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 Titre de De Standaard « Les femmes pourraient être un peu plus fières » Assita KANKO (32) la Ayaan Hirsi Ali Belge Ceci est une traduction de l’article paru dans De Standaard IXELLES – Lorsqu’Assita Kanko arrive en Belgique en 2004, elle parle un néerlandais moyen. Aujourd'hui, cette femme politique MR maîtrise mieux la langue que bon nombre de ses collègues francophones. Elle déclare que "de nombreux Belges ne sont pas encore prêts pour accepter un immigré bien intégré." Assita Kanko, est née au Burkina Faso où elle a grandit. Aujourd’hui elle est conseillère communale pour le MR à Ixelles et membre du groupe de réflexion néerlandophone Liberales. La bibliothèque de son appartement situé en plein coeur d'Ixelles révèle immédiatement ce qui l'inspire: mis à part les ouvrages de Ayaan Hirsi Ali, il y a aussi des livres sur le Oprah Winfrey, Hannah Arendt, Barack Obama, Elio Di Rupo, Wilfried Martens et Jacques Chirac. Sur une table jouet «Jip & Janneke" d’Annie MG Schmidt. «Je lis chaque jour pour ma fille», explique Kanko. "Aussi souvent en néerlandais qu’en français. Je pense qu'il est important qu’elle maîtrise ces deux langues de notre pays». « Notre pays ».Cela est frappant dès le départ dans son argumentation: quand elle parle de « notre pays », de « nos valeurs », de « notre système juridique », elle semble presque plus belge que les belges. «Oui, je me suis intégrée avec succès,», dit-­‐elle, "mais je pense que beaucoup de Belges, même ceux qui insistent sur l'importance de l'intégration, ne sont pas prêts pour accepter pleinement un immigré bien intégré». Quand j'étais candidate aux élections communales, un politique de haut niveau m’a dit à quel point il était désolé pour moi vu que si peu d’Africains vivent à Ixelles et ne pourraient donc pas m’apporter les voix nécessaires pour être élue. Mais je ne suis pas du tout à la recherche du vote communautariste! Je veux qu’un Belge, un Flamand, qui que ce soit puisse voter pour moi, parce qu'il apprécie mes idées. " Vous sentez-­‐vous réduite à un seul aspect de qui vous êtes? «Parfois. Je suis femme, je suis noire, mais je suis beaucoup plus que cela. Enfermer un homme dans son sexe, sa couleur, son statut social ou son orientation sexuelle, est profondément irrespectueux. Cela montre une approche unidimensionnelle alors que l’individu est un être polyvalent, dynamique, à qui on devrait donner la chance et l‘espace pour évoluer. " Vous participez le 14 Février One Billion Rising, l'action mondiale contre la violence faite aux femmes. Vous êtes par exemple contre l'excision. Cela est-­‐il dû à votre propre expérience? "Oui. Quand j’étais petite, à l’âge de plus ou moins cinq, j'ai été emmenée par ma mère dans un bâtiment abandonné où j’ai été excisée avec d’autres petites filles. Nous étions assises par terre, les jambes écartées. Et entre nos jambes, un trou creusé dans la terre était prévu pour recueillir le sang. Alors que deux vieilles femmes nous tenaient les bras et les jambes, une troisième nous excisait. Je sais que j'ai crié, espérant que les gens m'entendraient et viendraient à notre secours. Mais bien sûr, personne n’est venu. Tout cela semblait si normal mais en même-­‐temps j’avais le sentiment de subir une injustice." "Il n'a pas fallu longtemps pour que je réalise que ce genre de mutilations génitales était une injustice. Chez nous en Belgique, des milliers de femmes courent toujours le risque de se faire exciser. C’est inacceptable. Je veux, de toutes mes forces dire non à ces genres de pratiques. En même temps, je veux montrer aux femmes qui en ont déjà été victimes qu’elles peuvent encore croire en elles-­‐mêmes. Regardez-­‐moi: je me sens bien dans ma peau comme une femme. Je suis heureuse. " Quand vous êtes-­‐vous rendue compte que c'était une injustice? "Progressivement. Quand j'avais dix ans par exemple, j'ai vu pour la première fois un couple d’occidentaux. Ce qui m'a frappé c’était l’attitude, la posture fière de la femme, comme si elle était l'égale de son mari. Puis j'ai pensé: donc une autre vie est possible. Le contraste avec ce que je voyais à la maison était énorme. Pendant que mes frères jouaient dehors, moi je devais sans cesse aider à la maison. " «Ma mère faisait tout, était toujours là pour tout le monde et personne ne lui disait merci. Mon père était instituteur et un vrai intellectuel. J'étais une enfant curieuse en permanence qui s'interrogeait sur tout et l’assaillait de questions. C’est alors que mon père m'a enseigné Voltaire et Rousseau, mais aussi Simone de Beauvoir. " La féministe Simone de Beauvoir? "En effet. J'ai lu toute son œuvre. Mon père m’a tant