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RACINES183 - mai08 XP7 Par 21/04/08 16:45 Page 46 Yvelise Richard L’Anjou, le pays de l’ardoise Autrefois extraite par ceux “d'à bas” (les mineurs) et transformée par ceux “d'à haut” (les fendeurs), l'ardoise est un fleuron méconnu de l'Anjou. Deux sites s’attachent aujourd’hui à faire découvrir la vie des “mineurs d’ardoises”. Utumulteuse ne naissance L'ardoise angevine est née au début de l'ère primaire, il y a 460 millions d'années. Elle est issue de la lente transformation d'argiles océaniques compactes, qui furent fortement comprimées et soumises à de hautes températures, avant de se métamorphoser en schiste très pur. Cette ardoise renferme parfois des fossiles, plus ou moins aplatis. (Source : La Mine bleue) E lle peut être grise ou verte, noire ou rouge ! Elle a est à la fois imperméable, résistante et souple, et se prête aujourd'hui à de multiples usages et n'est plus seulement utilisée que pour coiffer les maisons de l'Anjou et les châteaux (de la Loire, entre autres). L'ardoise, car il s'agit d'elle, vit une longue histoire avec le cœur de l'Anjou noir, celui des terrains schisteux et des mines de Trélazé (en exploitation), des mines aux portes d'Angers où travaillent encore 240 personnes dont soixante mineurs (extrayant 15 000 tonnes d'ardoises par an). L'autre haut lieu de l'ardoise se situant dans le Segréen, à Noyantla-Gravoyère (transformé aujourd'hui en site touristique). RACINES 46 C'est d'ailleurs par la visite de la Mine bleue dans cette commune du HautAnjou, sur les ardoisières de la Gatelière, dites aussi de Saint-Blaise, qu'il faut commencer son initiation à l'ardoise (lire encadré). Sous la férule d'un guide – des jeunes gens formés par d'anciens mineurs, histoire de transmettre le savoir – les visiteurs s'enfoncent à 130 m de profondeur, sous la terre. La descente en funiculaire (attention à bien se tenir aux rampes !) dure presque deux minutes. On embarque ensuite à bord du petit train qui sillonne les boyaux de la mine, avant d'arriver au bas des vastes chambres d'extraction. Celles-ci, ont été creusées de 1916 à 1936, lorsque la mine faisait travailler près de 300 ouvriers (94 mai 2008 RACINES183 - mai08 XP7 21/04/08 16:45 Page 47 mineurs, 140 fendeurs et le reste dans les bureaux). Les mineurs y tiraient le schiste des parois, selon les méthodes dites “en remontant” (dans 80 % des cas) ou “en descendant” (les 20 % restant). Ils travaillaient la veine de bas en haut détachant des blocs de plusieurs tonnes parfois.”Ils attaquaient toujours le côté sud et tournaient jusqu'à atteindre la face nord, plus dangereuse car plus abrupte,” explique “Poupouille”, le guide du jour. L'arrivée, dans les années 1930, du marteau-perfortateur à air facilitera la taille des blocs mais s'ac compagne malheureusement du développement des cas de schistose (maladie qui attaque et détruit les poumons). En 1935, à la Gatelière, 620 tonnes d'ardoises sont fabriquées pour le marché britannique, sur les 7 487 tonnes annuelles (record de production de la mine) et ce, moins d'un an avant la fermeture, en juillet 1936. La faillite de l'actionnaire principal renverra les mineurs chez eux, au retour de leurs premiers congés payés ! Le droit des chérubins Les blocs de roche remontés sur la butte sont récupérés par les fendeurs, qui vont tailler cette ardoise aux reflets bleutés, dans des formats standardisés. Mais cela c'est une autre histoire ! Une histoire que raconte à Trélazé, en périphérie d'Angers, le musée de l'Ardoise, prochaine étape de notre visite. Musée associatif, le musée de l'Ardoise conserve depuis près de trente ans la mémoire des “seigneurs de l'ardoise” ! Situé sur le site de l'UnionPetit pré (3 ha), le musée est classé depuis 1993 parmi les sites remarquables du Maine-et-Loire. Il est né de l'initiative d'anciens fendeurs