I x

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I x
Chapitre 3
La demande d’assurance et les problèmes d’information
Objectifs du chapitre
-
Déterminer le partage de risque Pareto-optimal entre un assuré et un
assureur.
-
Considérer l’impact des coûts de l’assureur sur ces contrats.
-
Analyser l’impact d’une asymétrie d’informations entre l’assuré et l’assureur
sur la forme des contrats.
-
Analyser les limites de l’assurabilité (article de Gollier, 1996)
3.1 Quel contrat d’assurance pour quelle situation risquée ?
Cas le plus simple :
Î Un agent supporte un seul risque de perte, qui est assurable (c’est-àdire transférable à un autre agent à un prix « raisonnable »).
1
1
3.1.1 Les principaux contrats envisageables
Définition.
U contrat d’assurance
Un
d’
est défini
défi i par un couple
l (P(I);
(P(I) I(X)) avec :
I(x) : la fonction d’indemnisation définie sur l’ensemble des pertes dans ℜ+
P(I) : la prime d’assurance, qui dépend des indemnités versées, définie sur ℜ
Remarques.
La prime dépend aussi
Î des coûts administratifs supportés par l’assureur
Î des mesures de prévention entreprises par l’assuré lorsqu’elles sont
par l’assureur
observables p
Î d’une éventuelle prime de risque demandée par l’assureur
Î d’un taux de marge.
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NOTATIONS
x
: Risque de perte de l’agent qui cherche à s’assurer, avec
x ∈ [ 0, L ] , 0 < L < +∞
I (.) : Fonction d’indemnisation définie sur les pertes x et telles que
0 ≤ I (.) ≤ x, ∀x ∈ [ 0, L ]
u (.)
: Fonction d’utilité VNM de l’agent qui cherche à s’assurer avec
u '(.) > 0 et u ''(.) < 0
v(.)
: Fonction d’utilité VNM de l’assureur avec
v '(.)
'( ) > 0 ett v ''(
''(.)) ≤ 0
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3
• Le contrat d’assurance totale
Quelle que soit sa perte, l’assuré récupère une richesse finale identique dans tous
les états de la nature :
I (x) = x,∀x∈X +
I
I (x)
45°
x
Exemples.
- Assurances valeur à neuf (aussi rangée dans la catégorie « sur-assurance »)
- Remboursement du médecin conventionné pour les enfants (100% du tarif S.S.)
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4
• Le contrat de coassurance pure
En cas de perte, l’assuré touche une indemnité qui correspond à un pourcentage
(inférieur à 100%) de sa perte
I
I (x) = α x
avec 0 ≤α ≤1
(taux de coassurance)
45°
I (x)
α
x
Exemple.
- Remboursement des médicaments par la sécurité sociale.
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5
• Le contrat de franchise ferme (straight deductible)
En cas de perte, l’assuré touche une indemnité croissante avec la perte mais
diminuée d’un montant forfaitaire, la franchise.
I
I (x) = x − D si x > D et I (x) = 0 sinon
avec 0 ≤ D ≤ L
D : franchise
Exemples.
45°
I (x)
x
D
- Assurance automobile bris de glace.
- Remboursement de la consultation chez le médecin traitant (moins 2 Euros).
Remarque.
- Si pente de I(x) = 1 : franchise ferme avec assurance totale au-delà
- Si pente de I(x) < 1 : franchise ferme avec coassurance au-delà ( utilisée
dans la couverture des risques majeurs)
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6
• Le contrat de franchise évanescente (disappearing deductible)
Pour toute perte supérieure à une franchise, l’indemnité croît plus que
proportionnellement avec la perte (jusqu’à l’assurance totale)
I
I (x)
D
x
Contrats proposés par certaines mutuelles d’assurance.
7
7
3.1.2 Contrats efficients et attitudes face au risque
Frais de l’assureur
ÎCoût de gestion du dossier avant/après sinistre, coûts d’expertise, taux
d marge, prime
de
i
d risque
de
i
é
éventuelle,
t ll ….