appris, je lui en suis infiniment reconnaissante. " En vous stimulant intellectuellement de cette manière, il vous a également permis de penser à votre condition de femme. "Oui, accidentellement. (Rires) Parce que dans la pratique, il était un homme assez traditionnel. Ce grand paradoxe a finalement conduit à un affrontement. J’ai dû défendre ma mère face à ce père qui m’avait tant appris et que j’aime profondément. Mais je devais le faire. La théorie n'est pas suffisante pour moi, la réalité doit toujours suivre. Il n'était pas content, mais en même temps il était fier de ce que j’accomplissais. " Vous avez été très heureuse comme enfant. Pourtant vous vouliez quitter l'Afrique, parce que vous ne vous estimiez pas libre. Le bonheur est-­‐il subordonné à la liberté? "Oui, je trouve la liberté individuelle -­‐ et pas seulement la mienne, mais celle de tous -­‐ extrêmement importante. Le manque de liberté me donne une telle sensation aiguë d’incomplétude. Dès que je pouvais, j’essayais de gagner de l'argent pour être indépendante. C’est ainsi qu’à l’âge de quinze ans, j'ai emprunté l'appareil photo de mon oncle afin de photographier les gens au marché. Ensuite ils pouvaient me les acheter. Mon oncle s'y opposait au début, mais quand je lui ai proposé une partie du bénéfice réalisé, il a accepté. " (Rires) «Je me suis promise de ne jamais épouser un homme qui ne me traiterait pas comme son égale. Ma mère pensait que c'était une excellente idée, mais me rappela aussi la réalité: où pourrais-­‐je le trouver au Burkina Faso? J’avoue que je n'avais pas encore pensé à ce détail. Entre-­‐temps, j’ai revu ma vieille image idéale de l'homme européen (fortement) à la baisse. Car ici il y a aussi du sexisme même si c’est moins manifeste qu'en Afrique. " On pourrait s'attendre à ce que face au contraste, vous pensiez que tout est quand même si bien ici pour les femmes ? «Pour moi, le féminisme reste d’actualité. Je pense que nous devons nous battre pour garder ce que nous avons acquis. Je suis également en faveur des quotas, temporairement, jusqu'à ce qu'on atteigne un équilibre sain. " "En même temps, je suis contre la vision absolue du succès qui a tendance à s’imposer: aller loin, faire carrière, avoir une maison toujours plus grande, une voiture plus grande... Le plafond de verre existe, mais parfois nous choisissons en pleine conscience de rester en dessous. Et ce choix devrait aussi être possible. La liberté individuelle encore une fois. La liberté de choisir, d'être qui vous voulez être. " Selon vous, nous avons tous besoin d'une grande soeur. Voulez-­‐vous dire une sorte de mentor ou de modèle? «Plutôt, une source d'inspiration. Je ne crois pas aux modèles, parce que personne n'est parfait et il n'y a personne à qui je veux ressembler complètement. Quand j’ai vu l’ex députée néerlandaise d’origine somalienne Ayaan Hirsi Ali pour la première fois à la télévision, j'ai décidé d'apprendre le néerlandais. Et tout comme elle je voulais entrer en politique. Jusqu’à ce moment là, je n'avais pas idée que les Africains pouvaient faire cela en Europe. J'admire aussi Oprah Winfrey, et même Margaret Thatcher. Quand j'ai entendu la façon dont elle aurait dit: «Je ne veux pas mourir entrain de laver une tasse de thé" je me suis immédiatement souvenue de la façon dont je pensais aussi quand j’étais enfant: «Je ne voulais certainement pas mourir entrain de laver le lingue d’un mari." Cette similitude m'a touchée. Vous constaterez que les femmes contribuent parfois à leur propre dévalorisation à travers les mots qu’elles utilisent. Sommes-­‐nous parfois trop modestes? «La modestie n'est pas le mot juste. Mais nous avons trop souvent minimisé l'importance de nos réalisations. Nous devrions être un peu plus fières. Les hommes ont beaucoup moins de difficultés. Nous pouvons apprendre quelque chose d'eux. Ils découpent leurs problèmes en morceaux et les rendent de cette façon plus facile à gérer. Et ils font de même avec leurs succès: ils déballent à chaque étape. Eh bien, j'ose cela moi aussi. Ce n'est pas de l'orgueil, mais la fierté. J'aime être ma propre meilleure amie. Et j'encourage les femmes, dont ma mère, à apprendre à l’être. " «Ma mère m'a suivie en Belgique, sans mon père. Elle voulait être libre pour la première fois de sa vie. Je l'ai soutenue dans sa démarche. Mais cela a conduit à une rupture douloureuse avec mon père que j'ai involontairement blessé. Je voulais tellement qu’il continue à être fier de moi, comme avant. Nous ne devons pas seulement penser à la façon dont nous pouvons redéfinir la féminité, mais tout autant à ce que cela signifie d’être un homme." 

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