en état d`urgence

Transcription

en état d`urgence
MAGAZINE DE MSF CANADA
Volume 19
Numéro 2
Été 2014
DEPECHES
SOUDAN DU SUD :
EN ÉTAT
D’URGENCE
EN COUVERTURE : Une crise humanitaire complexe, pp. 02, 03, 06 | AFGHANISTAN : Ce qu’il reste de l’intervention internationale, p. 04
GUINÉE : Combattre Ebola, p. 05 | VACCINS : Éviter la surchauffe, p. 08
JORDANIE : Reconstruire une vie, p. 09 | SUR LE TERRAIN : L’histoire d’un pompier en République centrafricaine, p. 10
MSF AU CANADA : Retour sur nos débuts, et rencontre avec notre nouvelle présidente, pp. 13, 14
envoyé plus de travailleurs canadiens que pour
toute autre situation d’urgence en cours. De
plus, en prévision d’une éventuelle catastrophe
humanitaire à grande échelle, nous sommes
prêts à allouer à ces projets une plus grande
partie des fonds que vous nous avez confiés.
© Wairimu Gitau / MSF
LETTRE DU DIRECTEUR GÉNÉRAL
SOUDAN DU SUD :
Dépêches Vol.19, no2
UNE SITUATION D’URGENCE SUR
PLUSIEURS FRONTS
02
V
aste territoire enclavé, marqué par des besoins considérables et des ressources très
restreintes, le Soudan du Sud est un pays
en crise. Même avant sa séparation du Soudan
en 2011, le dernier État-nation en date faisait
déjà face à de nombreux défis. Cependant, au
cours de ces derniers mois, ces défis ont augmenté de façon spectaculaire.
Le Soudan du Sud fait partie d’une longue
liste de pays qui requièrent urgemment que
la communauté internationale y porte son attention. L’an dernier, Médecins Sans Frontières
(MSF) a tiré la sonnette d’alarme sur des crises
humanitaires dans des pays comme la Syrie,
la République centrafricaine et la République
démocratique du Congo. Alors que les besoins
de ces pays nous appellent à agir, nous demandons à nos sympathisants qu’ils nous aident encore une fois à relayer notre message sur la crise
humanitaire à grande échelle et de plus en plus
complexe qui se développe au Soudan du Sud.
Les indicateurs y sont inquiétants. Depuis la fin
de l’année dernière, au moment où la guerre
civile a éclaté dans le pays, plus d’un million de
personnes ont dû quitter leur domicile. Malgré
l’accalmie du conflit, ces personnes continuent
à souffrir cruellement du manque de nourriture,
de sécurité et de soins. Même ceux qui ont
trouvé la sécurité vivent souvent dans des
conditions déplorables. En juin par exemple,
dans un endroit désigné comme un site de
protection des civils dans la ville de Bentiu, nous
avons appris qu’en moyenne trois enfants de
moins de cinq ans y mourraient chaque jour à
cause de la malnutrition, de la diarrhée aiguë,
de la pneumonie et d’autres maladies évitables.
Ailleurs dans le pays, la situation nutritionnelle
est également préoccupante : en seulement trois
mois, entre mars et mai, MSF a soigné des milliers
d’enfants touchés par la malnutrition, avant
même le début de la période de soudure qui
s’étend habituellement de juin à août. À mesure
que le pays sort d’une guerre civile qui a détruit
les stocks alimentaires, déplacé les fermiers
et perturbé les cultures, une crise alimentaire
pourrait venir s’ajouter à la situation de plus en
plus complexe du Soudan du Sud. Si l’on ajoute à
cela le nombre de réfugiés arrivant par le nord du
pays après avoir fui la violence au Soudan voisin
(plus d’informations en page 6 de ce magazine),
ainsi que ceux touchés par une épidémie de
choléra dans le sud, on se rend compte que
l’ampleur des difficultés auxquelles le nouvel État
doit faire face ne fait que s’accentuer.
Au-delà des statistiques, il y a l’aspect humain :
une mère arrivant épuisée dans une clinique
de MSF, portant un enfant dans ses bras et un
autre sur son dos, les deux enfants affaiblis et
extrêmement déshydratés par le choléra; ou
bien des familles qui fuient le conflit à pied ou
en bateau afin de se mettre à l’abri dans un
camp de déplacés. Certains arrivent complètement malnutris et malheureusement trop tard
pour être sauvés par nos équipes. Ceci reflète
la réalité quotidienne de tant de personnes,
une réalité que nous souhaitons faire connaître
et qui nous pousse à agir.
Mais MSF ne se limite pas à un seul endroit, à
un seul problème ou à une seule crise. Nous
nous évertuons à offrir des services d’urgence
aux populations du monde entier. À cet égard,
les témoignages présentés dans ce numéro
de Dépêches reflètent certains des nombreux
domaines dans lesquels nous continuons à travailler en vue de fournir un accès à la santé, à
la dignité et aux soins médicaux. En outre, MSF
est plus qu’une simple organisation. Nous
sommes un groupe de personnes qui répond
avec compassion aux souffrances des autres
et qui prodiguent des soins vitaux. Vous trouverez ici certains de leurs témoignages : celui
d’un Canadien qui a participé à la lutte contre
l’épidémie d’Ebola en Guinée (voir page 5);
celui d’un chirurgien de MSF qui a aidé les victimes des conflits en Syrie et en Irak dans un
projet que j’ai visité récemment en Jordanie
(voir page 9); et enfin la contribution importante de ceux qui nous soutiennent en collectant des fonds pour rendre tout cela possible
(voir page 12).
Mais à l’heure actuelle, c’est sur la crise qui se
déroule au Soudan du Sud que nous souhaitons focaliser notre attention, et nous espérons
la vôtre aussi. Les Canadiens sont déjà au cœur
de l’action pour empêcher que cette tragédie
ne s’aggrave encore plus, et ce, soit en travaillant directement sur le terrain, soit en envoyant
des dons, soit en s’informant de la situation
ou encore en sensibilisant les autres, une démarche à laquelle vous pouvez contribuer en
lisant et en partageant ce magazine.
J’espère qu’au moment où vous lirez ces
lignes, l’attention du monde se sera tournée
vers le Soudan du Sud et ses besoins urgents.
Mais dans le cas contraire, MSF, grâce à votre
soutien, y sera présente.
PRÊTS À AGIR
Comme on peut s’y attendre, la réponse de MSF
face à cette crise a été d’intensifier ses activités.
Nous mobilisons davantage de personnes,
de fonds et de ressources pour intervenir au
Soudan du Sud, tout en nous appuyant sur
notre vaste expérience et notre expertise pour
y parvenir. Cette année, nous y avons déjà
Stephen Cornish
Directeur général de MSF Canada
Twitter : @Stephen_Cornish
APERÇU
SOUDAN DU SUD :
UNE CRISE EN PLEIN
DÉVELOPPEMENT
Soudan
Melut
Yida
Le plus jeune pays du
monde confronté à une
situation explosive
Dès le début des combats, MSF a renforcé sa
capacité d’intervention pour faire rapidement
face aux urgences médicales dans le pays.
Dans neuf des 10 États du Soudan du Sud, les
équipes de MSF opèrent maintenant plus de
22 programmes médicaux et non-médicaux,
en plus des activités mobiles. Elle y fournit
aussi des soins de base, un soutien nutritionnel, des chirurgies, des vaccins, et approvisionne en eau potable ceux qui ont été forcés
de quitter leur domicile.
MSF s’engage à sauver des vies en fournissant
des soins médicaux d’urgence au Soudan du
Sud, à venir en aide aux personnes touchées
par la crise actuelle et à toutes les personnes vivant dans une situation de précarité à cause du
Éthiopie
Leer
Gogrial
Kuacjok
Wau
Nasir
Lankien
Pagak
Letchuor
Yuai
Mayendit
Itang
Tiergol
Warrap
Nyal
Jonglei
Lacs
Rumbek
République
centrafricaine
Bor
Awerial
Dorain
Pibor
Gumuruk
Equatoria-Occidental
Yambio
Torit
Juba
Equatoria-Central
Projet MSF existant
Barutuku
Nyumanzi
Nouveau projet MSF
Camp de réfugiés
République démocratique
du Congo
Violence dans les hôpitaux
Nadapal
Nimule
Kenya
Dzaipi
Ayilo
Ouganda
Région directement touchée par la violence
Région indirectement touchée par la violence
Migrations de population
manque d’accès aux soins. Au Kenya, en Éthiopie
et en Ouganda, MSF a mis en place des projets
d’urgence pour venir en aide aux milliers de
réfugiés sud-soudanais qui s’y sont installés.
Pendant le conflit, MSF a dû relocaliser dans
d’autres structures médicales de nombreux
services qu’elle offrait jusque-là. MSF a érigé
des tentes pour y installer ses hôpitaux, travaille dans des constructions temporaires et
même dans des cliniques gonflables. Avec
plus de 3 500 employés locaux et internationaux qui travaillent dans le pays, MSF a
pu mettre en place des projets d’urgence
pouvant répondre aux besoins croissants des
personnes directement touchées par la crise.
