sos sos - SOS Asile Vaud
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BULLETIN NO 82 sos asile MAI 2007 P , S indigner contre le racisme: un devoir Le rapporteur spécial de l'ONU, Doudou Diène, vient de rendre son rapport suite à la mission effectuée en Suisse en 2006. La lecture de ce document est édifiante. Doudou Diène constate qu'en Suisse, racisme et xénophobie se traduisent non seulement par les platesformes de certains partis politiques mais «surtout par des législations et politiques traitant les questions d’immigration et d’asile sous l’angle uniquement sécuritaire et criminalisant les immigrés et demandeurs d’asile»1. Les restrictions législatives envoient à la population un message de stigmatisation qui renforce les préjugés et conforte la discrimination et la xénophobie au sein de la société. Ceci tend à légitimer les actes racistes, tant au niveau des organes étatiques que dans les rapports sociaux vécus au quotidien. Le racisme en Suisse est profond et il faudrait ainsi bien davantage que la norme pénale actuelle pour le contrer véritablement dans ses expressions les plus quotidiennes. Pour empêcher la discrimination à l'embauche, réprimer le refus de louer un appartement, ou celui de laisser entre quelqu'un dans un café ou une boîte de nuit. Resterait aussi à combattre le racisme des institutions, notamment celui de la police combiné à l'exclusion de l'asile des plus précarisés. Le double procès qui vient d’avoir lieu à Vevey est emblématique du racisme existant. André Corboz, conseiller communal UDC qui avait peint des slogans racistes sur des murs de Bex a comparu devant la justice en mars ; les quatre jeunes Noirs qui, avec d’autres Noirs, avaient manifesté leur indignation à ces slogans, en avril. André Corboz a été condamné pour violation de la norme pénale anti-raciste. Cela est juste. Mais pourquoi les quatre jeunes Noirs ont-ils été inculpés et condamnés pour émeute ? Pourquoi devront-ils pur-ger une peine aussi sévère ? La justice a mis sur pied d’égalité une incitation à la haine raciale et l’indignation qu’elle a provoqué chez ses victimes. Revenant sur le contexte dans lequel les actes portés en jugement se sont déroulés et sur l’issue de ces procès, l’article de Karl Grünberg questionne la responsabilité de chacun.e, et plus particulièrement des autorités et de la police. Non, le racisme n’est pas une fatalité. Vivre ensemble dans le respect mutuel peut et doit être possible. Face à la montée du racisme et de la xénophobie, il nous appartient de lutter aux côtés des personnes qui le subissent au quotidien et de leurs mouvements associatifs, comme le MouReDin, Mouvement pour le Respect et la Dignité du Noir. Rapport soumis par le Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l’intolérance qui y est associée, Doudou Diène, Mission en Suisse, 30 janvier 2007, point 68. Ce rapport est disponible à l’adresse suivante: http://daccessdds.un.org/doc/UNDOC/GEN/G07/105/59/P DF/G0710559.pdf?OpenElement 1 Pour promouvoir le vivre ensemble et signifier notre rejet de toute forme de racisme, de discrimination et d’exclusion, participons nombreux et nombreuses à la grande manifestation nationale du 16 juin à Berne Dans ce numéro: Dossier racisme A Bex comme ailleurs, l’indifférence favorise le racisme ordinaire Le Mouvement pour le Respect et la Dignité du Noir Réfugiés irakiens Mémoires de luttes Appel à solidarité avec la Ruta Pacífica de las Mujeres A lire Agenda sos asile 2 4 6 6 9 10 10 LA SUISSE C’EST NOUS bulletin 82 mai 07 2 Dossier racisme A, Bex comme ailleurs, l indifférence favorise le racisme ordinaire Cet article a été écrit après le procès d’André Corboz, condamné pour discrimination raciale à 90 jours-amende (150.-/jour) avec sursis pendant 2 ans et à 1500.- d’amende. Depuis, le procès de quatre jeunes Noirs qui, avec d’autres Noirs, avaient manifesté leur indignation aux tags et à la violence racistes d’André Corboz, a également eu lieu. André Corboz, qui ne s’est pas limité à peindre ses slogans racistes mais a physiquement agressé plusieurs Noirs au cours de la soirée du 10 mais 2005, qualifiée d’émeute par la police cantonale, n’a pas fait partie des inculpés. Lors de ce 2e procès, les juges ont reconnu la légitimité de la réaction de colère des manifestants, mais ont condamné leur volonté de se faire justice eux-mêmes. Cette analyse ignore leurs appels à ce que la police mette fin à l’activité d’André