Réseau de maintien en emploi des travailleurs
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Réseau de maintien en emploi des travailleurs
Actes Journées Santé Travail du CISME – Tome II – 2012 Session 2 : Modalités du travail en réseau Réseau de maintien en emploi des travailleurs lombalgiques chroniques en Pays de Loire Dr Audrey PETIT – Centre de Consultation de Pathologie Professionnelle du CHU d’Angers, Laboratoire d’Ergonomie et d’Epidémiologie en Santé au Travail Unité d’Angers Pr Yves ROQUELAURE – Centre de Consultation de Pathologie Professionnelle du CHU d’Angers, Laboratoire d’Ergonomie et d’Epidémiologie en Santé au Travail Unité d’Angers Dr Ghislaine ROCHE-LEBOUCHER – Laboratoire d’Ergonomie et d’Epidémiologie en Santé au Travail Unité d’Angers, Centre de Réadaptation et de Rééducation Fonctionnelle d’Angers Dr Luc BONTOUX – Laboratoire d’Ergonomie et d’Epidémiologie en Santé au Travail Unité d’Angers, Centre de Réadaptation et de Rééducation Fonctionnelle d’Angers Dr Valérie DUBUS – Laboratoire d’Ergonomie et d’Epidémiologie en Santé au Travail Unité d’Angers, Centre de Réadaptation et de Rééducation Fonctionnelle d’Angers Pr Isabelle RICHARD – Laboratoire d’Ergonomie et d’Epidémiologie en Santé au Travail Unité d’Angers, Centre de Réadaptation et de Rééducation Fonctionnelle d’Angers Dominique PENNEAU-FONTBONNE – Centre de Réadaptation et de Rééducation Fonctionnelle d’Angers Introduction Les lombalgies chroniques communes constituent un problème majeur de santé au travail [1,2]. Elles sont sources de séquelles fonctionnelles parfois sévères, d’altérations des capacités de travail et de ruptures des parcours professionnels pour les individus et de coûts considérables pour la société [3]. La lombalgie est ainsi devenue la deuxième cause d'invalidité derrière les maladies cardio-vasculaires [4]. Les déterminants de l’incapacité lombalgique s’intègrent dans un modèle dynamique biopsychosocial à composantes multifactorielles [5,6] faisant intervenir des facteurs liés à l’individu, au travail, au système de soins et de prévention et au système de compensation financière [7,8,9]. C’est pourquoi les interventions de prévention de la chronicité de la lombalgie et de l’incapacité lombalgique ayant prouvé leur efficacité associent (1) un programme de réentraînement à l’effort pour améliorer les capacités fonctionnelles rachidiennes et réduire le déconditionnement physique secondaire à la lombalgie chronique, (2) un programme de type cognitivo-comportemental afin de lutter contre les représentations négatives de la maladie et les peurs et croyances sur les difficultés de la réinsertion sociale et professionnelle et (3) une action en milieu de travail [10,11,12,13,14]. Les SSTI et leurs partenaires : enjeux et modalités du travail en réseau Page | 1 Modalités du travail en réseau Le réseau Lombaction issu de plusieurs protocoles expérimentaux locaux [15,16,17] propose une démarche unique en France offrant une prise en charge médico-socioprofessionnelle. Cette démarche s'appuie notamment sur la coordination des actions soins et de maintien en emploi, en tentant de décloisonner les prises en charges médicales et socioprofessionnelles. Méthodes Le réseau Lombaction a été créé en 2007, grâce à un partenariat entre les services de pathologie professionnelle, de rééducation fonctionnelle, les services interentreprises et les professionnels libéraux de santé. Il s'étend sur les quatre départements du nord de la région des Pays de la Loire. Population concernée Le réseau Lombaction s'adresse aux personnes présentant une lombalgie chronique et en difficulté professionnelle du fait de la lombalgie. La lombalgie chronique est définie par la Haute autorité de santé comme une "symptomatologie douloureuse inhabituelle de la région lombaire évoluant depuis plus de trois mois" [18]. Les sujets inclus sont "en âge de travailler" (travailleurs salariés/non-salariés, demandeurs d’emploi,…) qu'ils soient au travail ou en arrêt de travail au moment de leur inclusion. Les critères d’exclusion sont : les lombalgies ou lombosciatiques symptomatiques (d'origine secondaire: tumorale, inflammatoire ou infectieuse), ou une indication chirurgicale indiscutable, les pathologies cardio-respiratoires sévères ou instables, les co-morbidités psychiatriques avérées (hystérie, psychose, psychopathie…), en dehors d'un syndrome anxio-dépressif réactionnel, les pathologies locomotrices invalidantes des membres inférieurs ou supérieurs empêchant la pratique d'une activité physique. Organisation et fonctionnement du réseau L'adressage vers le réseau Lombaction s'effectue via un des médecins prenant en charge le sujet (médecin traitant, médecin de travail, spécialiste du rachis). L'inclusion dans la démarche Lombaction s'effectue suite à une consultation pluridisciplinaire d'évaluation dont sont informés les médecins de soins et du travail de la personne, par courrier accompagné d'un questionnaire médical (parcours de soins et situation psychosociale) adressé au médecin traitant et d'un questionnaire