sos sos - SOS Asile Vaud

Transcription

sos sos - SOS Asile Vaud
BULLETIN NO 82
sos asile
MAI 2007
P
,
S indigner
contre le racisme:
un devoir
Le rapporteur spécial de l'ONU, Doudou Diène, vient
de rendre son rapport suite à la mission effectuée en
Suisse en 2006. La lecture de ce document est édifiante. Doudou Diène constate qu'en Suisse, racisme et
xénophobie se traduisent non seulement par les platesformes de certains partis politiques mais «surtout par
des législations et politiques traitant les questions d’immigration et d’asile sous l’angle uniquement sécuritaire
et criminalisant les immigrés et demandeurs d’asile»1.
Les restrictions législatives envoient à la population un
message de stigmatisation qui renforce les préjugés et
conforte la discrimination et la xénophobie au sein de
la société. Ceci tend à légitimer les actes racistes, tant
au niveau des organes étatiques que dans les rapports
sociaux vécus au quotidien.
Le racisme en Suisse est profond et il faudrait ainsi
bien davantage que la norme pénale actuelle pour le
contrer véritablement dans ses expressions les plus
quotidiennes. Pour empêcher la discrimination à l'embauche, réprimer le refus de louer un appartement, ou
celui de laisser entre quelqu'un dans un café ou une
boîte de nuit. Resterait aussi à combattre le racisme des
institutions, notamment celui de la police combiné à
l'exclusion de l'asile des plus précarisés.
Le double procès qui vient d’avoir lieu à Vevey est
emblématique du racisme existant. André Corboz,
conseiller communal UDC qui avait peint des slogans
racistes sur des murs de Bex a comparu devant la
justice en mars ; les quatre jeunes Noirs qui, avec
d’autres Noirs, avaient manifesté leur indignation à ces
slogans, en avril. André Corboz a été condamné pour
violation de la norme pénale anti-raciste. Cela est juste.
Mais pourquoi les quatre jeunes Noirs ont-ils été
inculpés et condamnés pour émeute ? Pourquoi
devront-ils pur-ger une peine aussi sévère ? La justice
a mis sur pied d’égalité une incitation à la haine raciale
et l’indignation qu’elle a provoqué chez ses victimes.
Revenant sur le contexte dans lequel les actes portés en
jugement se sont déroulés et sur l’issue de ces procès,
l’article de Karl Grünberg questionne la responsabilité
de chacun.e, et plus particulièrement des autorités et
de la police.
Non, le racisme n’est pas une fatalité. Vivre ensemble
dans le respect mutuel peut et doit être possible. Face
à la montée du racisme et de la xénophobie, il nous
appartient de lutter aux côtés des personnes qui le
subissent au quotidien et de leurs mouvements associatifs, comme le MouReDin, Mouvement pour le
Respect et la Dignité du Noir.
Rapport soumis par le Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie
et de l’intolérance qui y est associée, Doudou Diène, Mission en
Suisse, 30 janvier 2007, point 68. Ce rapport est disponible à
l’adresse suivante:
http://daccessdds.un.org/doc/UNDOC/GEN/G07/105/59/P
DF/G0710559.pdf?OpenElement
1
Pour promouvoir le vivre ensemble
et signifier notre rejet de toute forme
de racisme, de discrimination
et d’exclusion,
participons nombreux et nombreuses
à la grande manifestation nationale
du 16 juin à Berne
Dans ce numéro:
Dossier racisme
A Bex comme ailleurs,
l’indifférence favorise le racisme ordinaire
Le Mouvement pour le Respect
et la Dignité du Noir
Réfugiés irakiens
Mémoires de luttes
Appel à solidarité
avec la Ruta Pacífica de las Mujeres
A lire
Agenda
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LA SUISSE C’EST NOUS
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2 Dossier racisme
A, Bex comme ailleurs,
l indifférence favorise
le racisme ordinaire
Cet article a été écrit après le procès d’André Corboz, condamné pour discrimination raciale à 90 jours-amende
(150.-/jour) avec sursis pendant 2 ans et à 1500.- d’amende. Depuis, le procès de quatre jeunes Noirs qui, avec d’autres
Noirs, avaient manifesté leur indignation aux tags et à la violence racistes d’André Corboz, a également eu lieu. André
Corboz, qui ne s’est pas limité à peindre ses slogans racistes mais a physiquement agressé plusieurs Noirs au cours
de la soirée du 10 mais 2005, qualifiée d’émeute par la police cantonale, n’a pas fait partie des inculpés.