Î Hyp. dans la littérature : ces frais dépendent du niveau des
indemnités proposées et chaque contrat génère une fonction de coûts
distincte (coûts individuels)
c( I ( x)),
)) avec c '( I ) > 0
Prime d’assurance (≠ de la prime de risque)
Î Correspond au prix du transfert de risque (prix négatif)
Î Tient compte des indemnités et des autres frais,
frais le tout en valeur
espérée (car évaluée en début de période)
P ( I ) = E [ I ( x ) + c( I ( x )) ]
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8
HYPOTHESES de travail
Î L’assureur propose une panoplie de contrats et l’assuré choisit parmi
ces contrats celui qui maximise sa satisfaction, ici mesurée par l’utilité
espérée qu’il en retire.
retire
Î Les contrats proposés par l’assureur sont tels qu’ils couvrent au minimum
l’ensemble de ses coûts en espérance.
MaxE[u ( w− x − P(I ) + I (x )]
I
sous la contrainte
P(I ) = E[ I (x) + c(I (x))]
si l’assureur est neutre au risque
ou si le marché est concurrentiel
HYP. RETENUE DANS LA SUITE
E[ v (W + P(I ) − c(I (x)) − I (x))] ≥ v(W )
si l’assureur est riscophobe
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9
Lorsque les coûts sont constants ou nuls
I
I*(x)
c( I ( x)) = ϕ > 0
⇒ c '( I ) = 0
45°
⇒ P ( I ) = ϕ + E [ I ( x ) ]
x
Le contrat d’assurance totale est le meilleur partage de risque (Pareto-optimal)
entre un assuré riscophobe et un assureur neutre au risque, une fois que
l’assuré a accepté d’entrer sur le marché (coûts fixes ϕ pas trop élevés).
Î Le coût marginal de ll’assurance
assurance étant nul (cc’((.)) = 0),
0) tout le risque est
transféré vers l’ agent neutre au risque, qui ne demande alors que l’espérance
du risque pris en charge (plus éventuellement un coût fixe).
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10
Lorsque les coûts sont linéaires
I
c( I ( x)) = λ I ( x)
⇒ c '( I ) = λ > 0 et constant
⇒ P ( I ) = (1 + λ ) E [ I ( x ) ]
I*(x)
1
x
D
Arrow (1971) : Le contrat de franchise avec assurance totale au-delà est le
meilleur partage de risque entre les deux agents.
Î Le coût marginal de l’assurance étant positif (λ > 0), l’assuré préfère une
couverture partielle à une couverture totale
Î A prime d’assurance donnée, la franchise permet de reporter des
indemnités non perçues sur des petits sinistres vers des sinistres plus élevés
ÎA coût marginal constant, chaque euro supérieur à la franchise est
complètement couvert : I '( x) = 1, ∀x > D
La perte de l’assuré est alors certaine et égale à D au-delà de la franchise.
11
11
Lorsque les coûts sont convexes
I
c( I ( x)) avec c '(( I ) > 0
et c ''( I ) > 0
I*(x)
x
D
Raviv (1979) : Le contrat de franchise avec coassurance au-delà
au delà est le
meilleur partage de risque entre les deux agents.
Î Le coût marginal de l’assurance étant croissant, l’assurance coûte de plus
en plus chère lorsque la perte augmente. L’assuré préfère alors continuer à
partager le risque avec l’assureur au-delà de la franchise.
0 < I '( x) < 1, ∀x > D
Î Contrats sans doute plus adaptés à la couverture de risques majeurs
(L illimité)
12
12
Lorsque les coûts sont concaves
I
I*(x)
c( I ( x)) avec c '(( I ) > 0
et c ''( I ) < 0
x
D
Huberman, Mayers et Smith (1983), Spaeter (1996) : Le contrat de franchise
évanescente est le meilleur partage de risque entre les deux agents.
