Tribune des cineastes - Audiovisuel - un avenir ni radieux ni

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Tribune des cineastes - Audiovisuel - un avenir ni radieux ni
Audiovisuel : un avenir ni radieux ni assuré
On nous avait annoncé que la suppression de la publicité sur le service public allait déboucher sur
une réflexion sincère des pouvoirs publics pour renforcer l'identité et l'ambition de l'audiovisuel public
et asseoir son financement sur une base stable et solide.
Nous voici désormais contraints de faire un constat aussi amer que révoltant : l'avenir du service
public dont les pistes de financements apparaissent aléatoires sinon insuffisantes ne semble ni serein
ni radieux ni même assuré, quelles que soient d'ailleurs les propositions retenues par une
Commission pour la nouvelle télévision publique, durablement fragilisée par le départ de
parlementaires socialistes et communistes persuadés que la réforme du service public s'écrivait
ailleurs.
Les inquiétudes se multiplient en effet sur l'avenir du service public, notamment après les
déclarations du Président de la République qui n'a pas attendu que l'encre des scénarios formulés
par la commission Copé soit sèche pour rejeter toute augmentation du produit de la redevance.
Malheureusement, s'il est aujourd'hui une caractéristique de la politique audiovisuelle en France, c'est
la propension de nos gouvernants à voler au secours des chaînes commerciales et à détourner la
tête dès lors qu'il s'agit de soutenir la création, qu'elle soit présente sur les antennes privées ou
publiques.
Cette triste réalité dans le pays qui a défendu avec ardeur et sincérité la diversité culturelle est sans
doute douloureuse pour tous ceux qui pensaient que la politique de civilisation vantée par le
Président de la République ne devait pas plus se traduire par un délitement du service public que par
une compassion exagérée pour les chaînes commerciales.
Loin de tout intérêt général, les pouvoirs publics semblent aujourd'hui vouloir se pencher avec une
bienveillance extrême au chevet des chaînes privées, quitte à ce qu'un fossé irrémédiable ne se
creuse entre un service public mal financé et des chaînes privées abreuvées jusqu'à plus soif de
publicité et délivrées d'une réglementation audiovisuelle à qui l'on fait revêtir les habits du coupable
idéal, oubliant au passage ce que la vitalité de la création française et la diversité culturelle lui
doivent.
En cela, ils s'inscrivent dans les pas de ceux qui considèrent que la descente aux enfers du cours de
bourse des chaînes commerciales ne doit rien aux erreurs stratégiques commises ces dernières
années. L'aveuglement des équipes dirigeantes qui n'ont pas su parier sur le développement de la
TNT, qui n'ont pas anticipé le déclin d'un modèle économique bouleversé par l'éclatement du
paysage audiovisuel et le développement d'Internet et qui ont consumé leurs forces et leurs
financements dans une guerre perdue avec Canal Satellite se trouve ainsi exonéré à bon compte.
Ce dévoiement de la réflexion sur l'avenir du service public pourrait prêter à sourire s'il n'était pas
l'expression du lobbying triomphant des chaînes privées dans tous les couloirs de la République et s'il
ne mettait pas en lumière les dérives d'une politique audiovisuelle borgne et univoque, engagée dans
une entreprise rigoureuse de démolition de la réglementation. Car ne le cachons pas, l'annonce par le
Gouvernement comme par Jean-François Copé, Président de la commission éponyme, de leur
soutien à l'instauration d'une seconde coupure publicitaire dans les oeuvres, la parant des atours de
la modernité, au mépris du public et au détriment de l'intégrité des oeuvres, n'est rien d'autre que
l'illustration de cette nouvelle politique qui joue l'industrie contre la création. C'est malheureusement la
première étape d'un parcours qui conduira à la remise en cause des obligations d'investissement et
de diffusion de la création française et européenne des chaînes commerciales pour renoncer à toute
ambition culturelle nationale.
Finalement, c'est tout l'équilibre de la politique audiovisuelle, qui a autant besoin d'acteurs
audiovisuels forts que d'un soutien affirmé à ses créateurs, qui se trouve fragilisé et remis en cause.
Alors que se préparent dans le secret des Ministères des décrets et des lois pour introduire une
seconde coupure publicitaire dans les oeuvres, proposer un nouveau mode de calcul de la publicité,
augmenter son volume et refondre des règles anti-concentration, pour la création et la culture, c'est
« circulez, il n'y a rien à voir ! ».
En avril 2007, celui qui n'était pas encore Président de la République, mais qui promettait une
augmentation des recettes publicitaires du service public, professait « je ne crois pas que la culture,
que l'art, puissent être entièrement abandonnés à la logique du marché… La création a besoin d'aide
si l'on ne veut pas que la loi du profit à court terme décide de tout. ». Ses déclarations et sa volonté
de conduire une politique de civilisation semblent aujourd'hui rester lettre morte, sauf à considérer
que la civilisation est uniquement indexée sur le cours de bourse des chaînes commerciales !
REJOIGNEZ LES SIGNATAIRES EN NOUS EN ECRIVANT : (nom, prénom, fonction)
Les signataires :
Michel Andrieu, Cinéaste
Jean-Jacques Annaud, Cinéaste
Jean Becker, Cinéaste
Jean-Jacques Beineix, Cinéaste
Véra Belmont, Cinéaste
Bertrand Blier, Cinéaste
Rachid Bouchareb, Cinéaste
Patrick Bouchitey, Cinéaste
Michel Boujenah, Cinéaste
Paul Boujenah, Cinéaste
Patrick Braoudé, Cinéaste
Catherine Breillat, Cinéaste
Christian Carion, Cinéaste
Alain Corneau, Cinéaste
Dante Desarthe, Cinéaste
Michel Deville, Cinéaste
Bertrand van Effenterre, Cinéaste
Jacques Fansten, Cinéaste
Costa Gavras, Cinéaste
Laurent Heynemann, Cinéaste
Jean-Loup Hubert, Cinéaste
Pierre Jolivet, Cinéaste
Gérard Jugnot, Cinéaste
Gérard Krawczyk, Cinéaste
Jeanne Labrune, Cinéaste
Georges Lautner, Cinéaste
Patrice Leconte, Cinéaste
Claude Lelouch, Cinéaste
Philippe Lioret, Cinéaste
Jean Marboeuf, Cinéaste
Olivier Marchal, Cinéaste
Isabelle Mergault, Cinéaste
Radu Mihaileanu, Cinéaste
Claude Miller, Cinéaste
Claude Pinoteau, Cinéaste
Jean-Marie Poiré, Cinéaste
Jean-Paul Rappeneau, Cinéaste
Jean-Paul Salomé, Cinéaste
Pierre Salvadori, Cinéaste
Bertrand Tavernier, Cinéaste
Pascal Thomas, Cinéaste
Francis Veber, Cinéaste
Christian Vincent, Cinéaste