Corboz, comme elle ignore que la police semble s’être contenté de les contrôler eux plutôt que de donner suite à leur demande. Les quatre inculpés ont écopé de peines de 5 à 10 mois de prison ferme. Cette condamnation enfonce les victimes d’une incitation à la haine raciale et condamne son auteur à une peine bien inférieure. Dangereux message que la justice a donné là, qui méprise la prévention pour les chantres du racisme comme les personnes qui l’ont subi. P Petite ville, centre de requérants d'asile, trafic de drogue, les ingrédients sont bons et leur usage immodéré tentant. L'opinion publique, gagnée par le sentiment d'insécurité, travaillée au sentiment d'insécurité, pourra imaginer le bourg que les ravages de l'époque arrachent à sa tranquillité. Bingo! Les Bellerins, habitués - eux aussi - à ouvrir le média comme on ouvre la fenêtre, découvrent ainsi le portrait d’une réalité qu'ils sont portés à croire. A tout seigneur tout honneur, il faut reconnaître les efforts du Matin, pour informer ses lecteurs, pour formater leurs émotions1. Complétons le décor: vingt ans se sont passés d’une politique gouvernementale qui a présenté les réfugiés comme un problème plutôt que de combattre les guerres et les misères qui les arrachaient aux leurs, plutôt que de motiver la solidarité dont ils avaient besoin. Des années 1970 aux années 1990, le Conseil fédéral, le parlement, les partis gouvernementaux, les syndicats, les patrons, les églises et les associations de solidarité avaient rejeté toutes les initiatives xénophobes. En matière d'asile, ils adhéreront presque tous aux durcissements successifs de la politique, à la stigmatisation des réfugiés. Le 15 mai 1991, le Conseil fédéral donnera le ton: la Suisse doit se fermer «aux ressortissants des pays qui n'ont pas les idées européennes (au sens large)»2. La ficelle était grosse. Le problème n'était pas insoluble. L'euphémisme est crasse, le message limpide: la politique d'immigration doit être une politique raciale. Les réfugiés, dépourvus d'idées européennes, bénéfisos asile cieraient-ils, seuls d'entre tous les étrangers, d'un droit au séjour? Les immigrés non-européens, privés par leur seule origine de la possibilité de solliciter une autorisations de séjour, sont réduits eux au sort de «sans-papiers»: attrapés ils se voient reprocher le délit… d'avoir été discriminés! L'attribution d'une délinquance ethnique aux populations indésirables facilitera leur exclusion. L'accréditation de l'image du «Noir trafiquant de drogue» n'a pas peu contribué au succès de la LEtr et de la LAsi. On connaît la suite, les lois contre les étrangers et contre les réfugiés ont été adoptées le 24 septembre 2006. 10 mai 2005, une étrange soirée Ce soir-là, André Corboz, élu local alors radical, avait multiplié d’odieuses inscriptions racistes sur les murs de la Ville : «Nègres go home», «Stop Faréas», «Stop à la drogue» et choqué les Noirs qu’il visait. Informée par des Bellerins indignés, ACOR SOS Racisme a dénoncé cette infraction aux dispositions pénales contre le racisme et s’est portée partie civile. Le procès d'André Corboz, réélu au printemps 2006 sur la liste UDC cette fois - s'est tenu le 15 février 2007. La justice a reconnu la gravité de son délit et l'a condamné. ACOR SOS Racisme s’est toutefois vu refuser son statut de partie civile et a recouru contre ce jugement. Coquetterie? Dogmatisme psychorigide? Bien sûr que non. Faute d'avoir pu être entendue, ACOR SOS Racisme n'a pas pu rapporter la voix des victimes du racisme ni proposer l'examen détaillé de l'étrange soirée du 10 mai. Manifestant contre le racisme qui les bulletin 82 mai 07 Dossier racisme 3 visait, quatre Noirs ont été arrêtés. Qu’avaient-ils donc fait? Dans quelles circonstances ont-ils été amenés à manifester? Un enjeu important: le droit de manifester contre le racisme est en cause Le 19 avril 2007, ces quatre Noirs, accusés d'avoir mené une émeute, passeront en jugement. Plusieurs pensionnaires de la FAREAS avaient alerté la police et signalé les nombreux slogans racistes qu’André Corboz peignait impunément autour de leur foyer qui hébergeait trois des Noirs accusés (le quatrième, «NEM», ne pouvait y être logé). La manifestation des requérants d’asile n’eut lieu que plusieurs heures après le début des inscriptions. Pourquoi l’activité du provocateur n’avait-elle pas été interrompue? Le commandement de la police vaudoise a communiqué que mardi 10 mai 2005, en