ZOOM sur les liquidateurs de lynx

Transcription

ZOOM sur les liquidateurs de lynx
Contributions à la
protection de la
nature en Suisse
N° 26/2001
ISSN 1421-5527
ZOOM sur
les liquidateurs de lynx
Eliminations illégales de lynx en Suisse:
faits et indices
Copyright ©:
2001 Pro Natura, case postale, CH-4020 Bâle
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Graphiques:
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Imprimé sur papier 100% recyclé.
Article 5626 (erscheint auch in deutsch, Art. 4625)
ISSN 1421-5527
ZOOM sur
les liquidateurs de lynx
Eliminations illégales de lynx en Suisse:
faits et indices
Auteurs: Battiste Ceza
Rico Kessler
Kurt Marti
Nathalie Rochat
Urs Tester
Traduction: Jean-Marc Frossard
Rédaction: Nathalie Rochat, Pro Natura
Relecture: Nicole El-Aghar, Pro Natura
Table des matières
Introduction3
1. 1.1
1.2
1.3
1.4
1.5
Abattus, empoisonnés, bastonnés jusqu'à ce
que mort s’ensuive – chronique d’un scandale
Lynx tués illégalement en Suisse et
dans les régions limitrophes: la liste
Une mort de lynx sur trois est un délit Un chiffre officieux élevé
Pourquoi les lynx sont-ils éliminés?
Le lynx va-t-il disparaître une deuxième fois?
2.
2.1
2.2
2.3
2.4
2.5
2.6
2.7
2.8
Des enquêtes lacunaires menées au ralenti
Des indices prometteurs au fond des tiroirs
L’affaire TELL: la liste de contrôle du gibier
tiré a-t-elle été consultée? L’affaire RAJA: des témoins importants ne sont pas entendus L’affaire du jeune lynx: la longue attente
Appel à témoins tardif
Cinq autorisations valaisannes pour 12 lynx empaillés à Fribourg
Le service de la chasse valaisan au pilori
Le microcosme du Pays-d’Enhaut: trois lynx empoisonnés
3.
3.1
3.2
3.3
3.4
Beaucoup de provocateurs mais aucun coupable
21
«Ce satané félin!» – propagande anti-lynx
21
Quand les présidents de sociétés de chasse jouent sur les émotions 23
Des politiciens bernois prennent pour cible
l’Inspection de la chasse et les gardes-faune 24
Et les coupables?
24
4.
4.1
4.2
4.3
Nos lois protègent-elles suffisamment le lynx? Tuer des lynx, ce n’est pas braconner
Evolution des délits de chasse en Suisse Application des sanctions
5
5
9
9
10
12
15
15
15
16
16
17
17
18
18
25
25
26
26
Conclusions Ce que demande Pro Natura
Ce que fait Pro Natura
Documentation Pro Natura sur le thème du Lynx
28
29
29
29
Documentation photographique
30
Bibliographie32
2
Introduction
Introduction
«Encore récemment, nombreuses étaient les personnes, parmi les services de
la chasse, les gardes-faune, les instructeurs et les chasseurs, qui s’accommodaient
des tirs illicites dont est victime cet animal protégé.»
L’»animal protégé» en question est le lynx, et la citation est tirée du rapport
d’une Commission d’enquête diligentée par le Conseil d’Etat valaisan pour
faire la lumière sur le fonctionnement au sein du Service de la chasse du
canton. Ce rapport ne date pas de l’époque où le lynx a été réintroduit en
Suisse, mais du mois de septembre 1999. Ses auteurs notent que le Service
valaisan de la chasse a «eu pendant longtemps une attitude hostile, trop
passive, opaque et ambivalente à l’égard du lynx» (rapport d’enquête, p. 11).
On serait tenté de croire que le Valais est le seul canton suisse qui ait des
difficultés à faire appliquer la législation en vigueur sur la protection des
espèces. Malheureusement, non. La liste des tirs illégaux de lynx est longue
et concerne presque tous les cantons où cet animal est présent. Nulle part
en Suisse, les services de la chasse et la justice n’ont été en mesure, à ce
jour, de demander des comptes aux auteurs de ces actes.
Les tirs illicites, voire les empoisonnements de lynx ne sont pas simplement
la face sombre d’une histoire par ailleurs heureuse, à savoir celle de la réintroduction réussie de ce félin en Suisse. Ils sont la menace mortelle qui pèse
encore sur la survie de l’espèce en Suisse et, par voie de conséquence, dans
l’arc alpin central.
Pro Natura veut sensibiliser le public intéressé, les autorités politiques et les
instances judiciaires à la gravité de cette situation et à la nécessité d’y
re­
médier. Dans ce dossier, nous présentons des faits et des indices et
mettons en évidence la portée et le contexte des tirs illégaux de lynx. Les
pages qui suivent font ressortir une réalité inquiétante, celle des relations
violentes qu’entretient une frange de notre société avec une espèce animale
indigène protégée. A travers la présente publication, Pro Natura lance un
appel: le lynx en Suisse mérite d’être respecté et apprécié au même titre que
le bouquetin, le blaireau ou la marmotte. Aussi longtemps qu’il ne béné­
ficiera pas de cette reconnaissance, son avenir dans notre pays ne sera
pas assuré.
Pro Natura, Groupe de travail «Lynx & Cie», mars 2001
Nathalie Rochat
Urs Tester
Rico Kessler
3
4
1. Abattus, empoisonnés, bastonnés jusqu'à ce que mort s’ensuive
1.Abattus, empoisonnés, bastonnés
jusqu’à ce que mort s’ensuive –
chronique d’un scandale
Le 6 décembre 2000, devant le centre commercial Migros de Thoune, un
jeune lynx est trouvé mort dans un sac en plastique. L’autopsie révèle que
l’animal a été tué par balle. Cette affaire jette une lumière crue (mais c’est
sans doute ce qu’a voulu le tueur) sur la longue liste des cas d’élimination
illégale de lynx en Suisse. En 1974, soit trois ans après le lâcher initial de
lynx sur territoire helvétique, un premier spécimen de cette espèce protégée
est abattu de manière illicite. Il s’agit d’un mâle, dont le cadavre est découvert près d’Innertkirchen (BE). Depuis lors (état février 2001), au moins
46 cas de lynx tués illégalement ont été établis en Suisse et dans les régions
limitrophes. Ceci représente une moyenne de 1,8 cas par année. La figure
1 montre la distribution géographique et temporelle de ces cas. Sur ces cas
établis, 24 lynx ont été tués par balle, cinq battus à mort ou étranglés et
quatre empoisonnés. En outre, un lynx, victime d’un piège à palette, a
succombé à ses blessures. En Suisse, 28 cas ont pu être localisés et 6 en
France. Pour la Suisse, ils se répartissent entre les cantons de Berne, Nidwald, Neuchâtel, Obwald, Soleure, Vaud et Valais. La plupart se sont produits
dans les cantons de Vaud, Valais et Berne.
1.1 Lynx tués illégalement en Suisse et dans les régions limitrophes:
la liste
No Date
Lieu
Canton Description succincte du cas
ou pays
1 1974
Innertkirchen
BE Mâle abattu
2 21.10.1974 Thoiry
France Une jeune femelle adulte est abattue
lors d’une chasse au chevreuil. Le
chasseur affirme avoir tiré en état de
légitime défense.
3 4.11.1975 Eriz
BE Jeune lynx mortellement assommé
4 1976
Gorgier
NE Lynx tué par un tir de grenaille
5 26.11.1978 Alpnach
OW Le cadavre d’un lynx très amaigri est
découvert sur le territoire de la
commune d’Alpnach-Dorf. Tout laisse
à penser que l’animal a eu sa patte
avant droite broyée dans un piège à
palette, dont il s’est extirpé en rongeant
le membre.
6 1978
Vallée de VS Adulte abattu
Tourtemagne
7 20.01.1980 Rances
VD Jeune lynx abattu
8 11.11.1980 Provences
VD Adulte abattu
9 1.11.1982 Brienz
BE Adulte frappé à mort dans une bergerie
10 1983
Val d'Anniviers VS Jeune abattu
11 04.03.1983 Morbier
France Lynx probablement empoisonné
12 1984
Vallée de VS Mâle adulte braconné
Tourtemagne
5
Au moins 46 cas de lynx
tués illégalement ont
été établis en Suisse et
dans les régions limi­
trophes.
1. Abattus, empoisonnés, bastonnés jusqu'à ce que mort s’ensuive
No Date
13 1984
14 1984/85
15 1985
16 1985
17 1987
Lieu
Vallée de Tourtemagne
Val
d’Hérémence
Lötschental Val
d’Hérémence
Binntal
Canton Description succincte du cas
ou pays
VS Jeune lynx mortellement assommé
VS Femelle adulte braconnée
VS Mâle adulte abattu
VS Jeune lynx braconné
VS Jeune femelle suitée abattue. Des
indices permettent de penser que deux
autres lynx ont été tués illégalement en
Valais entre 1978 et 1987
(HALLER 1992).
18 21.10.1989 Stans
NW Tir non intentionnel d’un lynx par
un chasseur.
19 23.10.1989 Marchairuz
VD Mâle muni d’un collier émetteur abattu
20 21.09.1991 Jougne
France Des scientifiques découvrent dans un
ruisseau des environs de Jougne le
collier émetteur du lynx MIRO, puis,
non loin de là, le cadavre de l’animal.
La tête est séparée du reste du corps.
Cause de la mort: une balle de fusil.
Une soixantaine de chasseurs pratiquent leur activité dans la région. Il
n’y a aucun témoin et les indices sont
maigres. Le fonctionnaire responsable
de l’enquête, René Maas, commence ses
investigations le 4 octobre. Sur la base
des indices disponibles, il met au point
avec ses collègues une stratégie
d’enquête fondée principalement sur le
calibre et la marque de la balle utilisée.
En date du 7 décembre, les enquêteurs
interrogent simultanément sept chasseurs et perquisitionnent à leurs domiciles. Le 18 janvier, même opération
concernant six autres chasseurs. Ces
investigations permettent de diriger les
soupçons vers une personne en parti­
culier. Cinq jours plus tard, celle-ci se
présente à la police. Elle est condamnée
à un retrait de permis de chasse de
3 ans, à FF 7’000.– d’amende et au
versement de FF 12’200.– à titre de
dommages-intérêts.
6
1. Abattus, empoisonnés, bastonnés jusqu'à ce que mort s’ensuive
No Date
Lieu
Canton Description succincte du cas
ou pays
21 18.01.1993 Six Fontaines
VD Lors d’une battue au sanglier, un jeune
de la femelle LORA est traqué et tué par
des chiens de chasse. LORA est repérée
dans le même secteur. Après la battue,
on constate que l’animal a un comportement anormal. Il ne se déplace
plus que sur de courtes distances et
demeure longtemps au même endroit.