Lors de ce 2e procès, les juges ont reconnu la légitimité de la réaction de colère des manifestants, mais ont condamné leur
volonté de se faire justice eux-mêmes. Cette analyse ignore leurs appels à ce que la police mette fin à l’activité d’André
Corboz, comme elle ignore que la police semble s’être contenté de les contrôler eux plutôt que de donner suite à leur
demande. Les quatre inculpés ont écopé de peines de 5 à 10 mois de prison ferme. Cette condamnation enfonce les victimes
d’une incitation à la haine raciale et condamne son auteur à une peine bien inférieure. Dangereux message que la justice
a donné là, qui méprise la prévention pour les chantres du racisme comme les personnes qui l’ont subi.
P
Petite ville, centre de requérants d'asile, trafic de
drogue, les ingrédients sont bons et leur usage immodéré tentant.
L'opinion publique, gagnée par le sentiment d'insécurité, travaillée au sentiment d'insécurité, pourra imaginer le bourg que les ravages de l'époque arrachent à
sa tranquillité. Bingo! Les Bellerins, habitués - eux
aussi - à ouvrir le média comme on ouvre la fenêtre,
découvrent ainsi le portrait d’une réalité qu'ils sont
portés à croire. A tout seigneur tout honneur, il faut
reconnaître les efforts du Matin, pour informer ses
lecteurs, pour formater leurs émotions1.
Complétons le décor: vingt ans se sont passés d’une
politique gouvernementale qui a présenté les réfugiés
comme un problème plutôt que de combattre les guerres et les misères qui les arrachaient aux leurs, plutôt
que de motiver la solidarité dont ils avaient besoin.
Des années 1970 aux années 1990, le Conseil fédéral,
le parlement, les partis gouvernementaux, les syndicats, les patrons, les églises et les associations de solidarité avaient rejeté toutes les initiatives xénophobes.
En matière d'asile, ils adhéreront presque tous aux durcissements successifs de la politique, à la stigmatisation
des réfugiés.
Le 15 mai 1991, le Conseil fédéral donnera le ton: la
Suisse doit se fermer «aux ressortissants des pays qui
n'ont pas les idées européennes (au sens large)»2.
La ficelle était grosse.
Le problème n'était pas insoluble.
L'euphémisme est crasse, le message limpide: la politique d'immigration doit être une politique raciale.
Les réfugiés, dépourvus d'idées européennes, bénéfisos asile
cieraient-ils, seuls d'entre tous les étrangers, d'un droit
au séjour? Les immigrés non-européens, privés par
leur seule origine de la possibilité de solliciter une
autorisations de séjour, sont réduits eux au sort de
«sans-papiers»: attrapés ils se voient reprocher le
délit… d'avoir été discriminés!
L'attribution d'une délinquance ethnique aux populations indésirables facilitera leur exclusion.
L'accréditation de l'image du «Noir trafiquant de
drogue» n'a pas peu contribué au succès de la LEtr
et de la LAsi. On connaît la suite, les lois contre
les étrangers et contre les réfugiés ont été adoptées le
24 septembre 2006.
10 mai 2005, une étrange soirée
Ce soir-là, André Corboz, élu local alors radical, avait
multiplié d’odieuses inscriptions racistes sur les murs
de la Ville : «Nègres go home», «Stop Faréas», «Stop à
la drogue» et choqué les Noirs qu’il visait. Informée
par des Bellerins indignés, ACOR SOS Racisme a
dénoncé cette infraction aux dispositions pénales contre le racisme et s’est portée partie civile.
Le procès d'André Corboz, réélu au printemps 2006 sur la liste UDC cette fois - s'est tenu le 15 février
2007. La justice a reconnu la gravité de son délit et l'a
condamné.
ACOR SOS Racisme s’est toutefois vu refuser son
statut de partie civile et a recouru contre ce jugement.
Coquetterie? Dogmatisme psychorigide? Bien sûr que
non. Faute d'avoir pu être entendue, ACOR SOS
Racisme n'a pas pu rapporter la voix des victimes du
racisme ni proposer l'examen détaillé de l'étrange
soirée du 10 mai. Manifestant contre le racisme qui les
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Dossier racisme 3
visait, quatre Noirs ont été arrêtés. Qu’avaient-ils donc
fait? Dans quelles circonstances ont-ils été amenés à
manifester?
Un enjeu important:
le droit de manifester contre le racisme
est en cause
Le 19 avril 2007, ces quatre Noirs, accusés d'avoir
mené une émeute, passeront en jugement. Plusieurs
pensionnaires de la FAREAS avaient alerté la police et
signalé les nombreux slogans racistes qu’André
Corboz peignait impunément autour de leur foyer qui
hébergeait trois des Noirs accusés (le quatrième,
«NEM», ne pouvait y être logé).
La manifestation des requérants d’asile n’eut lieu que
plusieurs heures après le début des inscriptions.
Pourquoi l’activité du provocateur n’avait-elle pas été
interrompue?