début de soirée, une altercation avait éclaté entre un vaudois de 44 ans et des ressortissants africains en ville de Bex. Excédé par le comportement de certains requérants d'asile s'adonnant au trafic de produits stupéfiants devant son domicile, selon ses propres déclarations, le Bellerin a fait plusieurs inscriptions à caractère raciste sur les murs de la ville, visant les requérants d'asile et la FAREAS. Commerçant tout d'une pièce André Corboz aurait pété les plombs. Sa version, «le shérif de Bex» l'a ressassée deux ans durant et s'est fait réélire début 2006 au conseil communal, pour animer la campagne UDC pour la fermeture du centre FAREAS qui l'a emporté en novembre 2006. Il l'a répétée devant la cour et les médias. Cette version ne résiste pas à l'examen des faits. C'est troublant. Tout au long de cette étrange soirée 2005 André Corboz a peint ses slogans racistes, au vu et au su de tous ceux qui l'ont croisé, et de la police à plusieurs reprises. Les Noirs découvraient ses panneaux au fur et à mesure de leur confection, s'en alarmaient, tentaient de les effacer, sollicitaient l'intervention de la police pour faire cesser ce scandale et n'obtenaient rien. En fin de soirée seulement, ils décidaient de manifester leur indignation, se faisaient violemment refouler par un barrage de police. Quelques manifestants ont été arrêtés. Ils seront désignés comme meneurs. Savons-nous mieux que la police et que Le Matin ce qui s'est passé à Bex le 10 mai 2005 au soir? Oui. Nous disposons d'une solide source d'information: le dossier de l'instruction de la provocation d'André Corboz qu'a établi le juge d'instruction. Pétage de plomb dû à un trafic de drogue? En début de soirée, le 10 mai 2005, André Corboz a agressé deux sos asile Noirs auxquels il a reproché un trafic de drogue. Ils avaient été contrôlés par la police qui avait établi que tel n'était pas le cas. Altercation entre André Corboz et des ressortissants africains? André Corboz a délibérément agressé plusieurs Noirs. La police est parvenue à soustraire l'un d'entre eux à sa violence pour le reconduire au centre FAREAS. Un autre Noir a été si violemment battu que les mains d’André Corboz sont couvertes de son sang. La police ne le retrouve pas mais craint qu'il ne soit gravement blessé. Dès 20 heures, la police est informée qu'André Corboz couvre les murs d'inscriptions racistes. Plusieurs agents le voient. Ils demandent des renforts… pour faire face aux Noirs. Personne ne semble avoir songé à arrêter le peintre provocateur. Les rapports font état de Bellerins qui l'auraient vu faire et l'auraient encouragé. Le pompon Vers 22 h 20, les policiers partent à la recherche d'André Corboz… pour le protéger d'une manifestation qui viendrait à sa rencontre. Toutes les huit plaintes qu'ont signées les propriétaires des murs souillés indiquent un délit commis simultanément en une demi-heure, à partir de 22 h 30 et jusqu'à 23 h. Les policiers, après avoir pour le moins cafouillé une soirée entière, auraient identifié les meneurs d'une manifestation qui se serait produite avant la cause qui l'aurait suscitée? Il n'est pas dans notre pouvoir de comprendre les raisons qui ont empêché les dizaines de policiers mobilisés depuis Yverdon de mettre un terme à la propagande haineuse d'André Corboz. Alors même que les Noirs le leur demandaient. Alors même qu'ils pouvaient voir la sympathie de Bellerins pour Corboz et donc avoir la preuve qu'incitant à la haine raciale il la suscitait effectivement. En revanche, il est dans notre pouvoir de manifester et de lutter contre le racisme. Et d’affirmer que les Noirs inculpés pour avoir exprimé leur indignation à Bex le 10 mai 2005 ne devaient pas plus être sanctionnés que nous ne l’avons été pour avoir librement manifesté le 17 avril 2007 à Lausanne. Nous estimons avec Jacques Neirynck, que cet inqualifiable procès a violé le droit fondamental à l'égalité. Karl Grünberg, ACOR SOS Racisme 19 03 05 Asile: Blocher a mille fois raison; 27 06 06 «Ils hurlaient «Tu l'as tué!» et ils ont tout cassé»; 28 06 06 «Bex: il faudra peutêtre un mort»; 01 07 06 «Ces filous qui plombent l'asile». 2 Rapport du 15 mai 1991 du Conseil fédéral sur la politique à l'égard des étrangers et des réfugiés. 3 Le Temps, 18 avril 2007. 