Le 18 janvier, LORA est retrouvée
morte. Une de ses pattes arrière présente
une grave blessure. Lors de l’autopsie,
des plombs de chasse sont extraits de
son corps.
22 14.12.1994 Le Reculet
France Lynx abattu
23 à 34 A fin 1994, 34 lynx avaient été tués
illégalement en Suisse et dans les
régions limitrophes (LIENERT 1996).
9 de ces cas, bien que documentés,
n’ont pas pu être localisés.
35 5.11.1995 ?
France Femelle munie d'un collier émetteur
étranglée par des chasseurs après
qu'elle ait attaqué leur chien de chasse
36 15.02.1996 Bellefontaine France Lynx abattu
37 31.10.1996 Grindelwald
BE Jeune lynx battu à mort dans un
poulailler
38 1997
Région du
BE Lynx tué par un tir de grenaille
Gurnigel
39 14.02.2000 ?
BE L’inspecteur de la chasse du Canton de
Berne reçoit par la poste quatre pattes
de lynx.
40 23.02.2000 Rougemont
VD La femelle RENA et ses deux jeunes
41
sont retrouvés morts par empoisonne42
ment.
43 23.06.2000 Wimmis
BE Le collier émetteur de la femelle JULE est
retrouvé, lacéré, au-dessus de Wimmis.
44 18.09.2000 Wimmis
BE Le collier émetteur du mâle TELL est
repêché lacéré dans l’Aar. Le signal de
l’émetteur de TELL avait été capté pour
la dernière fois le 14 septembre, sur
l’alpe Ahorni, au-dessus de Wimmis.
45 28.09.2000 Lauenen
BE Le collier émetteur de la femelle RAJA
est saisi dans le coffre d’une voiture à
Lauenen. On a perdu toute trace d’elle
et de son petit depuis la mi-juillet.
46 06.12.2000 Thoune
BE Devant le centre commercial Migros, le
cadavre d’un jeune est découvert dans
un sac en plastique. L’animal a été
abattu. Il s’agit d’un petit de la femelle
SABA, dont le territoire est situé dans
le Niedersimmental et le Stockental.
7
1. Abattus, empoisonnés, bastonnés jusqu'à ce que mort s’ensuive
Figure 1:
Les différents cas localisés
d’élimination illégale de lynx en
Suisse et dans les régions limitrophes entre 1970 et 2000.
Eliminations illégales de lynx de
1970 à 1979
Eliminations illégales de lynx de
1980 à 1989
Eliminations illégales de lynx de
1990 à 2000
8
1. Abattus, empoisonnés, bastonnés jusqu'à ce que mort s’ensuive
1.2 Une mort de lynx sur trois est un délit
Quelle est, en Suisse, la proportion d’animaux tués illégalement parmi les
cas de lynx retrouvés morts? La liste des causes de mortalité connue des lynx
dont le cadavre a été saisi depuis les années 70 nous donne une première
réponse. A fin 1997, 121 cas avaient été répertoriés sur cette liste, dont 35
cas d’élimination illégale (29%). Y figurent cependant aussi les jeunes capturés et les individus morts pour une raison indéterminée. Si l’on prend en
considération uniquement les cas où la cause de la mort est connue, la proportion de lynx tués illégalement passe à 40%. L’élimination d’adultes est
particulièrement fréquente. La probabilité de retrouver le cadavre d’un lynx
varie fortement selon les causes de la mort. Elle est faible pour un lynx qui
fait une chute en montagne, mais élevée dans le cas d’un lynx heurté ou
écrasé par un véhicule. Surestime-t-on la proportion de lynx tués de façon
illicite, du fait que l’on retrouve plus souvent leur cadavre que ce n’est le cas
pour des lynx ayant succombé à une mort naturelle quelque part en forêt?
Les données relatives aux lynx munis d’un émetteur peuvent nous aider à
déterminer un ordre de grandeur. La mort de ceux-ci, tôt ou tard, est
constatée et fait l’objet d’un examen. La fréquence des morts naturelles ou
accidentelles devrait être la même pour les lynx munis d’un collier émetteur
que pour les autres. Avec cette méthode, on pourrait en revanche avoir
tendance à sous-estimer la fréquence des éliminations illégales. La personne
qui tue un lynx muni d’un collier émetteur encourt un risque accru d’être
démasquée. Il est vraisemblable que tous les tueurs potentiels de lynx ne
sont pas prêts à courir un tel risque. S’agissant de lynx munis d’un émetteur,
la proportion d’animaux tués illégalement parmi les cas de lynx retrouvés
morts s’élève tout de même à environ un quart. Conclusion: on peut raisonnablement estimer qu’environ une mort de lynx sur trois en Suisse est imputable à un tir, un empoisonnement ou une bastonnade à mort.
1.3 Un chiffre officieux élevé
La liste des lynx tués illégalement n’est nullement complète. Elle ne comporte que les cas avérés, identifiables dans le temps et l’espace, et dont
l’issue a été mortelle. En particulier, faute d’informations détaillées, elle ne
comporte ni le cas du taxidermiste de Châtel-St-Denis, ni celui de Lini Paccolat (voir 2.6 et 2.7). Il existe d’autres cas d’élimination de lynx qui ne
seront sans doute jamais élucidés:
En 1987, à l’occasion de l’assemblée des délégués de la Fédération suisse des
sociétés des chasseurs à permis, Gotthard Squaratti, alors président de la
Société des chasseurs du Haut-Valais et toujours instructeur de chasse en
1999, fait circuler une photo sur laquelle on le voit à côté du cadavre d’un
lynx. Il affirme devant plusieurs personnes avoir abattu lui-même l’animal et
invite les jeunes chasseurs à liquider des lynx. Plus tard, Squaratti prétend
que la photo en question était un montage. Cette affaire n’a jamais fait l’objet
d’une enquête.
Le 2 novembre 1997, à Château-d’Oex (VD), un jeune lynx abandonné est
découvert. Il s’agit d’un petit de la femelle MENA. Au cours de la troisième
semaine de septembre 1997, durant la chasse au grand gibier, l’émetteur de
MENA devient muet. Malgré des recherches intensives, l’animal reste introuvable. Un cas semblable se produit plus tard dans le Jura. Au cours de l’été
2000, 15 moutons sont tués par un lynx dans le Clos-du-Doubs (JU). Une
femelle et ses petits sont observés à plusieurs reprises dans la région. En
août 2000, à Soubey (JU), un des jeunes est découvert, alors qu’on a perdu
9
Surestime-t-on la pro­
portion de lynx tués de
façon illicite?
1. Abattus, empoisonnés, bastonnés jusqu'à ce que mort s’ensuive
toute trace de la mère. A la même époque, les agressions contre les
troupeaux de moutons cessent d’un seul coup. Dans ces deux cas, il est fort
probable que la femelle a été tuée illégalement, raison pour laquelle leurs
jeunes, pas encore autonomes, ont fait peu de temps après une apparition
dans un village. A ce jour, 13 jeunes lynx orphelins ont été capturés en
Suisse, dont trois rien qu’au cours de l’année 2000.
L’examen de l’animal
révèle la présence de
grains de plomb dans
ses pattes.
Le 21 mars 2000, le lynx BALU est trouvé mort, victime d’une maladie.
L’examen de l’animal révèle pourtant la présence de grains de plomb dans
ses pattes. Le 26 avril 2000, la femelle HERA est découverte noyée. Dans ses
pattes également, on retrouve des grains de plomb. On ignore si d’autres
lynx morts des suites d’une maladie, de blessures subies lors d’un accident
ou pour toute autre raison ont été touchés par des tirs. En effet, tous les lynx
retrouvés morts ne font pas l’objet d’un examen concernant d’éventuelles
blessures par balle ou par grenaille.
Plusieurs émetteurs portés par des lynx dans un but scientifique cessent
subitement d’émettre. Lorsqu’un émetteur ne délivre plus de signaux, trois
explications sont alors possibles:
1. Un défaut technique. Compte tenu des améliorations apportées aux émetteurs et des expériences accumulées, cette éventualité est de moins en
moins probable.
2. L’animal s’établit sur un nouveau territoire. Grâce à la radiotélémétrie
aérienne, bon nombre de ces cas peuvent être retrouvés et expliqués.
3. Le lynx a été tué et son émetteur détruit par l’auteur.
On peut supposer que plusieurs cas d’»émetteur muet» sont donc dus à
l’élimination illégale de l’animal qui le portait.
On peut alors conclure que le chiffre officieux des lynx tués illégalement est
sans doute élevé. Il faut en outre tenir compte du fait que, sans les projets
de recherche scientifique faisant appel à des lynx munis d’émetteurs, une
forte proportion des cas mentionnés n’auraient jamais été découverts. Sans
l’aide de la radiotélémétrie, seuls deux des huit cas enregistrés en l’an 2000
auraient été révélés, et ce uniquement parce que les auteurs ont cherché à
afficher leurs délits.
1.4 Pourquoi les lynx sont-ils éliminés?
Le braconnage est un terme qui désigne plusieurs pratiques bien distinctes.
La différenciation s’impose, car l’élimination du lynx ne s’apparente pas «à la
tradition» de la braconne, tant par son approche logique que par son impact
sur la faune. On peut, de manière générale, distinguer cinq types de pratique.
La première est aujourd’hui quasiment disparue. C’est un héritage du Moyen
Age. Le brave paysan allait alors braconner une bête sur le domaine seigneurial pour subvenir aux besoins de sa famille lors de périodes difficiles.
La deuxième fait encore partie des us et coutumes locales: il s’agit de la bête
surnuméraire, le «blind», comme on l’appelle dans la vallée de l’Intyamon en
Gruyère, c’est-à-dire le gibier tiré en plus par des groupes de chasseurs
pendant les périodes autorisées. Il est destiné avant tout à la consommation
10
1. Abattus, empoisonnés, bastonnés jusqu'à ce que mort s’ensuive
privée ou est réparti dans le cercle large des solidarités villageoises. Selon
plusieurs témoignages, la vente du gibier braconné (une ou deux pièces) sert
à financer le coût des permis annuels des chasseurs et les frais de location
de cabane, de nourriture et de boisson.
Le troisième type est, bien sûr, économique: le braconnier recèle du gibier
pour le vendre à des commerces, boucheries ou restaurants, notamment
durant la période de la chasse. Cette pratique est difficilement quantifiable,
mais existe bien comme le confirme Marc Biselx, alors adjoint du chef de
Service de la chasse du canton du Valais (Cahier du chasseur, 5, 1999): «Il est
vrai que le braconnage a aussi fortement évolué. On ne connaît plus le
braconnier de l’époque qui tirait son chamois en montagne pour le ramener
au village en le portant sur l’épaule. Le braconnage est devenu une affaire
de professionnels et d’industriels organisés et équipés. Que ce soit pour le
trophée ou pour alimenter certains commerces en viande de chasse! La lutte
contre ce phénomène devient donc de plus en plus difficile et seul le
concours des chasseurs et de la population pourra permettre de tenter d’y
remédier.»