0
0
100
200 km
100 mi
tion, MSF mène le plus d’interventions en
matière de nutrition thérapeutique. Ainsi, le
programme mis en place au Soudan du Sud
en 2013 représentait le troisième programme
nutritionnel en importance de MSF. À l’heure
actuelle, après des mois de conflit et de déplacements massifs, les gens ne savent plus
comment faire face à la situation, les marchés
ont été détruits, les réserves alimentaires ont
été pillées et, en raison des combats, il est
devenu difficile de semer ou de récolter les
cultures. Entre janvier et juin, MSF avait déjà
accueilli plus de 9 000 enfants dans ses programmes nutritionnels ambulatoires et avait
1 500 enfants hospitalisés dans ses structures.
CHOLÉRA
INTERVENTIONS EN MATIÈRE
DE NUTRITION
Le Soudan du Sud présente toujours un certain taux de malnutrition durant la période
de soudure, qui dure habituellement de juin
à août et au cours de laquelle les principales
cultures ont été semées sans toutefois pouvoir être encore récoltées. La plupart des
années, le Soudan du Sud continue d’être
l’un des pays où, en raison de la malnutri-
© TBC
Equatoria-Oriental
En mai, le ministère de la Santé du Soudan
du Sud a déclaré que Djouba était en proie à
une épidémie de choléra. MSF a mis sur pied
des centres de traitement du choléra et des
points de réhydratation dans des zones clés
de la ville. Elle continue de fournir une assistance technique à l’hôpital universitaire de
Djouba, en renforçant les mesures d’hygiène
et l’approvisionnement en eau en vue de maîtriser l’infection.
© MSF
Le 15 décembre 2013, cette violence a pris une
nouvelle tournure quand des affrontements
entre les groupes rivaux de la garde présidentielle ont éclaté à Djouba, la capitale du Soudan
du Sud. Ces affrontements se sont rapidement
répandus et ont pris une orientation clairement
sectaire. Le conflit qui en a découlé a mené à la
destruction de structures médicales et civiles,
et causé le déplacement de plus d’un million
de personnes à l’intérieur du Soudan du Sud,
en plus des 300 000 autres qui ont cherché
refuge dans les pays voisins. Par conséquent,
la plupart des établissements de santé du pays
sont hors d’état, ce qui prive la majorité des
gens d’un accès aux soins.
Maban
Haut-Nil
Bentiu
Unité
Aweil
Bahr el Ghazal
occidental
Malakal
Dispatches Vol. 19, Ed.2
E
n 2011, la nouvelle république indépendante du Soudan du Sud a officiellement
vu le jour suite à plus de 20 ans de guerre
civile entre les forces séparatistes et le gouvernement du Soudan à Khartoum. Mais, au-delà
des célébrations qui ont entouré la création de
ce tout nouveau pays d’Afrique, une ombre
semblait planer sur le pays. Depuis le jour où il
a gagné son indépendance, le Soudan du Sud
a été confronté à un certain nombre de défis humanitaires importants. Maladie, malnutrition et
déplacements de population demeurent monnaie courante dans le pays, tandis que le système
de santé est extrêmement faible et sous-financé.
En outre, de nombreuses régions du Soudan du
Sud sont encore en proie à des niveaux élevés de
violence, un héritage de divisions qui remonte à
avant même la fin de la guerre civile.
Abyei
Agok
Pamat
Bahr el Ghazal
du Nord
03
CE QU’IL RESTE DE
L’INTERVENTION INTERNATIONALE
Dispatches Vol. 19, Ed.1
Malgré le départ des forces internationales, l’urgence médicale demeure
04
A
près plus de 10 ans d’aide et
d’investissements internationaux, les
Afghans ont toujours du mal à obtenir des soins essentiels, et ce, en raison de
l’insécurité, de la distance, des tarifs et du
dysfonctionnement de nombreux centres de
santé. C’est la triste conclusion d’un sondage
mené auprès de 800 patients de Médecins
Sans Frontières (MSF) dans quatre hôpitaux
des provinces de Helmand, Kaboul, Khost et
Kunduz où travaillent ses équipes médicales.
L’année 2014 sera une année cruciale pour
l’Afghanistan. La majorité des troupes internationales quittera le pays avant la fin de
l’année, y compris celles du Canada qui, en
mars dernier, a mis un terme à sa mission de
12 ans en Afghanistan. L’amélioration des services médicaux est souvent citée comme une
des réussites de la communauté internationale
dans le cadre de ses activités de renforcement
de l’État afghan. Cependant, la situation médicale dans le pays est loin d’être une simple histoire à succès.
L’intervention internationale qui a suivi
l’invasion américaine de l’Afghanistan en 2001
a apporté au système de santé afghan son lot
d’investissements et de progrès. Cependant,
les taux de mortalité maternelle et infantile
demeurent parmi les plus élevés au monde.
De plus, le nombre de victimes de violence ne
cesse de s’accroître, et les besoins médicaux et
humanitaires demeurent criants. « Parmi tous
les patients interrogés, un patient sur cinq a
perdu l’an dernier un membre de sa famille
ou un ami proche à cause du manque d’accès
aux services médicaux », souligne Christophe
Stokes, un directeur général de MSF.
« ON NE PEUT PAS VOIR DE MÉDECIN »
Selon les patients interrogés par le personnel
de MSF, l’un des principaux obstacles était
l’insécurité qui les empêchait de se rendre à
un centre de santé. « Mon village vit constamment dans un climat de violence », a confié un
directeur d’école de la province de Baghlan âgé
de 25 ans au personnel humanitaire de MSF.
« Les combats se poursuivent même s’il y a des
blessés, alors il est souvent impossible de les
amener voir un médecin. Même quand on est
en mesure de se déplacer avec les victimes, il
faut surmonter les barrages routiers, les points
de contrôle, les interrogatoires et le harcèlement avant de pouvoir arriver à l’hôpital. »
Le témoignage de ces patients révèle un écart
important entre la théorie et la pratique en
matière de soins de santé. Bien que le nombre
de centres médicaux en Afghanistan ait augmenté au cours des 10 dernières années, les
gens des quatre endroits où MSF a mené son
enquête affirment qu’il y a encore trop peu
de centres de santé dignes de confiance qui
fonctionnent correctement ou qui sont abordables. « Les gens ont indiqué que les cliniques
manquaient de médicaments, de personnel qualifié et d’électricité et qu’ils devaient
s’endetter de plus en plus pour se faire
soigner », souligne Christophe Stokes.
La majorité des répondants disent qu’ils ne sont
pas en mesure d’utiliser la structure de santé
publique la plus près. Cela les oblige à parcourir
de plus longues distances, engendrant des
coûts et des risques importants, afin de recevoir
des soins en cas de maladie.
Ces 12 dernières années, les gouvernements
internationaux ont basé un grand nombre de
leurs décisions concernant l’aide à apporter en
Afghanistan sur des considérations autres que
les besoins des Afghans. Parmi ces décisions, on
peut citer l’objectif de stabilisation, les stratégies
visant à « gagner le cœur et l’esprit du peuple »,
ou celle visant à obtenir le soutien politique de
la population des pays d’origine. De ce fait, la
demande urgente engendrée par le conflit en
cours est encore loin d’être comblée. Les gouvernements, les bailleurs de fonds, les acteurs
humanitaires et les autorités afghanes doivent
remédier d’urgence aux lacunes du système de
santé et mettre de côté toutes les considérations
qui ne relèvent pas des besoins du peuple.
Claudia Blume
Attachée de presse
MSF travaille à l’hôpital d’Ahmed Shah Baba dans
la partie est de Kaboul, et à l’hôpital de Boost
à Lashkargah dans la province de Helmand. À
Kunduz dans le nord de l’Afghanistan, MSF gère
également un centre de chirurgie et de traumatologie. En outre, MSF dirige une maternité à
Khost dans l’est du pays.
© Mikhail Galustov
AFGHANISTAN
GUINÉE
À LA RENCONTRE
DE L’ÉPIDÉMIE
Cependant, l’état des patients que Tim Jagatic
a vus ce jour-là était plus grave qu’il n’y
paraissait. Ils faisaient partie d’un groupe de
personnes soupçonnées d’avoir contracté
Ebola, une maladie grave, présentant un
taux de mortalité élevé et ayant un lourd impact sur les malades. Le gouvernement de la
Guinée avait annoncé une épidémie d’Ebola
un peu plus d’une semaine avant l’arrivée
du médecin canadien. En vue de contenir
l’épidémie, MSF a travaillé avec le ministère
guinéen de la Santé, et le service que Tim
Jagatic a visité lors de son premier jour à
Conakry illustrait l’intervention rapide mise
en place par l’organisation.