professionnel (contexte de l'entreprise, poste de travail, actions déjà mises en place) au médecin du travail. La consultation pluridisciplinaire permet une évaluation globale de la situation médicosocioprofessionnelle de la personne, elle comprend : - la passation d'auto-questionnaires validés évaluant l'incapacité et le retentissement de la douleur dans les différentes sphères de la vie des patients - un entretien avec une psychologue : retentissement de la douleur et de l'incapacité, attentes, sens du symptôme, recherche d'une pathologie psychiatrique sous-jacente,… Page | 2 Actes Journées Santé Travail du CISME – Tome II - 2012 Modalités du travail en réseau - une consultation avec une infirmière en santé au travail : cursus laboris, contraintes vécues, arrêts de travail, accident de travail, maladie professionnelle, reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé. - une consultation médicale (médecin rééducateur ou rhumatologue) : histoire de la maladie, conditions de travail, facteurs de risque de chronicité de la lombalgie, examen ostéoarticulaire, évaluation du déconditionnement physique à l'effort et recherche des contre-indications médicales au reconditionnement à l’effort. La synthèse des éléments de l'évaluation pluridisciplinaire et des adonnées recueillies en amont permet de proposer une prise en charge adaptée sur le plan rééducatif et du maintien/retour à l'emploi. Cette synthèse est systématiquement adressée aux médecins de soins et du travail. Enfin, un suivi est prévu à 6 mois, 1 an et 2 ans de l'inclusion afin de réévaluer la situation médicale et socioprofessionnelle et remettre en place les actions nécessaires le cas échéant. Prise en charge rééducative La prise en charge rééducative se décline selon trois types de stages de 5 semaines : - une rééducation individuelle en kinésithérapie libérale (15 séances de 1heure + auto rééducation au domicile) ; - une prise en charge institutionnelle en groupe (25 journées en centre de rééducation encadrées par une équipe pluridisciplinaire) ; - un programme mixte associant une rééducation individuelle en kinésithérapie libérale et 5 journées en centre, en groupe, avec l'équipe pluridisciplinaire. Dans tous les cas, la rééducation est basée sur le reconditionnement intensif mais progressif à l'effort selon les recommandations internationales. Prise en charge socioprofessionnelle Sur le plan professionnel, la consultation pluridisciplinaire permet d'initier la démarche de retour au travail et d'évaluer les contraintes ou obstacles au retour au travail. Une visite de pré-reprise pour les patients en arrêt est souvent conseillée, de même que la prise de contact avec le médecin du travail ou le médecin conseil de la CPAM permet la discussion des aménagements du poste ou du temps de travail possibles, le retour au travail à temps partiel thérapeutique, l'évocation d'un reclassement professionnel le cas échéant, la constitution du dossier auprès de la Maison départementale des personnes handicapées, pour la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé et l'aide au maintien dans l'emploi ou à la reconversion (AGEFIPH, FIPHFP,…). Résultats - Actions Les résultats suivants sont ceux du rapport d'activité triennal 2009-2011 du réseau Lombaction présentés à l'Agence régionale de santé. Les SSTI et leurs partenaires : enjeux et modalités du travail en réseau Page | 3 Modalités du travail en réseau Caractéristiques de la population Les sujets sont adressés au réseau par le médecin traitant dans 37,1% des cas, le médecin du travail (21%), un spécialiste du rachis (34,4%), autres (7,5%). Sur la période de 2009 à 2011 inclus, 713 patients ont été pris en charge dont 424 (59%) hommes et 289 (41%) femmes. L'âge moyen était de 42,3 ans ± 8,7 ans, comparable dans les deux sexes. Le statut professionnel des personnes à l'inclusion était : au travail (48,6%), en arrêt de travail (39,8%), au chômage (10,3%), en invalidité (0,6%), intérim (0,6%). Les catégories socioprofessionnelles concernées étaient les suivantes : ouvriers (48,2%), employés (38,9%), professions intermédiaires (8,5%), cadres et professions intellectuelles supérieures (3,1%), artisans, commerçants et chefs d'entreprises (1,0%). La durée moyenne de l'arrêt de travail était de 100 jours au cours des 6 derniers mois et de 155,8 jours au cours de l'année précédant l'inclusion. A l'inclusion dans la prise en charge du réseau, 42,4% étaient reconnus en accident de travail pour lombalgie et 8,9% étaient reconnus en maladie professionnelle dans les tableaux n°97 ou n°98 du régime général ou n°57 ou n°57bis du régime agricole; 25,6% bénéficiaient de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé à l'inclusion; 27% des sujets présentaient au moins un antécédent de chirurgie du rachis et 29% un antécédent de dépression. Echange d'informations, coordination des soins D'après une enquête réalisée auprès de 53 médecins du travail [19], le médecin du travail ne connaît pas le problème de lombalgie chronique du salarié dans 7,8% des cas avant son