DNA 13 avril – chiens visiteurs à la maison de retraite

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DNA 13 avril – chiens visiteurs à la maison de retraite
Mulhouse
Q MERCREDI 13 AVRIL 2016
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SENIORS A la Maison médicale pour personnes âgées du Moenchsberg
« Elles ont été jeunes avant nous »
À l’initiative de Felice Giusto, la Maison médicale pour personnes âgées (MMPA) a récemment accueilli la 6e rencontre de belote
inter-EHPAD, rassemblant quarante-neuf personnes âgées. L’animateur social organise toute l’année des activités à visée
sociale pour « faire sortir la personne âgée de sa chambre ».
sives. Elles ne vont pas me
sauter au cou si elles ont apprécié une animation. C’est
par le regard, l’attitude, et si
elles reviennent que je pourrai
me faire une idée », relève Felice Giusto.
Au quotidien à l’EHPAD MMPA, il encadre des animations
culinaires (pâte à tarte), artistiques, bricolage, danse. Sans
oublier l’atelier floral, « la
seule maison de retraite à
Mulhouse à le proposer », précise l’animateur social.
6e rencontre de belote inter-EHPAD
« Pas de perdant »
L’animation après
les soins médicaux
Felice Giusto souhaite ouvrir l’EPHAD vers l’extérieur.
«E
mployé administratif, recyclage, restauration, production
de pâtes, courtier en volailles,
ce doit être mon sixième métier, celui d’animateur social », énonce Felice Giusto,
au curriculum vitae éclectique.
À 52 ans, il s’investit depuis
six ans au service des 77 personnes âgées résidentes à
l’EHPAD (Établissement d’hébergement pour personnes
âgées dépendantes) Maison
médicale pour personnes
âgées (MMPA), rattaché au
Groupe hospitalier de la région de Mulhouse & Sud Alsa-
ET LES RÉSIDENTS
L’avis de
Marguerite
Marguerite Baumlin, 93 ans
« J’ai bien aimé la rencontre
de belote même si parfois je
m’énerve un peu, je suis une
mauvaise perdante (rires) ».
En plus des visites de ses
enfants (six dont deux fois des
jumeaux), Marguerite reçoit
aussi chez elle Monique, la
belle-mère de son petit-fils.
« Je viens la voir tous les deux
mois environ, je lui ramène
des fruits et des pivoines de
mon jardin. On discute beaucoup », sourit Monique.
Marguerite participe à toutes
les animations. «Felice fait ce
qu’il peut c’est certain. Mais je
préférais l’animation quand je
suis arrivée en 2006. On jouait
aux cartes, il y avait toujours
quelque chose de prévu. L’atelier était toujours ouvert. C’est
l’animation telle que je la
conçois du moins. Maintenant,
toutes les journées on est là, il
y a moins d’activités, on s’occupe comme on peut. Je fais
des mots croisés, je tricote
toujours, et je vais nager tous
les mercredis matins !»
PHOTO DNA - SARAH N’TSIA
ce (GHR).
« Le support
d’animation n’est
pas une fin en soi »
Il est en charge des animations, au chevet de ces personnes âgées qui arrivent en
EPHAD quand le maintien à
domicile devient dangereux et
qu’une prise en charge est nécessaire.
Felice Giusto souhaite ouvrir
l’EHPAD vers l’extérieur pour
briser l’isolement des personnes âgées. « Le support d’animation n’est pas une fin en
soi. La visée sociale est ce qui
compte le plus, faire sortir la
personne âgée de sa chambre,
l’insérer dans un groupe, c’est
déjà une victoire. Elles ont été
jeunes avant nous, elles ont
travaillé comme nous. Une
personne en fauteuil reste une
personne à part entière, c’est
une question d’humanité »,
souligne le quinquagénaire,
qui a préféré l’animation au
métier d’aide-soignant après
le succès de sa première activité, le repas messieurs.
« Dans l’animation, ce qui est
intéressant c’est qu’il n’y a
pas deux journées qui se ressemblent. S’il y a de la routine, c’est de ma faute car c’est
moi qui fais le planning »,
sourit Felice Giusto.
Le lien
intergénérationnel
pour prolonger la
rencontre
Programmer des activités et
maintenir le lien intergénéra-
tionnel, telles sont les missions de Felice Giusto. Il a
noué des partenariats avec la
maternelle la Métairie, en passant par la classe de CM1 de
l’école Jeanne d’Arc, la section
hôtelière du lycée Pointet de
Thann, la section soins esthétiques du lycée du Rebberg, ou
encore un étroit partenariat
avec l’Institut médico-professionnel Marguerite Sinclair.
Les personnes âgées de l’EHPAD MMPA n’ont pas le temps
de s’ennuyer.
À raison de rencontres annuelles ou mensuelles, Felice
Giusto insuffle toute l’année
une dynamique entre la jeunesse et le troisième âge.
« À chaque rendez-vous, c’est
le même élève avec la même
personne. C’est ce qui fera venir les résidents, c’est fédérateur », explique l’animateur
social. «
Ainsi, trois fois par an, le CFA
Sainclair prépare le service du
repas, en commun avec les
résidents de la maison de retraite. « Le repas a toujours un
côté festif. Au lieu de quarante
minutes, on leur donne le
temps de manger. Il y a une
attention particulière avec de
la musique et de la décoration.
Le repas est quelque chose de
porteur ».
Avant chaque nouvelle activité, la procédure à suivre reste
la même : discuter et proposer
une distraction par rapport au
parcours de vie.
« Il ne faut pas se mettre en
avant en tant qu’animateur,
mais instaurer un dialogue
normal avec les personnes
âgées, un entretien informel.
