- mière mouture d’un cahier des charges afin de labelliser des structures et des équipes. Ce dernier permettra de reconnaître les financeurs. « Il faudra des centres référents, peut être plutôt hospitaliers, car pluridisciplinaires, et ensuite des structures de proximité pour accueillir le plus de patients possibles », indique le Dr. Sanguignol en estimant important de ne pas cloisonner les choses. « Les associations de patients doivent participer à l’élaboration des programmes d’ETP sur les maladies chroniques. » Ce que dit la loi HPST sur l’ETP Patient expert « L’éducation thérapeutique s’inscrit dans le parcours de soins du patient », souligne le texte dans ses dispositions générales. « Elle a pour objectif de rendre le patient plus autonome en facilitant son adhésion aux traitements prescrits et en améliorant sa qualité de vie. » Un décret à paraître devra encore préciser les compétences requises pour dispenser l’ETP. La loi interdit tout contact entre le malade, son entourage et une entreprise de santé commercialisant un médicament ou un dispositif médical. Dans leur déploiement, les programmes seront « mis en oeuvre au niveau local, après autorisation des agences régionales de santé » et « proposés au malade par le médecin prescripteur ». Ils donneront lieu à l’élaboration d’un programme personnalisé qui sera évalué par la Haute Autorité de Santé. L’ETP fera l’objet d’actions d’accompagnement qui « ont pour objet d’apporter une assistance et un soutien aux malades, ou à leur entourage, dans la prise en charge de la maladie. » Si les entreprises de santé sont ici aussi exclues, elles peuvent toutefois « prendre part aux actions ou programmes, notamment pour leur financement, dès lors que des professionnels de santé et des associations élaborent et mettent en oeuvre ces programmes ou actions. » Enfin, le texte de loi mentionne également les programmes d’apprentissage qui « ont pour objet l’appropriation par les patients des gestes techniques permettant l’utilisation d’un médicament. » Ces derniers programmes, qui sont soumis à une autorisation délivrée par l’Afssaps pour une durée limitée, sont mis en œuvre par des professionnels de santé intervenant « pour le compte d’un opérateur pouvant être financé par l’entreprise se livrant à l’exploitation du médicament. » Proposé par le médecin prescripteur à son patient, ce programme exclu tout contact direct entre l’entreprise et le patient. JJC L’Association Française des Diabétiques (AFD) a entrepris depuis avril 2008 de former des «patients experts» bénévoles. Depuis septembre dernier, ceux-ci animent des rencontres entre des groupes de patients. Gérard Raymond, président de l’AFD, lors de la même conférence de l’AQIM, assure que « la rencontre patient-patient est très importante. » « On ne fait pas de l’ETP, mais de l’accompagnement de projets de vie, en dialoguant sur les problèmes du quotidien et les difficultés à vivre », ajoute-t-il encore. Son association souhaite à cet égard que la formation des patients experts soit validée par la HAS. Si en théorie l’ETP est bien une affaire de soignants, en pratique cela varie. Toutefois la question du suivi et de l’évaluation de ces patients experts est sur toutes les lèvres. « Nous faisons 122 PHARMACEUTIQUES - SEPTEMBRE 2009 DR Les industriels face aux programmes « L’ETP EST ENFIN RECONNUE », SE FÉLICITE LE DR FRÉDÉRIC SANGUIGNOL, SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DE LA SOCIÉTÉ D’EDUCATION THÉRAPEUTIQUE EUROPÉENNE. preuve d’une prudence extrême. Des référents ont été présélectionnés : infirmières et enseignants encadrent les groupes de paroles dans le futur », déclare Gérard Raymond. La question de la formation des aidants est ainsi au cœur des réflexions. Frédéric Sanguignol serait partisan de l’intégrer dès le début de la formation médicale. « L’ETP ça ne s’invente pas, ça s’apprend. », avance-t-il encore. Il semble désormais évident que l’industrie sera l’une des sources de financement - sans doute la principale, faute de budgets publics - des