Etude de l`inertie hydrique d`une paroi en béton de chanvre
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Etude de l`inertie hydrique d`une paroi en béton de chanvre
Etude de l’inertie hydrique d’une paroi en béton de chanvre C. Maalouf1, M. Lachi1, T.H. Mai1, E. Wurtz2 1 Laboratoire de Thermomécanique, LTM/GRESPI, Université de Reims Faculté des Sciences, BP. 1039, Moulin de la Housse, 51687 Reims ([email protected],[email protected],[email protected]) 2 INES, Savoie Technolac, 50 Avenue du lac Leman, BP 332, 73375 Le Bourget du Lac ([email protected]) RÉSUMÉ. L’inertie hydrique se définit comme étant la capacité d’un matériau à absorber l’humidité et à amortir la variation de l’humidité relative de l’air ambiant. Plusieurs chercheurs se sont penchés sur la caractérisation de cette inertie à travers l’étude de différents matériaux comme le plâtre, la brique…Dans cette étude, on s’intéresse au transfert de masse sous condition isotherme dans un échantillon de béton de chanvre soumis à des sollicitations statiques de l’humidité relative dans une enceinte climatique. Seule une face est exposée à l’air ambiant, la face arrière et les faces latérales seront couvertes par une feuille d’Aluminium pour les rendre imperméables à l’humidité. La masse de l’échantillon est relevée toutes les heures. L’étude expérimentale est appuyée par une modélisation numérique tenant compte de l’hystérésis de l’isotherme de sorption dans l’environnement de simulation orienté objet SPARK. Les résultats obtenus sont comparés à ceux du plâtre et de la brique disponibles dans la littérature. ABSTRACT. Hygroscopic inertia is defined as the material capacity to adsorb and reject moisture and dampen indoor relative humidity variations. Moisture buffering capacity of different materials such as gypsum and brick, have been widely studied. In this paper, authors investigate moisture transfer under isothermal conditions in a hemp concrete specimen subjected to static variations of air relative humidity. Only one face of the specimen is in contact with indoor air of a climatic chamber. Other faces are made impermeable to water by adding an alumina sheet. The specimen is weighted each hour. Experimentation is also compared to numerical results that take into account hysteresis phenomenon of the sorption curve under the simulation environment SPARK. Results are also compared to data found in literature for gypsum and brick. MOTS-CLÉS : béton de chanvre, modélisation, humidité, hystérésis, SPARK. KEY WORDS: hemp concrete, modeling, moisture, hysteresis, SPARK. XXXe Rencontres AUGC-IBPSAChambéry, Savoie, 6 au 8 juin 2012 1. 2 Introduction Dans le cadre du développement durable, les nouvelles réglementations en matière d’isolation thermique dans le secteur du bâtiment, conduisent les chercheurs à développer de nouveaux matériaux pour constituer des systèmes économes en énergie. Cette recherche s’est très vite dirigée vers l’utilisation de matériaux issus de matières végétales. Ceux-ci sont, soit directement issus de la transformation de produits cultivés (chanvre, par exemple), soit issus de la valorisation de leurs déchets. Parmi les nouveaux matériaux à base végétale, le chanvre est le plus utilisé dans la construction. Sa mise en application est encore limitée. Les recherches effectuées jusqu’à ce jour ([COL 04], [CER 05], [ELF 07]) ont permis de déterminer les propriétés physiques de ce matériau. Dans cette contribution, on s’intéresse à la capacité de ce matériau à absorber ou à rejeter l’humidité qui est appelée inertie hydrique. D’abord, on présente une étude expérimentale sur le comportement de ce matériau quand il est soumis à des sollicitations statiques d’humidité relative dans une enceinte climatique. Ensuite, les résultats expérimentaux sont comparés aux résultats numériques obtenus avec l’environnement de simulation SPARK. Le modèle mathématique utilisé est basé sur le modèle Umidus [MEN 03] auquel un modèle d’hystérésis de sorption a été ajouté en se basant sur le modèle de Merakeb [MER 09]. Les résultats des simulations réalisées montrent l’importance de la prise en compte du phénomène de l’hystérésis dans le béton de chanvre. 