Transmission dentreprise : la tentation de la délocalisation

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Transmission dentreprise : la tentation de la délocalisation
04 AVRIL 13
Quotidien Paris
OJD : 121356
Surface approx. (cm²) : 998
N° de page : 13
16 RUE DU QUATRE SEPTEMBRE
75112 PARIS CEDEX 02 - 01 49 53 65 65
enquéte
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De nombreux groupes européens ont trouvé au Lichtenstein un environnement particulièrement favorable pour creer leur fondation. Photo A G; ossam/fn Vision REA
Transmission
dentreprise :
la tentation de
la délocalisation
MONASSIER
8457585300506/XME/OTO/1
Eléments de recherche : MONASSIER ou GROUPE MONASSIER : notaires et juristes au service des entreprises et particuliers, toutes citations
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PATRIMOINE // A l'heure où la génération du babyboom doit passer la main, les patrons se tournent
de plus en plus vers l'étranger afin d'y créer
des fondations, trusts ou holdings. Un moyen
d'atténuer la pression fiscale. Mais surtout
de sanctuariser leur société.
Dominique Chapuis
[email protected]
Valérie de Senneville
[email protected]
s'opposer aux instructions
de la personne qui
a transmis ses biens »,
décrypte un avocat.
n holding à Londres, une fondation
au Lichtenstein, un « stitching »
aux Pays-Bas... : les délocalisations
successorales sont à la mode. Partout en
Europe, des groupes réfléchissent plus ou
moins discrètement à la création de telles
structures pour y loger leur patrimoine. Ou
l'ont déjà fait. Ils s'appellent Armani en Italie, LVMH en France, Playmobil en Allemagne, Rolex en SuisseFaute d'héritiers pour les uns, pour des
raisons fiscales pour d'autres, les patrons
qui y ont recours ont un point commun : la
volonté de sanctuariser l'empire, voire la
PME qu'ils ont mis des années à bâtir, pour
qu'après leur disparition rien ne bouge.
Comme une volonté d'éternité.
« Pour tous les chefs d'entreprise, quels
qu'ils soient, Hy a une grande inquiétude à
l'heure d'organiser leur succession car ils veulent s'assurer que leurs héritiers ne vont pas
dilapider dans le futur ce qu'ils ont construit », commente l'avocat Olivier Diaz.
L'enjeu est ainsi pour eux d'« organiser les
conditions de l'héritage pour que la cohérence
dugroupe ne soit pas menacée, et ce avec des
mécanismes Juridiquement inattaquables »,
poursuit un autre conseil, qui murmure
qu'il existe chez beaucoup d'entre eux un
« syndrome Lagardère ». Malgré les précautions prises par son père, Arnaud Lagardère a divisé de moitié en dix ans la taille du
groupe, comme le chiffre d'affaires...
Mais le sujet de la transmission reste
tabou, tant parce qu'il touche à la famille et à
ses secrets, que parce qu'il draine avec lui
des soupçons d'évasion fiscale. Certains
cherchent des solutions localement,
d'autres choisissent de partir à l'étranger.
Faites pour rassurer le chef d'entreprise,
toutes les formules cependant ont leurs
défauts. Rien n'est gravé dans le marbre.
U
« Lorsqu'elles sont
convenablement établies,
ces structures sont
totalement étanches,
il n'y a aucun moyen de
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gnes et les vins, cet emblème du capitalisme
familial a été démembré en 2005. Le groupe
ne parvenait plus à générer assez de dividendes pour permettre à ses actionnaires
de payer leur impôt. Et contrairement aux
Peugeot ou aux Hermès, la famille n'a pas su
conserver d'« affecù'o societatis » suffisamment fort pour préserver leur entreprise.
La leçon a été retenue. En attendant
d'organiser leur succession, nombre de
groupes créent un holding familial comme
outil de cohésion et de transmission. Mais,
pour que cela fonctionne, ce holding doit
avoir assez de liquidités pour faire face aux
«SD: décès, divorce, dette » susceptibles
d'affecter la vie des membres de la famille.
