Julien Dray : l`heure des comptes

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Julien Dray : l`heure des comptes
Julien Dray : l’heure des comptes
Écrit par Eric Zemmour
Dimanche, 01 Février 2009 00:00
Fondateur de SOS Racisme, Julien Dray a moralisé la politique pour mieux diaboliser ses adversaires.
Pourfendant le racisme, il a contribué à attiser les tensions raciales… Le voici soupçonné
d’enrichissement illicite. Le 10 décembre 2008, le parquet de Paris a ouvert une enquête préliminaire pour
abus de confiance. Le rapport du ministère des Finances évoque des paiements supérieurs à trois cent
mille euros, l’absence de retraits bancaires de ses comptes, ainsi que des chèques à son ordre « dont soit
les émetteurs ont leur siège social dans le département dont M. Dray est l’élu, soit ont obtenu un marché
public…».
Rolex, Patek, Breguet. Ce ne sont pas les nouveaux membres du bureau politique du PS, ni
des candidats de la «diversité »aux européennes, non plus que les nouveaux patrons de SOS
Racisme.
Ce sont pourtant les plus chères amies de Julien Dray, ces montres de luxe dont il est un
collectionneur éclairé et passionné. Des montres, mais aussi des stylos, qui lui coûtent des
fortunes, qu’il achète compulsivement puis revend quand il s’en lasse, mais sans bénéfice, bien
au contraire parfois, pour en acquérir d’autres, à des prix de plus en plus fous, des objets
précieux, rares, dont la police, alertée par les services de Tracfin, aurait retrouvé les traces
dans des transferts de fonds colossaux venus de l’association des parrains de SOS Racisme
sur les comptes du député socialiste.
Dray, SOS Racisme, socialisme. Pouvoir et argent. Une certaine histoire de la gauche
française s’écrit ainsi depuis le milieu des années 1980. Une histoire qui mêle inextricablement
action idéologique, politique, médiatique. Une histoire dont, comme pour la guerre, le nerf est
l’argent. Julien Dray fut l’un des fondateurs de SOS Racisme. Il fut le mentor d’un jeune homme
timide, Harlem Désir, qu’il mit sous les lumières médiatiques, en raison de son patronyme et de
la couleur de sa peau. Au début des années 1980, ce militant trotskiste cherchait à fonder un
mouvement révolutionnaire qui fut en prise avec une jeunesse dépolitisée et déjà métissée. Il
lorgna sur l’exemple anglais qui avait forgé Rock Against Fascism (le rock contre le fascisme)
face à Margaret Thatcher. L’idée de mêler rock and roll et politique le séduisit. La percée du
Front national fut le prétexte idéal. Reprenant les vieilles recettes mises au point par la IIIe
Internationale dans les années 1930, il diabolisa tout adversaire sous l’accusation de fascisme
et de racisme. La morale remplaçait la politique.
L’Elysée reprit aussitôt l’idée à son compte. François Mitterrand avait très vite compris l’intérêt
de mettre la question du racisme au cœur de la vie politique, pour diaboliser la droite, diviser
son électorat, couper le mouvement gaulliste de sa base populaire – ou de ses alliés
démocrates chrétiens – et surtout, rassembler l’électorat de gauche dans un front antifasciste,
alors même que les socialistes, depuis le virage de politique économique de 1983, avaient
renoncé à toute ambition de transformation sociale, et s’inclinaient devant les diktats de la
finance, de la Commission de Bruxelles, et du capitalisme anglo-saxon. Du grand art.
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Les publicitaires, sous la houlette de Jacques Pilhan, le «communicant » de Mitterrand,
inventèrent la petite main jaune et le slogan «Touche pas à mon pote ». Des acteurs et
chanteurs de gauche, Coluche, Simone Signoret, Yves Montand, en firent la promotion
médiatique à l’imitation des méthodes de Hollywood. Bernard-Henri Lévy et Marek Halter
rameutèrent leurs réseaux intellectuels. Les concerts à la Concorde furent financés par TF1,
alors chaîne publique. Les valises de billets, venues de l’Elysée, ou de parrains privés, se
baladaient. Les ventes de « petites mains » explosaient. Les premiers dîners des parrains de
SOS Racisme, organisés sur le modèle américain des funds raising (campagnes de
financement) – interdits pour les partis politiques français mais pas pour les associations –,
rameutaient tout le gratin parisien. On se souvient avec amusement de l’empressement
incongru de ce jeune militant qui réclama son chèque à un convive du grand dîner annuel de
l’association, qui n’était autre que le président de la République. Chèque qui partit le lendemain
de l’Elysée, signé François Mitterrand. Et qui fut encadré plutôt qu’encaissé. L’argent coulait à
flot.
Certains prirent alors des habitudes qu’ils ne perdirent jamais. Mais lorsqu’en 1986, la gauche
perdit le pouvoir, tous ces militants durent trouver un point de chute, une gageure pour ceux qui
n’étaient ni fonctionnaire, ni député. La Mnef y pourvoirait. On se souvient des procès qui
éclatèrent dans les années 1990. Depuis lors, SOS Racisme, comme d’autres associations
comme le DAL, sont financées par des subventions publiques, dont l’utilisation fait souvent
hurler la Cour des comptes. Pas étonnant lorsqu’on sait que son président, Philippe Séguin, fut
le seul ministre des Affaires sociales de droite qui osa fermer le robinet d’argent public déversé
généreusement par le pouvoir.