qui, avant de s'effacer, ont voulu former quelques jeunes gens à la fente d'ardoise, pour perpétuer le savoirfaire des “perreyeux” (ceux qui travaillaient la pierre). Devant la cabane du fendeur, l'un de ses apprentis confirmés, JeanChristophe, dit Rossignol (notre photo), Mineurs de fond Lorsqu'en 1985 et 1986, la dernière mine de fer et les ardoisières de Noyant-la-Gravoyère ferment leurs portes, les habitants de la petite commune réagissent en investissant la mine, à 130 m de profondeur. L'idée du maire d'alors est de relancer la mine sous forme d'une visite touristique pour accompagner les derniers mineurs jusqu'à leur retraite. Et de 1991 à 2000, la Mine bleue, première version, accueille environ 800 000 visiteurs par an. C'est bien, et le lieu se positionne comme quatrième site touristique du département. Mais c'est encore insuffisant pour être économiquement rentable. La Mine bleue ferme ses portes en 2000, “mais avec la volonté affichée de rouvrir à nouveau après quelques aménagements, précise Florent Dauffy, actuel directeur de la société gestionnaire du site. Parmi ces nouvelles conditions, le transfert de la propriété de la commune de Noyantévalue l'énorme bloc de schiste remonté d'une des dernières mines voisines encore en exploitation, celle des Grands-Carreaux ou celle des Fresnais, à Trélazé. Rossignol va reproduire les gestes d'antan. Après l'avoir estimé, il s'apprête à débiter ce bloc de plusieurs tonnes en quatre plaques épaisses. Chaussé de ses sabots de fendeurs (2 kg chacun !) et protégé par des guêtres de tissu molletonné, il passe à l'étape suivante. Le quernage ou le débitage en morceaux réguliers d'ardoise, les repartons, avec le bouc (sorte de grand ciseau de fer), toujours dans le sens du longrain. Taillant ainsi toujours plus fin, plus petit, Rossignol transforme les repartons en “fendis” qui seront à leur tour “rondis”, c'est-à-dire taillés aux dimensions finales de l'ardoise. On trouvait autrefois 17 modèles différents. Il fallait cinq ans aux apprentis pour maîtriser l'ensemble des techniques, qui se transmettaient autrefois entre fendeurs angevins, de père en fils exclusivement : cela s’appelait “le droit des chérubins” ! On ne laissait pas entrer RACINES 47 mai 2008 En voiture, pour la visite de la Mine bleue ! la-Gravoyère vers le Syndicat de pays (qui compte 67 communes), une dérogation de service public pour la nouvelle Sarl gérante avec un contrat d'affermage de quinze ans.” La Mine bleue a finalement rouvert en mai 2007 et propose depuis aux groupes (40 % de la clientèle) et aux particuliers un parcours guidé d'environ une heure trente dans les galeries souterraines et une démonstration de fente d'ardoise sur la butte. Renseignements pour la Mine bleue de Noyant-laGravoyère au 02 41 94 39 69. Des formules avec repas et visite d'un autre site touristique du Maineet-Loire sont également proposées aux groupes. n'importe qui dans la corporation, et les Bretons, recrutés pour descendre à la mine, n'avaient pas accès à ce métier, du moins dans les premiers temps (fin XIXe). Mais pendant les deux dernières guerres et l'arrivée des femmes pour remplacer les hommes, les règles se sont assouplies, les outils se sont modernisés (avec la fente à presse), les rendements ont augmenté. Dans l'ancienne manufacture d'allumettes, à un jet de pierre de l'aire de démonstration sont rassemblés des objets rappelant le monde des fendeurs: outils, machines, pièces de costumes de travail, modèles d'ardoises… En revenant par le sentier, on ne manquera pas de s'arrêter à la boutique du musée, installée dans la Maison de l'Union, datant du XVIe et dont les épais murs en moellons de schistes témoignent de l'utilisation ancienne de l'ardoise comme matériau de construction. Renseignements pour le Musée de l'ardoise au 02 41 69 04 71. Ouvert pour les groupes toute l'année sur réservation.