1 bulletin 82 mai 07 4 Dossier racisme Le Mouvement pour le Respect et la Dignité du Noir MouReDiN L L’accroissement en Suisse des actes discriminatoires par les forces de l’ordre, notamment envers les noirs, est dénoncé par tous ceux qui expriment régulièrement leur préoccupation en termes de violation de droits humains. Tous les organismes suisses spécialisés, tous les observateurs internationaux ont constaté l’implication régulière de la police. Ainsi, Boël Sambuc, vice-présidente de la Commission fédérale contre le racisme, relevait en 2002 dans un discours, que les mesures draconiennes de rétablissement de l’ordre public entreprises, contribuent à «aggraver l’amalgame entre couleur de peau et criminalité dans l’opi-nion»1. La population noire est par définition «visible», et continue à être la cible des exactions de la police lors de contrôles dits «de routine» particulièrement. Dans le cadre de l’opération vaudoise Alpha, la lutte contre le trafic de cocaïne passe visiblement avant les libertés fondamentales, telle la liberté de mouvement, pour les autorités lausannoises qui cautionnent l'opération, pour devenir une chasse aux noirs. A cet égard, nous relevons que ces opérations policières – Alpha et ensuite Delta - poursuivent manifestement des buts politiques. S'il ne s'agissait que de lutter contre la délinquance, il n’y aurait pas de raison qu’on assiste en pleine rue à des fouilles corporelles allant jusqu’au déshabillage des noirs interpellés. Les noirs sont délibérément stigmatisés par les autorités, à travers la diffusion de propos discriminatoires par certains élus, dans la presse et ailleurs. Nous considérons que ces agissements constituent une grave atteinte à la dignité et au respect du noir, doublé d’une incitation à la haine raciale au sein de l’opinion publique. C’est dangereux! A travers ces opérations, les noirs sont inéluctablement pris pour cible et assimilés par la seule couleur de leur peau à des délinquants. Un simple contrôle de routine peut dégénérer en quelques minutes, et le noir se retrouve soit plaqué au sol, soit les mains menottées dans le dos, étranglé pour l’empêcher d’avaler les supposés stocks de drogue qu’il cacherait dans sa bouche. Ces violences systématiques, souvent commises dans les coins retirés et obscurs de la rue, témoignent de méthodes méprisantes, dévalorisantes, et inhumaines. Il est de notre devoir de rappeler aux responsables et hommes politiques suisses, qu’ils doivent tout faire sos asile pour empêcher toute incitation, au sein même de la classe dirigeante du pays, à la haine raciale, à la discrimination et à l’intolérance contre une population dont le seul défaut est d’être visible, noire. Notre communauté n’aspire qu’à être tout simplement reconnue dans sa dignité et ses droits humains, par les autorités politiques et judiciaires. En effet, l’impunité n’a pas sa place dans un pays qui se détermine sur l’échiquier mondial comme juste et équitable. C’est dans cet esprit qu’est née notre association, le Mouvement pour le Respect et la Dignité du Noir. 16 avril 2006, environ 21 heures Un moment décisif Alors qu’il venait chez moi pour une réunion amicale, Koffi, 17 ans à l’époque, fit l’objet d’un contrôle d’identité à 50 mètres de mon domicile. La police lui demanda sa pièce d’identité, qu’il présenta sous la forme d’une carte d’identité scolaire, sans aucune résistance. Comme il était frappé de NEM, il ne pouvait pas présenter le permis de séjour qu’on lui demanda ensuite. Contestant la scolarité de Koffi, ainsi que l’authenticité de sa carte scolaire, le ton monta et les violences ne tardèrent pas à émailler la discussion. Le jeune homme se retrouva rapidement plaqué au sol par deux policiers. Se débattant, il réussit à se relever et à leur échapper, leur faisant cadeau de sa chemise. C’est ainsi qu’il arriva en bas de chez moi, en criant «tonton, tonton, on me tue!». J’ouvris la fenêtre et vis mon neveu Koffi courir, torse nu, avec un bras ensanglanté. J’ouvris la porte et le laissai entrer. Je vis ensuite les deux policiers se rapprocher de chez moi en courant. Leur demandant le motif de l’altercation, ils me dirent «contrôle de routine». Pendant les explications des deux policiers, un troisième fit son apparition. Il écarta les deux premiers, pénétra dans mon domicile sans autre forme de procès, et empoigna Koffi par les épaules. Notre ami se retrouva ainsi une nouvelle fois le nez par terre, cette fois au milieu de mon salon. Comme il se débattait, il se retrouva à la salle de bain avec les trois policiers, qui cherchaient à le maîtriser. J’appelai Karl