Clonage animal et Union européenne une question épineuse entre

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Clonage animal et Union européenne une question épineuse entre
Clonage animal et Union européenne : une
question épineuse entre les différentes
institutions
Le clonage des animaux s'est développé depuis la brebis Dolly en 1996, mais les différentes
institutions européennes ont du mal à trouver une position commune sur ce sujet,
sujet, ainsi que
sur la consommation de viandes et de produits qui en découlent.
Le 8 septembre 2015, le Parlement européen a plébiscité1 (529 voix pour, 120 contre, 57
abstentions) le rapport des eurodéputées italienne Giuila Moi (Europe de la liberté et de la
démocratie directe) et allemande Renate Sommer (Parti populaire européen) sur le clonage des
animaux élevés et reproduits à des fins agricoles. Les raisons? Le clonage va à l’encontre du bienêtre animal et est contraire à l’éthique. Pourtant, la question semble loin d’être réglée: la
Commission, le Conseil et le Parlement européen n’ont jamais réussi à se mettre d’accord sur une
nouvelle version de la règlementation sur le clonage.
La règlementation sur le clonage, dite "Novel Food"2, fut promulguée le 12 mai 1997, un an après
l’apparition du premier animal cloné, la brebis Dolly3, rendu public par le professeur allemand Ian
Wilmut. Le but d’un tel texte était simple: faire que tous les nouveaux aliments qui n’étaient que
très peu consommés avant 1997 (OGM, descendants d’animaux clonés, etc.) soient soumis à une
autorisation de mise sur le marché par l’Union européenne. Pour cela, une étude sanitaire devait
être réalisée afin de prévenir tout risque concernant ces aliments. Ainsi, l’UE se dotait d’un principe
de précaution et permettait à l’Autorité Sanitaire de Sécurité des Aliments (EFSA4) d’avoir son mot
à dire sur le sujet. Pourtant, aucune demande d’autorisation de mise sur le marché n’a, depuis, été
déposée.
Onze ans plus tard, en 2008, la Commission européenne décidait de réviser ce règlement dépassé
par l’apparition de nouveaux types d’aliments et d’amélioration des techniques de production.
Pourtant si le Conseil européen et la Commission sont sur la même longueur d’ondes, le Parlement
1
http://www.europarl.europa.eu/news/fr/news-room/content/20150903IPR91517/html/%C3%89tendrel%27interdiction-du-clonage-animal-aux-prog%C3%A9niture-et-importations
2
http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:31997R0258:fr:HTML
3
http://www.rts.ch/info/sciences-tech/1114479-dix-ans-de-dolly-premier-mammifere-clone.html
4
http://www.efsa.europa.eu/fr/topics/topic/cloning
ne partageait pas leur avis concernant la mise en vente de viande et de lait issus des animaux nés
de parents clonés. Après de nombreuses discussions, le texte n’a pas abouti et a été rejeté en 2011.
Pourquoi existe-t-il une telle fracture sur cette question? Les institutions s’accordent pour interdire
tout ce qui est issu d’animaux clonés, elles refusent également la mise en place d’un clonage
reproductif en Europe. Pourtant, l’Union européenne a besoin de viande: elle en importe 300.000 à
500.000 tonnes par an en provenance des pays comme les Etats-Unis, le Brésil, l’Argentine ou
l’Australie. Problème: ces États ont accepté la mise en place d’un clonage animal à but reproductif
et il est ainsi difficile de savoir si les aliments achetés sont issus ou non de descendants d’animaux
clonés.
La Commission européenne a donc décidé en 2013 d’élaborer deux textes: l’un porte sur la sécurité
des nouveaux aliments (la révision du règlement Novel Food) et l’autre sur le clonage. Pourtant,
avec ce vote du Parlement interdisant catégoriquement le clonage des animaux élevés et reproduits
à des fins agricoles, la situation semble se répéter dans un contexte commercial tendu.
Car, en regardant les différents amendements5 mis en place par les eurodéputés sur le texte de la
Commission européenne, les mêmes arguments refont surface, c’est-à-dire faire attention au bienêtre animal et à la réticence des citoyens européens (dont 58% sont opposés au clonage animal à
des fins alimentaires selon un sondage Eurobaromètre de 2008). C’est ce que résume la députée
européenne Giuila Moi en expliquant que "ce rapport envoie le message à nos partenaires
commerciaux que nous ne sommes pas disposés à mettre notre propre santé, la santé de nos
familles, et celle des générations futures en jeu en nous servant de produits de qualité douteuse de
cette nature"et que "l'Europe est fondée sur des valeurs et cela inclut la qualité".
Afin d’étayer leurs arguments, les députés européens se basent sur des études réalisées par l’EFSA
et le Groupe européen d’éthique des sciences et des nouvelles technologies (GEE) qui précisent
notamment que le nombre limité d’études disponibles et la faible taille des échantillons d’enquête
ne permettent qu’une difficile évaluation des risques encourus.
Au niveau étique, l’agence précise que "la santé et le bien-être d’une part significative des clones
sont détériorés souvent gravement et avec une issue fatale".La technique du clonage reste
faiblement efficace (de 6% à 15% de réussite pour l'espèce bovine et environ 6% pour l'espèce
porcin), entraînant "de forts taux de mortalité à tous les stades du développement". Ainsi, le GEE
met en doute "la justification du clonage animal à des fins de production de denrées alimentaires,
eu égard au niveau actuel de souffrance et aux problèmes de santé des mères de substitution et
des animaux clonés".
En avançant ces différentes raisons, le Parlement européen propose:
5
http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+TA+P8-TA-20150285+0+DOC+XML+V0//FR&language=FR
- l’interdiction de la consommation de viande bovine issue d’animaux clonés, comme le suggère la
Commission européenne;
- l’interdiction de produits issus de descendants d'animaux clonés (la viande et le lait par exemple),
comme le bœuf provenant de pays extérieurs à l'Union européenne;
- une véritable traçabilité des produits importés, afin de prévenir le citoyen européen des risques
encourus (ce qui peut rappeler certains scandales comme celui de la viande de cheval).
Les deux rapporteurs du texte vont ensuite négocier avec le Conseil de l’Union européenne pour
trouver un accord sur le texte. Il faudra attendre très probablement 2016 pour savoir si la voix du
Parlement européen aura été entendue.
Article rédigé par la Maison de l'Europe de Paris et publié par France Soir le 4/11/2015

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