Le grand retour des potagers, jardins du quotidien

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Le grand retour des potagers, jardins du quotidien
Le grand retour des potagers,
jardins du quotidien
Composante indispensable des grands domaines d’autrefois, les potagers réclament un entretien considérable,
ce qui explique pourquoi certains propriétaires d’aujourd’hui préfèrent les laisser en herbe
ou y installer une piscine. Mais d’autres choisissent de les faire vivre, au rythme des saisons,
dans une optique non seulement nourricière et ornementale mais aussi touristique, voire scientifique.
E
n 1999, le potager du château de
Valmer, au cœur des vignobles de
Vouvray (Indre-et-Loire), ressemble à nombre de ses semblables
avec quatre carrés de pelouse sobrement distribués autour d’un bassin
central. Com me cette splend ide
demeure Renaissance prépare sa première ouverture au public, Alix de
Saint-Venant décide de remettre en
culture ce terrain d’un hectare : « C’est
plus intéressant pour les visiteurs de
voir un jardin cultivé. Il y a bien sûr un
aspect commercial mais je voulais surtout montrer une très grande diversité
de plantes et donner aux gens l’envie
de les expérimenter chez eux. Il existe
autre chose que la tomate normande ! »
Pour la cuisine
Cette botaniste expérimentée défend
avec ardeur la vocation fondamentalement vivrière d’un potager : « Ce n’est
pas très à la mode, mais je considère
qu’un potager est fait pour nourrir les
gens ! Cela ne nous empêche pas de
développer un fruitier avec des espa-
MG de Saint-Venant
Témoignages d’adhérents
le magazine des adhérents vmf
Prix jardin contemporain
et patrimoine : les lauréats
Pour sa première édition, le prix Jardin contemporain et
Patrimoine couronne le domaine de La Chabaude, dans le
Vaucluse, pour sa belle réalisation d’inspiration italienne
particulièrement soucieuse du climat local avec ses
plantes méditerranéennes. Dans le Maine-et-Loire, le
jardin truffé de surprises baroques et romantiques du
château de Châtelaison a reçu le Prix spécial du jury. Les
deux autres nominés, sur les huit dossiers soumis au jury,
sont les jardins des Ourssats dans le Lot et de Poulaines en
région Centre. La remise des prix aura lieu le 16 juin lors de
l’assemblée générale des VMF. Mais le public pourra déjà
admirer les photos du lauréat lors du salon Jardins jardin
qui se tiendra aux Tuileries du 6 au 9 juin. Ce rendez-vous
réunissant créateurs, pépiniéristes et designers aura cette
année pour thème les bienfaits du végétal en ville.
www.jardinsjardin.com
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liers, des palissés, des cordons, ou
encore des fleurs pour les bouquets. »
Pour elle, les compétences du jardinier
restent indissociables de celles du cuisinier qui saura faire bon usage des
productions de la terre : « Il y a le temps
des bocaux de haricots verts, celui des
confitures de groseille ou la récolte des
légumes tubéreux qu’il faut stocker à
la cave et dont on pourra se servir tout
l’hiver. Les gens pensent qu’un potager
n’est utile qu’au printemps et en été.
Mais en réalité il permet de bien manger toute l’année ! » Elle note d’ailleurs
en France un vrai retour au potager
pour des raisons aussi bien écologiques
qu’économiques.
De la terre au ciel
D’autres propriétaires ont choisi de
développer une thématique, adoptant
ainsi une approche plus conceptuelle
qu’utilitaire. C’est le cas du jardin
médiéval de Bois-Richeux, en Eure-et-
i Théâtre en plein air
au château de Valmer
(Indre-et-Loire).
Loir : « J’ai composé les grandes lignes
en m’inspirant des enluminures médiévales pour qu’elles soient en harmonie
avec le bâtiment qui n’est pas une
abbaye mais un manoir seigneurial,
explique Hubert Mourot, son propriétaire. On a aussi essayé de retrouver la
trentaine de végétaux signalés dans les
descriptions d’archives du xiiie siècle :
choux, salades, courges, gourdes pèlerines… » Cet espace clos contient de
nombreuses espèces médicinales, à la
fois comestibles et thérapeutiques, que
les visiteurs sont invités à découvrir
grâce à des fiches didactiques. « C’est
un itinéraire spirituel qui permet d’aller du carré représentant la terre, avec
les massifs entourés de plessis d’osier,
au cercle des buis taillés en arc, qui
figurent le ciel. »
Bras et binettes
patrimoine. Chacun possède sa clef et
vient quand il le souhaite, grâce à une
entrée indépendante : « C’est 90 % de
bonheur et 10 % de négociations »,
estime Véronique Baron. Et de conseiller : « Il faut se protéger sur le plan juridique pour garder la maîtrise du sol.