Le commandement de la police vaudoise a communiqué que mardi 10 mai 2005, en début de soirée, une
altercation avait éclaté entre un vaudois de 44 ans et
des ressortissants africains en ville de Bex. Excédé par
le comportement de certains requérants d'asile s'adonnant au trafic de produits stupéfiants devant son domicile, selon ses propres déclarations, le Bellerin a fait
plusieurs inscriptions à caractère raciste sur les murs de
la ville, visant les requérants d'asile et la FAREAS.
Commerçant tout d'une pièce André Corboz aurait
pété les plombs. Sa version, «le shérif de Bex» l'a
ressassée deux ans durant et s'est fait réélire début
2006 au conseil communal, pour animer la campagne
UDC pour la fermeture du centre FAREAS qui l'a
emporté en novembre 2006. Il l'a répétée devant la
cour et les médias.
Cette version ne résiste pas à l'examen des faits. C'est
troublant. Tout au long de cette étrange soirée 2005
André Corboz a peint ses slogans racistes, au vu et au
su de tous ceux qui l'ont croisé, et de la police à
plusieurs reprises.
Les Noirs découvraient ses panneaux au fur et à
mesure de leur confection, s'en alarmaient, tentaient
de les effacer, sollicitaient l'intervention de la police
pour faire cesser ce scandale et n'obtenaient rien. En
fin de soirée seulement, ils décidaient de manifester
leur indignation, se faisaient violemment refouler par
un barrage de police. Quelques manifestants ont été
arrêtés. Ils seront désignés comme meneurs.
Savons-nous mieux que la police
et que Le Matin ce qui s'est passé à Bex
le 10 mai 2005 au soir?
Oui. Nous disposons d'une solide source d'information: le dossier de l'instruction de la provocation
d'André Corboz qu'a établi le juge d'instruction.
Pétage de plomb dû à un trafic de drogue? En début de
soirée, le 10 mai 2005, André Corboz a agressé deux
sos asile
Noirs auxquels il a reproché un trafic de drogue. Ils
avaient été contrôlés par la police qui avait établi que
tel n'était pas le cas.
Altercation entre André Corboz et des ressortissants africains?
André Corboz a délibérément agressé plusieurs Noirs.
La police est parvenue à soustraire l'un d'entre eux à sa
violence pour le reconduire au centre FAREAS. Un
autre Noir a été si violemment battu que les mains
d’André Corboz sont couvertes de son sang. La police
ne le retrouve pas mais craint qu'il ne soit gravement
blessé.
Dès 20 heures, la police est informée qu'André Corboz
couvre les murs d'inscriptions racistes. Plusieurs agents
le voient. Ils demandent des renforts… pour faire face
aux Noirs. Personne ne semble avoir songé à arrêter le
peintre provocateur. Les rapports font état de Bellerins
qui l'auraient vu faire et l'auraient encouragé.
Le pompon
Vers 22 h 20, les policiers partent à la recherche
d'André Corboz… pour le protéger d'une manifestation qui viendrait à sa rencontre.
Toutes les huit plaintes qu'ont signées les propriétaires
des murs souillés indiquent un délit commis simultanément en une demi-heure, à partir de 22 h 30 et
jusqu'à 23 h.
Les policiers, après avoir pour le moins cafouillé une
soirée entière, auraient identifié les meneurs d'une
manifestation qui se serait produite avant la cause qui
l'aurait suscitée?
Il n'est pas dans notre pouvoir de comprendre les
raisons qui ont empêché les dizaines de policiers
mobilisés depuis Yverdon de mettre un terme à la
propagande haineuse d'André Corboz.
Alors même que les Noirs le leur demandaient. Alors
même qu'ils pouvaient voir la sympathie de Bellerins
pour Corboz et donc avoir la preuve qu'incitant à la
haine raciale il la suscitait effectivement.
En revanche, il est dans notre pouvoir de manifester et
de lutter contre le racisme. Et d’affirmer que les Noirs
inculpés pour avoir exprimé leur indignation à Bex le
10 mai 2005 ne devaient pas plus être sanctionnés que
nous ne l’avons été pour avoir librement manifesté le
17 avril 2007 à Lausanne.
Nous estimons avec Jacques Neirynck, que cet inqualifiable procès a violé le droit fondamental à l'égalité.
Karl Grünberg,
ACOR SOS Racisme
19 03 05 Asile: Blocher a mille fois raison; 27 06 06 «Ils hurlaient
«Tu l'as tué!» et ils ont tout cassé»; 28 06 06 «Bex: il faudra peutêtre un mort»; 01 07 06 «Ces filous qui plombent l'asile».
2
Rapport du 15 mai 1991 du Conseil fédéral sur la politique à
l'égard des étrangers et des réfugiés.