Le quatrième est plus spécifique, il s’agit justement de la braconne au trophée, autrement dit le tir illicite d’un animal protégé ou non pour le naturaliser: on peut penser, par exemple, à un grand coq ou, pourquoi pas, à un
lynx.
Enfin le dernier type, qui nous concerne en premier lieu, est évidemment
l’élimination du lynx. Contrairement aux autres pratiques, il s’inscrit dans une
logique différente. Il ne s’agit pas dans ce cas de prolonger son droit de
chasser de manière illicite, mais d’éradiquer un concurrent ou un animal
supposé perturber une activité économique, tel que l’élevage de moutons.
Contrairement aux autres formes de braconnage, les tentatives d’élimination
du félin portent atteinte à la survie de l’espèce, en diminuant les chances de
succès de son implantation durable en Suisse. La liquidation de ce grand
prédateur va donc plus loin en terme d’impacts sur la faune que le braconnage «classique», puisqu’il propose simplement la deuxième extinction du
lynx en Suisse. On ne braconne pas le lynx, on l’élimine. Questions de sens
et de terminologie.
Le propos n’est pas ici d’évoquer les raisons qui conduisent à ce type d’action.
Pourtant, grâce à tous les témoignages récoltés pour cette enquête, on peut
brièvement évoquer certains facteurs, avancés par les groupes anti-lynx: trop
de spécimens par kilomètres carrés, dégâts sur le cheptel ovin, dégâts sur le
gibier, notamment le chevreuil en région de montagne, ou encore, inadaptation de l’espèce à la réalité géographique et environnementale de la Suisse.
A ces reproches, desquels il ne nous appartient pas de discuter, s’ajoutent
d’autres raisons plus sociologiques, liées à la réalité de certaines régions. Les
difficultés économiques des communes de montagne, notamment dans le
domaine agricole, les nouvelles législations en matière d’environnement,
comme les études d’impact ou les normes de construction ainsi que la présence des organisations de défense de la nature sur le terrain sont vécus par
les habitants des régions périphériques comme une ingérence. Par exemple,
Pierre Virchaux, s’adresse sur ce sujet à Philippe Roch (Cahier des chasseurs,
11
On ne braconne pas le
lynx, on l’élimine.
1. Abattus, empoisonnés, bastonnés jusqu'à ce que mort s’ensuive
«Gardez-vous, Monsieur
le Directeur, de la
réaction populaire».
9, 1999): «Gardez-vous, Monsieur le Directeur, de la réaction populaire qui
pourrait être violente. En effet, la réalité démontre que les gens des
campagnes en ont plus que largement assez de la mainmise de la Berne
fédérale pour des décisions en matière de nature et d’environnement. On ne
peut plus construire une maison ou créer une entreprise sans une étude
d’impact (...) qui se termine par des oppositions ou des interdictions.» Il faut
éviter, bien sûr, la généralisation, mais le clivage ville/campagne ne doit pas
être sous-estimé dans l’analyse des causes d’éliminations de lynx.
La complexité des réalités locales avec son lot de problèmes économiques
récurrents invite les acteurs, qui tissent des réseaux d’alliances forts, à jouer
la carte de la solidarité et à faire bloc devant ce qu’ils considèrent comme
des diktats. L’arrivée du lynx, dans une approche psychologique, peut être
mise sur un rang d’égalité avec l’introduction de nouvelles normes en matière
d’environnement, d’agriculture ou de construction. Il s’agit d’un refus du
changement, ou du moins un refus d’adaptation à des phénomènes jugés
perturbateurs dont ils n’ont pas le contrôle. C’est un refus d’une espèce de
colonisation des campagnes par les valeurs urbaines.
Mais, on pourrait penser que, si des lynx sont tués, c’est avant tout parce
que leur effectif est (présumé) élevé et parce qu’ils causent des dégâts relativement importants parmi les animaux domestiques. La figure 2 met en
relation le nombre de lynx tués de manière illicite et les dégâts subis par le
cheptel domestique en fonction des différentes régions. On s’aperçoit qu’il
n’y a pas de lien visible entre les dégâts aux troupeaux de moutons et les
cas d’élimination illégale de lynx. Dans trois régions (Jura, Valais et nordouest des Alpes), les premiers cas de lynx tués se sont produits peu de temps
après la réintroduction de l’espèce. La population de lynx était faible à ce
moment, c’est certain. En fait, les cas se produisent avant même que des
dégâts ne soient occasionnés aux troupeaux. La thèse selon laquelle les actes
d’élimination illégale seraient consécutifs à un effectif de lynx élevé et à des
dégâts importants n’est donc pas plausible. Cette absence de lien entre les
deux phénomènes s’explique facilement. La personne qui décide de tuer un
lynx ou de ne pas le faire s’en réfère à son appréciation personnelle de la
situation. Dans ces conditions, un seul lynx peut être déjà de trop.
1.5 Le lynx va-t-il disparaître une deuxième fois?
Lorsque des animaux d’une espèce protégée et menacée sont tués illégalement, c’est dans tous les cas condamnable. Les éliminations illégales ne
conduisent toutefois pas forcément à l’extinction de l’espèce concernée. Malgré de nombreux cas, le lynx a pu survivre en Suisse jusqu’à aujourd’hui. Il
a même pu étendre sa présence à de vastes secteurs du Jura et à la partie
occidentale des Alpes. Mais ceci ne signifie pas que les actes illégaux n’ont
aucune influence sur le développement de son effectif. En effet, l’effectif des
lynx ainsi que leurs aires de répartition demeurent faibles; pour peu que les
conditions leur soient à nouveau davantage défavorables, ils seraient alors
tout de suite menacés de disparition. Ne l’oublions pas: pas plus de 100 à
150 lynx vivent en Suisse, et cette population reste isolée en Europe. Les
actes d’élimination illégale ne seraient négligeables que si les lynx tués
illicitement mourraient de toute manière de façon naturelle ou accidentelle.
Ce qui est peu probable, vu qu’un lynx mort sur trois est tué illégalement.
Les éliminations illégales aggravent donc le risque d’extinction de l’espèce,
en particulier dans les situations suivantes:
12
1. Abattus, empoisonnés, bastonnés jusqu'à ce que mort s’ensuive
Figure 2:
Cas connus d’éliminations illégales de lynx en fonction du temps
et nombre de moutons tués par
le lynx. Il n’y a pas de relation de
cause à effet entre la fréquence
des dégâts et les éliminations
illégales de lynx.
lynx tués illégalement
nombre de moutons tués par
les lynx et indemnisés
Nord-ouest des Alpes (Berne,
Vaud, Fribourg)
Jura
Valais
Suisse centrale
13
1. Abattus, empoisonnés, bastonnés jusqu'à ce que mort s’ensuive
«La perte d’un ou deux
lynx peut déjà créer
un vide sensible dans
une population.»
a) Dans une région que le lynx vient de coloniser, quelques cas de mortalité
peuvent déjà créer un vide significatif dans l’effectif. Selon les conditions,
ces vides peuvent persister longtemps, comme dans l’Oberland
bernois dans les années 70: «On a également constaté une diminution des
observations en 1975 à Oberhasli (BE), où, en automne 1974, un lynx
avait été abattu. A un stade aussi précoce de la colonisation d’une région,
la disparition de quelques individus a manifestement un impact important
sur la capacité d’extension de l’effectif.» (BREITENMOSER 1983) «Il s’avère
que l’ampleur des tirs (illicites) a un impact particulièrement important sur
la capacité de l’effectif actuel à se maintenir et à s’étendre: plusieurs cas
divulgués donnent à penser que le chiffre officieux est considérable.
La perte d’un ou deux lynx peut déjà créer un vide sensible dans une
population.» (HALLER, BREITENMOSER 1986)
b) Au cours de l’évolution de l’effectif de lynx, le nombre des observations,
après une première augmentation, est à nouveau en recul dans différentes
régions de son aire de distribution. C’est le cas, mais à des moments différents, en Suisse centrale, dans le nord-ouest des Alpes, en Valais et dans
le Jura. Avec le temps, il est possible que l’adaptation des chevreuils et
des chamois à la présence du lynx rendent ces proies plus difficiles à
chasser. Il est toutefois probable que les tirs illégaux jouent aussi un rôle:
«Les nombreux tirs mettent en danger la pérennité du lynx en Valais,
région clé pour le succès de la réimplantation de l’espèce dans l’arc alpin.»
(HALLER 1992) En cas de sous-représentation des mâles ou des femelles,
l’effectif de lynx pourrait s’éteindre régionalement et, par conséquent,
l’aire de répartition de l’espèce, diminuer.
c) Dans leur première phase de colonisation, des lynx venant de Suisse centrale ont passé le Brünig, franchi l’Aar à la nage et ont même traversé des
autoroutes. Certains individus sont déjà allés vers l’est jusque dans les
cantons de Glaris et des Grisons et vers le nord jusque dans le Jura argovien. Pourquoi donc aucune population de lynx n’a-t-elle pu s’établir
dans le Jura septentrional et dans les Alpes orientales? En ont-ils été empêchés par des tirs? «Dans les Alpes comme dans le Jura, la progression du
lynx semble stoppée depuis des années. Les territoires habités par le lynx
ont même diminués par endroits. Trop peu de jeunes lynx survivent assez
longtemps pour pouvoir compenser la mort prématurée d’individus adultes résidents. Ce sont au premier chef les influences humaines, notamment
les tirs illicites et la circulation routière, qui sont responsables de ces
pertes.» (LIENERT 1996)
14
2. Des enquêtes lacunaires menées au ralenti
2.Des enquêtes lacunaires menées
au ralenti
«Un constat rapide des faits ainsi qu’une stratégie d’enquête ciblée sont les
clés de l’élucidation des cas de braconnage de lynx». C’est ce qu’a affirmé
René Maas, Inspecteur régional de l’Office national français de la Chasse et
de la Faune sauvage, à l’occasion d’un séminaire Pro Natura sur le lynx qui
s’est tenu en décembre 2000 à Saignelégier (JU). En Suisse, ce message n’a
pas encore été entendu. A Thoune, au bureau des juges d’instruction, on
traite les affaires de braconnage de TELL, RAJA et d’un jeune lynx. Les
affaires TELL et RAJA sont entre les mains de la juge Anna Christine Schenk,
tandis que celle du jeune lynx a été confiée au juge Hans-Peter Zürcher.