« Il y avait une foule d’activités en cours
quand je suis arrivé », dit-il. « Nous construisions de nouvelles salles d’isolement,
une zone pour les cas suspects, et nous
mettions en place une unité de décontamination plus avancée. »
UNE MALADIE FAISANT DES RAVAGES
Le virus Ebola, dont il existe plusieurs souches, a
été identifié en 1976 près de la rivière Ebola, dans
ce qui est aujourd’hui la République démocratique du Congo. Depuis lors, il y a eu un certain
nombre de flambées sporadiques de la maladie,
avec environ 2 200 cas enregistrés à ce jour, la
majorité d’entre eux fatals. Le virus provoque des
symptômes ravageurs, avec de la fièvre, des douleurs, des vomissements et la diarrhée. Souvent,
au moment où l’organisme de la personne infectée réagit, le virus a déjà causé des caillots de sang
bloquant les organes vitaux et provoquant des
hémorragies majeures. Les saignements abondants et violents sont très courants, et le taux de
mortalité est notoirement élevé. Il est difficile de
traiter la maladie, et il faut donc s’attaquer aux
symptômes avant qu’il ne soit trop tard.
Grâce en partie au fait que MSF soit intervenue immédiatement lorsque la maladie s’est
déclarée, Tim Jagatic et ses collègues ont réussi à
soigner dès les premiers stades de la maladie un
certain nombre de patients suspects, comme
les patients qu’il a vus le premier jour. « En
administrant des soins de base et un traitement
de soutien, en donnant aux patients le temps
que leur système immunitaire trouve le virus et
le détruise, alors il est possible de guérir », explique le médecin canadien. « Nous avons déployé
des efforts considérables pour faire en sorte de
fournir le bon traitement. Dans la plupart des
cas, il était vraiment efficace. »
les travailleurs de la santé qui tentent de les aider
– sont souvent victimes d’une stigmatisation de
la part des membres de la communauté, qui
s’inquiètent de sa propagation. En Guinée, MSF
a collaboré avec des dirigeants communautaires et religieux pour expliquer à la population
qu’une intervention précoce pouvait sauver des
vies. D’après Tim Jagatic, cette approche a permis d’atténuer certains effets de l’épidémie.
« Ma plus grande fierté est d’avoir été le premier
à serrer la main du premier patient guéri après
la fin de son traitement », dit-il. « Par ce geste,
j’ai montré à toute la Guinée qu’il n’y avait
aucune raison de rejeter cet homme. Lorsqu’il
est sorti, je lui ai tendu ma main, volontairement sans gants, afin de lui souhaiter un
bon retour dans la société. »
« IL ÉTAIT IMPORTANT DE DÉTRUIRE
LES PRÉJUGÉS. »
POINT SUR LA CRISE : En juin, près de trois
mois après le retour de Tim Jagatic de la
Guinée, MSF a diffusé un message fort, disant
que l’épidémie d’Ebola, qui s’étalait jusqu’en
Sierra Leone et au Liberia, avait atteint un
stade critique et que, sans un soutien accru,
MSF allait atteindre les limites de ses capacités.
« L’épidémie est hors de contrôle », a déclaré
le Dr Bart Janssens, directeur des opérations de
MSF. « Il y a un risque réel de propagation à
d’autres régions. » Pour connaître les derniers
événements en rapport avec l’épidémie
d’Ebola en Afrique de l’Ouest, visitez msf.ca.
UNE STIGMATISATION TOUT
AUSSI DÉVASTATRICE
Ebola reste une maladie mortelle qui peut être
terrifiante. Les victimes de la maladie – ainsi que
Michael Lawson
Agent des communications
Dépêches Vol.19, no2
L
a première rencontre de Tim Jagatic
avec des patients suspectés d’avoir contracté Ebola en Guinée, au printemps
dernier, ne s’est pas passée comme il s’y
attendait. Ce médecin canadien de Windsor
(Ontario) n’était arrivé à Conakry, la
capitale guinéenne, que la veille, pour faire
partie de l’équipe d’urgence de Médecins
Sans Frontières (MSF), et devait maintenant
se préparer à faire face à ce virus mortel.
« Vous êtes équipé de la tête aux pieds, avec
lunettes de protection et masque facial », se
souvient Tim Jagatic. « Et vous vous dites :
“Bon, il faut y aller!” Puis vous entrez dans
la salle d’isolement, et en fait c’est un peu
décevant. Parce que tout ce qu’on voit, c’est
un groupe de patients qui se sentent juste
un peu mal. »
© Sam Taylor / MSF
© Sylvain Cherkaoui / Cosmos
Un médecin canadien se bat contre Ebola
05
06 NOUVEAU PAYS, DÉFIS IMMENSES
Avril Benoît a suivi l’évolution du conflit au Soudan du Sud alors
qu’elle participait à une autre intervention dans le nord du pays
E
n décembre dernier, lorsque j’ai accepté
de retourner au camp de réfugiés de
Doro, dans l’État du Haut-Nil au Soudan
du Sud, comme chef de projet pour Médecins
Sans Frontières (MSF), je pensais savoir ce qui
m’attendait. J’avais déjà été témoin d’une intervention d’urgence de MSF en 2011 quand
des réfugiés venant du Nil Bleu, un État du
Soudan voisin, étaient arrivés dans le comté
de Maban après avoir traversé la frontière
pour échapper au conflit entre le gouvernement soudanais et les forces de l’opposition.
À cette époque, MSF avait été parmi les premières organisations humanitaires sur le terrain à fournir des services d’urgence pour les
personnes touchées par les combats. Elle avait
donc mis sur pied des cliniques, des latrines et
des puits et avait attiré l’attention du monde
sur cette nouvelle crise, qui avait déjà déplacé
20 000 personnes en quelques semaines.
Dans les mois qui ont suivi, le conflit armé et
les bombardements aériens au Nil Bleu ont
continué, et le nombre de réfugiés a grimpé
à plus de 126 000 personnes réparties dans
quatre camps, alors que Doro accueillait à lui
seul 48 500 réfugiés. Je me suis engagée à diriger une équipe de 325 employés de MSF qui
faisaient fonctionner un hôpital et quatre cliniques externes, une perspective intimidante
quand la température avoisine les 45°C.
Toutefois, à la mi-décembre 2013, un autre
conflit a éclaté : une nouvelle guerre civile au
Soudan du Sud a vu le jour, opposant avec
violence des groupes fidèles à différentes
factions du gouvernement central qui ap-
partenaient à deux groupes ethniques dominants : les Dinka et les Nuer. Dans un climat
d’insécurité grandissante, MSF a commencé
à se préparer au cas où elle aurait à évacuer
ses équipes. En parallèle, elle a fait venir dans
le pays des équipes de spécialistes expérimentés dans les interventions d’urgence en vue
de fournir une assistance dans les zones touchées par le conflit. Dans certaines parties du
Soudan du Sud, des hôpitaux de MSF ont été
pillés, le personnel a été menacé et certains
patients ont même été tués dans leur lit.
DES EFFETS DÉVASTATEURS
À Maban, loin de la capitale de Djouba située
dans le sud du pays, la population a cherché à
© Carly Britz
Dépêches Vol.19, no2
SUR LE TERRAIN : SOUDAN DU SUD
DES URGENCES SUR PLUSIEURS FRONTS
Presque toutes les organisations non-gouvernementales opérant à Doro ont vu leurs
structures se faire attaquer par des voleurs armés, à l’exception, heureusement, de celles
appartenant à MSF. Ils ont volé du sorgho, des
aliments thérapeutiques prêts à l’emploi, des
barres nutritives hypercaloriques et du sucre.
D’autres malheurs ont accompagné les distributions alimentaires : hausse de la criminalité,
tension entre les communautés locales et les
réfugiés, absentéisme scolaire, malnutrition et
maladies. Les interruptions dans les distributions
de nourriture ont retardé d’autres activités à une
période critique, juste avant la saison des pluies
débutant en juin. En distribuant des articles de
première nécessité, tels que des moustiquaires
et des bâches, alors que les réfugiés étaient affamés, il fallait bien s’attendre à voir ceux-ci les
troquer contre de la nourriture. Lancée dans
le cadre d’une stratégie de subsistance et de
développement durable à long terme, la distribution de semences de sorgho et de maïs était
vouée à l’échec pour les familles, qui trop affamées, ont été contraintes de les manger plutôt
que de les planter.
Au début de 2014, l’étendue des besoins à
l’échelle nationale engendrés par cette nouvelle crise dans le plus jeune pays au monde
a occulté le sort des quelque 126 000 réfugiés
soudanais qui vivent actuellement à Maban.
Au cours des six premiers mois, la guerre civile au Soudan du Sud a chassé un million de
personnes de leurs foyers, tandis que 370 000
ont été forcées de fuir vers l’Éthiopie, le Kenya,
l’Ouganda et même vers le Soudan (chose impossible pour les rescapés du Nil Bleu vivant
dans les camps de Maban qui ne sont pas autorisés à s’inscrire ailleurs comme réfugiés).