3
Le Temps, 18 avril 2007.
1
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4 Dossier racisme
Le Mouvement pour le Respect
et la Dignité du Noir
MouReDiN
L
L’accroissement en Suisse des actes discriminatoires
par les forces de l’ordre, notamment envers les noirs,
est dénoncé par tous ceux qui expriment régulièrement leur préoccupation en termes de violation de
droits humains. Tous les organismes suisses spécialisés,
tous les observateurs internationaux ont constaté
l’implication régulière de la police. Ainsi, Boël Sambuc,
vice-présidente de la Commission fédérale contre le racisme, relevait en 2002 dans un discours, que
les mesures draconiennes de rétablissement de
l’ordre public entreprises, contribuent à «aggraver
l’amalgame entre couleur de peau et criminalité dans
l’opi-nion»1.
La population noire est par définition «visible», et continue à être la cible des exactions de la police lors de
contrôles dits «de routine» particulièrement. Dans le
cadre de l’opération vaudoise Alpha, la lutte contre le
trafic de cocaïne passe visiblement avant les libertés
fondamentales, telle la liberté de mouvement, pour les
autorités lausannoises qui cautionnent l'opération,
pour devenir une chasse aux noirs.
A cet égard, nous relevons que ces opérations policières – Alpha et ensuite Delta - poursuivent manifestement des buts politiques. S'il ne s'agissait que de
lutter contre la délinquance, il n’y aurait pas de raison
qu’on assiste en pleine rue à des fouilles corporelles
allant jusqu’au déshabillage des noirs interpellés.
Les noirs sont délibérément stigmatisés par les
autorités, à travers la diffusion de propos discriminatoires par certains élus, dans la presse et ailleurs. Nous
considérons que ces agissements constituent une grave
atteinte à la dignité et au respect du noir, doublé d’une
incitation à la haine raciale au sein de l’opinion
publique.
C’est dangereux!
A travers ces opérations, les noirs sont inéluctablement
pris pour cible et assimilés par la seule couleur de leur
peau à des délinquants. Un simple contrôle de routine
peut dégénérer en quelques minutes, et le noir se
retrouve soit plaqué au sol, soit les mains menottées
dans le dos, étranglé pour l’empêcher d’avaler les supposés stocks de drogue qu’il cacherait dans sa bouche.
Ces violences systématiques, souvent commises dans
les coins retirés et obscurs de la rue, témoignent de
méthodes méprisantes, dévalorisantes, et inhumaines.
Il est de notre devoir de rappeler aux responsables et
hommes politiques suisses, qu’ils doivent tout faire
sos asile
pour empêcher toute incitation, au sein même de la
classe dirigeante du pays, à la haine raciale, à la discrimination et à l’intolérance contre une population
dont le seul défaut est d’être visible, noire. Notre communauté n’aspire qu’à être tout simplement reconnue
dans sa dignité et ses droits humains, par les autorités
politiques et judiciaires. En effet, l’impunité n’a pas sa
place dans un pays qui se détermine sur l’échiquier
mondial comme juste et équitable.
C’est dans cet esprit qu’est née notre association, le
Mouvement pour le Respect et la Dignité du Noir.
16 avril 2006, environ 21 heures
Un moment décisif
Alors qu’il venait chez moi pour une réunion amicale,
Koffi, 17 ans à l’époque, fit l’objet d’un contrôle
d’identité à 50 mètres de mon domicile. La police
lui demanda sa pièce d’identité, qu’il présenta sous
la forme d’une carte d’identité scolaire, sans aucune
résistance. Comme il était frappé de NEM, il ne
pouvait pas présenter le permis de séjour qu’on
lui demanda ensuite. Contestant la scolarité de Koffi,
ainsi que l’authenticité de sa carte scolaire, le ton
monta et les violences ne tardèrent pas à émailler la
discussion.
Le jeune homme se retrouva rapidement plaqué au
sol par deux policiers. Se débattant, il réussit à se
relever et à leur échapper, leur faisant cadeau de sa
chemise. C’est ainsi qu’il arriva en bas de chez moi,
en criant «tonton, tonton, on me tue!». J’ouvris la
fenêtre et vis mon neveu Koffi courir, torse nu,
avec un bras ensanglanté. J’ouvris la porte et le laissai
entrer.
Je vis ensuite les deux policiers se rapprocher de chez
moi en courant. Leur demandant le motif de l’altercation, ils me dirent «contrôle de routine». Pendant les
explications des deux policiers, un troisième fit son
apparition. Il écarta les deux premiers, pénétra dans
mon domicile sans autre forme de procès, et empoigna
Koffi par les épaules. Notre ami se retrouva ainsi une
nouvelle fois le nez par terre, cette fois au milieu de
mon salon. Comme il se débattait, il se retrouva à la
salle de bain avec les trois policiers, qui cherchaient à
le maîtriser.