inclusion dans le réseau. Dans les cas où il avait eu connaissance, l'information lui avait été donnée par la salarié (88,3% des cas), le médecin traitant (6,7%), ou par un autre biais (5%). Avant la consultation pluridisciplinaire, 22,2% des médecins du travail déclarent avoir eu besoin d'échanger des informations avec le médecin traitant. Les médecins du travail ont initié cet échange dans 85% des cas. Lorsque le médecin du travail n'est pas initiateur de la prise ne charge dans le réseau, le médecin généraliste n'a sollicité son avis que dans 10,5% des cas. Après la consultation pluridisciplinaire, le médecin du travail a été tenu informé par le réseau, des modalités et des dates du programme de rééducation dans 89,1% des cas. Les médecins du travail étaient satisfaits des informations fournies dans 90% des cas et 66,7% d'entre eux jugeaient utile la possibilité de pouvoir assister à la consultation pluridisciplinaire. Retour et maintien en emploi Concernant le retour au travail après la prise en charge dans le réseau, on observe une diminution de 41,7% du nombre de jours d'arrêt de travail dans les 6 mois suivants, pour la globalité des sujets inclus. Page | 4 Actes Journées Santé Travail du CISME – Tome II - 2012 Modalités du travail en réseau D'après l'enquête réalisée auprès des médecins du travail [19], les modalités de retour au travail des salariés (N = 58 salariés) sont : la reprise au même poste sans adaptation dans 24,1% des cas, la reprise sur un poste adapté (34,5%), la reprise avec changement de poste (12,1%), la non-reprise à temps plein par prolongation de l’arrêt ou mi-temps thérapeutique (10,3%), la non-reprise avec licenciement pour inaptitude (8,6%), la non-reprise pour autre raison (12,1%). Discussion - Conclusion La pratique en réseau par son caractère pluridisciplinaire, contribue au décloisonnement entre médecine hospitalière et médecine de ville ainsi qu’entre médecins de soins, médecin du travail et autres professionnels de santé. L'ancrage du réseau en médecine du travail permet de mettre en place des actions favorisant le retour et/ou le maintien dans l'emploi. Les programmes de rééducation fonctionnelle permettent d'augmenter les marges de manœuvres dites "thérapeutiques" en augmentant les capacités fonctionnelles des sujets. Mais cette action doit être coordonnée à une augmentation des marges de manœuvre dites "professionnelles" en aménageant le cadre de travail, via une intervention ergonomique, pour favoriser la reprise de l’activité professionnelle. L’évaluation des programmes de retour au travail montre l’importance de l’amélioration et de la coordination des pratiques afin de favoriser la cohérence des interventions des différents acteurs concernés dans le processus de réadaptation [10,20]. Ceci nécessite de passer d’une perspective biomédicale parcellaire à une perspective interdisciplinaire systémique du retour au travail et, pour les acteurs d’une logique professionnelle cloisonnée et à une logique de coopération [10]. En effet, l'évaluation du réseau montre l'importance des interactions entre les différents intervenants, en particulier la prise de contact avec le médecin du travail, qui a un rôle primordial pour le maintien en emploi des salariés et le médecin généraliste qui coordonne le parcours de soins des patients [19,21]. Le réseau Lombaction permet d’apporter une réponse à ces défauts de communication en assurant une coordination à la prise en charge des patients lombalgiques chroniques. Il fixe avec les patients et avec leurs médecins des objectifs de prise en charge, de retour au travail et d’aménagements de poste quand cela est possible, et favorise l’échange d’informations entre eux. Au cours de la consultation pluridisciplinaire, le rappel de la possibilité d’une visite de pré-reprise avec le médecin du travail pour les patients en arrêt prolongé permet souvent au patient de renouer le contact avec l’entreprise et de se mettre dans une perspective plus précise de reprise du travail. Les SSTI et leurs partenaires : enjeux et modalités du travail en réseau Page | 5 Modalités du travail en réseau BIBLIOGRAPHIE [1] Punnett L, Prüss-Ustün A, Nelson DI, et al. Estimating the global burden of low back pain attributable to combined occupational exposures. Am J Indust Med 2005;48:459-69. [2] Burton A, Balagué F, Cardon G, et al. Chapter 2. European guidelines for prevention in low back pain: November 2004. Eur Spine J 2006;15 Suppl 2:S136-68. [3] Dagenais S, Caro J, Haldeman S. A systematic review of low back pain cost of illness studies in the United States and internationally. Spine J. 2008;8:8-20. [4] Gourmelen J, Chastang JF, Ozguler A, et al. Frequency of low back pain among men and women aged 30 to 64 years in France. Results of two national surveys. Ann Readapt Med Phys. 2007;50:640-4. [5] Loisel P, Durand P, Abenhaim L, et al. Management of occupational back pain: the Sherbrooke model. Results of a pilot and feasibility study. Occup Environ Med. 1994;51:597-602. 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