2. Etude expérimentale Afin de déterminer la valeur de la capacité de tampon hydrique réelle du béton de chanvre, les essais ont été effectués au laboratoire de Thermomécanique/GRESPI de l’Université de Reims. Deux échantillons de surfaces (10x11 cm pour l’échantillon N°1 et 12x12 cm pour l’échantillon N°2) avec des épaisseurs différentes, de 3 et 6 cm respectivement ont été utilisés. Les cinq faces des échantillons sont imperméables alors que la seule face exposée aux variations climatiques intérieures est à étudier (figure 1). Nous avons effectué le test suivant: Test1 : La température de l’étuve est maintenue constante à 20°C. L’humidité relative intérieure était fixée à 75% sur une durée de 24h ensuite elle est maintenue à 35% sur les 24h suivantes et ainsi de suite… Initialement les échantillons ont été placés, pour 48h, dans l’étuve à 20°C et à 35% d’humidité relative. La masse des échantillons a été mesurée par une balance de précision 10 mg. Pour des raisons de disponibilité de l’enceinte, la période des essais est de 5 jours. Afin de mieux cerner le comportement, sur une plus longue période, d’autres essais seront réalisés ultérieurement. Etude de l’inertie hydrique d’une paroi en béton de chanvre 3 Figure 1. Vues des échantillons placés dans l’enceinte climatique. La figure 2 montre la variation de la masse dans les échantillons. On peut voir que pour l’échantillon 2 d’épaisseur 6 cm, la variation de masse est plus importante que celle de l’échantillon 1. Ceci signifie que pour sur une période de 24h, la profondeur de pénétration dans le matériau est supérieure à 3 cm. Ech. I Ech. II Humidité relative 0.75 0.65 3 0.55 2 0.45 1 Humidité Relative Variation de masse (g) 4 0.35 0 0 100000 200000 300000 0.25 400000 temps (s) Figure 2. Variation de la masse des échantillons sur une période de 5 jours. L’étude expérimentale est accompagnée d’une étude numérique dont les équations du modèle sont explicitées dans la partie suivante. 2. 2.1. Modèle physique Modèles mathématiques L’humidité peut être transportée par diffusion, capillarité, convection et par introduction non intentionnelle d’eau. Elle peut être présente dans n’importe quel XXXe Rencontres AUGC-IBPSAChambéry, Savoie, 6 au 8 juin 2012 4 système de paroi sous forme solide (glace), liquide et vapeur. Ceci crée des interactions de transport complexes pendant lesquels certains matériaux stockent et accumulent l’eau dans leur structure poreuse ce qui peut entrainer des dommages mécanique, biologique et chimique selon les conditions environnementales, la teneur en eau, l’histoire et les propriétés intrinsèques du matériau. Comprendre et prédire les transferts d’humidité dans l’enveloppe du bâtiment est un phénomène d’importance primordiale afin de prédire et d’améliorer la performance des bâtiments et en particulier leur durabilité. Dans la littérature on trouve plusieurs modèles permettant de modéliser les transferts hygrothermiques dans une paroi. Ces modèles diffèrent par leur approche et leur complexité. Ils sont surtout basés sur la théorie de Philip et de Vries [PHI 57]. Pour notre étude, on a utilisé le modèle d’Umidus ([MEN 03], [TRA 09]), qui considère que l’humidité traverse le matériau poreux sous forme liquide et vapeur. La phase liquide est supposée se déplacer par capillarité tandis que la phase vapeur se diffuse en fonction des gradients de pression partielle de vapeur. Avec ces considérations, l’équation bilan en humidité devient : S T S DT S D x x x x [1] Avec comme conditions aux limites (en x=0 et x=L) : T S l DT S D hM ,e ve,a ,e ve,s ,e x x x 0,e [2] T S l DT S D hM ,i ve,s ,i ve,a ,i x x x L,i [3] L’équation du bilan d’énergie indique que la variation d’énergie, en fonction du temps, est liée à la fois à la chaleur échangée par conduction ainsi qu’au changement de phase ayant lieu dans les pores : 0Cp m TS T T S Lv l DT ,ve S D ,ve S x x x x x x [4] Etude de l’inertie hydrique d’une paroi en béton de chanvre 5 Cpm étant la chaleur spécifique de la matrice humide : C pm C ps C pl l 0 [5] Les conditions aux limites du système sont les suivantes : TS x T Lv l DT , ve S D , ve S hT , e Ta, e Ts, e Lv hM , e ve, a, e ve, s, e ray, e x x x 0, e [6] TS T Lv l DT ,ve S D ,ve S hT ,i Ts,i Ta,i Lv hM ,i ve, s,i ve, a,i ray,i x x x x L,i [7] La masse volumique 0 du béton de chanvre est de 415 Kg/m3. Sa conductivité thermique est liée à la teneur en eau par la relation [TRA 10]: 