Lettre - WordPress.com

Transcription

Lettre - WordPress.com
La lettre d’Archimède
L’actualité de l’Eldo vue par un spectateur
Sommaire
No 51 — 12 mars 2016
The Assassin
Tempête — Fellini Roma
Le film mystère
En bref — Prochains rendez-vous à l’Eldo
THE ASSASSIN
un film de Hou Hsiao-hsien
Autant prévenir d’emblée, The Assassin devrait vous dérouter. Le film vous transportera aux confins de la
Chine du IXe siècle, période dont l’histoire et les coutumes ne vous sont probablement pas familières. À
cela, s’ajoute le fait que les enjeux des luttes de pouvoir, les alliances et les intrigues au sein du palais du
gouverneur de la province de Weibo ne vous seront pas révélés préalablement — vous les découvrirez
peu à peu au détour de conversations, il vous suffit d’être patient et attentif. En fait, quoi que l’époque
de l’intrique soit reconstitué avec soin, The Assassin est moins un film historique qu’une étude de sentiments. Ce sont effectivement les sentiments qui sont la faiblesse de la jeune Yinniang, machine à assassiner redoutable, et c’est justement pour l’endurcir que mission lui est confié de tuer son cousin Tian Ji’an,
gouverneur de Weibo, à qui elle fut naguère fiancée et dont elle est toujours amoureuse. Yinniang se doit
de choisir entre son devoir de nonne guerrière et son amour d’enfance, entre obéissance et affection,
entre la voie de l’épée et celle du cœur.
Si The Assassin se rattache aussi au genre du film d’art martial, il en détourne les codes. Bien sûr, il y a des
scènes d’action, rapides et efficaces, mais dont la brièveté frustrera les amateurs des longues chorégraphies
spectaculaires auxquelles le cinéma de Hong Kong nous a habitués. Les combats sont des moments essentiels de la narration, violents et vifs comme une décharge électrique, un éclair. Si certains se prolongent, ce
n’est pas pour le seul plaisir du ballet guerrier, c’est que quelque chose d’autre se joue, du domaine du
sentiment, comme dans cette embuscade où nous devinons qu’un des protagonistes tombe amoureux de
l’inconnue venue à sa rescousse. Au contraire, les moments de solitude ou d’intimité s’égrènent lentement,
économes en mouvement, emprunts d’inquiétude. Un père qui joue avec son enfant, l’amoureux qui danse
avec la courtisane, savent que l’instant d’insouciance est fugace, que le rappel à l’ordre ne saurait tarder.
The Assassin sidère par sa qualité visuelle et sonore. La lumière et l’obscurité, les couleurs et le noir et
blanc, le flou et le précis, l’aérien et le pesant, l’eau et la brume, le fixe et l’ondoyant… tout l’art de Hou
Hsiao-hsien tient dans l’utilisation des contraires, physiques et moraux, non dans l’opposition mais dans
la complémentarité. Le destin même de Yinniang dépendra de sa capacité à résoudre l’opposition de l’alternative qui lui est imposée. Vous l’avez compris, pour moi The Assassin est un film exceptionnel, remarquable par sa beauté virtuose et l’émotion qui point à chaque scène. Un film qui, je le parie, vous
marquera aussi si vous acceptez de vous laisser dérouter.
The Assassin (刺客聶隱娘 ; Taïwan, Chine, Hong Kong, France ; 2015 ; 1 h 45 ; couleur, noir et blanc, 1.37:1), réalisé par Hou Hsiao-hsien,
écrit par Hou Hsiao-hsen et Chu T’ien-wen, d’après une nouvelle Histoire de Yinniang de Pei Xing, produit par Huang Wen-ying et Liao Chingsung ; musique de Lim Gong, image de Lee Ping-bin, montage de Huang Chih-chia et Liao Ching-sung ; avec Chang Chen (Tian Ji’an), Shu Qi
(Nie Yinniang), Yun Zhou (Dame Tian). Distribué par Ad Vitam. Asia Pacific Screen Award de la meilleure image 2015 ; Asian Film Awars du
meilleur film, du meilleur réalisateur, de la meilleure actrice (Shu Qi), du meilleure second rôle féminin (Zhou Yun) 2016…
Dernières séances
TEMPÊTE
un film de Samuel Collardey
Il y a des films qui ne trouvent pas leur public. Tempête est de ceux-là. Pourtant, la critique est plutôt bonne,
et tous les spectateurs avec qui j’en ai discuté ont apprécié ce film, certains l’ont trouvé « exceptionnel ».
Malheureusement ils ont été trop peu nombreux pour que le bouche-à-oreille fasse son effet. Le film n’est
certes pas parfait, il n’échappe pas aux travers agaçants d’un certain cinéma français, comme la sempiternelle chanson autour d’une table, mais il réussit néanmoins à donner une impression de réel. L’histoire est
simple, presque banale. Dom, père divorcé, marin passionné, s’efforce de changer de travail pour garder la
garde de ses enfants, et que son choix va précariser davantage. Comme un bateau prit dans une tempête.