J’appelai Karl Grünberg, secrétaire général d’ACOR
SOS-Racisme, pour lui faire écouter ce qui se passait
chez moi. Après avoir brièvement relaté les circons-
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Dossier racisme 5
tances, je laissai le combiné ouvert afin que Karl puisse
suivre les événements en direct.
Koffi a finalement été arrêté et conduit au poste de
police. A sa sortie le lendemain à midi, nous nous
sommes réunis chez moi, avec Koffi et trois de nos
amis, pour digérer les événements de la veille, et très
conscients que l’heure d’agir était arrivée.
Notre indignation et notre révolte constituèrent l’embryon de notre Mouvement.
Sa naissance eu lieu officiellement le 1er août 2006 avec
notre intervention lors des festivités de la fête nationale, ainsi que la rédaction de nos statuts.
Notre objectif principal est de dénoncer les agissements des autorités face à la communauté noire et
descendante des noirs. Nous voulons plus particulièrement mettre en évidence le racisme d’Etat existant
en Suisse.
Nos buts sont:
n Combattre les appels à la haine de certains élus;
n Critiquer et dénoncer les contrôles policiers
abusifs;
n Prendre la défense des victimes de violences discriminatoires;
n Sensibiliser la population noire sur la réalité du
racisme, et la nécessité de réagir, ainsi que l’informer de ses droits;
Concrètement, les projets que nous sommes en train
de mettre sur pied concernent dans un premier temps
la population de jeunes noirs et de métis, de Lausanne
et environs.
Voici les activités que nous projetons pour 2007:
n Diffusion de films, accompagné de rencontresdébat;
n Invitation de noirs et de blancs dans le cadre d’un
dialogue interculturel;
n Rencontres avec les autorités, notamment avec les
responsables des forces de l’ordre, afin d’étudier
ensemble une amélioration des relations;
En conclusion, le Mouvement pour le Respect et la
Dignité du Noir estime qu’il est plus que jamais nécessaire que le Noir élève la voix, pour dire STOP, trop
c’est trop!
A travers ces lignes, nous invitons vivement tous les
noirs et les métis à ne pas rester dans l’ombre, laissant
leur défense souvent dans les mains de Dieu seulement. Nous devons réagir devant l’injustice, et recadrer notre position dans une société qui se dit démocratique et respectueuse des droits humains.
Alors levons-nous, et luttons ensemble pour notre dignité et le respect de notre communauté. C’est notre
droit, et puisqu’il ne nous est pas accordé, nous devons
le réclamer!
Georges Blézon Dérou, responsable
et Rebecca Dandingam-Tickle, communication
MouReDiN
1
Définition du racisme anti-noir, www.ciao.ch
SOS Asile Vaud a l'immense tristesse d'annoncer
à ses lecteurs le décès de Mark Haldimann.
Ce militant infatigable de nombreuses causes s'était engagé
depuis quelques années aux côtés des personnes sanspapiers.
SOS-Asile Vaud avait récemment décidé avec Mark
de confier les tâches d'impression du bulletin à l'imprimerie
coopérative de Bienne qu'il avait contribué à fonder.
Ce brusque décès nous touche à plusieurs titres et nous
nous joignons à la douleur des proches de Mark.
Son engagement éclairera nos luttes à venir.
sos asile
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6 Actuel
Réfugiés irakiens:
la masse et l'afflux selon l'Office
fédéral des migrations
A
A mi-février 2007, un communiqué d'agence de presse
a circulé, sous le titre accrocheur de Afflux massif
de réfugiés irakiens en Suisse. Ce communiqué reprenait une déclaration faite à la radio alémanique par le
porte-parole de l'Office fédéral des migrations
(ODM).
Largement repris, sans le moindre commentaire et
sans la moindre critique, ce document mentionnait
également que le nombre d'Irakiens arrivés en Suisse
en 2006 avait quasi doublé.
Ce n'est qu'en y regardant d'un peu plus près qu'on a
pu s'apercevoir de quoi il en retournait exactement. En
2006, 816 Irakiens sont arrivés en Suisse, contre 468
l'année précédente. Sachant que, selon les statistiques
officielles*, 10'537 personnes ont demandé l'asile à
notre pays en 2006, les Irakiens ont représenté le 7,7%
des demandes de l'année. Au total, fin décembre 2006,
3614 réfugiés irakiens se trouvaient en Suisse, soit le
8,1% des personnes en procédure d'asile.
