RACINES183 - mai08 XP7

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RACINES183 - mai08 XP7
Par
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Yvelise Richard
L’Anjou, le pays
de l’ardoise
Autrefois extraite par ceux “d'à bas” (les mineurs) et transformée
par ceux “d'à haut” (les fendeurs), l'ardoise est un fleuron
méconnu de l'Anjou. Deux sites s’attachent aujourd’hui
à faire découvrir la vie des “mineurs d’ardoises”.
Utumulteuse
ne naissance
L'ardoise angevine est née au
début de l'ère primaire, il y a 460 millions
d'années. Elle est issue de la lente transformation d'argiles océaniques compactes,
qui furent fortement comprimées et soumises à de hautes températures, avant de
se métamorphoser en schiste très pur.
Cette ardoise renferme parfois des fossiles, plus ou moins aplatis.
(Source : La Mine bleue)
E
lle peut être grise ou verte, noire
ou rouge ! Elle a est à la fois
imperméable, résistante et souple, et se prête aujourd'hui à de multiples usages et n'est plus seulement
utilisée que pour coiffer les maisons
de l'Anjou et les châteaux (de la Loire,
entre autres). L'ardoise, car il s'agit
d'elle, vit une longue histoire avec le
cœur de l'Anjou noir, celui des terrains
schisteux et des mines de Trélazé (en
exploitation), des mines aux portes
d'Angers où travaillent encore 240 personnes dont soixante mineurs
(extrayant 15 000 tonnes d'ardoises
par an). L'autre haut lieu de l'ardoise
se situant dans le Segréen, à Noyantla-Gravoyère (transformé aujourd'hui
en site touristique).
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C'est d'ailleurs par la visite de la Mine
bleue dans cette commune du HautAnjou, sur les ardoisières de la Gatelière, dites aussi de Saint-Blaise, qu'il
faut commencer son initiation à
l'ardoise (lire encadré). Sous la férule
d'un guide – des jeunes gens formés
par d'anciens mineurs, histoire de transmettre le savoir – les visiteurs s'enfoncent
à 130 m de profondeur, sous la terre.
La descente en funiculaire (attention à
bien se tenir aux rampes !) dure
presque deux minutes. On embarque
ensuite à bord du petit train qui sillonne
les boyaux de la mine, avant d'arriver
au bas des vastes chambres
d'extraction. Celles-ci, ont été creusées
de 1916 à 1936, lorsque la mine faisait travailler près de 300 ouvriers (94
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mineurs, 140 fendeurs et le reste dans
les bureaux).
Les mineurs y tiraient le schiste des
parois, selon les méthodes dites “en
remontant” (dans 80 % des cas) ou
“en descendant” (les 20 % restant). Ils
travaillaient la veine de bas en haut
détachant des blocs de plusieurs
tonnes parfois.”Ils attaquaient toujours
le côté sud et tournaient jusqu'à atteindre la face nord, plus dangereuse car
plus abrupte,” explique “Poupouille”,
le guide du jour.
L'arrivée, dans les années 1930,
du marteau-perfortateur à air facilitera la taille des blocs mais s'ac compagne malheureusement du
développement des cas de schistose
(maladie qui attaque et détruit les poumons). En 1935, à la Gatelière, 620
tonnes d'ardoises sont fabriquées pour
le marché britannique, sur les 7 487
tonnes annuelles (record de production de la mine) et ce, moins d'un an
avant la fermeture, en juillet 1936. La
faillite de l'actionnaire principal renverra les mineurs chez eux, au retour
de leurs premiers congés payés !
Le droit des chérubins
Les blocs de roche remontés sur la
butte sont récupérés par les fendeurs,
qui vont tailler cette ardoise aux reflets
bleutés, dans des formats standardisés.
Mais cela c'est une autre histoire !
Une histoire que raconte à Trélazé, en
périphérie d'Angers, le musée de
l'Ardoise, prochaine étape de notre
visite. Musée associatif, le musée de
l'Ardoise conserve depuis près de trente
ans la mémoire des “seigneurs de
l'ardoise” ! Situé sur le site de l'UnionPetit pré (3 ha), le musée est classé
depuis 1993 parmi les sites remarquables du Maine-et-Loire. Il est né
de l'initiative d'anciens fendeurs qui,
avant de s'effacer, ont voulu former
quelques jeunes gens à la fente
d'ardoise, pour perpétuer le savoirfaire des “perreyeux” (ceux qui travaillaient la pierre).