Grünberg, secrétaire général d’ACOR SOS-Racisme, pour lui faire écouter ce qui se passait chez moi. Après avoir brièvement relaté les circons- bulletin 82 mai 07 Dossier racisme 5 tances, je laissai le combiné ouvert afin que Karl puisse suivre les événements en direct. Koffi a finalement été arrêté et conduit au poste de police. A sa sortie le lendemain à midi, nous nous sommes réunis chez moi, avec Koffi et trois de nos amis, pour digérer les événements de la veille, et très conscients que l’heure d’agir était arrivée. Notre indignation et notre révolte constituèrent l’embryon de notre Mouvement. Sa naissance eu lieu officiellement le 1er août 2006 avec notre intervention lors des festivités de la fête nationale, ainsi que la rédaction de nos statuts. Notre objectif principal est de dénoncer les agissements des autorités face à la communauté noire et descendante des noirs. Nous voulons plus particulièrement mettre en évidence le racisme d’Etat existant en Suisse. Nos buts sont: n Combattre les appels à la haine de certains élus; n Critiquer et dénoncer les contrôles policiers abusifs; n Prendre la défense des victimes de violences discriminatoires; n Sensibiliser la population noire sur la réalité du racisme, et la nécessité de réagir, ainsi que l’informer de ses droits; Concrètement, les projets que nous sommes en train de mettre sur pied concernent dans un premier temps la population de jeunes noirs et de métis, de Lausanne et environs. Voici les activités que nous projetons pour 2007: n Diffusion de films, accompagné de rencontresdébat; n Invitation de noirs et de blancs dans le cadre d’un dialogue interculturel; n Rencontres avec les autorités, notamment avec les responsables des forces de l’ordre, afin d’étudier ensemble une amélioration des relations; En conclusion, le Mouvement pour le Respect et la Dignité du Noir estime qu’il est plus que jamais nécessaire que le Noir élève la voix, pour dire STOP, trop c’est trop! A travers ces lignes, nous invitons vivement tous les noirs et les métis à ne pas rester dans l’ombre, laissant leur défense souvent dans les mains de Dieu seulement. Nous devons réagir devant l’injustice, et recadrer notre position dans une société qui se dit démocratique et respectueuse des droits humains. Alors levons-nous, et luttons ensemble pour notre dignité et le respect de notre communauté. C’est notre droit, et puisqu’il ne nous est pas accordé, nous devons le réclamer! Georges Blézon Dérou, responsable et Rebecca Dandingam-Tickle, communication MouReDiN 1 Définition du racisme anti-noir, www.ciao.ch SOS Asile Vaud a l'immense tristesse d'annoncer à ses lecteurs le décès de Mark Haldimann. Ce militant infatigable de nombreuses causes s'était engagé depuis quelques années aux côtés des personnes sanspapiers. SOS-Asile Vaud avait récemment décidé avec Mark de confier les tâches d'impression du bulletin à l'imprimerie coopérative de Bienne qu'il avait contribué à fonder. Ce brusque décès nous touche à plusieurs titres et nous nous joignons à la douleur des proches de Mark. Son engagement éclairera nos luttes à venir. sos asile bulletin 82 mai 07 6 Actuel Réfugiés irakiens: la masse et l'afflux selon l'Office fédéral des migrations A A mi-février 2007, un communiqué d'agence de presse a circulé, sous le titre accrocheur de Afflux massif de réfugiés irakiens en Suisse. Ce communiqué reprenait une déclaration faite à la radio alémanique par le porte-parole de l'Office fédéral des migrations (ODM). Largement repris, sans le moindre commentaire et sans la moindre critique, ce document mentionnait également que le nombre d'Irakiens arrivés en Suisse en 2006 avait quasi doublé. Ce n'est qu'en y regardant d'un peu plus près qu'on a pu s'apercevoir de quoi il en retournait exactement. En 2006, 816 Irakiens sont arrivés en Suisse, contre 468 l'année précédente. Sachant que, selon les statistiques officielles*, 10'537 personnes ont demandé l'asile à notre pays en 2006, les Irakiens ont représenté le 7,7% des demandes de l'année. Au total, fin décembre 2006, 3614 réfugiés irakiens se trouvaient en Suisse, soit le 8,1% des personnes en procédure d'asile. Il est ainsi incontestable que le nombre des arrivées d'Irakiens a doublé entre 2005 et 2006. Mais peut-on vraiment parler d'un «afflux massif» pour seulement 816 personnes? De quoi devrait-on s'inquiéter lorsque l'on se focalise sur un groupe humain qui ne représente que moins du 10% du total des