Aucun de ces événements ne se profilait à
l’horizon quand je suis retournée à Doro.
Seule la fureur des éléments s’est matérialisée
comme prévue lorsque le vent et les pluies
sont enfin arrivés. La saison des pluies a
rendu les routes boueuses, a déchiqueté les
abris faits de bâches en plastique et a créé
les conditions propices à la reproduction des
moustiques porteurs de paludisme.
À proprement parler, les réfugiés qui bénéficient de l’aide de MSF à Maban n’ont pas
été directement touchés par le conflit au sud.
Mais ils ont été touchés de toutes les façons
indirectes qu’on peut l’imaginer. Ils sont victimes des conflits des deux côtés de la frontière, avec aucun endroit sûr où aller.
Avril Benoît
Chef de projet
07
À gauche : MSF fournit des soins aux milliers de réfugiés qui ont fui les combats et les attaques aériennes au Nil Bleu, un État du Soudan, et ont trouvé refuge dans le
comté de Maban au Soudan du Sud. À droite : Avril Benoît (à gauche sur la photo) travaille comme chef de projet pour MSF dans le camp de réfugiés de Doro.
© Tine Larsen
La faim a contraint certains réfugiés de Maban à
retraverser la frontière vers le Soudan – le même
pays qu’ils avaient fui auparavant pour échapper à la mort – afin d’ensemencer leurs terres et
de grappiller quelque chose à manger. D’autres
sont entrés en conflit avec la population hôte.
Des chèvres ont été volées et des huttes brûlées,
provoquant ainsi un mouvement de représailles. Ces affrontements ont fait plus d’une
dizaine de morts dans les deux camps.
© Carly Britz
Le conflit a également eu un effet dramatique
sur les opérations de distribution de nourriture du Programme alimentaire mondial
(PAM) : sur les seules routes menant vers les
camps de réfugiés de Maban qui n’étaient
pas bloquées par les combats, les convois de
camions transportant les rations alimentaires
ont dû faire face à des demandes de pots-devin tellement coûteuses que les chauffeurs
indépendants se sont vus immobilisés sur
place avec leurs cargaisons vitales. Le sentiment de protection et de sécurité dans les
camps de Maban a disparu lorsque les distributions du PAM sont devenues irrégulières :
en mars et en avril, les familles n’ont reçu
que l’équivalent de 15 jours de rations, soit
le quart des calories dont elles avaient besoin
pour survivre. Les prises en charge dans nos
programmes de traitement de la malnutrition
sont montées en flèche.
UNE CRISE ALIMENTAIRE
EN PROGRESSION
Dépêches Vol.19, no2
maintenir une certaine neutralité par rapport
à ce qu’elle considérait être un conflit entre
Nuer et Dinka et qui ne la concernait pas. Mais
même Maban n’a pas échappé au conflit : un
grand nombre de nos employés sud-soudanais
craignaient que les marques traditionnelles sur
leur front et leurs joues – signes d’une identité
tribale dans de nombreuses régions du Soudan
du Sud – fassent d’eux des cibles et qu’ils
fassent l’objet de représailles pour les atrocités
que des membres de leur communauté
auraient soi-disant commises. Ils ont quitté leur
emploi et sont retournés dans leurs villages
contestés afin de protéger leurs familles, ou
ont plutôt cherché refuge en Éthiopie, un pays
voisin. Nous avons eu peur pour eux, étions
désolés de les voir partir, et avons dû parer à la
hâte au manque de personnel.
ACCÈS AUX MÉDICAMENTS
ou trop froides en cours de route. En zones
rurales, les vaccins voyagent souvent dans des
véhicules tout-terrain, et lorsque les routes
sont impraticables, ils sont transportés à moto
ou à pied.
© Robin Meldrum
UN SYSTÈME DÉLICAT
Dépêches Vol.19, no2
Ci-dessus : Dans le village de Bebongo, en RDC, des marchandises sont livrées aux équipes mobiles de
MSF par canoë artisanal. L’une des plus grandes difficultés de MSF est de maintenir la température des
vaccins lorsqu’ils sont acheminés sur le terrain.
08
ÉVITER LA SURCHAUFFE
Maintenir une température constante pour
les vaccins d’ordre vital n’est pas tâche facile
C
haque année, un enfant sur cinq dans le
monde ne reçoit pas une couverture vaccinale complète, ce qui représente plus de
22 millions de jeunes vies susceptibles de contracter des maladies telles que la rougeole ou
la méningite. Les vaccins font partie des outils
médicaux les plus importants pour protéger
la santé infantile. Et chaque jour, le personnel
médical de Médecins Sans Frontières (MSF) est
directement témoin des répercussions lorsque
ces outils ne sont pas facilement disponibles :
plus d’enfants sont malades, dont beaucoup
vont mourir de maladies évitables.
pour la réfrigération, il est facile de transporter
et de conserver les vaccins dans ces limites
de température strictes. Mais dans les pays
en développement, en particulier dans
les pays chauds comme ceux de l’Afrique
subsaharienne, cette tâche est souvent difficile
voire impossible. Il arrive que le courant ne soit
pas stable, et que la température dépasse la
marge de sécurité. Pour conserver les vaccins
à la bonne température, MSF doit maintenir
une chaîne du froid à chaque étape de leur
voyage, depuis l’usine jusqu’aux enfants qui
les recevront.
Et pourtant, avec tout le pouvoir que recèlent
ces vaccins pour protéger les enfants, ceuxci sont aussi extrêmement difficiles à utiliser
dans les pays en développement. La plupart
doivent être conservés à des températures
entre 2 et 8°C, au risque de voir leur qualité
s’altérer. Leur conservation, leur transport
et leur administration, dans les conditions
dans lesquelles MSF travaille généralement,
comptent parmi les plus grands défis
logistiques de l’organisation.
L’expédition des vaccins de MSF sur le terrain
commence par leur chargement sur des
camions, dans des réfrigérateurs givrés pour
une protection supplémentaire contre les
pannes de courant. Ils sont ensuite transférés
dans des avions, plutôt que des navires-cargos.
(Le transport aérien est plus rapide que par
bateau, et il réduit ainsi le risque d’une rupture
de la chaîne du froid.)
RESPECTER LA CHAÎNE DU FROID
Dans les pays riches, où l’on peut compter
sur un approvisionnement électrique fiable
Lorsque les vaccins atteignent leur pays de
destination, ils sont assemblés pour les sites
de vaccination, dans des glacières bordées de
blocs réfrigérants et équipées de moniteurs
de température spéciaux. À l’arrivée, ces
moniteurs signalent si les vaccins ont été
soumis à des températures trop chaudes
La gestion de la chaîne du froid est coûteuse,
et la finalité peut être difficile à contrôler. Si le
système ne fonctionne pas comme prévu, les
vaccins s’altèrent en raison de la surchauffe
ou du gel. Et pour les cliniques des pays en
développement, qui doivent stocker les vaccins
pendant des semaines ou des mois jusqu’à
leur utilisation, la chaîne du froid ne peut pas
remplacer le manque de réfrigération. Il faut
donc trouver une solution excluant l’accès à
un réfrigérateur.
MSF plaide pour une alternative à la chaîne du
froid, en se concentrant sur les vaccins euxmêmes. Ainsi, l’organisation demande aux
sociétés pharmaceutiques de concevoir des
vaccins plus faciles à utiliser, ayant une plus
grande tolérance à la chaleur, et pouvant être
conservés sans réfrigération.
UNE NOUVELLE APPROCHE
Jusqu’à présent, un seul vaccin a été approuvé
pour une utilisation en dehors de la chaîne du
froid. Le vaccin appelé MenAfriVac, contre la
méningite A, a été spécialement conçu pour
la « ceinture de la méningite » en Afrique,
région où la maladie est souvent présente et
les températures élevées. Les études portant
sur le vaccin dans son environnement réel
ont constaté que le MenAfriVac est resté
tout aussi efficace dans une chaîne du froid
souple, c’est-à-dire sans réfrigération pendant
de courtes périodes.
Grâce à des vaccins résistant aux températures
élevées, les ministères de la Santé et les
organisations humanitaires comme MSF
peuvent fournir une protection vitale à un
plus grand nombre d’enfants, en particulier
ceux qui sont les plus difficiles à atteindre. Ces
initiatives pourraient permettre de sauver des
millions de vies chaque année.
Pour en savoir plus sur les activités de MSF pour
améliorer l’accès aux médicaments vitaux –
non seulement en améliorant l’efficacité de la
chaîne du froid, mais aussi en faisant en sorte
que les vaccins soient plus abordables, plus
accessibles et mieux distribués là où ils sont les
plus nécessaires – visitez le site msfaccess.org/
bestshot (en anglais).
RECONSTRUIRE UNE VIE
Un chirurgien de MSF en Jordanie donne aux
victimes la chance de guérir
L
es conflits qui font rage en Irak et en Syrie ont
bouleversé la vie des gens dans les deux pays.