Il est ainsi incontestable que le nombre des arrivées
d'Irakiens a doublé entre 2005 et 2006. Mais peut-on
vraiment parler d'un «afflux massif» pour seulement
816 personnes? De quoi devrait-on s'inquiéter lorsque
l'on se focalise sur un groupe humain qui ne
représente que moins du 10% du total des demandeurs
d'asile? Cette manière d'alerter l'opinion ressemble à
s'y méprendre à de la pure manipulation.
Le plus fort de tabac, c'est qu'il y a clairement d'excellentes raisons pour que les Irakiens prennent la fuite.
Les violences en Irak poussent de plus en plus de personnes à l'exil. Dans les pays limitrophes, en Syrie et en
Jordanie, les réfugiés se comptent par millions, avec
toutes les difficultés que cela signifie sur le plan
humanitaire. Une fois de plus, au lieu de souligner la
légitimité de ces demandes d'asile, l'administration
préfère dramatiser sur le thème de l'invasion... Pas
question non plus de soulager le fardeau des pays de
premier accueil: les services de M. Christoph Blocher
ont annoncé tout récemment qu'ils n'entendaient pas
accueillir de contingents d'Irakiens.
Mais la Suisse officielle aurait tort de se gêner. Les pays
européens ne sont pas en reste de pingrerie. Fin avril,
l'Union européenne s'est montrée hostile à une politique de «réinstallation» d'un certain nombre de
réfugiés irakiens massés en Jordanie. L'argumentation
est tout aussi élégante que celle de notre gouvernement: l'aide humanitaire sur place coûte moins cher.
Une fois de plus, la sécurité et la protection des
réfugié-e-s, ainsi que l'équilibre de leur région, en l'occurrence le Moyen Orient, sont manifestement des
questions secondaires.
Christophe Tafelmacher
* Les statistiques en matière d'asile sont aisément consultables et téléchargeables à l'adresse suivante:
http://www.bfm.admin.ch/index.php?id=14&L=1
Mémoires de luttes
Un témoignage recueilli
lors des vingts ans de SOS Asile
Le rire aussi
P
Prendre la parole à la soirée d'anniversaire de SOS
Asile, en tant que participante du premier refuge, en
1985? On me le demande, mais je ne sais pas de quoi
je pourrais bien parler. Les souvenirs du refuge de StAmédée, j'en ai plein, mais liés au quotidien, «aux
petites choses», aux moments passés ensemble dans
ce lieu, aux repas, aux nuits remplies de récits et de
confidences en attendant un improbable sommeil.
sos asile
Ce qui rend aussi le témoignage plus difficile, moins
«consistant» à mes yeux, c'est que ma participation aux
débuts de SOS Asile, et donc au refuge de St-Amédée,
a coïncidé pour moi avec la construction d'un nouveau
réseau d'amitié, après un long séjour à l'étranger. Me
remémorer St-Amédée, c'est ainsi me rappeler les
affinités naissantes, les connivences, les échanges de
services entre nous, les manifs où nous «sortions en
bande». Je me rappelle aussi comme j'étais heureuse,
après dix ans d'absence, de retrouver ici des mouvements de lutte, de résistance.
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Mémoires de luttes 7
Je réussis tout de même à mettre un peu d'ordre dans
la multitude des sentiments et à me dire, tout au moins,
que les liens d'amitié passent aussi par ce que l'on
construit et vit ensemble, y inclus l'engagement politique, et que, s'ils sont indissociables, c'est plutôt tant
mieux.
Et puis, alors que je laisse encore remonter les souvenirs, plusieurs semaines avant la soirée où je dois en
parler, puisque j'ai fini par accepter de le faire (sans
conviction, mais en me disant que c'était une façon de
décharger d'un souci les organisatrices de la fête, on ne
se refait pas…), s'impose le souvenir du rire, des rires,
durant ce temps «pionnier» de SOS Asile et pendant la
durée du refuge.
Gênant: plus le temps passe, plus j'essaie d'évacuer
cette idée insistante qu'au fond, nous avons bien ri, et
plus elle occulte tout le reste. Je vais vraiment leur
raconter que le refuge, c'était une partie de rire? Je
n'oserai pas, mais je ne sais définitivement plus quoi
dire d'autre.
Arrivée au jour de la prise de parole, c'est juré, je ne
sais toujours pas ce que je vais dire. J'ai quelque peu
élaboré des idées sur fond de rires, le rire du désespoir,
le rire de la résistance, celui de la solidarité, mais quand
même…
C'est Marie-Claire Caloz -Tschopp, dans son exposé de
l'après-midi, qui libère ma parole. Elle dit l'importance
de l'humour dans le mouvement de résistance, elle
remet ensemble l'engagement politique et les relations
chaleureuses. Merci Marie-Claire, je vais pouvoir
improviser quelques variations sur ce thème.
Et je parle du rire.