L’une des grandes qualités de Samuel Collardey est de savoir choisir ses acteurs, non professionnels pour
la plupart. Dans Tempête, c’est Dominique Leborne et ses deux enfants qui incarnent la famille prise dans
la tourmente, un scénario proche de ce qu’ils ont vécu. Surtout, le réalisateur sait les filmer, évite de les
faire surjouer. Aucune scène d’hystérie, aucune « enguelade » grandiose comme les dramatiques « sociales » nous abreuvent. Les Leborne revivent plus qu’ils ne jouent. L’humilité de Dom face à refus de prêt,
les courses avec son fils ou les confidences de sa fille, nous avons l’impression d’observer des moments
de vie, non une reconstitution ou des jeux d’acteur. Et Samuel Collardey sait aussi trouver la bonne distance, nous n’avons pas l’impression d’être de trop, de jouer les voyeurs. Tempête est un film discret, un
peu trop pour attirer du monde, mais qu’il serait dommage de manquer.
Tempête (France ; 2015 ; 1 h 29 ; couleur), réalisé par Samuel Collardey, écrit et par Samuel Collardey et Catherine Paillé, produit par Grégoire
Debailly ; musique de Vincent Girault, image de Samuel Collardey, montage de Julien Lacheray ; avec Dominique Leborne (Dom), Matteo
Leborne (Matteo), Mailys Leborne (Mailys). Distribué par Ad Vitam. Prix Horizons du meilleur acteur (Dominique Leborne) à la Mostra de
Venise 2015.
Architecture & cinéma
FELLINI ROMA
Mardi 15 avril, 20 h 15, à l’Eldorado
projection suivie d’un débat avec Marc Dauber, architecte
La ville a une place très particulière au cinéma, certes décor de l’action mais souvent aussi protagoniste,
simple silhouette, second rôle et même parfois rôle principal. Avant Roma, il y avait eu Berlin, symphonie
d’une grande ville de Walter Rutmann, Études sur Paris d’André Sauvage, À propos de Nice de Jean Vigo,
ou Rome ville ouverte de Roberto Rossellini, mais aucun film ne ressemble à celui de Federico Fellini,
aucun n’a cette ambition de saisir une ville sous autant d’angles. Car la Rome de Roma est celle de
l’époque des hippies, de l’Antiquité et de la Seconde Guerre mondiale, celle des ecclésiastiques, des ouvriers et des prostituées, c’est la Ville éternelle de l’écolier, les souvenirs d’un jeune provincial et les fantasmes d’un cinéaste, c’est la Rome où l’on peut croiser Anna Magnani, Gore Vidal ou Federico Fellini en
personne. Après, il y eut d’autres films sur Rome ou sur d’autres villes, mais Roma reste inimité, inégalé.
Fellini Roma (Roma ; Italie, France ; 1972 ; 2 h 08 ; noir et blanc, Technicolor, 1.85:1 ; mono), réalisé par Federico Fellini, écrit par Federico
Fellini et Bernardino Zapponi, produit par Turi Vasile ; musique de Nino Rota, image de Giuseppe Rotunno, montage de Ruggero Mastroiannni ; avec Peter Gonzales (Fellini à 18 ans), Fiona Florence (Dolores). Grand Prix technique au Festival de Cannes 1972 ; Prix du meilleur
film étranger du syndicat de la critique de cinéma 1973 ; Rubans d’argent du meilleur décor et des meilleurs costumes 1973.
Le film mystère
Le photogramme ci-après est extrait du film mystère, film que Paul (Patrick Huard) évoque dans Mommy
de Xavier Dolan que vous avez peut-être vu ou revu jeudi dernier. Reconnaissez-vous le film mystère ?
Pour jouer, envoyez le titre du film mystère et le nom de son réalisateur par courrier électronique à
l’adresse [email protected] ou déposez la réponse avec le numéro de la Lettre, votre
nom et des coordonnées (de préférence une adresse électronique) dans l’urne située dans le hall de l’Eldorado avant le vendredi 18 mars minuit. Le gagnant sera tiré au sort parmi les bonnes réponses et remportera deux places gratuites. Bonne chance !
Le film mystère précédent
Vous avez été nombreux à reconnaître Barry Lyndon (1975) de Stanley Kubrick, bien que beaucoup d’entre vous
l’orthographient comme si Lady Lyndon était la lointaine parente de Vincent Lindon. Le photogramme représentait Redmond Barry (Ryan O’Neal) vautré dans un fauteuil, alors que Lord Bullington (Leon Vitali, debout et de
dos) vient le défier. Warner Bros. avait exigé que Kubrick choisisse le rôle masculin principal parmi l’une des dix
stars du box-office de 1973. Cette année-là fut la seule où Ryan O’Neal apparu au top 10. Coup de chance aussi
pour nous : imaginez-vous Barry Lyndon avec Clint Eastwood (#1), Charles Bronson (#8), John Wayne (#9) ou
Barbra Streisand (#6) ? En fait, le réalisateur n’hésita qu’entre Ryan O’Neal (#2) et Paul Newman (#7). Et samedi
le sort a été clément au spectateur Alain D. qui remporte les deux places gratuites au tirage.
En bref