A ce jour, pas un seul de ces cas de braconnage de lynx n’a été élucidé. En
évoquant ces enquêtes, les partisans du lynx parmi les chasseurs et au sein
de l’administration bernoise parlent de «négligence» et de «volonté de classer
sans suite». Pour eux, «rien ne se passera sans la pression du public». Nous
allons voir que ces reproches sont absolument justifiés, et ce pas seulement
pour le canton de Berne.
Les auteurs bernois d’abattages illégaux n’ont pas à redouter des conséquences financières: d’après des sources sûres, il existe un «compte noir» qui
prend en charge les éventuelles amendes ou frais de procédure au cas où ils
seraient appréhendés. Le compte est alimenté en guise de sympathie par les
opposants du lynx à raison de Fr. 300.– (montant minimum).
2.1 Des indices prometteurs au fond des tiroirs
Les recherches menées par Pro Natura révèlent qu’en août et septembre
2000, deux chasseurs se sont pavanés dans un restaurant à Wimmis avec une
photo les montrant en train de poser avec deux lynx braconnés. Les deux
noms des chasseurs sont connus par la police cantonale et par le bureau des
juges d’instruction de Thoune depuis environ 6 mois. C’est seulement en
décembre que ces derniers ont informé la presse sur les cas de braconnages
en général mais ce cas spécifique n’a jamais été relaté. Est-ce que ces chasseurs ont été entendus et le dossier «classé» pour des raisons inconnues?
2.2 L’affaire TELL: la liste de contrôle du gibier
tiré a-t-elle été consultée?
En septembre 2000, le lynx TELL est abattu dans la région du Niesenstock.
C’est la saison de la chasse au grand gibier. Les chasseurs qui pratiquent leur
activité en saison dans une zone donnée sont connus. En particulier, ils sont
tenus de présenter le gibier tiré aux gardes-faune, pour contrôle. Ces listes,
sur lesquelles figurent le nom des chasseurs, constituent donc un élément
clé pour l’identification des témoins potentiels. D’après nos connaissances,
les listes en question n’ont été, dans les mois suivants, ni réclamées par le
bureau des juges d’instruction de Thoune, ni utilisées pour interroger les
chasseurs. Si tel est le cas, un important cercle de témoins aisément identifiables a été négligé.
15
D’après des sources
sûres, il existe un
«compte noir» dans
l'Oberland bernois.
2. Des enquêtes lacunaires menées au ralenti
2.3 L’affaire RAJA: des témoins importants ne sont pas entendus
Deux chasseurs de Lauenen BE déclarent avoir trouvé en été 2000, audessus du lac de Lauenen, le collier du lynx femelle RAJA. Ils mettent l’objet
dans le coffre de leur voiture, où il n’est découvert qu’en septembre, par un
zoologue spécialiste du lynx, qui en fait part à la police cantonale. Pendant
la période où ils sont en possession du collier, les deux chasseurs le
montrent à d’autres chasseurs, dont l’ancien président des chasseurs de
l’Oberland bernois, Gottlieb Gyger. Bizarrement, cet ex-membre de la police
cantonale n’est pas auditionné par la juge d’instruction Anna Christine
Schenk. On peut pourtant supposer que les deux chasseurs de Lauenen ne
se sont pas uniquement entretenus de la pluie et du beau temps avec lui.
De plus, comment se fait-il que cet ancien président d’une société de chasse
n’ait pas signalé ce cas, conformément aux prescriptions?
«N’êtes-vous pas inté­
ressée de savoir qui est
monsieur Gyger et où il
vit?»
Priée de s’expliquer sur les raisons pour lesquelles Gyger n’a pas été entendu
alors qu’il a eu le collier entre les mains, Madame la juge Schenk répond non
sans arrogance au journaliste lui posant la question. Voici les propos échangés (enregistrés le 18 janvier 2001). Schenk: «Je ne fais aucune déclaration
concernant une procédure en cours. Je prends simplement note de votre
information.» – «Mais, Madame Schenk, pour une juge d’instruction, vous
n’êtes pas très curieuse. N’êtes-vous pas intéressée de savoir qui est monsieur Gyger et où il vit?» – «Alors, dites-le moi.» – «Vous devriez pourtant le
savoir. Pour avoir auditionné les chasseurs de Lauenen, vous savez que
Gyger a vu le collier avant qu’il ne soit retrouvé dans ce coffre de voiture.»
– «Monsieur Gyger... pardon, Monsieur Marti! Voilà que je confonds vos
noms, à présent; désolée. Est-ce monsieur Gyger lui-même qui vous a dit
cela?» – «Oui, et vous devriez l’interroger à ce sujet. Il y aurait d’ailleurs beaucoup de questions intéressantes à lui poser.» – «En tant que juge d’instruction,
je décide des questions que je pose et à qui je les pose.»
2.4 L’affaire du jeune lynx: la longue attente
Le 6 décembre 2000, dans le centre Migros de Thoune, un jeune lynx est
trouvé mort dans un sac en plastique. Le 13 décembre, le cabinet du juge
d’instruction de Thoune fait savoir que les expertises balistiques et
l’autopsie «prendront encore un certain temps». En même temps, dans la
presse, les autorités menant l’enquête donnent des précisions sur la nature
de la munition utilisée: il s’agit probablement d’une balle blindée ce qui
indique qu’elle proviendrait d’une arme à chasse. Le cercle des suspects est
donc davantage restreint.
Répondant à une demande téléphonique le 8 janvier 2001, soit près de quatre
semaines plus tard, le juge d’instruction en charge de l’affaire, Hans-Peter
Zürcher, précise qu’il attend toujours les résultats des examens balistiques,
afin de pouvoir réduire le champ des investigations. Personne n’aurait été
entendu à ce stade de l’enquête. Début février, Zürcher ne veut plus se prononcer sur ses déclarations et les retire parce qu’il ne veut pas favoriser
certains journalistes.
16
2. Des enquêtes lacunaires menées au ralenti
2.5 Appel à témoins tardif
La politique d’information des juges d’instruction et de la police cantonale
est excessivement restrictive. C’est sous la pression des médias que la police
cantonale et le bureau des juges d’instruction de Thoune se voient contraints
de publier un communiqué de presse en date du 13 décembre 2000, dix
mois après le premier cas de braconnage d’une série de huit. La police cantonale a attendu cette date-là également pour lancer un premier appel à
témoins. C’est alors seulement que le public apprend que les procédures
engagées dans l’affaire des pattes de lynx envoyées au Service bernois de la
protection de la nature et dans l’affaire du braconnage du lynx femelle JULE,
sont closes depuis un certain temps déjà; elles ont été respectivement – et
discrètement – arrêtées en mai et en octobre 2000.
2.6 Cinq autorisations valaisannes pour 12 lynx empaillés à Fribourg
Le 14 mars 1996, Aloïs Perisset, taxidermiste à Châtel-St-Denis, était condamné par la Cour correctionnelle de la Veveyse pour avoir naturalisé sans
autorisation un tétras et sept lynx. C’est le tétras, découvert chez un chasseur
gruérien, qui a déclenché l’affaire. La police de Sûreté, avec l’aide des gardesfaune, découvre des photographies de douze lynx après perquisition chez
l’artisan. Sur le total, il s’est avéré que seuls cinq d’entre eux bénéficiaient
d’une autorisation en règle. Elles étaient toutes délivrées par le canton du
Valais. Pour les autres photos: mystère. Se réfugiant derrière son éthique
professionnelle, le taxidermiste n’a jamais voulu dévoiler l’identité de ses
clients. Il a argué qu’il ne se souvenait plus de leur nom, qu’il avait perdu
les autorisations ou encore, que certaines peaux venaient de l’étranger.
Le Tribunal lui a ainsi reproché d’avoir naturalisé les bêtes malgré leur provenance douteuse. Il a ainsi été condamné, dans un premier temps, à un
mois de prison avec sursis, à une amende de Fr. 10’000.–, assujetti d’un
retrait de permis de chasse d’une année pour infraction à la Loi cantonale
sur la chasse, à l’Ordonnance fédérale sur les espèces protégées et entrave
à l’action pénale.
Pourtant, Le Tribunal fédéral reviendra sur cette dernière condamnation,
estimant que le taxidermiste pouvait s’abriter derrière son éthique professionnelle et refuser de révéler l’identité des personnes qui lui avaient confié
la conservation de leurs trophées. Il est impressionnant de constater que
l’empailleur doit avoir une autorisation spécifique pour chaque animal appartenant à une espèce protégée qu’il empaille... mais qu’il peut «simplement»
oublier le nom de ses clients.
Ce cas est symptomatique des difficultés pour la justice de pouvoir percer le
mur du silence d’un milieu solidaire qui se protège. Malgré les forts soupçons
de braconnage sur les sept lynx dépourvus d’autorisation, les pistes sont
brouillées et ne permettent pas de remonter jusqu’aux éventuels délinquants.
En dépit des efforts, dans ce cas précis, des forces de police et des gardeschasse, aucun tueur de lynx ne sera poursuivi.
Et comme par hasard, lors de notre enquête, personne n’a voulu remuer le
passé et répondre à nos questions. Passé pourtant pas si lointain...
17
Après perquisition, la
police de Sûreté, avec
l’aide des gardes-faune,
découvre des photo­
graphies de douze lynx
morts.
2. Des enquêtes lacunaires menées au ralenti
2.7 Le service de la chasse valaisan au pilori
Le laxisme, dont jouissent les éliminateurs de lynx en Valais, trouve également sa réalité dans le cas Lini Paccolat, résidant à Dorénaz, dans le BasValais. Pour plusieurs témoins, Lini Paccolat a la réputation d’être un spécialiste de la braconne, notamment au collet. Une photo existe (voir p. 30)
montrant le chasseur, fusil sur l’épaule, posant au milieu de deux lynx morts.
Averti, Narcisse Seppey – chef du service de la chasse du canton – expliquera
que, selon une déclaration de Lini Paccolat, l’un des lynx était mort suite à
un choc avec une voiture. Le deuxième, un jeune, n’aurait pas
survécu à l’absence de sa mère. L’accident se serait déroulé le 9 décembre
1994. Pour le service de la chasse, il n’y avait donc aucun motif, suite aux
déclarations de Lini Paccolat, pour dénoncer l’affaire à la justice.
Ce n’est qu’à la suite d’une émission de la télévision alémanique («10 vor
10»), que le service de la chasse décide, le 16 février 1996, sous la pression
de la population, de dénoncer le cas à la justice. La procédure n’a pas
(encore ?) entraîné de sanctions contre Lini Paccolat. Le rapport signale à cet
égard, que le juge d’instruction n’a pas voulu faire de commentaires sur cette
affaire, en se réfugiant derrière le secret de fonction.