demandeurs d'asile? Cette manière d'alerter l'opinion ressemble à s'y méprendre à de la pure manipulation. Le plus fort de tabac, c'est qu'il y a clairement d'excellentes raisons pour que les Irakiens prennent la fuite. Les violences en Irak poussent de plus en plus de personnes à l'exil. Dans les pays limitrophes, en Syrie et en Jordanie, les réfugiés se comptent par millions, avec toutes les difficultés que cela signifie sur le plan humanitaire. Une fois de plus, au lieu de souligner la légitimité de ces demandes d'asile, l'administration préfère dramatiser sur le thème de l'invasion... Pas question non plus de soulager le fardeau des pays de premier accueil: les services de M. Christoph Blocher ont annoncé tout récemment qu'ils n'entendaient pas accueillir de contingents d'Irakiens. Mais la Suisse officielle aurait tort de se gêner. Les pays européens ne sont pas en reste de pingrerie. Fin avril, l'Union européenne s'est montrée hostile à une politique de «réinstallation» d'un certain nombre de réfugiés irakiens massés en Jordanie. L'argumentation est tout aussi élégante que celle de notre gouvernement: l'aide humanitaire sur place coûte moins cher. Une fois de plus, la sécurité et la protection des réfugié-e-s, ainsi que l'équilibre de leur région, en l'occurrence le Moyen Orient, sont manifestement des questions secondaires. Christophe Tafelmacher * Les statistiques en matière d'asile sont aisément consultables et téléchargeables à l'adresse suivante: http://www.bfm.admin.ch/index.php?id=14&L=1 Mémoires de luttes Un témoignage recueilli lors des vingts ans de SOS Asile Le rire aussi P Prendre la parole à la soirée d'anniversaire de SOS Asile, en tant que participante du premier refuge, en 1985? On me le demande, mais je ne sais pas de quoi je pourrais bien parler. Les souvenirs du refuge de StAmédée, j'en ai plein, mais liés au quotidien, «aux petites choses», aux moments passés ensemble dans ce lieu, aux repas, aux nuits remplies de récits et de confidences en attendant un improbable sommeil. sos asile Ce qui rend aussi le témoignage plus difficile, moins «consistant» à mes yeux, c'est que ma participation aux débuts de SOS Asile, et donc au refuge de St-Amédée, a coïncidé pour moi avec la construction d'un nouveau réseau d'amitié, après un long séjour à l'étranger. Me remémorer St-Amédée, c'est ainsi me rappeler les affinités naissantes, les connivences, les échanges de services entre nous, les manifs où nous «sortions en bande». Je me rappelle aussi comme j'étais heureuse, après dix ans d'absence, de retrouver ici des mouvements de lutte, de résistance. bulletin 82 mai 07 Mémoires de luttes 7 Je réussis tout de même à mettre un peu d'ordre dans la multitude des sentiments et à me dire, tout au moins, que les liens d'amitié passent aussi par ce que l'on construit et vit ensemble, y inclus l'engagement politique, et que, s'ils sont indissociables, c'est plutôt tant mieux. Et puis, alors que je laisse encore remonter les souvenirs, plusieurs semaines avant la soirée où je dois en parler, puisque j'ai fini par accepter de le faire (sans conviction, mais en me disant que c'était une façon de décharger d'un souci les organisatrices de la fête, on ne se refait pas…), s'impose le souvenir du rire, des rires, durant ce temps «pionnier» de SOS Asile et pendant la durée du refuge. Gênant: plus le temps passe, plus j'essaie d'évacuer cette idée insistante qu'au fond, nous avons bien ri, et plus elle occulte tout le reste. Je vais vraiment leur raconter que le refuge, c'était une partie de rire? Je n'oserai pas, mais je ne sais définitivement plus quoi dire d'autre. Arrivée au jour de la prise de parole, c'est juré, je ne sais toujours pas ce que je vais dire. J'ai quelque peu élaboré des idées sur fond de rires, le rire du désespoir, le rire de la résistance, celui de la solidarité, mais quand même… C'est Marie-Claire Caloz -Tschopp, dans son exposé de l'après-midi, qui libère ma parole. Elle dit l'importance de l'humour dans le mouvement de résistance, elle remet ensemble l'engagement politique et les relations chaleureuses. Merci Marie-Claire, je vais pouvoir improviser quelques variations sur ce thème. Et je parle du rire. Nous étions contents de ne pas laisser l'Etat faire ce qu'il voulait des requérants d'asile, nous avions même l'impression de lui jouer un bon tour, de mettre les bâtons dans les roues de cette charrette qui avançait trop bien, ça