Je ne suis pas psychologue
mais il y a une grande part de
psychologie dans le métier »,
assure Felice Giusto.
Pour faciliter la prise de parole, y compris des personnes
les plus discrètes, il fait le
choix des activités aux effectifs réduits : dix personnes
maximum.
« Avant, l’aide-soignant mettait en place l’animation et se
chargeait aussi du goûter à la
fin. Les personnes âgées
étaient totalement passives »,
rappelle Felice Giusto qui se
réjouit de la professionnalisation du poste d’animateur social.
Il travaille en collaboration
avec l’équipe médicale (docteur, kinésithérapeute, infirmier, psychologue) et doit
connaître l’état de santé du
résident pour savoir s’il est
Malgré l’âge, certains souhaitent continuer à apprendre.
Felice Giusto l’a bien compris
et a imaginé un atelier informatique fin mars, financé par
Rotary Club, Innerwheel et
A.P.A.M (Aide aux personnes
âgées malades).
« Dans l’ensemble, les personnes âgées ne sont pas expres-
Il y a six ans, à son arrivée à la maison de retraite du groupe hospitalier de Mulhouse, Felice Giusto a mis en place un rendez-vous désormais annuel : la rencontre de belote inter-EHPAD. « C’est le moment
de créer un réseau entre les animateurs. On n’est pas sur du lien car
les personnes âgées ne se voient qu’une fois, mais c’est une rencontre », indique l’animateur social.
Au total, quarante-neuf résidents issus des différents EHPAD de l’agglomération ont répondu présent à son invitation le 6 avril.
En deux heures d’activité, certains ont le temps de s’agacer, d’autres
d’être plus compétiteurs. Dans la salle, des groupes de niveaux sont
organisés. « Il y a quatre tables « fortes », mais il faut d’abord que ce
soit amical, il n’y a pas de perdant. L’EHPAD est rarement un choix, on
essaye de faire en sorte que tout le monde s’amuse ».
apte ou non à rejoindre l’activité. « J’interviens toujours
après les soins médicaux,
l’animation ne doit pas se faire au détriment de la santé »,
précise Felice Giusto.
Anticiper la vieillesse
Pour mener à bien toutes les
activités, les ventes réalisées
par l’association de bénévoles
« Ami des personnes âgées du
Moenschberg » constituent le
principal budget du service
animation ; et la fondation
Passions Alsace finance l’activité des chiens visiteurs.
À l’EHPAD MMPA, les résidents sont âgés de 65 à 101
ans. Felice Giusto analyse :
« Avec l’augmentation de l’espérance de vie, les personnes
âgées seront accueillies de
plus en plus tard. Il faudra
faciliter leur séjour et leur suivi et surtout anticiper le
vieillissement ».
SARAH N’TSIA
R
AVEC LE SOUTIEN DE LA FONDATION PASSIONS ALSACE
Une animation
par les chiens visiteurs
L’animal est vecteur de
socialisation dans les maisons de retraite. Par la présence et par la caresse, ce
fameux « toucher relationnel » qui apaise les personnes âgées.
FELICE GUISTO a voulu remet-
« Elles ne vont pas
me sauter au cou si
elles ont apprécié
une animation »
Marie-Louise Margotte, 90 ans, prend plaisir à jouer à la
belote. PHOTO DNA- SARAH N’TSIA
tre en route une animation avec
les chiens pour le groupe de
personnes âgées dont il s’occupe. Une animation qu’il a baptisée les « chiens visiteurs » et
qui s’adresse aussi bien aux
femmes qu’aux hommes.
Dans son projet, ces chiens sont
amenés à l’EPHAD par un professionnel, M. Burg, éducateur
canin et comportementaliste.
L’éducateur canin amène sur
place plusieurs chiens qui viennent s’ébattre au milieu des
personnes âgées. Celles-ci peuvent jouer avec eux, soit en lançant une balle, soit en les caressant. « Mais les séances restent
calmes », explique Felice
Giusto qui n’invite que les personnes âges qui le souhaitent :
« si elles sont volontaires, elles
sont alors incitées à sortir de
leur chambre, à mettre leurs
chaussures, c’est ma première
victoire. » Dix-huit séances ont
déjà eu lieu dans le jardin de
l’EPHAD, suffisamment pour
valider la pertinence de cette
animation.
1 400 euros par la
Fondation Passions Alsace
En effet, la présence de l’animal parmi les personnes âgées
a plusieurs vertus. Il ravive la
mémoire des pensionnaires de
cet EPHAD dont beaucoup sont
originaires de territoires ruraux. Ces personnes ont connu
des animaux, souvent elles ont
cohabité avec des chiens ou des
chats. Elles ont toutes conservé
une affection pour les bêtes et
réagissent favorablement à leur
contact.
Pour certaines, l’entrée en maison de retraite a parfois sonné
le glas de cette relation d’affection avec l’animal domestique.
« Beaucoup de personnes âgées
ne peuvent plus s’occuper de
leur animal. Laisser son animal
de compagnie fait partie du
deuil que les personnes âgées
ont à faire quand elles entrent
en EPHAD », souligne Felice
Giusto.
Cette animation « chiens visiteurs » va se mettre en place
avec le soutien financier de la
Fondation Passions Alsace.
La Fondation a en effet accordé
un chèque de 1 400 euros à
l’association des Amis des Personnes âgées du Moenchsberg
qui aide au financement des
activités. Cette somme permettra à M. Giusto de rémunérer les
heures de présence de l’éducateur canin à raison de deux
séances d’animations par
mois.
F.Z.
R
Q Infos sur
wwwfondationpassionsalsace.com
F31-LMU 05