L`alternatif veut encore grandir
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L`alternatif veut encore grandir
16 W I RTS C H A F T Luxemburger Wort Mittwoch, den 9. Dezember 2015 Nouveau régime des fonds d'investissement alternatifs réservés (FIAR) L'alternatif veut encore grandir Alain Kinsch (EY Luxembourg) donne son point de vue sur le nouveau projet de loi PAR NADIA DI PILLO Le nouveau régime des fonds d'investissement alternatifs réservés (FIAR) ouvre de réelles perspectives de développement et de croissance pour le marché luxembourgeois. Le secteur financier luxembourgeois n'est pas en panne d'innovation! Dernier exemple en date: la création – sous la dénomination de «fonds d'investissement alternatifs réservés» (FIAR) – d'un nouveau statut de fonds d'investissement alternatifs qui n'est pas soumis à l'agrément et à la surveillance de la CSSF. Ce nouveau régime, dont le but déclaré est de «maintenir la compétitivité de la place financière», répond à une revendication de longue date formulée par les professionnels de la gestion alternative. Si la demande ne présentait manifestement pas un caractère d'urgence jusqu'ici, «cela a changé avec l'adoption de la nouvelle réglementation communautaire en matière de fonds d'investissement alternatifs (AIFM). Il fallait réagir et mettre en place quelque chose d'attractif. Le gouvernement l'a bien compris», explique Alain Kinsch, managing partner chez EY Luxembourg, un des spécialistes de la Place sur la question. Traditionnellement, la place financière luxembourgeoise a toujours appliqué une réglementation sur le produit financier et pas nécessairement sur le gestionnaire de fonds. Or, «dans sa volonté de mieux encadrer la sphère alternative, la Commission européenne a adopté une approche radicalement différente en réglementant les gestionnaires de fonds alternatifs (hedge funds, fonds de hedge funds, fonds d'investissement en capital à risque et en Alain Kinsch: «Le projet de loi supprime un désavantage majeur de la place financière luxembourgeoise.» (PHOTO: GERRY HUBERTY) private equity et fonds immobiliers) opérant en Europe», explique M. Kinsch. Double réglementation Si la directive introduit la nécessité d'un agrément et applique la surveillance prudentielle désormais au niveau du gestionnaire du fonds alternatif, elle introduit en même temps tout un nombre de règles qui s'appliquent au niveau du fonds lui-même, dont notamment un certain nombre de règles concernant l'évaluation des actifs, la nécessité de nommer une banque dépositaire, de nommer un réviseur d'entreprises, de publier un rapport annuel. En d'autres termes, le manager doit se conformer à toute une série d'obligations pour s'assurer que tous les critères soient bien respectés, aussi bien à son niveau qu'au niveau des fonds alternatifs qu'il gère ». Or, le Luxembourg a depuis toujours appliqué la surveillance de la CSSF au niveau du produit, donc par exemple au niveau de la SIF ou de la Sicar. Dès lors, «la conformité à la réglementation communautaire en matière de fonds alternatifs se traduit au Luxembourg par un double régime d'agrément et de surveillance, (une fois au niveau du gestionnaire et une fois au niveau de la SIF ou de la Sicar), ce qui n'est pas le cas dans d'autres pays», explique le dirigeant, en évoquant notamment le cas de la GrandeBretagne, où l'on peut facilement créer un «limited partnership» non réglementé, géré par un fonds d'investissement alternatif et soumis à l'autorité de surveillance britannique. «Le principal atout du projet de loi ne réside finalement pas dans l'acquis d'un avantage, mais dans la suppression d'un désavantage majeur de la Place du Luxembourg dans le domaine de la gestion alternative. Nous avons ainsi observé que les promoteurs japonais qui passaient habituellement par le Luxembourg ont commencé à se tourner vers les structures financières des îles Caïmans si bien qu'une partie du business nous a échappé récemment sur ce segment de marché». Autre argument évoqué: le principe s'apparente à un modèle qui existe déjà au Luxembourg, puisque la société de participations financières (soparfi) peut aussi être utilisée pour organiser des investissements en fonds alternatifs. «Il a tout de même fallu créer une nouvelle structure, la soparfi n'étant pas entièrement adaptée aux fonds d'investis- sement. D'où l'idée de créer un véhicule qui soit proche d'un fonds d'investissement spécialisé (SIF) du point de vue ,fonctionnement‘, tout en n'étant pas réglementé directement mais à travers son gestionnaire qui, lui, doit nécessairement être soumis à la surveillance de la CSSF», explique Alain Kinsch. Si le FIAR présente l'avantage du «time-to-market», que faut-il penser du niveau de protection offert aux investisseurs? «Il existe un level playing field européen. L'investisseur n'est donc pas moins bien protégé au Luxembourg qu'ailleurs», répond Alain Kinsch. Ensuite, le FIAR est un véhicule destiné à des investisseurs qualifiés internationaux, c'est-à-dire un public averti et professionnel, qui investit un minimum de 125.000 euros et qui est prêt à assumer un risque plus élevé. Encore des efforts à faire Les fonds alternatifs en Europe continuent de surfer sur la vague. Si le Luxembourg est bien positionné sur le créneau, «il n'en reste pas moins vrai que d'autres juridictions