Droit de la famille

Transcription

Droit de la famille
Janine REVEL
Fiche de niveau 1.
2007
Droit de la famille
Malgré l’absence de définition formelle de la famille, le droit l’appréhende comme un
groupe structuré par les liens de parenté (liens du sang) et d’alliance (lien fondé sur le
mariage).
Pour régir ce groupe organisé, le droit de la famille tire les enseignements des autres
sciences sociales ; la sociologie qui observe les mœurs, les mentalités, les
comportements des familles ; la démographie qui enregistre les mouvements de la
natalité, de la nuptialité, de la divortialité, du veuvage ; de l’économie que voit dans la
famille une unité de consommation, et parfois encore de production (exploitations
rurales, artisanales, commerciales…) ; la psychologie et la psychanalyse, spécialement
depuis que l’enfant est devenu l’une des préoccupations essentielles du législateur.
De l’observation de ce vécu affectif, moral, économique…, le droit prend acte du
rétrécissement des contours de la famille traditionnelle, et, dans le même temps, de son
élargissement par projection vers d’autres modes d’organisation de la vie commune. La
famille large, fondée sur la parenté au 12e, puis au 6e degré, laisse place peu à peu à la
famille-foyer fondée sur le mariage ; l’alliance éclipse et même quelque fois évince, le
lignage ; le nouveau droit des successions (lois des 3 déc. 2001 et 26 juin 2006) est
symptomatique à cet égard par la place désormais faite au conjoint survivant. Un
mouvement contraire conduit le droit de la famille a intégré dans son giron ceux qui
choisissent d’autres modes de vie ; le concubinage fondé sur la seule cohabitation, ou
le PACS assis sur un simple contrat, et le législateur est aujourd’hui très attentif aux
revendications des couples homosexuels. L’accélération des réformes ; depuis 1964 tout
le droit de la famille a été ré-écrit : la tutelle (1964), les régimes matrimoniaux (1965
et 1985), l’adoption (1966 et 1976), les incapables majeurs (1968), l’autorité parentale
(1970 et 2002), la filiation (1972 et 2005), le divorce (1975 et 2004), les successions
(2001 et 2006), outre des réformes intermédiaires, de pure circonstance ou d’adaptation
partielle.
Ces grandes réformes sont contemporaines (approximativement) d’un renouvellement
des sources, lequel n’est pas sans incidence sur l’inspiration de ce droit rénové.
1) Le renouvellement des sources.
Le Code civil reste la référence première, la refondation du droit de la famille ayant
consisté, du point de vue formel, à une recodification. Ainsi le Livre I, consacré aux
« Personnes » a notamment pour objet le mariage, le divorce, la filiation et l’autorité
parentale (et, depuis 1999, le PACS), tandis que ces aspects patrimoniaux – régimes
matrimoniaux, libéralités et successions – relèvent du Livre III.
Le droit non civil de la famille est extérieur au Code civil ; ainsi du droit social de la
famille, spécialement les règles de la sécurité sociale et du droit du travail, attentif
aux réalités et aux besoins des familles, du droit fiscal qui, par l’organisation de
l’imposition, contribue à la mise en place de la politique familiale, ou encore du droit
pénal qui érige des infractions spécifiques.
Le Conseil Constitutionnel, gardien des grandes libertés, proclame des principes que
la loi civile devra respecter, tel la liberté du mariage, le respect de la vie familiale
normale ou encore l’égalité des sexes.
Le renouvellement des sources tient également aux sources supra-nationales.
Le droit de la famille n’échappe pas au mouvement général d’internationalisation du
droit.
A côté de textes dont la valeur normative est variable, de nombreuses Conventions
internationales ont été ratifiées et engagent la France, et l’une d’elles a une place
éminente depuis que la Cour de cassation la reconnaît d’application directe, la
Convention internationale relative aux droits de l’enfant du 20 novembre 1989 ; elle
reconnaît à l’enfant des droits inspirés de la philosophie générale des Droits de l’Homme
et promeut « l’intérêt supérieur de l’enfant ».
L’européanisation du droit de la famille est en marche par application de la Convention
Européenne des Droits de l’Homme à laquelle la Cour de Strasbourg a donné un
rayonnement extraordinaire par l’interprétation de certains textes-phare (art. 8, 12,14)
et par l’affirmation de son effet horizontal ; son influence est directe sur le droit interne
français (par exemple, droits successoraux de l’enfant adultérin, accès aux origines, vie
familiale normale, procédure).
Bien que le Traité U.E. ait un objet économique, la famille est désormais en lice, pas tant
directement que par la construction de l’espace judiciaire européen, et la liberté de
circulation des personnes. Certes, il s’agit là d’élaborer des règles de conflit (de lois ; de
juridictions) mais par le biais de sa jurisprudence, la CJCE tend à une ébauche
d’harmonisation, outre que des recherches (organes de l’U.E. ; universitaires) sont
entreprises sur l’élaboration de principes communs.
2) L’inspiration fondamentale.
Une nouvelle méthode législative mise en œuvre par Carbonnier – enquêtes
sociologiques et démographiques, notamment – a réalisé un subtil alliage entre le
maintien de valeurs et l’adaptation à la réalité sociale.
L’égalité est certainement celle des valeurs qui a pris, dans le droit de la famille, une
dimension universelle : égalité des sexes, égalité des époux, égalité des parents, égalité
des statuts et des modèles familiaux. La hiérarchie au sein de la famille s’est éteinte avec
les dernières réformes.
Cette nouvelle conception de l’organisation du groupe a entraîné, dans son sillage, la
promotion de la liberté individuelle des membres de la famille, et spécialement des
époux, promotion qui a été celle de la femme. L’autonomie de chacun est allée de pair
avec une certaine « contractualisation » du droit de la famille contribuant à une
modification de la notion même d’ordre public familial. L’interdiction et la contrainte font
place à l’épanouissement de chacun sous le contrôle d’un juge tenu de statuer à partir de
notions-standard (« intérêt de l’enfant », « intérêt des époux », « intérêt de la famille »).