L`offshore pour tous ? Non merci !

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L`offshore pour tous ? Non merci !
L’offshore pour tous ? Non merci !
Par Thierry GASQUET
Avocat à la cour
Certains d’entre vous ont probablement été destinataires du même mail que celui que j’ai reçu au mois
de mai de la part de la société France Offshore.
En substance, il nous est exposé dans ce mail tout l’intérêt que nous aurions à prendre attache avec cette
société afin d’obtenir des informations sur la possibilité d’obtenir un second passeport sans renoncer à
sa nationalité d’origine : ce second passeport permettrait ainsi d’obtenir la nationalité d’un Etat à
fiscalité privilégiée et, par suite, « de faire ses affaires en toute confidentialité » compte-tenu du manque de
coopération de certains Etats dits à fiscalité privilégiée.
Plus généralement, cette officine située à Paris, spécialisée dans l’offshore (elle apparaît d’ailleurs en
première place dans le moteur de recherches Google), se présente comme le « 1er cabinet en France en
conseil d’optimisation de marge par délocalisation », voire en « conseil en optimisation de rentabilité
opérationnelle ».
Concrètement, son ambition est de démocratiser l’offshore afin qu’il soit accessible à tous et pas
seulement aux sociétés du CAC 40.
Mais attention, il ne s’agit pas d’inciter (du moins ouvertement) ses clients à la fraude fiscale : France
Offshore ne prétend pas proposer autre chose que de l’optimisation légale à ses clients : si, pour
reprendre l’expression de Capital.fr, « le jeune patron de France Offshore fait de la retape sur internet, plante
son stand au salon du e-commerce et distribue des serviettes floquées « FO » sur les plages de Saint-Tropez », il
proclame haut et fort dans toutes ses interviews et par le biais de communiqués de presse que c’est en
toute légalité.
Le site internet de France Offshore, ainsi que des articles de presse qui y sont associés (et notamment un
émanant de La Tribune), font ainsi miroiter une optimisation fiscale pouvant être assurément réalisée
par le biais de « montages légaux » :
« L’optimisation fiscale ne doit plus être un sport réservé à l’élite du CAC 40. Elle doit être accessible aux petites et
moyennes entreprises (PME) ou aux prestataires de services. Tel est le crédo de France-Offshore qui offre une vaste
palette de solutions pour réduire très sensiblement son imposition sur les bénéfices.
…
Et de citer le cas de Gibraltar, lié au Royaume-Uni par une convention fiscale extrêmement avantageuse qui permet
de remonter jusqu’à 80 % des bénéfices à Londres, libres d’impôt sur les bénéfices. « Résultat, vous pouvez faire
tomber votre imposition à 4 % seulement », s’enflamme le jeune homme. Et ce, en toute légalité. Nadav Bensoussan
s’est d’ailleurs appliqué à lui-même ses conseils.
…
Tous les montages que nous proposons sont parfaitement légaux rappelle Nadav Bensoussan. Un client qui viendrait
chez nous chercher des montages visant à faire de la fraude fiscale serait déçu ».
La conformité légale serait d’ailleurs assise sur des documents annoncés « certifiés et notariés », ce qui
crédibiliserait, du moins facialement, leur sérieux et leur conformité, France Offshore indiquant avoir
un réseau de 120 avocats partenaires et être associée à un cabinet d’avocat, qui effectivement, procède
entre autres à des certifications de signature.
Pour autant, tout n’est pas si simple.
Sans trop entrer ici dans les détails, il faut garder à l’esprit que la nationalité ne doit pas être confondue
avec la notion de domicile fiscal et les critères qui y sont attachés pour sa reconnaissance (et donc
l’assujettissement aux impôts en France) : lieu du foyer ou lieu du séjour principal (critère des 183 jours),
mais également lieu de l’exercice professionnel et centre des intérêts économiques.
Si un seul de ces critères permet de reconnaître un domicile en France, le juge recherche ensuite si
l’imposition en France est fondée au regard des critères conventionnels tels qu’énumérés dans les
conventions fiscales signées par la France avec le ou les Etats dont le résident étranger se prévaut du
domicile. Le critère tiré de la nationalité n’est alors que subsidiaire par rapport aux autres critères.
Partant de cela, le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Paris a, par
ordonnance du 15 novembre 2008, autorisé les agents de la Direction Nationale d’Enquêtes Fiscales
(DNEF) à procéder à une visite domiciliaire (en clair à perquisitionner) dans les locaux de France
Offshore et dans tous locaux susceptibles de contenir des documents illustrant la fraude fiscale
présumée.
Une fois les fichiers des clients de France Offshore et les pièces de leurs dossiers en sa possession (statuts
des sociétés, références des comptes bancaires…), l’administration a diligenté toute une série d’enquêtes
à la facturation et de contrôles fiscaux afin de démontrer que les sociétés ainsi créées dans des pays à
fiscalité privilégiée étaient, en fait, dépourvues de substance dans le pays où elles avaient leur siège (il
s’agissait de simples boîtes aux lettres) et étaient animées exclusivement depuis la France ; les factures de
prestations de services qu’elles émettaient pour justifier les paiements qui étaient effectués à leur profit
(sur des comptes bancaires dont les clients de France Offshore disposaient d’une procuration) ont été
réintégrées dans les bases imposables à l’impôt sur les sociétés français.
Corrélativement, les clients ont été personnellement imposés sur les sommes ainsi défiscalisées, le fisc
ayant considéré qu’en tant que titulaires d’une procuration sur les comptes des sociétés, ils étaient
bénéficiaires exclusifs des sommes qui y étaient versées.
Les redressements d’impôt sur les sociétés, d’impôt sur le revenu et de contributions sociales ont été
majorés de pénalités de 80 % pour manœuvres frauduleuses et l’administration m’a fait part de sa ferme
intention de déposer systématiquement des plaintes pénales pour fraude fiscale dans tous ces dossiers.
Une bien mauvaise affaire finalement.
Elle rappelle une nouvelle fois qu’il convient d’être extrêmement prudent face aux marchands
d’illusions et que pareils conseils de prudence doivent être également donnés à ceux de nos clients qui,
immanquablement dans les prochaines semaines, ne vont pas manquer de nous interroger sur les
solutions leur permettant « d’optimiser » une fiscalité qu’ils craignent de voir devenir confiscatoire.

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