futurs programmes à venir. Lilly a mis en place un programme d’éducation thérapeutique depuis 2004 associé à la spécialité Fostéro®, traitant de l’ostéoporose. Pour Marie-Line Biard Salama, pharmacien responsable des laboratoires Lilly et membre du comité scientifique de l’AQIM, « ces programmes sont très coûteux. L’effort pourrait être mutualisé à l’avenir, peut-être entre labos, mais aussi avec les associations de patients. » Or, les industriels ne veulent pas être que des payeurs, mais aussi des concepteurs : « Nous avons la connaissance de nos produits et des pathologies. Nous avons donc quelque chose à apporter dans l’élaboration et la mise en œuvre des programmes d’ETP. » Les industriels peuvent-ils demander à être experts et accéder à la conception des programmes d’ETP ? Pour Frédéric Sanguignol, ce sera chose difficile, mais pas impossible : « S’ils ont des professionnels formés, pourquoi pas ? Le patient est bien la priorité. Par conséquent, tout ce qui peut améliorer la prise en charge du patient et sa capacité à autogérer sa maladie est une bonne chose. Heureusement que les laboratoires aident à la réflexion sur les programmes grâce à leur participation financière, ajoute ce dernier. Il serait totalement illusoire de penser qu’ils n’interviendront pas. J’espère qu’ils pourront continuer à s’impliquer dans la création d’outils pédagogiques et à l’évaluation sur la plupart des pathologies chroniques ». A suivre. ■ Emilie Li Ah Kim (1) « Les industriels du médicament et l’éducation thérapeutique : quelle collaboration établir avec les opérateurs tiers et les professionnels de santé pour l’information des patients », organisée par l’Association pour la qualité de l’information médicale (AQIM) en mai 2009. Un blister intelligent pour briser les tabous DR Si l’éducation thérapeutique des patients ne peut se réduire à la seule observance des traitements délivrés à ces derniers, il ne saurait être question de les dissocier totalement. Comment un médecin peut-il autonomiser et renforcer les capacités d’un malade à se prendre en charge s’il ignore totalement son degré d’adhésion à une thérapie, sa manière de la suivre, les défauts éventuels dans la prise de celle-ci ? Aléas prévisible, probabilisable, quantifiable et souvent inexorable dans le parcours thérapeutique du malade, la mauvaise observance gagne à être identifiée, évaluée, intégrée aux processus de décision thérapeutique et autant que possible prévenue. Car derrière une adhésion incomplète du malade à son traitement se profilent rapidement de sérieux problèmes de santé publique, aux coûts autrement plus importants que les questions relatives – et à forte connotation polémique – au chiffre d’affaires additionnel que peut en tirer la pharma. Mis au point par le Dr Bernard Bousquet chez ABR Pharma, le « blister intelligent » est un système très simple qui apporte au médecin une connaissance très précise du processus d’utilisation, puis d’appropriation d’un traitement par un patient. Le médecin propose à son patient de coller lui-même une étiquette électronique ad hoc sur chaque blister d’une prescription après la délivrance par le pharmacien. Le patient est ainsi informé, responsabilisé et donc valorisé. L’apposition de l’étiquette électronique transparente sur un blister permet de tracer électroniquement toutes les prises médicamenteuses. Lors de la visite de suivi, le médecin disposant d’informations précises et précieuses peut délivrer des conseils individualisées et très pédagogiques à ce dernier. C’est donc en prenant à bras le corps le problème de l’observance et en ne le considérant pas comme un tabou que l’éducation thérapeutique pourra minimiser les aléas liés aux mésusages du médicament par les patients. Des programmes intégrant le « blister intelligent » et visant à améliorer l’usage du médicament par le patient sont actuellement en cours dans plusieurs pays et portent notamment sur la prise en charge per os du cancer, la dépression ou encore la contraception. JJC 123 SEPTEMBRE 2009 - PHARMACEUTIQUES