Nous étions contents de ne pas laisser l'Etat faire ce
qu'il voulait des requérants d'asile, nous avions même
l'impression de lui jouer un bon tour, de mettre les
bâtons dans les roues de cette charrette qui avançait
trop bien, ça méritait le rire, non ?
Et puis, à franchement parler, nous les trouvions bêtes
et entêtées, nos Autorités, et leur courte vue ainsi que
les décisions qui en découlaient suscitaient un écœurement irrémédiable. Sauf à en rire, à se moquer, à
tourner en dérision les discours ronflants.
Pendant le refuge, forcément, nous avons passé beaucoup de temps avec les réfugiés. Certains d'entre nous
les connaissaient déjà, d'autres pas du tout. Ce furent
de vraies rencontres. Nous partagions les lieux, les
repas, les espoirs, le désespoir et… les rires. Nous ne
riions pas en dehors d'eux mais avec eux.
Rire encore (plus discret celui-là) de nous voir
quelques-uns, s'affichant d'ordinaire comme irréductibles athées, se recueillir dans la chapelle de StAmédée, parce que le partage se continuait là aussi.
Le refuge dans une église ne m'a pas convertie, mais
m'a laissé entrevoir quelques possibilités sur l'usage de
la spiritualité comme arme.
Et de rire, toujours, au souvenir des séances de bureau
du mouvement où les nourritures terrestres avaient
leur place. En l'occurrence, le bureau se réunissait dans
une salle de la paroisse du Valentin, et Sœur Denise,
qui nous y accueillait, avait en général rassemblé tous
les invendus des pâtisseries du quartier. Menacés de
fou rire et d'étouffement, nous avons quand même pu
faire face.
En racontant tout cela, surtout en essayant de l'écrire,
quelques mois plus tard, je me dis que cela doit
ressembler beaucoup à ce qui s'est passé ces dernières
années, ce tissage de sentiments, de fatigue, d'énergie,
d'amitié, d'apprentissage, «d'un refuge à l'autre». Et
que, si le sens de la fête demeure (la preuve: cet
anniversaire des 20 ans), nous nous souvenons aussi de
nos larmes. Quand nous nous sommes retrouvés à
l'aéroport, lors du départ forcé d'une famille chilienne,
quelque temps après le refuge, nous nous sentions en
deuil. Ensemble.
Antoinette Genton Trachsel, mars 2006
Suite à un problème technique, une partie des mails envoyés durant les mois de janvier et février
ont été perdus. Si vous êtes parmi les heureux gagnants, merci de nous renvoyer tous Mails importants.
Avec toutes nos excuses, le bureau
sos asile
bulletin 82
mai 07
Mémoires de luttes 9
Colombie
Appel à solidarité avec la
Ruta Pacífica de las Mujeres
Soutien aux résistances féministes anti-guerre
Soutien aux déplacées internes
E
En première ligne des violences de guerre, les femmes
dans le conflit colombien s'auto-organisent en divers
mouvements civils et politiques. La Ruta Pacífica de las
Mujeres, composée uniquement de femmes et dont les
orientations sont féministes, constitue une initiative
importante dans ce cadre, se caractérisant par l'ampleur et la force de ses mobilisations, ainsi que par
l'autonomie de ses positions.
En Colombie, l'actuelle politique de «réconciliation» et
de «sécurité démocratique» menée par le gouvernement Uribe organise en réalité l'institutionnalisation de
la paramilitarisation du conflit et la militarisation de la
vie civile et de la société colombienne. Alors que l'Etat
annonce médiatiquement qu'il démobilise des paramilitaires, il offre en réalité l'amnistie à des tortionnaires et responsables de massacres, et les réhabilite à
des tâches de «sécurité publique». Pour assurer la
démocratie et comme solution au conflit, il augmente
la présence militaire sur les routes et dans les villages.
Jamais prises en compte, les causes sociales et originelles d'un demi-siècle de conflit ne font qu'empirer
sous l'effet des politiques néolibérales. La lutte contre
la «guerrilla» et le terrorisme sont le prétexte à la paramilitarisation, responsable des massacres, de la persécution, du déplacement massif de populations civiles,
ainsi que des assassinats, des détentions et de l'intimidation des militantEs politiques.
Aujourd'hui, le nombre de déplacéEs internes en
Colombie frôle les quatre millions de personnes, qui se
concentrent principalement dans les villes, et vivent
dans des conditions de misère extrême et de vulnérabilité aux violences et représailles des parties armées
en guerre. Les femmes (et les enfants) sont majoritaires parmi les populations déplacées et près de la
moitié des foyers en déplacement sont dirigés par des
femmes cheffes de famille.