0.1058 0.77 2.2. [8] Détermination des coefficients de transport : Les coefficients de transport sont calculés en utilisant les formulations proposées par Philip et al. [PHI 57] et Kunzel [KUN 95]. Pour la diffusivité hydrique, elle est déduite de la connaissance de la perméabilité apparente à la vapeur et l’inverse des pentes des tangentes aux isothermes d’adsorption-désorption ξ : Pvs 1 D a 0 [9] Avec a : perméabilité à la vapeur de l’air. Elle est égale à 2.10-10 kg.m-1.s-1Pa-1, pour 23°C. : facteur de résistance à la vapeur d’eau. L’équation de la diffusivité de la vapeur sous gradient de température est donnée par la relation : XXXe Rencontres AUGC-IBPSAChambéry, Savoie, 6 au 8 juin 2012 DT ,ve a dPvs l dT 6 [10] Pour simplifier le problème, la diffusivité de la vapeur, sous gradient de teneur en eau, est prise égale à la diffusivité hydrique : D ,ve D [11] La thermomigration de la phase liquide est négligée et de ce fait le coefficient de thermomigration DT est pris égal à celui de la phase vapeur DT ,ve . 2.3. Isotherme de sorption On utilise dans cette étude le modèle analytique d’adsorption/désorption proposé par Merakeb [MER 09]. Il est basé sur la thermodynamique de l’équilibre de phase de l’eau libre avec sa pression de vapeur saturante. Dans ce modèle, la relation entre la teneur en eau et l’humidité relative s’écrit sous la forme : ln a .ln .exp(b ) s [12] où a est un paramètre thermodynamique et b une constante de calibration. En se basant sur les valeurs expérimentales ([COL 04], [CER 05]), on propose deux courbes d’adsorption et de désorption du béton de chanvre sur une plage d’humidité relative variant de 0 % à 100 % : Pour l’adsorption : 0,151.exp 1,1.ln .exp(2,3. ) [13] Pour la désorption : 0,151.exp 0,75.ln .exp(2,3. ) [14] Etude de l’inertie hydrique d’une paroi en béton de chanvre 7 Afin de décrire les courbes de sorption sur n’importe quelle plage d’humidité relative, il est nécessaire d’ajouter un terme de raccord entre les isothermes d’adsorption et de désorption: ln a. ln( ). exp(b. ) a. ln( ). exp(b. ) [15] s a et b sont définis selon les phases d’adsorption (indice s) et de désorption (indice d) [MER 09]. 3. Simulation Variation de masse (g) Dans ce papier, les résultats de simulation, dans le cas de l’échantillon 1, sont présentés. Deux modèles ont été utilisés et comparés avec et sans prise en compte de l’hystérésis. La figure 3 montre la comparaison entre les résultats numériques et expérimentaux concernant la variation de la masse de l’échantillon. Comme on peut le voir, un bon accord entre les deux courbes est observé. La valeur du facteur de résistance à la vapeur d’eau qui avait été ajusté par simulation, est égale à 3. 4 Num Exp 3 2 1 0 0 100000 200000 300000 Temps(s) Figure 3. Comparaison entre les résultats numériques et les relevés expérimentaux concernant l’échantillon 1. En négligeant le phénomène hystérésis et en gardant la même valeur du facteur de résistance à la vapeur d’eau, la figure 4 montre la variation de la masse de l’échantillon en prenant comme isotherme de sorption l’isotherme de désorption, ou d’adsorption ou bien la moyenne entre les deux courbes. On peut remarquer qu’aucune des 3 courbes obtenues n’arrive à reproduire des variations cohérentes avec les valeurs expérimentales après une période de 72h. La figure 5 compare la variation de la teneur en eau volumique à une profondeur de 6 mm de la surface, avec et sans hystérésis. On peut remarquer que la teneur en eau tend vers la teneur en XXXe Rencontres AUGC-IBPSAChambéry, Savoie, 6 au 8 juin 2012 8 eau du modèle utilisant la courbe isotherme moyenne. Cependant et comme le montre la figure 6, la variation de masse des deux modèles est différente. Ceci est, principalement, dû au fait qu’à l’état initial et pour une même humidité relative les deux modèles ont une teneur en eau volumique différente. Desorption Moyenne Valeurs experimentales Variation de masse (g) 3 Adsorption Hysteresis 2.5 2 1.5 1 0.5 0 0 100000 200000 300000 Temps(s) Humidité volumique (m3/m3) Figure 4. Comparaison entre la variation expérimentale de la masse de l’échantillon 1 et les variations numériques obtenues en négligeant l’hystérésis. Desorption Moyenne 0.035 Adsorption Hysteresis 0.030 0.025 0.020 0.015 0.010 0 200000 400000 600000 800000 1000000 1200000 