Î Le coût marginal de l’assurance étant décroissant, l’assurance coûte de
moins en moins chère lorsque la perte augmente. L’assuré bénéficie d’une
forme d’économie d’échelle :
I '( x) ≥ 1, ∀x > D
13
13
3.2 Forme du contrat lorsque les actions de l’agent sont
difficilement observables
Dans beaucoup de cas de figure, l’assuré a les moyens de contrôler son risque
Î En contrôlant les conséquences : L = L(e) où e est un niveau d’effort et L
le montant de la perte potentielle.
A
Auto-assurance
ou protection
i
Î En contrôlant les probabilités : p = p(e) où e est un niveau d’effort et p la
probabilité d’accident.
Prévention
14
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Si l’agent fait un effort
Î baisse de ses pertes espérées
Î normalement, baisse également de la prime d’assurance
Mais si l’assureur ne peut observer e, la prime ne peut pas en dépendre
Î L’effort étant coûteux, l’agent est incité à en faire le moins possible
Ce problème existe aussi dans d’autres relations
Î Employé/employeur
Î Avocat/cour de justice
Î Producteur/consommateur
Î Entreprise/banque
Î ….
15
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3.2.1 La question de l’aléa moral
Principal non informé
Veut maximiser son profit,
qui dépend de l’effort de
g
l’Agent
Ne peut obliger l’Agent à choisir
le bon niveau d’effort
Agent informé
Veut maximiser sa
satisfaction privée en
faisant un minimum
d’ ff t
d’effort
Doit alors l’inciter à le choisir en
proposant un contrat incitatif
16
16
•
Modèle discret à deux niveaux d’efforts et deux états
Considérons une économie à 2 états de la nature
Un Principal neutre au risque et un Agent riscophobe
Chiffre d’affaire
d affaire du principal dans les états 1 et 2 :
y1 et y2 avec y1 < y2
Rémunération qu’il verse à l’Agent : w
Niveau d’effort de l’Agent (qui correspond à son coût) : el ou eh avec el < eh
Probabilité de l’état 2 (bon état) : π (e) avec π (e ) > π (e )
h
l
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17
Le principal maximise son profit espéré sachant qu’il ne peut faire dépendre
la rémunération de l’Agent que de l’état de la nature réalisé
Î L’Agent
g
doit avoir envie de signer
g
le contrat
Î L’agent doit être incité à fournir l’effort élevé
Max (1− π (eh ))( y1 − w1) + π (eh )( y2 − w2 )
w1,w2
sous les contraintes
Contrainte de
participation
i) (1 − π (eh ))u(w1) + π (eh )u(w2 ) − eh ≥ u0
ii) (1 − π (eh ))u(w1) + π (eh )u(w2 ) − eh ≥ (1 − π (el ))u(w1) + π (el )u(w2 ) − el
Contrainte d’incitation
18
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Si le Principal peut observer e
Î Solution : ne rien donner si el est choisi
Si le Principal ne peut pas observer e
Î Solution : faire dépendre le salaire de l’état de la nature réalisé. A
l’optimum :
w1 < w2
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• Modèle discret à S états de la nature (Grossman et Hart (1983))
La rémunération à l’optimum dans l’état de la nature s s’écrit :
⎛
π (e ) ⎞
w* ( y s ) = k + f ⎜ 1 − s l ⎟ , k ≥ 0, f (0) = 0, f '(.) > 0
⎝ π s ( eh ) ⎠
RATIO DE VRAISEMBLANCE : mesure la"précision"
l " é i i " avec laquelle
l
ll le
l
niveau de profit ys a été obtenu avec le niveau d'effort el.
Î Plus le rapport est proche de zéro et plus il est vraisemblable que ce
niveau de profit soit dû au choix de eh par l'agent : hausse de w.