En plus des perturbations dans le système de
santé vécues par les personnes déplacées par la
violence, la nature des combats dans les deux pays
a engendré des besoins médicaux particuliers.
© Robin Meldrum / MSF
De nombreuses victimes de la violence requièrent
une chirurgie reconstructive, mais n’ont pas accès
aux soins nécessaires. Compte tenu des grands
défis posés par l’insécurité en Irak, le personnel
de Médecins Sans Frontières (MSF) offre des
soins chirurgicaux aux victimes du conflit dans le
cadre de son projet de chirurgie reconstructive à
Amman, en Jordanie.
Le projet d’Amman permet d’offrir aux patients une chirurgie orthopédique, plastique et
faciale et de prendre en charge des cas complexes. MSF offre également des services de
physiothérapie et de soutien psychologique.
Et depuis le début du projet en 2006, plus de
2 000 patients y ont été soignés.
Chirurgien orthopédique originaire d’Irak, Ali
Al-Ani s’est installé en Jordanie en 2005 afin
d’échapper aux conditions oppressives dans son
pays d’origine. En 2007, il a commencé à travailler
dans le projet de chirurgie reconstructive de MSF à
Amman. Il nous décrit en quoi consiste son travail
et parle de certaines personnes qu’il a soignées.
Quels types de patients recevez-vous?
Ali Al-Ani : Nos patients sont des victimes du
conflit qui touche toute la région. Au cours des
deux premières années du programme, nous
n’avons reçu que des patients irakiens. En 2008,
le programme a étendu sa portée, et nous avons
commencé à accepter des patients d’autres pays
affectés par la violence dans la région. Depuis
lors, nous avons accueilli des patients de Gaza,
du Yémen et de la Syrie. La majorité des cas que
nous devons prendre en charge sont complexes.
Quels types de cas peuvent être pris en
charge au sein du programme?
AA : Nos critères de sélection couvrent trois spécialités : la chirurgie orthopédique, maxillo-faciale
et plastique. Nombre de nos patients présentent
des infections osseuses qui nécessitent des procédures thérapeutiques à long terme. Nous recevons
également des patients dont les os cassés ne se
sont pas ressoudés correctement, ainsi que des
patients présentant une perte osseuse, des lésions
nerveuses et des déformations physiques à long
terme causés par un traumatisme non traité.
En raison de la nature des blessures liées au conflit,
chaque nouveau patient présente un défi, et chaque
blessé est unique par rapport aux autres cas.
Comment votre travail vous affecte-t-il
personnellement?
AA : Je suis chirurgien, mais aussi un être
humain, et je suis affecté par ce que je vois
dans le cadre de mes fonctions. Cela me fait
de la peine quand je suis en face d’enfants
innocents, d’hommes et de femmes âgés
dont la vie a été bouleversée à jamais à
cause du conflit.
Mais, en tant que chirurgien, je suis en mesure
de soigner ces personnes vulnérables et de
faire en sorte qu’elles retrouvent le sourire et
un certain sentiment d’autonomie. Je suis fier
de savoir que ce programme a permis de soulager les souffrances de nombreux patients
en reconstruisant leurs corps blessés et de
récupérer certaines fonctions qu’ils avaient
perdues. Et ceci, d’autant plus qu’il s’agit de
personnes qui n’ont pas forcément les moyens
de s’offrir de tels soins.
Chaque patient possède sa propre histoire
relatant la façon dont la guerre a affecté
sa vie. L’histoire qui m’a le plus marqué est
celle d’un garçon irakien de sept ans, pris en
charge dans le programme en 2009. Wael se
rendait chez ses grands-parents lorsqu’une
bombe en bord de route a explosé. Sa mère a
été tuée et Wael a été gravement blessé. Il a
perdu sa jambe droite et sa jambe gauche a
été gravement touchée. Malgré une procédure
chirurgicale complexe et en plusieurs étapes,
les chirurgiens ont été en mesure de reconstruire sa jambe endommagée afin qu’elle puisse
supporter son poids et accueillir une prothèse
afin de lui permettre de remarcher.
© J.B. Russell
Dépêches Vol.19, no2
© J.B. Russell
© J.B. Russell
SYRIE / IRAK
09
Photo offerte par Richard Mommersteeg
TRAVAILLER POUR MSF
Dépêches Vol.19, no2
INTERVENTION D’URGENCE
10
Une première mission tout feu tout flamme pour cet ancien pompier
R
ichard Mommersteeg n’a pas tardé à faire
ce qu’il maîtrisait le mieux lors de sa toute
première mission pour MSF en République centrafricaine (RCA). Quelques secondes
après qu’une projection de braises ait enflammé une grande tente de stockage, il était sur les
lieux, un extincteur à la main. Les trente années
passées à la caserne de London, en Ontario, ont
été bien utiles à ce moment-là, et ont permis de
conserver intactes les précieuses marchandises
entreposées sous la tente.
Éteindre les flammes faisait partie intégrante de
la routine de ce pompier professionnel. Cela lui
a d’ailleurs bien servi en RCA, lorsqu’il a œuvré
comme logisticien pour deux projets différents
de MSF. Anciennement à la tête d’une brigade
de sapeurs-pompiers, Richard avait encadré des
équipes entières, expérience qui s’est révélée
très utile des années plus tard en RCA, où il a
dû gérer une équipe de 40 employés nationaux,
engagés comme conducteurs, agents de sécurité ou maçons pour MSF. Travailler dans des
environnements très éprouvants n’avait rien de
bien nouveau pour Richard, habitué pendant
des années à rénover des maisons, donc tout à
fait à l’aise dans des tâches techniques comme
de faire fonctionner des génératrices électriques
et de gérer l’approvisionnement en carburant.
Mais l’atout le plus important qu’il a apporté en
RCA a été sa capacité naturelle à savoir se détendre. « Ma formation initiale de sapeur-pompier
m’a appris à savoir comment retrouver un certain calme », dit-il.
Pour se forcer à débrancher, Richard a décidé de se lancer dans ses “projets dominicaux”, comme il les appelle. En exploitant ses
quelques rudiments de menuiserie, il concevait et construisait de toutes pièces du mobilier
pour l’hôpital, dont un lit confortable pour
les femmes enceintes en plein travail, ainsi
qu’une attelle pour un jeune garçon blessé
par balle à la hanche. Pour aider ses collègues,
et lui-même, à décompresser, il a aussi installé
un filet de volleyball et suspendu des carillons
à vent dans la base de MSF.
GÉRER LA PRESSION
Cette capacité naturelle à savoir décompresser
s’est révélée fort utile lorsque Richard a quitté
Zemio, ville dans le sud-est de la RCA où il
avait passé ses sept premiers mois avec MSF,
pour s’installer à Bossangoa, dans le nordouest du pays. Les combats entre les forces
rebelles de la Séléka à dominante musulmane
et les milices anti-Balaka majoritairement
chrétiennes – les groupes rivaux à l’origine de
la guerre civile qui plonge la RCA dans une
spirale destructrice de violences depuis l’an
dernier – s’étaient intensifiés, et Bossangoa
était au cœur de terribles affrontements intercommunautaires. L’objectif de MSF dans
cette zone tourmentée était donc de venir
en aide autant aux chrétiens qu’aux musulmans qui s’étaient réfugiés dans les églises
et les cours d’écoles avoisinantes. « Un jour
à l’hôpital, je suis tombé sur un groupe qui
cherchait à s’en prendre aux musulmans », se
rappelle-t-il. « J’ai pu les contenir en dehors
des murs de l’hôpital. J’ai retiré les pierres de
leurs mains et les ai convaincus de s’affronter
ailleurs qu’ici. »
L’expérience la plus désagréable de Richard a été
lorsque l’équipe a dû se retirer dans une “pièce
sécurisée” de la base à cause de l’intensité des
combats. « Nous étions 30 expatriés et employés nationaux dans cette pièce », se souvient-il. « J’avoue ne pas avoir du tout aimé
entendre les balles ricocher sur le toit ni voir la
peur dans les yeux de ceux qui m’entouraient,
tous très tendus par la situation. »
Paradoxalement, certains des meilleurs souvenirs de Richard sont aussi directement liés à
ces moments d’extrême tension. « Nous avons
commencé à sauver des gens 15 minutes
seulement après l’arrêt des coups de feu », se
rappelle-t-il. « Pendant ce mois de total chaos,
toutes les autres ONG restaient confinées et ne
se déplaçaient nulle part sans la présence de
gardes armés; tout le contraire de MSF dont les
équipes continuaient de se rendre à l’hôpital et
de travailler sans interruption. »
Christina Campbell
Attachée de presse
Questions Questions à Richard Mommersteeg
Richard Mommersteeg : J’étais déjà très engagé socialement : j’ai fait du bénévolat pour
Habitat pour l’humanité et dans des orphelinats, et j’ai parrainé des enfants. Je cherchais sur
Internet de nouvelles occasions en me concentrant sur des organisations non gouvernementales qui viennent en aide à un grand nombre
de personnes, comme MSF. En assistant à une
séance d’information de MSF, j’ai appris que
la moitié des personnes recrutées était du personnel de soutien. Avant d’y aller, je pensais
que l’organisation recherchait principalement
des médecins et des infirmiers.
et le processus a commencé deux jours après.