On ne sait pas ce que l’avenir peut
réserver. »
Jardin de Bois-Richeux
Des conservatoires
scientifiques
i Hubert Mourot
(à gauche) en
compagnie de
Maryll et Bernard
Lanvin, lors
du baptême
du parfum inspiré
par le jardin
de Bois-Richeux
(Eure-et-Loir).
Potager partagé
C’est pour cette raison que Véronique
Baron a lancé au domaine des Ambésis, dans les Yvelines, un concept original de potager partagé : « L’idée est
née d’une réflexion globale sur ce
s Vue d’ensemble
du potager
de Bois-Richeux.
qu’est un monument historique. Je
pense qu’aujourd’hui sa gestion passe
forcément par une dynamique d’ouverture et de partage. » Les six mille
mètres carrésdu potager sont donc
confiés à une quinzaine de familles de
la région, membres de l’association des
Amis du potager des Ambésis, qui y
cultivent fleurs, fruits et légumes selon
un cahier des charges bien précis : « Il
faut trouver le bon compromis entre les
pratiques modernes et les impératifs
d’un jardin historique ouvert au
public », observe la propriétaire des
lieux. Le potager possède ainsi un
remarquable réseau de poteries xviiie
permettant la récupération des eaux
de pluie que les membres de l’association présentent lors des Journées du
S’ils peuvent être classés ou inscrits au
titre des Monuments historiques,
comme c’est le cas aux Ambésis et à
Valmer, les potagers représentent parfois un intérêt scientifique du point de
vue botanique. Le jardin de BoisRicheux a ainsi donné lieu à une collaboration avec les laboratoires Yves
Rocher, spécialisés dans les végétaux
anciens. De son côté, Alix de SaintVenant a constitué une impressionnante collection de deux mille cinq
cents légumes qu’elle vient de transférer à un centre de recherche lyonnais
afin qu’il la valorise. « Je suis allée
jusqu’à Saint-Pétersbourg pour retrouver des graines Vilmorin ! C’est important de conserver cette diversité biologique avec son patrimoine génétique. »
Si elle a décidé de ne plus cultiver à
plein sa collection, « j’ai fait mon boulot d’apôtre des légumes oubliés », elle
a fondé, il y a deux ans, l’Association
des potagers et jardins fruitiers de
France pour promouvoir ces espaces
d’un point de vue touristique et favoriser les échanges de savoir-faire entre
propriétaires. 1
Le chiffre
En Picardie, Bertrande de Ladoucette
avait imaginé pour sa part un jardin de
curé à l’ombre du clocher du village de
Viels-Maisons. « J’ai supprimé ce jardin que j’adorais pour créer quelque
chose de plus simple. Je commence à
vieillir et à avoir mal aux reins. Il me
fallait un jardin demandant moins
d’entretien », explique-t-elle. Voilà
donc quatre pétales, formant une marguerite des saisons avec des plantes en
conséquence, qui viennent remplacer
les trente-deux rectangles d’autrefois.
« De fait, on y trouve moins de légumes
et de fleurs, ce sont surtout des cardons, de la lavande, du thym, de la santoline… » Les potagers exigent une
attention de tous les jours. Et même si
les arrosages automatiques permettent d’en moderniser la gestion, ils
restent d’abord une affaire « de bras et
de binettes », selon Alix de SaintVenant. 34 %
La culture et le
patrimoine (34 %) sont
considérés comme les
premiers bénéficiaires
du dispositif mécénat
lancé en 2003 par
Jean-Jacques Aillagon,
alors ministre de la
Culture, avant l’action
sociale (24,5 %) et
l’humanitaire (17 %).
Source : enquête de janvier
2014 du cabinet Fidal sur le
thème : « loi Aillagon, que
retenir des 10 ans du dispositif
mécénat » ?
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