méritait le rire, non ? Et puis, à franchement parler, nous les trouvions bêtes et entêtées, nos Autorités, et leur courte vue ainsi que les décisions qui en découlaient suscitaient un écœurement irrémédiable. Sauf à en rire, à se moquer, à tourner en dérision les discours ronflants. Pendant le refuge, forcément, nous avons passé beaucoup de temps avec les réfugiés. Certains d'entre nous les connaissaient déjà, d'autres pas du tout. Ce furent de vraies rencontres. Nous partagions les lieux, les repas, les espoirs, le désespoir et… les rires. Nous ne riions pas en dehors d'eux mais avec eux. Rire encore (plus discret celui-là) de nous voir quelques-uns, s'affichant d'ordinaire comme irréductibles athées, se recueillir dans la chapelle de StAmédée, parce que le partage se continuait là aussi. Le refuge dans une église ne m'a pas convertie, mais m'a laissé entrevoir quelques possibilités sur l'usage de la spiritualité comme arme. Et de rire, toujours, au souvenir des séances de bureau du mouvement où les nourritures terrestres avaient leur place. En l'occurrence, le bureau se réunissait dans une salle de la paroisse du Valentin, et Sœur Denise, qui nous y accueillait, avait en général rassemblé tous les invendus des pâtisseries du quartier. Menacés de fou rire et d'étouffement, nous avons quand même pu faire face. En racontant tout cela, surtout en essayant de l'écrire, quelques mois plus tard, je me dis que cela doit ressembler beaucoup à ce qui s'est passé ces dernières années, ce tissage de sentiments, de fatigue, d'énergie, d'amitié, d'apprentissage, «d'un refuge à l'autre». Et que, si le sens de la fête demeure (la preuve: cet anniversaire des 20 ans), nous nous souvenons aussi de nos larmes. Quand nous nous sommes retrouvés à l'aéroport, lors du départ forcé d'une famille chilienne, quelque temps après le refuge, nous nous sentions en deuil. Ensemble. Antoinette Genton Trachsel, mars 2006 Suite à un problème technique, une partie des mails envoyés durant les mois de janvier et février ont été perdus. Si vous êtes parmi les heureux gagnants, merci de nous renvoyer tous Mails importants. Avec toutes nos excuses, le bureau sos asile bulletin 82 mai 07 Mémoires de luttes 9 Colombie Appel à solidarité avec la Ruta Pacífica de las Mujeres Soutien aux résistances féministes anti-guerre Soutien aux déplacées internes E En première ligne des violences de guerre, les femmes dans le conflit colombien s'auto-organisent en divers mouvements civils et politiques. La Ruta Pacífica de las Mujeres, composée uniquement de femmes et dont les orientations sont féministes, constitue une initiative importante dans ce cadre, se caractérisant par l'ampleur et la force de ses mobilisations, ainsi que par l'autonomie de ses positions. En Colombie, l'actuelle politique de «réconciliation» et de «sécurité démocratique» menée par le gouvernement Uribe organise en réalité l'institutionnalisation de la paramilitarisation du conflit et la militarisation de la vie civile et de la société colombienne. Alors que l'Etat annonce médiatiquement qu'il démobilise des paramilitaires, il offre en réalité l'amnistie à des tortionnaires et responsables de massacres, et les réhabilite à des tâches de «sécurité publique». Pour assurer la démocratie et comme solution au conflit, il augmente la présence militaire sur les routes et dans les villages. Jamais prises en compte, les causes sociales et originelles d'un demi-siècle de conflit ne font qu'empirer sous l'effet des politiques néolibérales. La lutte contre la «guerrilla» et le terrorisme sont le prétexte à la paramilitarisation, responsable des massacres, de la persécution, du déplacement massif de populations civiles, ainsi que des assassinats, des détentions et de l'intimidation des militantEs politiques. Aujourd'hui, le nombre de déplacéEs internes en Colombie frôle les quatre millions de personnes, qui se concentrent principalement dans les villes, et vivent dans des conditions de misère extrême et de vulnérabilité aux violences et représailles des parties armées en guerre. Les femmes (et les enfants) sont majoritaires parmi les populations déplacées et près de la moitié des foyers en déplacement sont dirigés par des femmes cheffes de famille. Les femmes sont également la cible de violences spécifiques. Comme dans tous les conflits armés, leur corps devient un champ de bataille et se transforme en «butin» de guerre. Les violences sexuelles et