10. La foi et la raison, opposées ou complémentaires Avant d`oser

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10. La foi et la raison, opposées ou complémentaires Avant d`oser
10. La foi et la raison, opposées ou complémentaires
Avant d’oser se lancer dans une problématique aussi complexe, il faut bien
sonder le terrain. Entre théologiens et scientifiques, peu de symbioses ont
réussi, ce qui était valable hier l’est encore aujourd’hui ; l’homme de science
est souvent mal informé en matière de religion, et une posture antireligieuse
viscérale fournit suffisamment de préjugés pour couper définitivement le
cordon qui aurait encore pu le lier au religieux. De l’autre côté, le caractère
antiscientifique de l’Église est éloquent. Les noms de Giordano Bruno, de
Galileo Galilei ou de Teilhard de Chardin témoignent de son
incompréhension face aux questions de la science. On le voit, la liste des
péchés est longue chez les uns et les autres.
Les réactions aux assertions de Claude Allègre ne se firent point attendre.
Même si l’argumentation était convaincante sur le seul plan scientifique, la
leçon administrée au ministre fut des plus sévères (Pierre Grelot « La science
face à la foi », Lettre ouverte à Monsieur Claude Allègre - GP). La
confrontation avec la religion s’affichait d’emblée, Dieu étant déclaré
superflu. Cet exemple illustre bien que le débat contradictoire, objectif et
synthétique, n’est pas encore entré dans nos mœurs. Pourtant, la
confrontation peut être positive si les deux parties conviennent qu’un
dialogue de sourds ne mène à rien. La vérité absolue n’existe pas, on ne
recherche pas les preuves de l’existence de Dieu sans y croire. Quant à
l’homme de science, il est tenu par la thèse, l’antithèse et la synthèse.
N’a-t-on pas toujours de part et d’autre prêché avec force l’incompatibilité de
la foi et de la science en avançant d’excellents arguments ? Les affirmations
péremptoires, les excommunications, les condamnations à mort contre les
hérétiques ne sont pas faites pour étayer la « crédibilité » de l’Église. Celle-ci
discerne-t-elle mieux aujourd’hui les signes du temps ? Dans l’encyclique
« Fides et Ratio », le thème de l’interaction entre la foi et la raison devait être
approfondi et analysé. En réalité, elle porte davantage sur la relation entre la
théologie et la philosophie, et sur le contrôle de l’une et de l’autre par le
magistère de l’Église. La complexité du sujet fait que même en ayant
quelques connaissances, il est difficile de suivre, ne serait-ce
qu’approximativement, les arguments pénétrants du texte. Pourquoi n’est-il
pas possible de présenter le lien entre la foi et la raison d’une manière plus
intelligible ? Pourquoi un catholique que cette matière intéresse est-il obligé
de lire une cinquantaine de pages avant d’en arriver à la conclusion qu’il n’en
a pas saisi le sens profond, submergé qu’il est par d’innombrables réflexions
fondamentales et des détails sans importance ? Serait-ce intentionnel ? Peut-
être une phrase résume-t-elle à elle seule le message essentiel de
l’Encyclique : « La foi et la raison sont comme les deux ailes qui permettent à
l’esprit humain de s’élever vers la contemplation de la vérité ». Cette
reconnaissance de l’égalité et de la complémentarité des deux voies serait une
percée dans la pensée religieuse. Mais n’est-ce pas en quelque sorte en
contradiction avec la doctrine de la justification, selon laquelle il n’y a de
salut que dans et par la grâce de Dieu ?
Cette Encyclique laisse un arrière-goût amer. Elle refuse toute liberté à la
recherche hors du contrôle du magistère et en même temps elle veut
empêcher la tenue d’un débat général entre la philosophie et la science.
Pourquoi ce dogmatisme stérile, pourquoi ne pas reconnaître les signes du
temps, rendre hommage aux acquis de la démocratie et aux droits de
l’homme ? L’Église devrait dès aujourd’hui organiser des pèlerinages pour se
faire pardonner ses fautes actuelles dans la question de la « foi et de la
science », comme elle l’a fait pour les erreurs commises au Moyen Age.
La science, la religion et la philosophie proposent chacune leurs voies pour
aborder les grandes questions existentielles (PP). La philosophie a perdu
beaucoup de sa force originelle face aux sciences et aux nouveaux modèles
scientifiques. Elle est en train de perdre le contact avec le monde réel, vécu.
Abscons, le langage philosophique vit en autarcie ; le volume des écrits, la
variété des thèses et la complexité des raisonnements en font une matière
réservée à une minorité spécialisée. Au mieux, on « découvre » la
philosophie en vieillissant.