Les délais étaient serrés, et il y avait beaucoup
de choses à faire. J’ai dû prévoir du temps pour
les entretiens, penser aux vaccins et suivre deux
semaines de cours de français à Rimouski.
Quel est le meilleur conseil que vous
avez reçu pendant le processus de
recrutement?
RM : De me préparer au risque de vivre cloîtré pour des raisons de sécurité. On m’a expliqué que je vivrais dans une base de MSF
avec un espace restreint et que je devais
m’habituer à l’idée que je n’aurais pas beaucoup d’espace personnel.
Qu’est-ce qui a été le plus difficile
pendant le processus de recrutement?
Quelles sont les responsabilités d’un
logisticien technique?
RM : La rapidité avec laquelle tout s’est mis en
marche. Comme j’étais à la retraite et disponible
immédiatement, cela a facilité la tâche de MSF
pour traiter ma demande. J’ai postulé en janvier
RM : Un logisticien doit gérer le personnel local, y compris les conducteurs et les gardes,
et embaucher les journaliers en construction.
Certains jours, 40 personnes travaillaient pour
moi. Je devais m’assurer que les génératrices de
la base et de l’hôpital fonctionnaient correctement et de façon sécuritaire. J’étais responsable
de l’approvisionnement et de l’alimentation en
eau de la base et de l’hôpital. J’étais également
chargé de commander l’huile de vidange et les
pièces de rechange pour les véhicules et en effectuer le suivi. Finalement, je devais commander des fournitures au niveau national et international pour six à huit mois et gérer les budgets.
Comment votre expérience de
pompier vous a-t-elle aidé à vous
préparer à travailler en République
centrafricaine?
RM : J’ai côtoyé la mort, la destruction et la
misère. J’ai acquis la capacité à travailler vite et
à avoir une poussée d’adrénaline en situation
de crise, puis à relaxer lorsque les choses vont
mieux. Beaucoup d’expatriés ne prenaient
pas de temps pour eux, n’arrivaient pas à
lâcher prise. Certains ont dû partir plus tôt à
cause d’un épuisement général.
Dispatches Vol. 19, Ed.1
Qu’est-ce qui vous a incité à postuler
auprès de MSF?
© Nicole Tung
et si c’était11
vous
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Numéro sans frais : 1 800 982-7903
Courriel : [email protected]
VOTRE SOUTIEN
TOUS EN MARCHE POUR MSF
Chaussez vos souliers et participez au défi Marche Sans Frontières de MSF
M
erci pour toutes les façons dont
vous soutenez Médecins Sans Frontières (MSF) Canada. Depuis des
années, vous avez non seulement fait des
dons à MSF, mais un grand nombre d’entre
vous ont aussi collecté des fonds pour nous.
L’imagination et l’enthousiasme des personnes qui nous appuient ne cesseront jamais de nous impressionner.
12
Nous sommes infiniment reconnaissants à tous
ceux qui organisent des levées de fonds pour
MSF. L’argent que vous recueillez permet à MSF
de réaliser notre objectif commun : celui d’offrir
des soins médicaux vitaux dans plus de 70 pays.
En outre, les avantages de ces collectes de
fonds ne sont pas que financiers : elles permettent aussi de faire connaître l’organisation
et sa mission humanitaire dans tout le Canada.
Le dévouement et les initiatives de nos sympathisants envoient un message fort à tous
ceux qui ne connaissent pas forcément MSF.
Lorsque les gens veulent récolter des fonds
pour MSF, ils nous demandent souvent quel
type d’activités ils peuvent organiser. Généralement, nous leur disons de choisir une
activité qu’ils aiment faire et d’en faire une
levée de fonds. Ainsi, si vous aimez tricoter,
vous pourriez rassembler d’autres passionnés
de tricot et tricoter pour MSF!
Par ailleurs, nous espérons que tous ceux et
celles qui nous appuient aiment marcher car,
en septembre prochain, nous ferons appel à
leur participation afin de nous aider à fournir
des soins aux gens en détresse dans le cadre du
défi Marche Sans Frontières.
En prenant part à cette campagne, vous ferez
preuve de solidarité envers les patients de MSF
du monde entier. En effet, au cours du mois
prochain, vous pourrez marcher la distance
moyenne parcourue par ces patients pour
obtenir des soins médicaux vitaux. Ce défi
peut être réalisé à titre individuel ou au sein
d’une équipe. Votre mission sera de recueillir
des promesses de dons en ligne auprès de
votre entourage. Famille, amis et collègues
pourront suivre vos progrès sur votre page
web personnelle sur le site de la campagne.
Le défi Marche Sans Frontières est un défi
plaisant et facile à relever et vous donne un
aperçu direct de la vie de ceux que vous aidez.
Vous pourrez aussi lire le témoignage de vrais
patients de MSF ayant dû parcourir de longues
distances à pied pour obtenir des soins. Enfin
sur votre page web personnelle, vous serez en
mesure de choisir l’histoire de l’un des patients
que vous incarnerez pendant le défi.
Il s’agit d’une première expérience de ce type
pour MSF Canada. Nous espérons que nos
sympathisants y prendront part activement.
Consultez régulièrement vos courriels, car nous
communiquerons bientôt avec vous pour vous
indiquer comment participer à cette campagne.
Rebecca Davies
Directrice de la collecte de fonds
[email protected] | 416-642-3466
Twitter: @RebsD
Le manifeste contre la tuberculose résistante
M
erci à tous ceux qui ont soutenu notre
campagne pour faire de la lutte contre la tuberculose résistante (TB-R)
une priorité internationale. Nous remercions
aussi ceux qui ont pris le temps de signer le
Manifeste contre la TB-R qui demandait une
amélioration de l’accès et de la qualité des
traitements pour les patients souffrant de
cette maladie qui fait tant de ravages dans le
monde. En mai dernier a eu lieu l’Assemblée
mondiale de la Santé dont l’objectif était
d’adopter un programme ambitieux de 20
ans pour lutter contre la tuberculose. Phumeza
Tisile, une ancienne patiente de MSF atteinte
de TB-R (et ayant vaincu la maladie), qui a
contribué à mettre cette campagne sur pied,
© MSF
Dépêches Vol.19, no2
Les activités visant à rassembler des fonds pour
MSF ont pris la forme de concerts-bénéfices,
de ventes de pâtisseries, de tournois de golf
et de clubs de lecture. Dans le dernier numéro
de Dépêches, nous vous avons présenté Eden
Martin, un élève du secondaire à Toronto,
qui organise des collectes de fonds pour MSF
depuis l’âge de cinq ans, et représente un véritable exemple de dévouement pour nous.
Alors, merci de contribuer à élargir la portée
de l’organisation, à éveiller les consciences et
à collecter de précieux fonds qui permettent de
sauver des vies et de redonner santé et dignité à
des millions de personnes dans le monde entier.
a remis le Manifeste et ses milliers de si-gnatures aux délégués de l’Assemblée.
Malgré le succès qu’a rencontré le Manifeste,
la lutte se poursuit : MSF continue de se faire
le porte-parole des patients et des médecins
affectés par cette maladie et de plaider auprès
des gouvernements, des bailleurs de fonds,
des chercheurs et des compagnies pharmaceutiques. Notre action ne prendra fin que lorsque
nous verrons une amélioration radicale dans le
taux de survie des personnes souffrant de TB-R.
Pour en savoir plus et voir les résultats que
votre soutien a permis d’obtenir, visitez :
www.msfaccess.org/TBmanifesto/index_fr.php
Photo offerte par Richard Heinzl
Photo offerte par Richard Heinzl
MSF AU CANADA
À gauche : l’une des premières réunions des « associés de MSF Pays-Bas au Canada ». De gauche à droite, Marilyn McHarg, Georgina Carson, Jim Lane et
Richard Heinzl. À droite : Richard Heinzl, le premier représentant de MSF Canada à entreprendre une mission sur le terrain, au Cambodge en 1991.
TOUJOURS DÉTERMINÉS À CHANGER LE MONDE 25 ANS PLUS TARD
Bien avant ses débuts officiels en 1991, MSF Canada a dû se battre pour exister
C’est en 1985 que Richard Heinzl, un jeune
étudiant en médecine de Hamilton, en
Ontario, a été témoin du travail de MSF
lors d’un stage en Ouganda, un pays alors
dévasté par la guerre civile. Il est frappé par
le dévouement du personnel humanitaire
de MSF qu’il rencontre et par sa capacité à
apporter des soins médicaux aux personnes
en détresse. Persuadé que le travail de MSF
toucherait les Canadiens, il décide d’ouvrir un
bureau de MSF au Canada.