Les femmes sont également la cible de violences spécifiques. Comme dans tous les conflits armés, leur
corps devient un champ de bataille et se transforme en
«butin» de guerre. Les violences sexuelles et l'appropriation du corps des femmes sont une arme du contrôle militaire et politique des territoires et populations
dans les zones de conflit. La présence militaire et policière exacerbe les pratiques patriarcales et les violences
à l'égard des femmes dans tous les espaces. La violence
sexuelle n'est pas reconnue dans les accords et négosos asile
ciations entre les parties en conflit et la majorité des
actes de violence à l'égard des femmes ne font pas
même l'objet d'enquête, au contraire, la politique de
grâce pour les paramilitaires expose les femmes aux
représailles de leurs agresseurs. Dans les audiences
faites aux paramilitaires dans le cadre du processus de
«réconciliation», aucune question n'est amenée visant à
établir les actes de violences contre les femmes et la
violence sexuelle de manière spécifique.
Face à cette situation, est née en 1996 La Ruta
Pacífica de las Mujeres, un mouvement social
féministe anti-guerre. A travers des actions directes
pacifiques et symboliques, par l'auto-organisation
et la mobilisation populaire des femmes concernées, l'information et le débat public, elles se
confrontent non seulement aux conséquences de la
guerre, mais à ses causes, exigeant une transformation de la société. Une de leurs actions consiste à
organiser tous les deux ans des mobilisations à travers
le pays pour aller rencontrer et soutenir des femmes
vivant dans des régions hautement exposées aux violences des divers acteurs armés, bravant le confinement des femmes et rendant visible leur présence et
leur action dans les villes, les villages, sur les routes.
La Ruta Pacífica de las Mujeres se compose de divers
sous-groupes régionaux, dont un à Bogotá qui travaille
en particulier avec des femmes en situation de déplacement forcé (terme utilisé par les organisations de
femmes pour désigner la fuite sous l'emprise de la persécution et de massacres). Pour renforcer l'action de la
Ruta avec ces femmes dont les conditions de précarité
sont insupportables, mais plus largement pour encourager et faire connaître ces résistances féministes contre la guerre, nous lançons cet appel à solidarité sous la
forme d'un soutien économique à la Ruta Pacífica de
las Mujeres.
Vous pouvez déposer vos dons sur le compte de
l'Association Collectif Femmes en grève le 14 juin Lausanne (réouvert pour l'occasion),
No: CCP 10-12169-9
(Nous ferons ensuite suivre directement les versements à des camarades de la Ruta Pacífica de las
Mujeres, sans intermédiaire).
Signataires de l'appel: Collectif Féministe contre le Racisme;
Infokiosk Féministe; SOS Asile - Vaud; Espace Autogéré
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10 A lire
Ismaïl KADARE, Avril brisé, Editions Fayard 1982.
Disponible en livre de poche
Gjorg, jeune montagnard Albanais, vient de venger la
mort de son frère, selon les règles du «Kanun», vendetta d'honneur dans l'Albanie des montagnes. L'action se
situe au début du XXe siècle et implique un jeune couple désireux de découvrir les mystères des traditions de
la vengeance du sang… Un livre étonnant de réalisme!
Qu'a-t-il à voir avec la réalité? Est-ce le seul itinéraire
possible pour Gjorg ? Y a-t-il quand même une
espérance ? L'exil serait-il la voie à suivre pour échapper à cette sinistre destinée ? Ou la tradition de
«Kanun» va-t-elle poursuivre même les exilés?
Philippe Vuagniaux
Prochaines séances
Bureau de SOS-Asile: chaque 1er mardi du mois,
19 heures, SAJE, rue Enning 4, Lausanne
Coordination asile vaud: informations
au 076/426 06 22 ou sous www.stoprenvoi.ch
Collectif vaudois de soutien
aux Sans-Papiers: chaque premier jeudi du mois,
à 20 h 15, La Fraternité, pl. Arlaud 2, Lausanne
Carrefour NEM: renseignements
c/o H. Küng, 021/320 98 75 ou 079/321 28 69
Contacts
Ed. responsable:
Christine Clément,
c/o SOS-Asile-Vaud - Case postale 7489
1002 Lausanne - Tél: 021 3512560
[email protected]
CCP 10-24739-4
sos asile
Appui juridique
Service d'aide juridique aux exilés (SAJE):
rue Enning 4, case postale 7359, 1002 Lausanne.
Tél.: 021/351 25 51. Fax: 021 / 351 25 52
Permanence juridique: les lundis et mercredis,
inscriptions de 16 à 20 heures
Permanence téléphonique: mardi et jeudi,
de 10 heures à 12 h 30
Changements d'adresse
Vous déménagez? Informez-nous!
Vous pouvez nous communiquer les modifications
par courrier, par courriel ou par le bulletin
de versement, avec une communication claire,
lors d'un prochain don.
Merci pour ce petit effort qui nous simplifiera la vie.
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