Le cas Paccolat laisse ouvert la question de savoir si ces lynx ont été tués
illégalement ou non. Mais le devoir du service de la chasse de lutter contre
l’élimination d’espèces protégées a dans ce cas été pris à la légère. Cette
dérive dans la passivité est insidieuse, car elle ne décourage pas les délits,
mais, au contraire, permet de penser que tuer un lynx ne comporte en définitive pas de gros risques dans le canton en question. Un sentiment général
de permissivité se dégage par cette absence d’engagement en faveur de la
protection du lynx. Sentiment confirmé par les révélations de la presse au
sujet du rapport d’enquête daté de 1999 (voir bibliographie) et concernant
le service cantonal de la chasse valaisan. Ce dernier admet, entre autres, que
«la protection du lynx n’a pas reçu l’attention exigée par la loi».
2.8 Le microcosme du Pays-d’Enhaut: trois lynx empoisonnés
Le 28 février 2000, le service de la chasse du canton de Vaud annonçait que
trois lynx, une mère de deux ans et ses deux petits, avaient été retrouvés
morts, tous dans un rayon de 40 mètres, près de Rougemont dans le Paysd’Enhaut. Au-dessus du lieu-dit Les Revers, la femelle, RENA, a été découverte sans vie le 22 février par un responsable du KORA (coordination des
projets de recherche pour le maintien et la gestion des prédateurs en Suisse).
Elle portait une blessure sur le dos. Ces deux jeunes furent trouvés les jours
suivants. Une première autopsie à la clinique vétérinaire de Berne a démontré que cette blessure n’était pas la cause de la mort du félin. Aucun impact
de balle n’a en outre été relevé sur la bête. Aussitôt, l’hypothèse d’une mort
par empoisonnement a été privilégiée, puis confirmée quelques semaines
plus tard.
A l’heure actuelle, le
juge d’instruction n’a
toujours pas bouclé son
enquête (février 2001).
L’Etat de Vaud, Pro Natura et Pro Natura Vaud ayant déposé plainte, une
enquête a aussitôt été ouverte par l’Office d’instruction pénale de l’Estvaudois. A l’heure actuelle, le juge d’instruction n’a toujours pas bouclé son
enquête (février 2001). L’espoir subsiste donc encore de pouvoir confondre
le ou les auteurs du forfait.
18
2. Des enquêtes lacunaires menées au ralenti
L’empoisonnement de ces trois lynx s’est déroulé dans une région de montagne, où les mentalités et sensibilités ne sont pas de prime abord favorables
à la présence du lynx. Les nombreux articles de presse relatant ce climat ainsi
que les contacts établis sur place confirment l’hostilité de la population
locale à l’égard du félin. Il est bien clair que ce sentiment de rejet
n’implique pas que tous ces habitants soient des tueurs de lynx potentiels.
Pourtant, comme nous l’avons souligné précédemment, quelques individus
ont clairement annoncé que, s’ils avaient l’occasion de s’en débarrasser, ils
n’hésiteraient pas.
Qui donc peut être l’auteur de cet empoisonnement? Qui se promène dans
une forêt de montagne enneigée du mois de février en dehors des chemins
et trouve ainsi une proie de lynx? Qui sait quel poison utiliser et l’a justement
à disposition? Le cercle des coupables potentiels doit être relativement restreint... Un an après les faits, est-ce que les autorités menant l’enquête sont
bientôt proches du but ou est-ce que l’enquête est en train de
s’ensabler lentement?
19
20
3. Beaucoup de provocateurs mais aucun coupable
3.Beaucoup de provocateurs mais
aucun coupable
3.1 «Ce satané félin!» – propagande anti-lynx
En février 2000, la Fédération suisse des sociétés de chasseurs à permis et
de la protection du gibier et la Fédération des Associations suisses de
Chasseurs (FACH), réagissent aux tirs illégaux de lynx en prenant clairement
position: «Nous condamnons très sévèrement ces agissements. Il est extrême­
ment regrettable qu’il se trouve encore des gens, aujourd’hui, pour tenter de
créer des problèmes de cette façon. Il faut tout mettre en œuvre pour identifier le ou les coupables, qui doivent être sanctionnés conformément aux
lois en vigueur. Les chasseurs sont appelés à apporter leur concours pour
que cette affaire puisse être élucidée.» L’exhortation lancée par les associa­
tions nationales de chasseurs est restée un coup d’épée dans l’eau: au niveau
régional, dans les bistrots où se retrouvent les chasseurs, le ton sonne
différemment.
«Les chasseurs sont appe­
lés à apporter leur con­
cours pour que
cette affaire puisse être
élucidée.»
Narcisse Seppey, aujourd’hui encore responsable du service de la chasse
valaisan, s’exprimait en 1983 sur le sujet: (Diana, 7, 1983): «Le chasseur qui
a fait des efforts de repeuplement de gibier et doit payer son permis pour
quelques petites journées de chasse super-réglementée, alors que le lynx ne
produit rien, se sert 365 jours par an et tout cela... à l’œil; le promeneur, la
brave mère de famille qui se demande parfois si son rejeton est encore en
sécurité dans la forêt.» Ces propos datent. Bien sûr. Mais il est évident que
sur le front du lynx, ces avis tranchés ne se sont guère adoucis. Bien au
contraire, ils se sont radicalisés. Prenez le rapport d’activité de la Fédération
des chasseurs fribourgeois (FCF) pour l’exercice 1998–1999, écrit par Pius
Macheret. Evoquant la question du bénéfice du lynx pour la nature, le propos se veut clair et accusateur: «Hélas, il n’en existe aucun. Ou plutôt si. La
satisfaction égoïste d’une poignée d’exaltés qui rêvent au retour à une nature
originelle, peuplée de lynx, de loups et d’ours. (...) Alors, les maniaques du
lynx étaient-ils seulement des naïfs ignorants ou des manipulateurs pervers
? J’aurais aimé choisir l’hypothèse d’imbéciles perdus dans leur rêve. Mais la
réalité m’oblige à accepter qu’il s’agit bien de manipulateurs, ceux de la plus
belle espèce, celle des pervers.»
L’appréhension des cas d’élimination de lynx ne peut être prise que dans le
cadre large de la réalité sociologique d’une région, où la chasse est une
pratique séculaire intégrée aux mœurs. D’où la difficulté première lors d’une
enquête: briser l’omerta d’une région. On ne lave son linge sale qu’en famille.
Même entre ennemis locaux, une solidarité s’installera pour préserver les
équilibres dans les rapports de force. La loi du silence est la première règle:
on tranche les affaires au sein du clan. S’attaquer de front à ce monde clos,
c’est annoncer son échec. Seule une infiltration de ce milieu ou des
fuites peuvent déboucher sur des résultats. «Des lynx, il y en a trop. Les
chevreuils ont disparu en montagne. Comme Berne ne s’occupe pas du problème, d’autres s’en chargent», voilà un leitmotiv entendu dans les tavernes
fribourgeoises et vaudoises. Et les exemples foisonnent pour prouver
l’incitation au tir illégal du lynx. En 1981 déjà, lors d’une assemblée des
chasseurs fribourgeois, son président, Francis Lang, n’y allait pas par quatre
chemins: «Si vous voyez un lynx, fusillez-le.» (La Liberté du 27 avril 1981).
21
«Si vous voyez un lynx,
fusillez-le.»
3. Beaucoup de provocateurs mais aucun coupable
Ou encore, deux ans plus tard, dans la revue Diana (janvier 1983), un commentaire pondu par le dénommé Céellair est on ne peut plus clair: «Quant à
toi «beau moustachu», en attendant que ton statut change, ne te promène tout
de même pas trop près de notre (cal.) 12 et sache bien que, contrairement
à un de tes chers amis, nous proclamons bien haut «pas de quartier.» Une
partie des chasseurs, difficilement chiffrable, ne veulent pas du lynx et sont
prêts à l’éliminer. Toujours dans le rapport d’activité, pour l’exercice 1998–
1999, de la FCF, Pius Macheret est très précis dans ses menaces, si d’aventure
Berne ne limitait pas la population de lynx: «A moins que... las d’être moqués,
trompés, brimés, braconnés, humiliés, rançonnés, certains ne se rebiffent et
que quelques bonnes balles ne viennent mettre fin au triste
privilège d’un prédateur qui n’a plus sa place chez nous.» Même dans
l’hypothèse où il ne s’agit là que d’une minorité extrémiste, on peut néanmoins s’inquiéter des propos de tolérance vis-à-vis des tirs illégaux diffusés
dans les publications officielles des sociétés de chasse, notamment par des
fonctionnaires à haute responsabilité.
L’élimination du lynx
est finalement une
tâche bien aisée
à l’heure actuelle.
Souvent légitimée au sein du sérail des chasseurs, l’élimination du lynx est
finalement une tâche bien aisée à l’heure actuelle. Aucune condamnation
jusqu’à présent. La justice, lorsqu’elle s’en charge, semble démunie face à ces
actes où les preuves semblent manquer. Parfois elle est laxiste, ne
mettant pas les moyens suffisants pour arriver à attraper les coupables ou
alors les politiciens en charge du département de justice ne semblent pas
intéressés de retrouver les coupables.
Dans l’Oberland bernois, nombreux sont les chasseurs qui considèrent le tir
non autorisé d’un lynx comme un délit mineur. Dans les conversations, il est
souvent question de «supprimer, exterminer, se débarrasser de cette saloperie
de bête» et de «l’abattre sans pitié». Les chasseurs justifient leur haine pour le
lynx en prétendant qu’il est responsable de la baisse des effectifs de
chevreuils. Mais cette explication cache des raisons plus profondes, qui
tiennent à l’évolution du cadre politique et législatif en matière de chasse.
L’Inspection bernoise de la chasse reporte une part toujours plus importante
de son activité sur des tâches liées à la protection de la nature. L’inspecteur
de la chasse et ses gardes-faune sont des partisans déclarés du lynx. De plus,
ils ne veulent plus être les instruments des sociétés de chasseurs, qui sont
bien établies, et ont à cœur de faire appliquer strictement les prescriptions
sur la chasse, comme l’illustre la forte augmentation du nombre de dénonciations pour infraction déposées par les gardes-faune: 154 en 1998, 179 en
1999... Les chasseurs digèrent très mal: ils attendent de leurs surveillants «un
peu plus d’humanité», comme l’a exprimé un chasseur de Lauenen. Un autre
chasseur a le sentiment que les gardes-faune actuels sont des «dictateurs qui
considèrent les chasseurs comme des criminels». Dans son rapport annuel du
13 décembre 2000 l’Inspection bernoise de la chasse ne mâche pas ses mots:
les prescriptions sur la chasse ne sont «plus tenues à jour», la discipline lors
des tirs à la grenaille «laisse à désirer», le gibier abattu est présenté au contrôle dans un «état de plus en préoccupant sur le plan de l’hygiène», et le
comportement des chasseurs à l’égard du public et de leurs collègues
«se dégrade».