Devant la cabane du fendeur, l'un
de ses apprentis confirmés, JeanChristophe, dit Rossignol (notre photo),
Mineurs de fond
Lorsqu'en 1985 et 1986, la
dernière mine de fer et les ardoisières
de Noyant-la-Gravoyère ferment leurs
portes, les habitants de la petite commune réagissent en investissant la mine,
à 130 m de profondeur. L'idée du maire
d'alors est de relancer la mine sous
forme d'une visite touristique pour
accompagner les derniers mineurs
jusqu'à leur retraite. Et de 1991 à 2000,
la Mine bleue, première version,
accueille environ 800 000 visiteurs par
an. C'est bien, et le lieu se positionne
comme quatrième site touristique du
département. Mais c'est encore insuffisant pour être économiquement rentable. La Mine bleue ferme ses portes
en 2000, “mais avec la volonté affichée de rouvrir à nouveau après
quelques aménagements, précise Florent Dauffy, actuel directeur de la
société gestionnaire du site. Parmi ces
nouvelles conditions, le transfert de la
propriété de la commune de Noyantévalue l'énorme bloc de schiste
remonté d'une des dernières mines
voisines encore en exploitation, celle
des Grands-Carreaux ou celle des
Fresnais, à Trélazé. Rossignol va reproduire les gestes d'antan. Après l'avoir
estimé, il s'apprête à débiter ce bloc
de plusieurs tonnes en quatre plaques
épaisses. Chaussé de ses sabots de
fendeurs (2 kg chacun !) et protégé
par des guêtres de tissu molletonné,
il passe à l'étape suivante. Le quernage ou le débitage en morceaux
réguliers d'ardoise, les repartons, avec
le bouc (sorte de grand ciseau de fer),
toujours dans le sens du longrain.
Taillant ainsi toujours plus fin, plus
petit, Rossignol transforme les repartons en “fendis” qui seront à leur tour
“rondis”, c'est-à-dire taillés aux dimensions finales de l'ardoise. On trouvait
autrefois 17 modèles différents. Il fallait cinq ans aux apprentis pour maîtriser l'ensemble des techniques, qui
se transmettaient autrefois entre fendeurs angevins, de père en fils exclusivement : cela s’appelait “le droit des
chérubins” ! On ne laissait pas entrer
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En voiture, pour la visite de la Mine bleue !
la-Gravoyère vers le Syndicat de pays
(qui compte 67 communes), une dérogation de service public pour la nouvelle Sarl gérante avec un contrat
d'affermage de quinze ans.”
La Mine bleue a finalement rouvert
en mai 2007 et propose depuis aux
groupes (40 % de la clientèle) et aux
particuliers un parcours guidé d'environ
une heure trente dans les galeries souterraines et une démonstration de fente
d'ardoise sur la butte.
Renseignements pour la Mine bleue de Noyant-laGravoyère au 02 41 94 39 69. Des formules avec
repas et visite d'un autre site touristique du Maineet-Loire sont également proposées aux groupes.
n'importe qui dans la corporation, et
les Bretons, recrutés pour descendre
à la mine, n'avaient pas accès à ce
métier, du moins dans les premiers
temps (fin XIXe). Mais pendant les deux
dernières guerres et l'arrivée des
femmes pour remplacer les hommes,
les règles se sont assouplies, les outils
se sont modernisés (avec la fente à
presse), les rendements ont augmenté.
Dans l'ancienne manufacture
d'allumettes, à un jet de pierre de l'aire
de démonstration sont rassemblés des
objets rappelant le monde des fendeurs: outils, machines, pièces de costumes de travail, modèles d'ardoises…
En revenant par le sentier, on ne manquera pas de s'arrêter à la boutique
du musée, installée dans la Maison
de l'Union, datant du XVIe et dont les
épais murs en moellons de schistes
témoignent de l'utilisation ancienne
de l'ardoise comme matériau de
construction.
Renseignements pour le Musée de l'ardoise au
02 41 69 04 71. Ouvert pour les groupes
toute l'année sur réservation.

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