l'appropriation du corps des femmes sont une arme du contrôle militaire et politique des territoires et populations dans les zones de conflit. La présence militaire et policière exacerbe les pratiques patriarcales et les violences à l'égard des femmes dans tous les espaces. La violence sexuelle n'est pas reconnue dans les accords et négosos asile ciations entre les parties en conflit et la majorité des actes de violence à l'égard des femmes ne font pas même l'objet d'enquête, au contraire, la politique de grâce pour les paramilitaires expose les femmes aux représailles de leurs agresseurs. Dans les audiences faites aux paramilitaires dans le cadre du processus de «réconciliation», aucune question n'est amenée visant à établir les actes de violences contre les femmes et la violence sexuelle de manière spécifique. Face à cette situation, est née en 1996 La Ruta Pacífica de las Mujeres, un mouvement social féministe anti-guerre. A travers des actions directes pacifiques et symboliques, par l'auto-organisation et la mobilisation populaire des femmes concernées, l'information et le débat public, elles se confrontent non seulement aux conséquences de la guerre, mais à ses causes, exigeant une transformation de la société. Une de leurs actions consiste à organiser tous les deux ans des mobilisations à travers le pays pour aller rencontrer et soutenir des femmes vivant dans des régions hautement exposées aux violences des divers acteurs armés, bravant le confinement des femmes et rendant visible leur présence et leur action dans les villes, les villages, sur les routes. La Ruta Pacífica de las Mujeres se compose de divers sous-groupes régionaux, dont un à Bogotá qui travaille en particulier avec des femmes en situation de déplacement forcé (terme utilisé par les organisations de femmes pour désigner la fuite sous l'emprise de la persécution et de massacres). Pour renforcer l'action de la Ruta avec ces femmes dont les conditions de précarité sont insupportables, mais plus largement pour encourager et faire connaître ces résistances féministes contre la guerre, nous lançons cet appel à solidarité sous la forme d'un soutien économique à la Ruta Pacífica de las Mujeres. Vous pouvez déposer vos dons sur le compte de l'Association Collectif Femmes en grève le 14 juin Lausanne (réouvert pour l'occasion), No: CCP 10-12169-9 (Nous ferons ensuite suivre directement les versements à des camarades de la Ruta Pacífica de las Mujeres, sans intermédiaire). Signataires de l'appel: Collectif Féministe contre le Racisme; Infokiosk Féministe; SOS Asile - Vaud; Espace Autogéré bulletin 82 mai 07 10 A lire Ismaïl KADARE, Avril brisé, Editions Fayard 1982. Disponible en livre de poche Gjorg, jeune montagnard Albanais, vient de venger la mort de son frère, selon les règles du «Kanun», vendetta d'honneur dans l'Albanie des montagnes. L'action se situe au début du XXe siècle et implique un jeune couple désireux de découvrir les mystères des traditions de la vengeance du sang… Un livre étonnant de réalisme! Qu'a-t-il à voir avec la réalité? Est-ce le seul itinéraire possible pour Gjorg ? Y a-t-il quand même une espérance ? L'exil serait-il la voie à suivre pour échapper à cette sinistre destinée ? Ou la tradition de «Kanun» va-t-elle poursuivre même les exilés? Philippe Vuagniaux Prochaines séances Bureau de SOS-Asile: chaque 1er mardi du mois, 19 heures, SAJE, rue Enning 4, Lausanne Coordination asile vaud: informations au 076/426 06 22 ou sous www.stoprenvoi.ch Collectif vaudois de soutien aux Sans-Papiers: chaque premier jeudi du mois, à 20 h 15, La Fraternité, pl. Arlaud 2, Lausanne Carrefour NEM: renseignements c/o H. Küng, 021/320 98 75 ou 079/321 28 69 Contacts Ed. responsable: Christine Clément, c/o SOS-Asile-Vaud - Case postale 7489 1002 Lausanne - Tél: 021 3512560 [email protected] CCP 10-24739-4 sos asile Appui juridique Service d'aide juridique aux exilés (SAJE): rue Enning 4, case postale 7359, 1002 Lausanne. Tél.: 021/351 25 51. Fax: 021 / 351 25 52 Permanence juridique: les lundis et mercredis, inscriptions de 16 à 20 heures Permanence téléphonique: mardi et jeudi, de 10 heures à 12 h 30 Changements d'adresse Vous déménagez? Informez-nous! Vous pouvez nous communiquer les modifications par courrier, par courriel ou par le bulletin de versement, avec une communication claire, lors d'un prochain don. Merci pour ce petit effort qui nous simplifiera la vie. bulletin 82 mai 07