UNE ORGANISATION SANS FRONTIÈRES
Richard se met en contact avec Jacques de
Milliano, alors président de MSF Pays-Bas,
qui est le premier au sein de MSF à permettre
qu’un bureau voit le jour en dehors de
l’Europe. Pour concrétiser son idée, Richard
fait appel à deux amis proches : Jim Lane,
un camarade du lycée et nouvel avocat, et
Marilyn McHarg, une infirmière avec qui
Richard avait travaillé dans un hôpital de
Hamilton. Peu de temps après, les trois amis
décident de tout laisser tomber pour se
consacrer à leur nouvelle cause. Ils choisissent
d’appeler leur organisation « Les associés de
MSF Pays-Bas au Canada », un nom provisoire
jusqu’à ce que les bureaux de MSF en Europe
reconnaissent leur statut officiel au Canada.
En dépit de ce compromis, la vague MSF
arrivait doucement au Canada.
« Nous n’avions pas d’argent et peu
d’expérience, mais nous croyions fortement
en ce que nous faisions », se rappelle Richard.
« Nous avons fait avec les moyens du bord.
Le premier bureau de MSF Canada se trouvait
dans le cabinet d’avocats de Jim où il était stagiaire en droit; rien de plus qu’un poste de
téléphone et un petit bureau. Nous n’avions
pas d’argent pour faire de la publicité et parlions donc à tous ceux qui voulaient bien nous
écouter. Et puis les médias ont aimé l’histoire
de ces jeunes gens qui voulaient changer le
monde. Nous savions alors que nous tenions
quelque chose. »
Les gens ont commencé à appeler de tout
le Canada. Certains voulaient faire un don,
d’autres souhaitaient aller sur le terrain, et
tous désiraient mieux connaître les principes
humanitaires de MSF. En 1990, une nouvelle
vague de volontaires canadiens s’est fait le
porte-parole de MSF Canada tant au pays
qu’à l’étranger.
UN IMPACT IMMÉDIAT
Richard a été le premier représentant de MSF
Canada à entreprendre une mission sur le terrain pour MSF. Il s’est rendu au Cambodge
pour aider les victimes de la violence et du
génocide. Peu de temps après, Marilyn est
partie elle aussi en mission à travers l’Afrique.
Pendant les premières années, Jim a lui porté
le flambeau au Canada.
Tous les trois continuent de soutenir la cause
de MSF. Tandis que Marilyn a occupé le poste
de directrice générale de MSF Canada de
2006 à 2012, Richard s’exprime à de nombreuses occasions à propos du rôle essentiel
de MSF en réponse aux événements mondiaux. Jim siège depuis six ans au Conseil
d’administration, où il œuvre à titre de conseiller juridique.
Dépêches Vol.19, no2
C
ette année marque le 25e anniversaire d’un événement important dans
l’histoire de MSF Canada. Bien que
l’incorporation officielle n’ait eu lieu qu’en
1991, c’est en 1989 que la vague MSF a commencé à déferler au Canada. Les débuts ont
été marqués par un état d’esprit et une détermination qui perdurent encore aujourd’hui
chez MSF Canada.
13
« 25 ans plus tard, nous aurions aimé que
notre travail ne soit plus nécessaire », dit
Marilyn. « Nous aurions aimé que les choses
aillent mieux dans le monde. » Mais alors
que le travail de MSF est loin d’être terminé,
c’est grâce aux efforts de Marilyn et de ses
collègues il y a 25 ans que les Canadiens continuent d’incarner ses principes et d’offrir
des soins là où ils sont les plus nécessaires
dans le monde.
VOS MILLES FONT
TOUTE LA DIFFÉRENCE.
Faites don de vos
Milles Aéroplan à
MSF et aidez-nous à
aller plus loin.
msf.ca/fr/donnez-vos-milles-aéroplan
MSF AU CANADA
BIENVENUE À NOTRE
NOUVELLE PRÉSIDENTE
© little siddall studios
nous devons continuer à y travailler. Il est crucial de continuer à envoyer de nouvelles recrues en mission, mais nous devons aussi retenir notre personnel humanitaire actuel et y
consacrer tous nos efforts. Nous voulons que
le personnel considère MSF comme un bon
employeur et qu’il revienne travailler pour
nous. Il faut également créer des réseaux afin
que les expatriés qui reviennent du terrain
puissent s’impliquer et participer à une vie associative riche au Canada.
Dépêches Vol.19, no2
Dre Heather Culbert prend les rênes du Conseil
d’administration de MSF Canada
14
E
n juin dernier, juste avant l’Assemblée générale annuelle de MSF à Toronto, le président sortant du Conseil d’administration
(CA) de MSF Canada, Bruce Lampard, a annoncé que Heather Culbert lui succéderait. Médecin de famille ayant travaillé dans des milieux
ruraux et nordiques ainsi que dans des cliniques
de grands centres urbains au Canada, Heather
Culbert s’est engagée pour la première fois avec
MSF en 2004 pour une mission en République
démocratique du Congo (RDC). Elle a grandement contribué au lancement de programmes
de traitement du VIH et de la tuberculose au sein
de MSF. Elle a été élue au CA de MSF Canada
pour la première fois en 2012. Notre attachée de
presse Christina Campbell s’est entretenue
avec elle peu après sa nomination.
Qu’est-ce qui vous a amenée à
travailler pour MSF?
Heather Culbert : Comme beaucoup de
jeunes médecins, je m’enthousiasmais à
l’idée d’aller dans des endroits présentant
d’importants besoins médicaux, des endroits
où la population n’a pas accès au même
genre de services que nous, au Canada.
conflit armé se déroulait dans cette région,
implanter et maintenir le programme était un
défi constant. Ensuite, je suis allée travailler
pour MSF au Royaume-Uni avec l’équipe de
recherche médicale de l’unité Manson. Cette
unité avait été créée pour mettre en œuvre
des programmes de traitements antirétroviraux dans de nombreux projets n’ayant que
peu de connaissance de ce genre de traitements médicaux complexes. Pendant que j’y
travaillais, l’unité s’est focalisée davantage
sur la tuberculose, et mon travail a surtout
consisté à participer à la mise en œuvre des
programmes de traitement de cette maladie.
Quelle incidence votre expérience
de médecin de famille au Canada
aura-t-elle sur votre rôle de présidente?
HC : En tant que médecin, il est important
pour moi que les questions médicales demeurent à l’ordre du jour. Certains se demandent
pourquoi il est nécessaire qu’au moins 50 pour
cent des membres du CA appartiennent au domaine médical : je crois qu’il est important de
s’assurer que ce qui prime, c’est la qualité des
programmes médicaux et la recherche de solutions novatrices, et non de se focaliser uniquement sur le fonctionnement des opérations.
Comment décririez-vous votre
parcours avec MSF?
HC : J’ai passé un an dans l’est de la RDC à
travailler dans un projet de lutte contre le VIH.
C’était l’un des premiers projets ayant recours
aux traitements antirétroviraux. Comme un
À titre de présidente du CA, quelles
seront vos priorités?
HC : Je crois que nous faisons du bon travail
pour envoyer des expatriés sur le terrain, mais
En tant que membres du conseil, nous devons
aussi être conscients du rôle que joue MSF
dans la sphère humanitaire. Nous sommes
tous très préoccupés par la sécurité et l’accès
aux populations.
Quel est le message que vous aimeriez
envoyer aux donateurs canadiens?
HC : Tout d’abord : merci. MSF dépend
énormément des dons privés. Dans le but de
préserver notre indépendance, seul un faible
pourcentage de nos revenus provient des
gouvernements ou des bailleurs de fonds. Ce
sont les dons des particuliers, quel qu’en soit
le montant, qui nous permettent de fonctionner dans des endroits où d’autres organismes
ne peuvent pas aller.
DÉPÊCHES
Médecins Sans Frontières (MSF)
720, av. Spadina, bureau 402
Toronto (Ontario) M5S 2T9
Tél. : (416) 964-0619
Téléc. : (416) 963-8707
Sans frais : 1 800 982-7903
Courriel : [email protected]
www.msf.ca
Rédacteur : Michael Lawson
Rédactrice en chef : Claudia Blume
Équipe de traduction : Jennifer Ocquidant
Collaborateurs : Avril Benoît, Claudia Blume,
Christina Campbell, Stephen Cornish,
Rebecca Davies, Richard Heinzl, Michael Lawson
Photo de la couverture : © Anna Surinyach / MSF
Tirage : 125 000
Graphisme : Tenzing Communications
Impression : Warren’s Waterless Printing
Été 2014
ISSN 1484-9372
*À compter de juillet 2014
PAPOUASIE-NOUVELLE-GUINÉE
Gordon Hatt Darthmouth, N.-É.
Logisticien
Pierre Labranche
Montmagny, QC
Coordonnateur de la logistique
Nila Somaia Vancouver, C.-B. Superviseure en santé mentale
RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE
Philippe Cottereau Montréal, QC Coordonnateur des finances
Joseph Davidson Toronto, ON
Gestionnaire de vol
Fabien Dehors Vancouver, C.-B.