Il existe néanmoins un bon nombre de chasseurs soutenant la cause du lynx
et il est temps de se demander quand ils se démarqueront de leurs collègues.
Finalement, il en va de l’image de marque des chasseurs dans notre société.
22
3. Beaucoup de provocateurs mais aucun coupable
3.2 Quand les présidents de sociétés de chasse jouent
sur les émotions
Les ennemis du lynx parmi les chasseurs sont confortés dans leur l’attitude
par l’opinion des présidents des sociétés de chasse cantonales et régionales.
Werner Liebi, président de la Fédération des chasseurs du canton de Berne,
appuie résolument ses troupes: «Il n’y a encore eu aucun cas de tir de lynx
pour lequel une condamnation ait été prononcée à l’encontre d’un chasseur.
Les accusations de Pro Natura relèvent du procès d’intention».
Le grand souci des présidents des sociétés de chasse porte sur la détérioration de l’image des chasseurs. C’est ainsi que le président de la Société de
chasse de l’Oberland bernois, Hans Egger, a envoyé à la fin de l’année 2000
une lettre à tous les chasseurs pour attirer leur attention sur les conséquences
des «provocations» à l’encontre de la protection du lynx, qui ternissent l’image
des chasseurs. Mais loin de défendre le droit à l’existence de cet animal
protégé et d’appeler les chasseurs à fournir leur aide pour l’arrestation des
coupables, Egger se plaint de «changements beaucoup trop rapides dans
l’échelle des valeurs» et lance une attaque générale contre tous ceux de
l’«Unterland» qui voudraient avoir la nature pour eux seuls: «Les jeunes et les
vieux, les motorisés, les joggers, les individualistes, les fondamentalistes, les
opportunistes indécrottables, les éternels insatisfaits, les donneurs de leçons
et les bien-pensants.»
Les présidents des chasseurs au niveau régional s’expriment de manière
encore plus tranchée qu’Egger et Liebi. Werner Buchs, par exemple, pré­
sident de la Société de chasse du Haut-Simmental et buraliste postal de Lenk,
rejette catégoriquement jusqu’à l’hypothèse que les liquidateurs de lynx
puissent être des chasseurs et retourne les soupçons: «Ce pourrait tout aussi
bien être l’œuvre de l’OFEFP ou d’un écolo.» Buchs refuse également toute
idée de coopération aux fins d’identifier les coupables: «Nous sommes des
chasseurs, pas des juristes. Faites donc appel à Carla del Ponte.» Et le postier
de faire une comparaison: «Quand, sur la route, quelqu’un franchit la ligne
de sécurité, c’est son affaire. S’il se fait pincer, c’est qu’il a la poisse.» Lors de
l’assemblée annuelle des chasseurs du Haut-Simmental du 11 mars 2000,
Werner Buchs déclarait: «Les chasseurs et les paysans sont de plus en plus
méfiants. Le lynx, le loup et l’ours rôdent. Bientôt, notre seul recours sera le
SIG Sauer.» Le SIG Sauer est une arme de précision...
Un autre personnage était et reste très influent au niveau de la politique de
la chasse dans l’Oberland bernois: il s’agit de Gottlieb Gyger de Schönried,
ancien policier. Il était jusqu’à l’année dernière président de la société de
chasse de l’Oberland bernois et siégeait dans la Commission de la chasse du
Canton de Berne. Cet adversaire du lynx tire les ficelles en coulisse. Les
partisants du lynx parmi les chasseurs le qualifient volontiers d’«agitateur
émotionnel». Gyger se décrit comme «adversaire du lynx» et comprend «les
chasseurs qui prennent les choses en main». Il affirme avoir déjà eu un lynx
à portée du fusil. Pourquoi n’a-t-il pas tiré? «En tant que président d’une
société de chasse, je ne pouvais me le permettre. A mon avis les coupables
pourraient être des gens appartenant à des organisations qui vivent grâce à
des dons. Vous savez à qui je pense». Le nom de Pro Natura est lâché...
23
Buchs refuse égale­
ment toute idée de
coopération aux
fins d’identifier
les coupables:
«Nous sommes des
chasseurs, pas des
juristes. Faites donc
appel à Carla del
Ponte.»
3. Beaucoup de provocateurs mais aucun coupable
La sympathie affichée par Gyger et Buchs pour les tueurs de lynx tranche
avec le légalisme de fond de Gyger. Lorsque ses droits de propriétaire sont
en jeu, cet ex-policier exige un strict respect des lois. Sur la vitrine de son
magasin «Gyger vis-à-vis», à Schönried, figure cet avertissement: «Attention!!!
Tout vol sera dénoncé à la police!!! Nous nous réservons le droit de fouiller
les sacs et les vestes!» Manifestement, l’Etat doit défendre rigoureusement les
droits individuels des propriétaires contre les cambrioleurs et les voleurs,
mais lorsqu’il s’agit d’intérêts collectifs tels que la protection de la nature, la
stricte application des lois ne semble plus être de mise.
En octobre 2000
Weyeneth et Schmid
prennent pour cible la
nouvelle loi bernoise
sur la chasse, particuli­
èrement progressiste.
3.3 Des politiciens bernois prennent pour cible l’Inspection
de la chasse et les gardes-faune
Hermann Weyeneth, président de l’UDC bernoise, et Samuel Schmid, ancien
conseiller aux Etats UDC devenu entre-temps conseiller fédéral, savent où le
bât blesse les chasseurs de l’Oberland bernois. En octobre 2000, Weyeneth
et Schmid, représentant les propriétaires de forêt, pour le premier, l’Union
des arts et métiers, pour le second, prennent pour cible la nouvelle loi bernoise sur la chasse, particulièrement progressiste. Bien qu’une commission
d’experts ait approuvé la loi par 16 voix contre 0, ils la désapprouvent et
réclament une structure allégée, donc moins coûteuse, pour l’Inspection de
la chasse. Ce faisant, ils touchent le cœur des chasseurs hostiles au lynx et
qui ne supportent pas que le Service de la chasse ait les moyens de bien
faire son travail. Finalement, moins de gardes-faune, cela signifie moins de
contrôles.
Début janvier 2001, le Canton de Berne publie les résultats d’une étude
d’Ernst & Young Consulting, qui coupent l’herbe sous les pieds de Weyeneth
et Schmid. L’Inspection de la chasse obtient de bonnes notes en comparaison
avec les autres services cantonaux. Les analystes d’Ernst & Young estiment
que ce service «utilise avec efficacité» ses ressources plutôt limitées.
3.4 Et les coupables?
Jusqu’à présent, seules trois affaires d’élimination illégale de lynx ont été
élucidées, selon les informations rendues publiques: en 1974, à Thoiry
(France), un chasseur, en état de «légitime défense», abat un lynx. En 1991,
à Jougne (France), un chasseur tue un lynx. En 1989, un chasseur du canton
de Nidwald est condamné pour avoir abattu par négligence, c’est-à-dire de
manière non intentionnelle, un lynx près de Stans.
En 1983, le cadavre empaillé d’un jeune lynx abattu dans le Val d’Anniviers
est présenté devant l’assemblée annuelle de la Société de chasse valaisanne.
Dans bien des cas, il est toutefois possible, grâce aux indices disponibles, de
cibler l’enquête. En 1993, peu après une battue au sanglier, un lynx femelle
muni d’un collier émetteur n’a plus un comportement normal. L’animal est
retrouvé mort un peu plus tard, victime d’un projectile utilisé habituellement
dans les battues au sanglier. D’après l’inspecteur de la chasse du canton de
Berne, le jeune lynx trouvé mort en décembre 2000 à Thoune présentait des
blessures typiques de celles infligées par les armes de chasse. En 1976, dans
le canton de Neuchâtel, ainsi qu’en 1996 et 2000 dans le canton de Berne,
des lynx portant des blessures par grenaille sont découverts. Généralement,
les fusils à grenaille sont utilisés pour la chasse au petit gibier.
24
4. Nos lois protègent-elles suffisamment le lynx?
4.Nos lois protègent-elles
suffisamment le lynx?
Certaines espèces animales bénéficient d’une protection légale particulière.
Sauf autorisation spéciale, le tir, la capture, la détention, le commerce et la
naturalisation de tout animal appartenant aux espèces en question sont interdits. Selon l’espèce, les dispositions légales figurent dans la loi sur la pêche,
la loi sur la protection de la nature et du paysage ou la loi sur la chasse.
Dans le cas du lynx, il s’agit de la loi sur la chasse.
4.1 Tuer des lynx, ce n’est pas braconner
Communément, le tir illégal de lynx est considéré comme du «braconnage».
Par braconnage, on entend «chasse ou pêche sans permis, en période de
fermeture, en des endroits réservés ou avec des engins prohibés» (Petit
Larousse, 1995). La notion de «délit de chasse» ne s’applique pas non plus
ici. Car un délit de chasse est une infraction grave ou légère commise dans
le cadre de la chasse. L’élimination d’un lynx ne relève donc ni du braconnage, ni de la chasse. Le tueur de lynx ne souhaite pas s’approprier la
viande, la fourrure ou le trophée de l’animal. Il ne cherche pas à en faire un
usage interdit. Si des lynx sont abattus ou empoisonnés, c’est parce que
certaines personnes estiment que ces animaux n’ont pas le droit à l’existence
chez nous ou parce qu’ils les considèrent comme «nuisibles». On peut comprendre que ce genre d’acte soit assimilé à du braconnage. Dans un cas
comme dans l’autre, les poursuites pénales sont fondées sur les mêmes
dispositions légales. L’élimination d’espèces animales protégées ne concerne
d’ailleurs pas que le lynx. Qu’il s’agisse du loup, du gypaète barbu, du castor,
de l’aigle, etc., presque chaque espèce animale protégée subit des tirs
illégaux. Comme pour le lynx, ces cas sont rarement élucidés. Sur 55 aigles
trouvés morts ou grièvement blessés entre 1970 et 1994 et examinés minutieusement par le Musée d’histoire naturelle des Grisons, 11 individus (20%)
présentaient des blessures par balle. Dans la majorité des cas, il s’agissait de
blessures par grenaille, qui avaient déjà guéri (7 cas). Dans 4 cas (7%), les
blessures avaient été mortelles (HALLER 1996).
En Suisse, la chasse est organisée au niveau cantonal. Chaque canton édicte
ses propres dispositions en la matière. Les violations de ces dispositions sont
punies par une amende ou une peine d’emprisonnement, éventuellement
associées à un retrait du permis de chasse pour une certaine durée. Dans
plusieurs cantons, l’auteur bénéficie de l’impunité s’il se dénonce lui-même.