Î Lorsque le rapport est plus grand que 1, l'agent sera pénalisé car il est
plus probable que le niveau de profit observé soit dû au choix de el : w < k.
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3.2.2 Application à l’assurance
Résultat connu en économie du risque
Si un agent est neutre au risque et l’autre riscophobe, tout le risque doit être
transféré au premier à l’optimum en l’absence de coûts de transaction et de
problèmes d’information.
Î Application à l’assurance : optimum de 1er rang = couverture totale.
Si l’assureur observe les efforts de prévention
Î L’optimum de 1er rang peut toujours être atteint en posant P = P(e observé)
Si l’assureur n’observe pas les efforts de prévention
Î Optimum de 2nd rang : couverture partielle, ou totale mais avec e* = 0.
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Si la prime d’assurance ne peut pas dépendre du niveau d’effort (car non
observable), la solution de second rang consiste en une assurance partielle,
même en l’absence de coûts de transaction et lorsque l’assureur est neutre
au risque.
Î En pratique, essentiellement des contrats avec franchise pour maintenir
un certain niveau d’incitation à la prévention.
Î Mise en place du bonus-malus qui permet de prendre en compte les
niveau d’efforts passés (dont les fréquences d’accident sont supposées
dépendre)
dépendre).
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3.3 Forme des contrats lorsque le type de l’agent est mal connu
- Des asymétries d’information entre les agents peuvent engendrer des
disfonctionnements g
graves, voire la disparition
p
de certains marchés
3.3.1 Le marché des « lemons » (Ackerlof)
- Lemon : voiture d’occasion
- Hypothèse : seuls les vendeurs de voitures d’occasion connaissent la
qualité de la voiture qu’ils vendent Î prix unique sur ce marché
- Si baisse du prix (pour une raison quelconque) : les vendeurs de voiture de
bonne qualité se retirent du marché Î nouvelle baisse du prix car baisse de
la q
qualité moyenne
y
- A terme, plus personne ne voudra vendre : disparition du marché
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Pour éviter ce problème de l’AUTO-SELECTION (adverse selection), la
personne non informée (le Principal) doit pouvoir identifier le type du bien ou de
la personne (l
(l’Agent).
Agent).
Î Trouver un moyen de le faire révéler
Exemples de types : vendeurs de biens de bonne ou mauvaise qualité,
assurés bas ou haut risque, employé compétent ou incompétent, ….
Principe de révélation des préférences
ÎProposer différents contrats de telle manière que les agents, en faisant
leurs choix, révèlent implicitement leur type
Î Ces contrats doivent inciter les agents à ne pas se faire passer pour un
type différent du leur : le fait de mentir doit leur coûter plus cher que ce que
ça leur rapporte.
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3.3.2 Application à l’assurance
HYPOTHESES
- Marché d’assurance concurrentiel
- Deux états de la nature : perte et non perte
- Deux agents
Î Probabilité de perte pour le bas (haut) risque : π b (π h ) avec π b < π h
- Deux possibilités pour l’assureur
Î Offrir un contrat unique : contrat mélangeant (pooling)
Î Offrir un contrat par type et faire en sorte que le bas (haut) risque
choisisse le contrat destiné aux bas (hauts) risques : équilibre séparateur.
Le meilleur
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Equilibre avec auto-sélection
Î Les hauts risques cherchent toujours plus d’assurance que les bas risques
Î ¨Pour être viable, l’assureur doit fixer un prix suffisamment élevé
Î Conséquence : les bas risques ne s’assurent
s assurent pas à ce prix
Phénomène d’auto-sélection
Equilibre séparateur
Î1er contrat proposé : assurance totale avec prime unitaire = πh
Î 2e contrat proposé : assurance partielle avec prime unitaire = πb
Le haut risque n’a pas intérêt à se faire passer pour le bas risque car
seul « son » contrat propose une couverture complète
Le bas risque choisit le contrat d’assurance partielle car le prix est en
accord avec sa probabilité de perte.
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