Les effets bénéfiques des acides gras polyinsaturés de type oméga
Transcription
Les effets bénéfiques des acides gras polyinsaturés de type oméga
Les effets bénéfiques des acides gras polyinsaturés de type oméga 3 doivent-ils être remis en question ? Les acides gras polyinsaturés oméga 3 à longue chaîne (acides eïcosapentaenoïque, docosapentaenoïque et docosahexaenoïque) se trouvent principalement dans le poisson alors que l’acide α-linolénique, à chaîne plus courte, est plutôt apporté par les huiles végétales. Depuis le début des années 70, ces acides gras se sont vus attribuer de nombreuses propriétés intéressantes en particulier au niveau cardiovasculaire. Si l’on se réfère aux nombreux travaux qui leurs ont été consacrés, ils sont en effet susceptibles d’abaisser la pression artérielle et la fréquence cardiaque, d’améliorer le profil lipidique, de diminuer le risque inflammatoire, de stimuler la fonction endothéliale, de stabiliser les plaques d’athérome, d’augmenter la sensibilité à l’insuline et de réduire l’incidence des troubles du rythme. Tous ces effets semblent concourir à leurs bénéfices rapportés dans diverses études cliniques puis confirmés par certaines méta-analyses, en particulier en ce qui concerne la morbidité et la mortalité chez des patients coronariens. L’ensemble de ces données vient d’être à nouveau analysé en prenant en considération les essais les plus récents, sans se limiter aux sujets porteurs de pathologie cardiovasculaire. Seuls les essais randomisés et contrôlés comportant un groupe recevant des acides gras oméga 3 ou des études de cohorte avec une évaluation de leurs apports pendant au moins 6 mois ont été retenus. Au total, 48 essais contrôlés et 41 publications portant sur 26 cohortes ont répondu aux critères de l’analyse. Les études randomisées rassemblaient un total de 36 913 sujets et leur suivi était de 6 mois à plus de 6 ans. Huit d’entre elles incluaient plus de 500 participants. Le suivi des études de cohortes était de 4 à 25 ans et 10 d’entre elles comportaient plus de 20 000 sujets. Les acides gras étaient apportés sous forme de compléments dans 44 essais alors que dans 3 études l’intervention consistait en une incitation à manger des poissons gras. Les apports moyens quotidiens d’acides gras oméga 3 étaient de 0,4 à 7 g. L’estimation globale du risque ne montrait pas de diminution claire de la mortalité totale chez ceux qui prenaient des acides gras oméga 3 (risque relatif = 0,87 ; IC à 95% = 0,73-1,03) ni du risque d’événements cardiovasculaires (risque relatif = 0,95 ; IC à 95% = 0,821,12). Lorsque l’analyse était limitée aux essais présentant le moins de risques de biais, cet effet était encore atténué. De plus, les résultats étaient similaires lorsque les études portant sur les acides gras à longue chaîne étaient analysées séparément de celles portant sur les acides à chaîne plus courte. Certaines études de cohorte avaient montré une diminution du risque global de mortalité, cependant selon les auteurs de cette nouvelle méta-analyse, la prise en compte des facteurs de confusion a pu ne pas être adéquate. Ces mêmes analyses ne montrent pas non plus d’effet bénéfique clair sur le risque global d’événements cardiovasculaires. De même, ni les essais randomisés, ni les études de cohorte ne suggèrent d’augmentation du risque de cancer lorsque la consommation d’acide gras oméga 3 était élevée. Plusieurs hypothèses peuvent être proposées pour tenter d’expliquer l’absence d’effet bénéfique des acides gras polyinsaturés sur une population ne présentant pas nécessairement de risque cardiovasculaire. Une action favorable de ces substances pourrait se limiter à certains groupes de patients, après un infarctus du myocarde ou chez l’insuffisant cardiaque par exemple. En effet, l’exclusion de l’analyse d’une étude qui concernait spécifiquement des patients angineux permettait de retrouver une action bénéfique statistiquement significative des acides gras oméga 3. Ce dernier travail consacré aux coronariens était le plus long des essais contrôlés, ce qui pourrait laisser penser que sur le long terme des effets délétères de certains contaminants contenus dans les poissons gras pourraient contrebalancer ceux des acides oméga 3. Il semble bien que seuls des essais contrôlés de longue durée prenant également en compte les éventuels effets indésirables des substances contaminantes tels que les métaux lourds présents dans l’alimentation permettront de mieux comprendre les effets des acides gras oméga 3 sur la santé. T. Cudennec Hôpital Ambroise Paré, Boulogne Billancourt Etudes randomisées et contrôlées Etudes de cohorte Nombre de sujets 36 913 563 218 + 2 cohortes de taille non précisée Nombre d’études 48 47 analyses sur 26 cohortes 8 (> 500 participants) 10 (> 20 000 participants) 6 mois à > 6 ans 4 à 25 ans 32 0 16 13 10 10 Nombre de grandes études Durée du suivi Principaux critères évalués -Pathologies cardiovasculaires ou mortalité -Cancer -Autres Caractéristiques des études randomisées et des cohortes retenues pour cette méta-analyse. Hooper L, Thompson RL, Harrison RA, Summerbell CD, Ness AR, Moore HJ, Worthington HV, Durrington PN, Higgins JPT, Capps NE, Riemersma RA, Ebrahim SBJ, Smith GD. Risks and benefits of omega 3 fats for mortality, cardiovascular disease, and cancer: systematic review. Brit Med J; 2006;332:752-760 ©2006 Successful Aging SA Af 422-2006