Administrateur de terrain
Ollou Edouard Domagni Québec, QC
Anesthésiste
Delphine Michelle Yvette Ferry
Montréal, QC
Coordonnatrice des ressources humaines
Magloire Mpembi Nkosi Charlesbourg, QC
Psychiatre
Amy Nyland Montréal, QC
Infirmière
Nicola Kim Parry Toronto, ON
Administratrice de terrain
Hamda Vidéhoun Saloufou Montréal, QC
Anesthésiste
Jérôme Sess Montréal, QC
Médecin
RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO
Eboukele Aka Mississauga, ON
Pharmacien
Stephanie Bamforth Vancouver, C.-B.
Infirmière
Monique Beauchemin Lévis, QC
Sage-femme
Patrice Beaulieu Montréal, QC
Logisticien
Patrick Boucher Québec, QC Coordonnateur de la logistique
Lisa Carroll Toronto, ON
Administratrice de terrain
Oonagh Curry Montréal, QC
Chef de mission adjointe
Jean-Martin Desmarais
Montréal, QC
Coordonnateur de la logistique
Abdelhamid Echihabi Montréal, QC
Logisticien
Sébastien Gay Montréal, QC Coordonnateur de la logistique
Nicholas Gildersleeve
Frelighsburg, QC
Coordonnateur de la logistique
Nathalia Guerrero Velez
Montréal, QC
Coordonnateur des ressources humaines
Orsolya Kizer
Québec, QC
Agente chargée des affaires humanitaires
Sarah Lamb Kanata, ON
Chef de mission
X Mbuko Montréal, QC
Chirurgien
Patrick Mcconnell Ottawa, ON
Logisticien
Richard Mommersteeg London, ON
Logisticien
Cynthia Thi Dong Phuong Nguyen
Saint-Jean-sur-Richelieu, QC Responsable de la comptabilité
Marilyse Nguyen Saint-Hubert, QC
Infirmière
Kim Danielle Noiseux Québec, QC
Infirmière
Gabriel Paradis-Bélanger
Montréal, QC
Coordonnateur des finances
Todd Phillips Winnipeg, MB Coordonnateur de la logistique
Katiana Rivette Québec, QC
Infirmière
Letitia Rose Vancouver, C.-B.
Infirmière
Gregory Scott Delta, C.-B.
Logisticien
Julia Sohn Toronto, ON
Administratrice de terrain
Jason Van Dyke Brockville, ON
Logisticien
Catherine Venne Gatineau, QC
Analyste biomédicale
Raghu Venugopal Toronto, ON
Médecin
Andrew James Willis Sarnia, ON
Épidémiologiste
RUSSIE
Ian Wrohan Victoria, C.-B.
Logisticien
SIERRA LEONE
Sharla Bonneville Toronto, ON Coordonnatrice de la logistique
SOUDAN DU SUD
Mohammed Jabbar Kadhum Thi Al-Tememi
Montreal, QC
Médecin
Heather Baniulis Sherwood Park, AB
Infirmière
Avril Benoît Ottawa, ON
Chef de projet
Myriam Berry
Vancouver, C.-B. Coordonnatrice des ressources humaines
Sophie Bonnet
Montréal, QC
Spécialiste en eau et assainissement
Carol Gira Bottger Garcia Montreal, QC
Médecin
Lori Demontigny Erickson, MB
Infirmière
Mariam Entz Winnipeg, MB
Infirmière
Sébastien Gaudette Montréal, QC Administrateur de terrain
Juniper Gordon Whistler, C.-B.
Infirmière
Ravi Jaipaul Ponoka, AB
Infirmier
Elizabeth Kavouris Vancouver, C.-B.
Médecin
Judith Letellier Montréal, QC
Chef de projet
Marisa Litster Abbotsford, C.-B.
Infirmière
Harry MacNeil Toronto, ON Spécialiste en eau et assainissement
Frédérik Matte Montreal, QC
Promoteur de la santé
Isaac Mbugua Mississauga, ON
Promoteur de la santé
Diana Nicholson
Winnipeg, MB
Spécialiste en eau et assainissement
Andrew Player Toronto, ON
Logisticien
Keith Powell Vancouver, C.-B.
Médecin
Patrick Robitaille Montréal, QC
Chef de projet
Sandra Stepien Vancouver, C.-B. Coordonnatrice des finances
Stephanie Taylor Whistler, C.-B.
Médecin
Edison Miguel Tejada Calgary, AB
Médecin
Léo Lysandre Tremblay, QC Spécialiste en eau et assainissement
SWAZILAND
Ahmad Haj Bakri Montréal, QC
Épidémiologiste
Serge Kaboré Quebec, QC
Coordonnateur médical
Beverley Taylor Vancouver, C.-B.
Administratrice de terrain
SYRIE
He Hu Winnipeg, MB
Sage-femme
TCHAD
Collins Mbah Acho Montréal, QC
Logisticien
Ignace Adah Montréal, QC
Médecin
Laélia Bilodeau Beloeil, QC
Infirmière
Alexandre Burt Montréal, QC
Logisticien
Katherine Clark Toronto, ON
Administratrice de terrain
Kanadi Ibrahim Ottawa ON Coordonnateur de la logistique
TERRITOIRES PALESTINIENS
Srijeeta Verma Calgary, AB
Chef de projet
TURQUIE
Ryan MacIver Stouffville, ON
Électricien
YÉMEN
Edgar Escalante New Westminster, C.-B.
Chirurgien
Sally Sabra Toronto, ON
Gynécologue
Michael Talotti Bowmanville, ON
Logisticien
ZIMBABWE
Dorly Lucien Legrand Montréal, QC
Médecin
Dépêches Vol.19, no2
AFGHANISTAN
Sunita Swaminathan Toronto, ON
Médecin
ESPAGNE
Eva Lam Scarborough, ON
Épidémiologiste
ÉTHIOPIE
John Lindsay (J.L.) Crosbie
Toronto, ON
Chef de projet
Nicole Desi Toronto, ON
Infirmière
Reza Eshaghian Calgary, AB
Médecin
Nicolas Marcotte Montréal, QC
Logisticien
Dominika Wanczyk Calgary, AB
Infirmière
GUINÉE
Tomislav Jagatic Tecumseh, ON Médecin
HAÏTI
Jean-François Brassard
Montréal, QC
Coordonnateur des finances
Lindsay Bryson Beaconsfield, QC Coordonnatrice médicale
Sophie Majeau-Chiasson
Montréal, QC
Administratrice de terrain
Yasser Samhan North York, ON
Anesthésiste
Oliver Sven Schulz Beaconsfield, QC
Chef de mission
INDE
Éric Beauséjour Ste-Thérèse, QC
Chef de projet
François David Ottawa, ON
Logisticien
Caroline Harvey-Blouin Montréal, QC
Infirmière
JORDANIE
Suleiman Asaad North York, ON
Médecin
KENYA
Christina Cepuch Fonthill, ON
Coordonnatrice médicale
KIRGHIZISTAN
Alexandra Vanessa Ascorra Torres
Quebec, QC
Analyste biomédicale
LIBAN
Michael Minielly Belleville, ON
Logisticien
MALAWI
Oren Jalon Thornhill, ON
Épidémiologiste
Mauro Nogueira Cardoso Montréal, QC
Épidémiologiste
Alia Tayea Mississauga, ON
Épidémiologiste
MALI
Zéphirin Feruzi Kyango Montréal, QC
Chirurgienne
MEXIQUE
Alonso Alberto Forero Sanchez Gatineau, QC
Médecin
MYANMAR
Étienne Blais Montréal, QC
Logisticien
NIGER
Comlan Paulin Amoussou Mont-Tremblant, QC
Médecin
Danny Kadima Kanyiki Ottawa, ON
Logisticien
NIGERIA
Mariam Kone Montréal, QC
Coordonnatrice médicale
Omer Alain Stéphane Sissoko Montréal, QC
Médecin
OUGANDA
Ima Essien Markham, ON
Coordonnateur médical
OUZBÉKISTAN
Jenny Maisonneuve Dollard-des-Ormeaux, QC Épidémiologiste
Cornelia Wicki Cowichan Bay, C.-B. Spécialiste en santé mentale
PAKISTAN
Lisa Crellin Toronto, ON
Infirmière
Alexandra Marcil Winnipeg, MB
Pharmacienne
Abdullah Shah Oakville, ON
Logisticien
Dharma Datta Subedi Toronto, ON
Médecin
Cameron Wrigley
Nanaimo, C.-B. Coordonnateur des ressources humaines
PAYS-BAS
Stephanie Mayronne Vancouver, C.-B.
Infirmière
LES CANADIENNES ET CANADIENS EN MISSION *
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1-800-982-7903 poste 4994
[email protected]
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© Isabel Corthier / MSF
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