Certaines dispositions relatives à la chasse sont toutefois valables dans toute
la Suisse. Elles figurent dans la Loi fédérale sur la chasse et dans ses ordonnances. En vertu de cette base légale, les lynx sont protégés sur l’ensemble
du territoire helvétique. Seuls peuvent être abattus, moyennant une autorisation délivrée par l’autorité, les animaux qui causent des «dégâts insupportables». A ce jour (état en février 2001), l’autorité fédérale compétente (OFEFP)
a autorisé pour ce motif l’élimination de 6 lynx; 3 animaux ont effectivement
été tués. C’est en principe un garde-chasse qui procède au tir. Les 3 autres
n’ont pas pu être débusqués dans le délai imparti. Dès l’an 2001, ce sont les
cantons qui ont la compétence de délivrer les autorisations pour ces tirs, en
fonction de critères précis édictés par la confédération.
25
Sur 55 aigles trouvés
morts ou grièvement
blessés 11 individus
(20%) présentaient des
blessures par balle.
4. Nos lois protègent-elles suffisamment le lynx?
La loi ne fait du reste
aucune différence entre
une espèce protégée
non menacée et une
espèce protégée
menacée.
Sauf autorisation spéciale de l’autorité compétente, le tir, la capture, la détention et la naturalisation des lynx sont interdits. En cas d’infraction, la Loi sur
la chasse prévoit deux niveaux de sanctions. Les infractions mineures – par
exemple le fait de laisser des chiens s’en prendre au gibier – sont punissables
d’une peine d’emprisonnement ou d’une amende de Fr. 20’000.– au maximum. Les infractions graves le sont d’une peine d’emprisonnement d’une
année au maximum et d’une amende dont le montant n’est pas limité. Si
l’infraction est due à la négligence, la peine est une amende. Que l’infraction
soit légère ou grave, elle peut être assortie d’un retrait du permis de chasse
pour une durée d’une année au minimum et de dix ans au maximum. Les
cantons ont en outre le droit d’exiger une indemnité pour l’animal abattu.
Au même titre que la chasse sans permis (braconnage), le tir, la capture, la
détention ou la naturalisation d’un lynx sont considérés comme des infractions graves. En vertu du Code civil suisse (art. 70/73), le délai de prescription pour un tel délit est de 5 ans. Ceci veut dire que, 5 ans après avoir
commis son délit, un tueur de lynx peut s’en vanter ouvertement sans
risquer d’être inquiété par la justice. La loi ne fait du reste aucune différence
entre une espèce protégée non menacée, par exemple l’écureuil, et une
espèce protégée menacée, comme le lynx, le gypaète barbu ou le grand
tétras.
4.2 Evolution des délits de chasse en Suisse
En parcourant la banque de données «Swisslex» on est étonné de constater
que, dans les années 60, un nombre relativement élevé de cas de délits de
chasse ont été enregistrés et que, depuis lors, le nombre de cas documentés
est en recul. Mais est-ce que cette évolution est vraiment due à une diminution du braconnage? Probablement que non. En fait, elle tient plutôt au
développement des effectifs de gibier: la population des principales espèces
pouvant être chassées – chamois, chevreuil et cerf – a fortement augmenté
ces 30 dernières années, de sorte que le braconnage n’a plus autant d’impact
sur le succès de la chasse réglementaire. Le tir illégal d’un sanglier, par
exemple, n’est plus perçu par les chasseurs du lieu comme un délit révoltant.
Aussi, les conflits sanglants entre gardes-chasse et braconniers, tels qu’il y en
a eu par le passé, sont aujourd’hui impensables. Par ailleurs, on observe dans
les cantons une tendance à la réduction des effectifs de gardes-faune. Et
comme ces fonctionnaires sont chargés de réprimer le braconnage et de faire
respecter les dispositions sur la protection des espèces animales menacées,
cette évolution a des effets directs sur l’exécution des disposi­tions relatives
à la protection du lynx et des autres espèces protégées.
4.3 Application des sanctions
Quelle peine encourt une personne qui a délibérément abattu un lynx? En
Suisse, il n’est guère possible de répondre à cette question, faute de condamnations pour ce genre de délit. Et quelle est la sévérité des juges vis-à-vis
d’une personne qui a tué, capturé, détenu ou naturalisé une espèce
animale protégée, si on compare la condamnation aux jugements prononcés
dans le cas d’autres délits de chasse? Là aussi, les exemples sont peu
nombreux:
26
4. Nos lois protègent-elles suffisamment le lynx?
Naturalisation d’une espèce animale protégée
Le taxidermiste Aloïs Perisset de Châtel-St-Denis a naturalisé 12 lynx et un
tétras entre 1989 et 1993. Pour sept de ces lynx et pour le tétras, il n’a pu
présenter aucune autorisation. Il n’a pas révélé non plus les noms de ses
«clients». Il a été condamné à un mois de prison avec sursis, à Fr. 10’000.–
d’amende et à un retrait de permis de chasse d’une année. Le montant de
l’amende corres­pondait à peu près à la valeur du travail de naturalisation
fourni. Pourtant, le Tribunal fédéral reviendra sur cette condamnation,
estimant que le taxidermiste pouvait s’abriter derrière son éthique professionnelle et refuser de révéler l’identité des personnes qui lui avaient confié
la conservation de leurs trophées.
Tir non intentionnel d’une espèce animale protégée
Le 21 octobre 1989, un chasseur abattait un lynx non loin de Stans
(Nidwald), par erreur selon ses dires. Il s’est dénoncé lui-même. Il a été
condamné à une amende de Fr. 400.– et au versement de Fr. 1000.– de
dommages-intérêts au canton pour le lynx abattu.
Tir intentionnel d’une espèce animale protégée
Le matin du 4 novembre 1997, un chasseur valaisan de 69 ans est à la chasse
au lièvre au-dessus de Crans-Montana, en compagnie d’un garde-faune
adjoint. Le chasseur abat un gypaète barbu au moment où l’oiseau surgit de
derrière une colline. Les deux intéressés laissent le rapace agoniser sur place.
L’oiseau mort n’est découvert que dans l’après-midi, par des promeneurs. Le
chasseur déclare avoir pris le gypaète pour une buse variable ou un aigle,
deux espèces elles aussi protégées. Il est condamné à 10 jours de prison avec
sursis et à un retrait de permis de chasse d’une année. Avant même l’audience
du tribunal, il verse de lui-même à l’Etat du Valais une somme de
Fr. 20’000.– à titre de dommages-intérêts. Le garde-faune adjoint, quant à lui,
écope de 3 jours de prison avec sursis pour n’avoir pas dénoncé l’infraction.
Dans ce dernier cas, tout particulièrement, le jugement peut paraître scandaleusement clément. Régulièrement, dans le canton du Valais, des délits de
chasse mineurs causés par la négligence – observation insuffisante d’un
animal pouvant être chassé ou connaissance insuffisante des lieux – sont
sanctionnés par des retraits de permis de chasse pour des durées nettement
plus longues. Le montant des amendes prononcées n’a guère d’effet dissuasif. La clémence de ces sentences frappe également lorsqu’on les compare
aux jugements prononcés dans d’autres pays. Ainsi, en France, le tir illicite
d’un lynx a été sanctionné par un retrait de permis de chasse d’une durée
de 3 ans. Aux Etats-Unis, le tir illégal d’un loup gris en Arizona a valu à son
auteur, selon l’agence Associated Press, une peine de prison et six mois
d’arrêts domiciliaires.
27
Le chasseur abat un
gypaète barbu au
moment où l’oiseau
surgit de derrière une
colline.
Conclusions
Conclusions
Le lynx a sa place en Suisse. Notre milieu naturel lui offre suffisamment
d’habitats et de proies, y compris dans les contrées encore vastes où il ne
s’est toujours pas installé. Tous les spécialistes sont d’accord sur ce point.
Prévenir efficacement les actes illicites d’élimination de lynx constitue un des
facteurs clés de la survie et de l’extension de l’espèce chez nous. Si l’on ne
parvient pas à résoudre ce problème, le lynx risque de disparaître une
nouvelle fois de certaines régions de notre pays, voire de la Suisse entière.
L’élimination non autorisée d’animaux est considérée comme la seconde
cause du recul de la diversité des espèces de faune sauvage dans le monde,
juste après l’intensification de l’exploitation des ressources naturelles, qui
entraîne la destruction des habitats. Les tirs et empoisonnements repré­sentent
une menace sérieuse pour la survie du lynx en Europe. Dans son «Plan
d’action pour la protection du lynx d’Eurasie en Europe», le Conseil de
l’Europe appelle d’ailleurs ses membres (parmi lesquels la Suisse) à prendre
des mesures afin de prévenir l’élimination illégale de lynx (Conseil de
l’Europe 2000).
La clémence des senten­
ces apparaît tout
particulièrement lors­
que l’on procède à
une comparaison
internationale.
Bien que le tir illicite soit la principale cause connue de mortalité du lynx en
Suisse et un obstacle majeur au maintien et à l’extension de l’espèce chez
nous, ce problème n’est toujours pas pris au sérieux:
• Le «Concept lynx» de la Confédération ne prévoit aucune mesure particulière pour juguler les actes d’élimination illicite de spécimens, pas plus
qu’il n’en fait mention dans ses objectifs.
• En août 2000, Pro Natura a demandé à 16 cantons, via leurs conseillers
d’Etat en charge du dossier, quelles étaient les mesures qu’ils en­visageaient
pour mettre fin aux pratiques liquidatrices qui ont cours à l’encontre du
lynx. Dix cantons n’ont pas répondu. Les six autres ont estimé que les
mesures déjà en vigueur suffisaient...
• La manière dont les délits sont poursuivis ne dénote pas d’une volonté
réelle d’arrêter leurs auteurs. Jusqu’à présent, les enquêtes ont fini en
queue de poisson, même dans les cas où l’autorité d’instruction disposait
d’indices probants.
• Dans les rares cas où une condamnation a été prononcée, les juges ont
choisi une sanction correspondant au degré inférieur de l’échelle des
peines. En Suisse, les poursuites pénales engagées sous le chef d’accusation
«tir d’une espèce animale protégée et menacée» n’ont guère d’effet préventif ou dissuasif. Le nombre de cas connus s’agissant du lynx et de l’aigle
donne à penser que ce genre de délit est relativement fréquent. Le nombre de cas dénoncés, en revanche, est très faible. Au bout de quelques
années déjà, compte tenu de la brièveté du délai de prescription, l’auteur
d’un tel délit n’a plus à craindre d’être poursuivi. Les peines infligées ne
sont pas plus sévères que celles prononcées dans le cadre de délits de
chasse aux conséquences pourtant beaucoup moins graves pour l’espèce
animale concernée. La clémence des sentences apparaît tout particulièrement lorsque l’on procède à une comparaison internationale. Il semble
que les autorités d’instruction considèrent elles aussi comme une peccadille le tir d’une espèce animale protégée, telle le lynx.