Temps(s) Figure 5. Variation de la teneur en eau volumique à une profondeur de 6 mm pour les 4 isothermes de sorption considérées et pour une période de deux semaines. Etude de l’inertie hydrique d’une paroi en béton de chanvre Variation de masse (g) 5 9 Desorption Adsorption Moyenne Hysteresis 4 3 2 1 0 0 200000 400000 600000 800000 1000000 1200000 Temps(s) Figure 6. Variation de la masse de l’échantillon 1 pour une durée de deux semaines et pour les cas avec et sans prise en compte de l’hystérésis. La figure 6 montre la variation de la masse de l’échantillon sur une période de deux semaines avec et sans pris en compte de l’hystérésis. On peut remarquer qu’en négligeant l’hystérésis la variation de la masse devient périodique au bout de 4 jours alors qu’avec le phénomène d’hystérésis, il faut presque attendre deux semaines pour avoir une variation périodique de la masse. Ces résultats sont cohérents avec ceux présentés par Euvrard [EVR 08] qui a testé un béton de chanvre de densité proche de celui étudié dans cette contribution. Il avait trouvé qu’il fallait plus que 14 jours pour atteindre une variation périodique de la masse. D’autre part, en comparant nos résultats à ceux donnés dans la littérature, on peut déduire que le béton de chanvre a une capacité hygroscopique élevée. Après une période de 10h et sous 75% d’humidité relative, la masse de l’échantillon augmente de 118 g/m2. Pour le plâtre, et dans les mêmes conditions, la masse de l’échantillon augmente de 26 g/m2. Pour la brique de 1cm d’épaisseur l’augmentation de masse est de l’ordre de 19 g/m2 [WOL 06]. 4. Conclusion Dans ce papier, le comportement hydrique d’un échantillon de béton de chanvre soumis à des sauts statiques d’humidité relative a été étudié expérimentalement et numériquement. Comparé au plâtre et à la brique, nos résultats montrent que le béton de chanvre a une grande capacité d’absorber l’humidité. D’autre part, la modélisation numérique a montré l’importance de la prise en compte du phénomène d’hystérésis sur le comportement du matériau. Ces résultats seront complétés par d’autres études, sur des périodes plus longues et sur une plage d’humidité et de température plus large. XXXe Rencontres AUGC-IBPSAChambéry, Savoie, 6 au 8 juin 2012 10 NOMENCLATURE Définition Unité C Chaleur spécifique Jkg-1 K-1 DT Coefficient de transport de masse de l’eau lié à un gradient de température m2 s-1°C-1 DT,v Coefficient de transport de la vapeur lié à un gradient de température m2 s-1°C-1 Dθ Coefficient de transport de masse d’eau associé à un gradient en humidité volumétrique m2 s-1 Dθv Coefficient de transport de masse de la vapeur d’eau associé à un gradient en humidité volumétrique m2 s-1 hM Coefficient d’échange massique kg.m-2s-1 hT Coefficient d’échange convectif W.K-1m-2 Pvs Pression de vapeur saturante Pa T Température °C t Temps s x Abcisse m θ Volume spécifique de l'humidité λ Conductivité thermique ρ Masse volumique Humidité relative - ξ Pente des tangentes aux isothermes d’adsorption-désorption - Facteur de résistance à la vapeur d’eau - a Perméabilité à la vapeur de l’air Indices l liquide s solide m3/m3 W.m-2 K-1 kg.m-3 kg m-1s-1Pa-1 Etude de l’inertie hydrique d’une paroi en béton de chanvre 11 Bibliographie [CER 05] CEREZO V. Propriétés mécaniques, thermiques et acoustiques d’un matériau à base de particules végétales : approche expérimentale et modélisation théorique, Thèse de Doctorat, INSA & ENTPE de Lyon, 2005. [COL 04] COLLET F. Caractérisation hydrique et thermique de matériaux de génie civil à faibles impacts environnementaux, Thèse de Doctorat, INSA de Rennes, 2004. [ELF 07] ELFORDY S., F. LUCAS, TANCRET F., SCUDELLER Y., GOUDET L. Mechanical thermal properties of lime and hemp concrete (« hempcrete ») manufactured by a projection process, Construction and Building Materials, 2007. [EVR 08] EVRARD A. Transient hygrothermal behaviour of Lime- Hemp materials. Thèse de doctorat de sciences de l’ingénieur, Ecole polytechnique de Louvain Unité d’Architecture, 2008. [KUN 95] KUNZEL M. Simultaneous heat and moisture transport in building components, Fraunhofer Institute of building physics, Allemagne, 1995, disponible sur: http://www.wufi.de/index_e.html (section: Literatur). [MEN 97] MENDES N. 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