jouent un rôle plus important dans la structuration de fonds non réglementés. Il reste donc encore des efforts à faire pour développer l'activité en se positionnant comme juridiction privilégiée d'accueil pour des fonds d'envergure internationale». Les choses évoluent notamment en matière de private equity. «10 % de tous ces fonds alternatifs dans le monde sont aujourd'hui luxembourgeois. Les perspectives sont favorables». Pour Alain Kinsch, il est clair que l'industrie du private equity est appelée à jouer un rôle important pour assurer la pérennité de la place financière luxembourgeoise. Lutte contre le financement du terrorisme: oui, mais... Le dernier Ecofin sous présidence luxembourgeoise se penche sur le combat contre le financement du terrorisme PAR DIEGO VELAZQUEZ (BRUXELLES) C'est un Michel Sapin très déterminé qui est entré dans le bâtiment du Conseil de l'Union européenne hier à Bruxelles. Le ministre des Finances français, interrogé au sujet de la taxe sur les transactions financières (TTF), n'a pas hésité une seconde pour détourner le sujet de la question. Le manque d'un accord sur cette taxe, grande priorité de la France, n'était q'une des raisons pour sa réponse «hors sujet». «La France vient aujourd'hui à Bruxelles, pour mobiliser l'ensemble des Européens pour lutter contre le financement du terrorisme», a-t-il lancé aux journalistes. En effet, la France a fait monter la pression en amont du Conseil Ecofin de hier. Depuis les attentats meurtriers du 13 novembre, le pays est encore plus attaché à des avancées rapides dans la lutte contre le terrorisme et avait fait parvenir un document de 16 pages aux autres délégations nationales. Le but: discuter entre les 28 ministres des Finances de l'UE les mesures à mettre en œuvre pour «renforcer significativement la lutte contre le financement du terrorisme au niveau de l’UE». Parmi les mesures, «très englobantes», à en entendre parler certains ministres présents, l'on retrouve des idées comme la possibilité «de pouvoir se doter, rapidement, d’un dispositif permettant de geler, de manière plus souple que dans le cadre existant, les avoirs d’individus, qui, tout en étant des ressortissants européens, sont impliqués dans des actions terroristes». De manière générale, les «gels d'avoir» devraient pouvoir être effectués plus simplement. Parmi les autres mesures proposées, l'on retrouve des idées souvent évoquées ces derniers temps, comme une harmonisation et une meilleure collaboration des services européens de renseignement sur les flux financiers, et un meilleur encadrement des cartes de crédit pré-payées. Dans le papier que proposait Sapin, l'on retrouve aussi un plaidoyer pour la «la mise en place de registres des comptes bancaires et de paiements» dans les pays de l'UE dans lesquels un tel registre central n'est pas en œuvre (notamment au Luxembourg). La France considère ici, que «la rapidité de la mise en place d’une mesure de gel repose sur ce type de mesures». Prudence... Si les ministres ont tous donné leur soutien pour des avancées rapides dans le domaine, lors de la réunion pourtant, certains participants ont exprimé des méfiances envers des mesures qui pourraient dépasser le but de la lutte contre le financement du terrorisme. Une dynamique que Pierre Gramegna, le ministre des Finances luxembourgeois qui présidait hier son dernier Ecofin dans le cadre de la présidence luxembourgeoise du Conseil de l'UE, a résu- mé en disant qu'«il y a un consensus sur le fait qu'il faut avancer rapidement, mais pas à tout prix». En outre, Gramegna a prévenu, «qu'on ne peut pas faire abstraction de l'Etat de droit et des constitutions». Devant la difficulté légale de certaines mesures envisagées, la commission a été mandatée d'explorer les éventuels problèmes, afin de mieux cibler les débats futurs. Dans les couloirs du Justus Lipsius, les réserves par rapport aux idées de la France étaient un brin moins diplomatiques que celles qu'exprimait Pierre Gramegna. Certains Etats, comme l'Autriche, auraient de sérieux problèmes à faire converger leur idée d'un Etat de droit qui garantit des libertés individuelles, à certaines des idées proposées par la France. D'autres craignent que des mesures comme un strict encadrement des cartes de crédit pré-payées, puissent se retourner contre les personnes pour qui ce système a été créé, à savoir certaines personnes parmi les plus démunies, à qui l'on refuse une véritable carte de crédit. D'autres sources parlent même d'une instrumentalisation de la menace terroriste. «Never waste a good crisis», soufflait une source diplomatique, pour qui certaines mesures, qui à première écoute semblent très sensées, viseraient pourtant à s'attaquer discrètement à des choses qui ont peu de relations avec le terrorisme... comme par exemple certains vestiges du secret bancaire. Au Luxembourg par exemple, la mise en place d'un registre bancaire central n'était pas compatible avec le secret bancaire en vigueur dans le pays. Une fois celui-ci levé pour les comptes de clients non-résidents, un tel registre n'a pas été mis en place. En partie, parce que le Parquet a le droit de s'informer directement auprès des banques. Cette raison explique partiellement, pourquoi le Luxembourg est à ranger parmi les Etats membres qui plaident pour une certaine prudence dans ce débat.