Notre ami Guy est toujours à l’affut des émissions et des articles sur Merci patron ! Cette semaine,
il a dégoté entre autres une critique du film dans The Hollywood Reporter. Didier lui prête mainforte et a trouvé un article dans Libération qui explique que Bernard Arnault n’a pas besoin d’interdire aux journalistes du Parisien (dont le milliardaire est actionnaire) d’écrire sur Merci patron !
car le directeur de rédaction s’en occupe très bien tout seul.
Préventes en cours pour la soirée « Architecture & cinéma » avec la projection de Fellini Roma et
discussion avec l’architecte Marc Dauber (mardi 15), pour Les Filles au Moyen Âge en présence
d’Hervé Mouillebouche (jeudi 17), pour la soirée débat sur la santé mentale autour de Quand je
serai dictateur (lundi 21), et Les Bois dont les rêves sont faits en présence de Claire Simon
(jeudi 31). Inscriptions en cours pour la 16e Ballade dans l’histoire du cinéma (mardi 29).
Méfiez-vous ! Dernières séances pour Tempête.
Prochains rendez-vous à l’Eldo
Mars






Mardi 15, 20 h 15 : Séance de Fellini Roma, suivie d’une discussion avec Marc Dauber, architecte.
Jeudi 17, 20 h 15 : Séance de Les Filles au Moyen Âge, suivie d’une rencontre avec Hervé Mouillebouche,
médiéviste.
Lundi 21, 20 h 15 : Projection de Quand je serai dictateur, suivie d’un débat.
Mardi 22, 14 h : Séance de Je suis le peuple, avec discussion avec l’ENSA.
Mardi 29, 20 h : Ballade dans l’histoire du cinéma, menée par Aurélio Savini (CinéDV).
Jeudi 31, 20 h : Avant-première de Le Bois dont les rêves sont faits, en présence de la réalisatrice Claire Simon.
Avril

Lundi 4 : Séance unique de Pulp: A Film About Life, Death and Supermarkets dans le cadre du Festival MV.
Cinéma Eldorado
21, rue Alfred de Musset / 21 000 DIJON
Divia : liane 5 et ligne 12 — Station Vélodi à proximité
Site web : http://www.cinema-eldorado.fr — Courriel : [email protected]
Twitter : @CinmaEldorado — Facebook : CinemaEldorado
La lettre d’Archimède
Site web : https://cinemaeldorado.wordpress.com/la-lettre — Courriel : [email protected]