• Les sociétés de chasse n’ont toujours pas suffisamment sensibilisé leurs
membres à l’importance de la protection des espèces menacées, pas plus
qu’elles n’appuient les autorités en vue de l’élucidation des cas. L’élimination
illicite d’un animal appartenant à une espèce protégée et menacée passe
28
Conclusions
pour un délit mineur. Les sociétés de chasse n’exercent aucun
contrôle sur ceux de leurs membres et responsables qui déclarent publiquement être prêts à violer les dispositions légales en vigueur.
Ce que demande Pro Natura:
• une campagne contre l’élimination illicite de lynx, de loups et d’autres
animaux d’espèces protégées et menacées
• l’engagement de poursuites pénales dignes de ce nom à l’encontre des
coupables
• des sanctions à la mesure de la gravité du délit
• une mobilisation des sociétés de chasse et de leurs membres contre les
pratiques d’élimination illégale de lynx, de loups et d’autres animaux
d’espèces protégées et menacées.
Ce que fait Pro Natura:
• diffuser des informations diverses et objectives sur les mœurs du lynx, de
l’ours et du loup, en se fondant sur les connaissances les plus récentes
• épauler les autorités dans le travail de protection des espèces animales
menacées et intervenir pour que la Suisse honore ses engagements internationaux en la matière
• offrir une récompense à toute personne à même de fournir des rensei­
gnements pouvant conduire à l’arrestation de coupables
• déposer plainte lors d’éliminations illégales de lynx
• accepter le tir exceptionnel de certains lynx causant des dégâts particulièrement importants.
Documentation Pro Natura sur le thème du Lynx
Site Internet www.pronatura.ch (Tito online) 5 portaits authentiques de lynx,
information générale, liens
Documentation à commander auprès de: Pro Natura, case postale, 4020 Bâle
Vivre avec le lynx, numéro spécial LSPN, 36 pages, avec illustrations en
couleur, 1996 et actualisé en 2000. Art. no 5108, Fr. 3.–
Dépliant n/b «Le lynx en Suisse», gratuit
Pro Natura Magazine 1/00 «La griffe d’un pays nature», A4 en couleur, gratuit,
épuisé en français
Pro Natura Magazine 2/01 «Qui démasquera les tueurs de lynx?», A4 en couleur, gratuit
29
Documentation photographique
SF DRS
En Valais, probablement en 1994:
le chasseur Lini Paccolat pose
avec deux lynx morts. Le service
cantonal de la chasse valaisan
juge crédibles, sans supplément
d’enquête, les explications selon
lesquelles l’un des lynx aurait été
écrasé par une voiture et l’autre
n’aurait pas survécu à l’absence
de sa mère.
Keystone / Lukas Lehmann
Christoph Angst
Château d’Oex, 2 novembre 1997:
un jeune lynx orphelin, ne
pouvant survivre seul, est capturé.
Le collier émetteur de sa mère
MENA a cessé d’émettre durant la
chasse au grand gibier. MENA ne
réapparaîtra pas.
Clinique vétérinaire de Berne,
28 février 2000: les vétérinaires
analysent le corps de RENA et de
ses deux jeunes. Les trois lynx
ont été retrouvés empoisonnés
à Rougemont VD.
30
Andreas Ryser / Klinik für kleine Haustiere, Bern
Documentation photographique
21 mars 2000. Radiographie de
la dépouille du lynx mâle BALU
mort de mort naturelle. Les radiographies décèlent tout de même
de la grenaille dans ses pattes.
Andreas Ryser
23 juin 2000 près du Niesen dans
l’Oberland bernois: les spécialistes du lynx ne retrouvent que le
collier émetteur lacéré de la
femelle JULE disparue.
Ringier
Octobre 2000, Lauenen (BE):
Le collier émetteur de RAJA –
une femelle lynx disparue depuis
la mi-juillet – est retrouvé dans
le coffre de la voiture de deux
chasseurs Daniel Oehrli et Kobi
Reichen. Ces derniers prétendent
l’avoir trouvé par hasard au
courant de l’été 2000.
31
Bibliographie
Bibliographie
Blankenhorn H.J. ,1994: Zum Luchs: Behauptungen und Tatsachen. Feld, Wald und Wild 9,
20–22
Breitenmoser C. et al. 1996/2000: Vivre avec le lynx. Ligue suisse pour la protection de la
nature 6/96. p. 22.– 23.
Breitenmoser U., 1982: Die Wiedereinbürgerung des Luchses (Lynx lynx L.) in der Schweiz.
Lizentiatsarbeit Universität Bern
Breitenmoser U., 1983: Zur Wiedereinbürgerung und Ausbreitung des Luchses (Lynx lynx L.) in
der Schweiz. Schweizerische Zeitschrift für Forstwesen 134, 3. 207–222
Breitenmoser U., Baettig M., 1992: Wiederansiedlung und Ausbreitung des Luchses (Lynx lynx)
im Schweizer Jura. Revue suisse Zool. 99/1. 163–176
Breitenmoser U. et al. 1993: Spazial organization and recruitment of lynx (Lynx lynx) in a re-introduced population in the Swiss Jura Mountains. J. Zool., London 231, 449–464
Capt S. 1995: Mit langfristiger Überwachung die Überlebenschancen der Luchse vergrössern.
Umweltschutz, BUWAL-Bulletin 2/95. 38–40
Haller H, Breitenmoser U., 1986: Zur Raumorganisation der in der Schweizer Alpen wiederangesiedelten Population des Luchses (Lynx lynx). Zeitschrift für Säugetierkunde 51. 289–311
Haller H., 1992: Zur Ökologie des Luchses Lynx lynx im Verlauf seiner Wiederansiedlung in den
Walliser Alpen. Mammalia depicta, Beihefte zur Zeitschrift für Säugetierkunde; 15. Paul Parey
Hamburg, Berlin
Heusser, H. 1994: Wilderer, Verkehr und Inzucht setzen dem Luchs zu. NZZ, 23.8.94
KORA 1999: Dossier Lynx réalisé à la demande de l’OFEFP (Office fédéral de l’environnement, des
forêts et du paysage)
Lienert L. 1996: Zum Werdegang des Wunsches und der Ausführung bei der Wiederansiedlung
des Luchses in Obwalden und seine Chance p33–45
Ligue suisse pour la protection de la nature 1983: Lynx abattu: la LSPN demande une peine
exemplaire. Communiqué 28.4.1983
Non publié, rapport de la Commission d’enquête sur le service cantonal de la chasse valaisan
suite aux reproches d’Helmut Kiechlers (en allemand), 1999
Pobaz P., 1974: Splendide fauve – un lynx abattu sur les hauts de Thoiry. Tribune de Genève
SDA 1978: Qualvoller Fallentod eines Luchses. NZZ 286, 8. Dezember 1978
Tschudin M, 2000: Abattu, empoisonné, empaillé – le lynx en point de mire. Environnement –
Office fédéral de l’environnement, des forêts et du paysage, OFEFP, p. 23–26.
32
Déjà parus
Par l’édition des «Contributions à la protection de la nature», Pro Natura poursuit deux buts:
– ouvrir le débat sur certains thèmes de protection de la nature
– stimuler les praticiens de la protection de la nature par l’échange d’idées et d’expériences.
Les «Contributions à la protection de la nature» paraissent occasionnellement.
Les titres suivants sont parus à ce jour en français:
No 2 (1983)
Broggi, M.F.: Economie forestière et protection du paysage
Voegeli, H.: Economie forestière et protection de la nature (64 p.)
épuisé
No 4 (1983)
Zimmermann, M.: Agriculture et protection de la nature
Un dossier de travail (40 p.)
épuisé
Ritter, M.; Waldis, R.: Vue d’ensemble des périls menaçent la flore
ségétale et rudérale en Suisse (bilingue allemand/français, 46 p.)
art. 4605/Fr. 7.–
Ritter, M.: Inventaire des prairies et des pâturages secs du canton
du Jura. Associations végétales, exploitation, proposition
d’entretien (80 p.)
épuisé
No 8 (1986)
Placettes permanentes – Réunion (bilingue a/f, 74 p.)
art. 4608/Fr. 12.–
No 10 (1987)
Ecologie et protection de la nature
Cours de 3e cycle en Biologie animale (94 p.) épuisé
No 5 (1983)
No 7 (1985)
No 12 (1989)
Groupe de travail: Thèses pour davantage de nature en forêt (74 p.)art. 5612/Fr. 15.–
No 14 (1993)
Broggi, M.F.; Willi, G.: Réserves forestières et protection de
la nature (84 p.)
épuisé
No 16 (1995)
Schubert, B.; Condrau, V.: Aménagement du paysage dans la commune –
Une chance pour la nature (52 p.)
art. 5616/Fr. 20.–
No 20 (1998)
Frossard, P.A.; Lachat, B.; Paltrinieri, L.: Davantage d’espace pour nos
cours d’eau – Pour l’homme et la nature (48 p.)
art. 5620/Fr. 28.–
N° 22 (2000)
Zones sauvages et paysages cultivés –
Principes d’ une protection de la nature ciblée (56 p.)
art. 5622/Fr. 28.–
N° 24 (2001)
Génie génétique et protection de la nature – Risques écologiques
liés aux plantes cultivées génétiquement modifiées (32 p.)
art. 5624/Fr. 28.–
N° 26 (2001)
Plein feux sur les liquidateurs de lynx –
Eliminations illégales de lynx en Suisse: faits et indices (32 p.)
art. 5626/Fr. 28.–
A commander auprès de: Pro Natura, case postale, 4020 Bâle, tél. 061 317 92 92, fax 061 317 92 66
Pro Natura – Agir pour la nature. Partout
Pro Natura (anciennement Ligue suisse pour la protection de la nature) est la
principale organisation de protection de la nature en Suisse. Sa devise étant
d’«Agir pour la nature. Partout», elle s'engage résolument pour la conservation à
long terme des habitats et des espèces animales et végétales du pays. L'action de
Pro Natura s'articule autour de la protection de la nature sur le terrain. Elle agit
en faveur de la nature au plan politique également et, par son travail d'information
et d'éducation, elle incite de plus en plus de gens à respecter la nature. Un des
actes pionniers de Pro Natura, fondée en 1909 déjà, fut d'établir le Parc national
suisse. Aujourd'hui, elle gère plus de 500 réserves naturelles dans tout le pays. En
tant qu'organisation privée d'utilité publique, Pro Natura est tributaire des cotisations des membres et de dons. Pro Natura compte 100 000 membres et elle est
active sur tout le territoire helvétique grâce à ses sections cantonales.

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