Pour Julien Dray, comme pour tous ces leaders passés par le trotskisme, l’argent n’est qu’un
outil de la lutte politique ; l’enrichissement n’est pas l’objectif ; mais la « morale bourgeoise » est
objet de mépris. Ces révolutionnaires, qui se sont toujours considérés comme des prêtres de la
subversion conduisant leurs ouailles, retrouvent souvent les comportements somptuaires du
haut clergé sous l’Ancien Régime.
Depuis Mai-68, ces hérauts de la révolution étaient désabusés. Ils se plaignaient amèrement
de ce peuple français qui ne les avait pas suivis. La CGT leur avait fermé les portes de
Billancourt. Les ouvriers français étaient devenus, disaient-ils, des petits-bourgeois qui ne
rêvaient que de voitures et de vacances. Ces dirigeants du trotskisme se mirent alors à
fantasmer sur un nouveau peuple révolutionnaire composé de déshérités de nos anciennes
colonies : Arabes et Africains. Une alliance objective – et non dite – se noua dans les années
1970 entre les patrons qui cherchaient une main-d’œuvre bon marché pour faire pression à la
baisse sur des salariés français alors fort revendicatifs, et une extrême gauche qui voulait
recruter des bras pour la révolution. Cette alliance objective fera échouer les efforts des
politiques – Giscard, Barre, mais aussi les communistes, on se souvient du bulldozer de Vitry,
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en 1980 – qui s’efforçaient depuis la crise de 1973 de renvoyer les immigrés chômeurs.
SOS Racisme prendra une part décisive dans cette bataille et obligera, par son action
médiatique, avec le soutien d’acteurs, de chanteurs, d’intellectuels, et celui de la plupart des
journalistes, à bloquer toute la politique gouvernementale. L’Etat capitula définitivement lorsque
Jacques Chirac, Premier ministre, renonça à sa loi sur l’immigration après la mort de Malik
Oussékine, lors des manifestations de décembre 1986 ; loi qui prévoyait la suppression du droit
du sol et le renvoi des chômeurs immigrés.
La deuxième bataille essentielle de SOS Racisme concerna la question de l’assimilation. «
Droit à la différence » ou « intégration républicaine», le discours de SOS Racisme a beaucoup
varié. Une seule constante : l’assimilation fut dénoncée comme un corset néocolonial. Or,
l’assimilation des étrangers – c’est-à-dire l’abandon d’une partie de son identité d’origine pour
se fondre dans le creuset français – est un des principes constitutifs de la République. Peu à
peu, sous la pression médiatique, tous les responsables politiques, économiques, intellectuels,
préféreront parler d’intégration – concept économique et non culturel – qui préserve mieux le
respect des origines. La conjonction de l’immigration de peuplement par le regroupement
familial et la fin de l’assimilation bouleversa la société française : le retour aux racines
culturelles, religieuses, de son groupe d’origine, favorisa l’émergence de communautés qui, peu
à peu, se séparèrent géographiquement et mentalement les unes des autres.
Dans les premières manifestations de SOS Racisme, furent déployés des drapeaux israéliens
par des militants de l’UEJF, groupe de jeunesse juif, alors dirigé par le frère de Julien Dray, et
membre fondateur de SOS Racisme. La propagande antiraciste assimilait alors volontiers « le
racisme anti-immigrés » aux persécutions antisémites pendant la Seconde Guerre mondiale.
Les jeunes Arabes crurent les dirigeants antiracistes qui leur affirmaient qu’ils étaient les juifs
d’aujourd’hui ; mais le savoir-faire médiatique de Julien Dray avait étouffé dans l’œuf les
mouvements « beurs », provoquant rancœurs et humiliations. Ceux-ci supportèrent de moins
en moins l’insistance médiatique au sujet de la Shoah. Ils y virent un moyen commode
d’occulter leurs propres souffrances historiques, répressions coloniales pour les Arabes,
esclavage pour les Noirs. Cette concurrence victimaire alimenta frustration, haine et violences.
Le repli identitaire sur des contrées fantasmées, mythifiées, « le bled » ou la Palestine pour les
Arabes, Israël pour les juifs, ou l’Afrique pour les Noirs, aggravait la communautarisation de la
société française, sa balkanisation géographique et mentale. Personne ne se sentait français
et, dans la cour de récréation, on se traitait de « sale juif », de « sale Arabe » ou de « sale Noir
», « sale Français » étant l’insulte suprême.
Le discours antiraciste avait fait monter le racisme et la haine de la France. Les anciens
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leaders de SOS Racisme s’en alertaient et, prenant des accents apocalyptiques, prônaient des
mesures radicales en faveur de la diversité, « pour obliger le pays à se voir tel qu’il est ».
«Discriminations » et « diversité » devinrent leurs nouvelles rengaines.
Habiles manipulateurs, ces jeunes chefs pensaient avoir tout compris. Ils ont seulement eu le
tort de préférer la lecture de Trotski à celle de Bossuet. Elle leur aurait appris que « Dieu se rit
des hommes qui se plaignent des conséquences alors qu’ils en chérissent les causes ». Tôt ou
tard, l’heure des comptes sonne. Elle sonne pour Julien Dray aujourd’hui et peut-être pour
d’autres demain.
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