La règle est que l'entreprise familiale dispose des moyens de racheter chaque année
entre O et 5 % du capital pour permettre une
« respiration » de son actionnariat. « Sinon,
Le dossier est particulièrement brillant
en France. A une époque marquée par l'arrivée à la retraite de la génération du babyboom, ce qui signifie que de nombreux
patrons vont bientôt être en âge de passer la
main, de moins en moins d'entreprises sont
pourtant transmises aux héritiers (moins
de 10 % des transmissions d'entreprise
aujourd'hui). Pis : entre 1996 et 2000,
« 500 entreprises patrimoniales se sont vendues à des groupes étrangers faute de relève
familiale », assure l'Asmep (syndicat des
entreprises de taille intermédiaire). Conséquence, la France compterait aujourd'hui
seulement 4.600 entreprises familiales de Hy a danger », avertit Etienne de Lasteyrie.
Les groupes familiaux savent qu'ils peutaille moyenne (de 50 millions à 1,5 milliard
vent
aussi bénéficier d'un outil fiscal partid'euros de chiffre d'affaires et de 200 à
5.000 salariés) contre 12.500 en Allemagne culièrement avantageux : le pacte Dutreil,
«unvéritableparadisflscalpourlatransmis- le fameux Mittelstand - et 10.000 en Gransion d'entreprise », reconnaît un observade-Bretagne.
Pour nombre d'observateurs, la fiscalité teur. En cas de donation aux héritiers, ce
pacte permet de bénéficier d'une exonéraest une des premières causes de ce retard. Et
en particulier l'impôt sur la fortune (ISF). tion de 75 % de la valeur des droits taxables
« Dans une entreprisefamiliale, Hy a ceux qui à condition que les héritiers s'engagent à
conserver les titres pendant au moins six
travaillent dans l'entreprise et les autres. Hy a
donc ceux qui ne paient pas /'ISF et les ans après le décès du dirigeant. Mais la soluautres », résume Etienne de Lasteyrie, spé- tion avantageuse fiscalement comporte
une vraie limite en termes de gouvernance :
cialiste des transmissions d'entreprise. Car
l'ISF ne s'applique pas à l'outil de travail. le chef dentreprise qui reste aux commanRésultat, s'il y a peu d'héritiers à la première des voit son droit de vote limité à la distribution des dividendes. « Le dirigeant a
génération, et si la plupart d'entre eux
s'entendent en général pour s'attribuer les l'impression d'être dépouillé de ses poupostes au sein de l'entreprise, cela se com- voirs », regrette l'Asmep. La matière titille
cependant l'imagination des juristes, qui
plique à la deuxième ou troisième générations, quand la famille s'agrandit. Les cou- ont développé moult formules pour persins, cousines, branches rapportées... qui mettre à l'entrepreneur de garder la main.
Malgré ces outils pourtant bien rodés,
sont actionnaires de l'entreprise doivent
alors mettre la main à la poche chaque certains persistent à choisir la délocalisaannée, au titre de l'ISF, même s'ils détien- tion en Suisse, en Belgique ou surtout aux
Pays-Bas pour y créer des fondations, trusts
nent moins de parts sociales que le diri- ou « stitchings ». Ces structures juridiques
geant issu de leurs rangs.
soupçonnées par le fisc français d'être avant
La multiplication des héritiers, la fiscalité tout des « lessiveuses » fiscales sont interdiet les problèmes de gouvernance, avec tes sous cette forme dans l'Hexagone. Et
notamment l'absence de leader charismati- pourtant, plus qu'une fiscalité avantageuse,
que susceptible de prendre la relève, ont le vrai moteur des patrons pour partir est,
ainsi précipité l'éclatement de l'empire des jurentles spécialistes du secteur, toujours le
Taittinger. A la tête d'un conglomérat pré- même : l'instabilité juridique. Depuis 2011
sent dans l'hôtellerie, le luxe, les champa- pas moins de 5 lois dè Finances rectificati-
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ves sont venues changer le paysage normatif français. De quoi affoler des patrons déjà
méfiants. « Pas question que ce qu'ils décident aujourd'hui puisse être remis en cause le
lendemain ou même le surlendemain »,
explique Arlette Darmon, notaire et présidente du groupe Monassier.
Dès lors les trusts et fondations leur apparaissent comme de vrais refuges. Ces structures ont en effet comme principal intérêt
de permettre au fondateur de se construire
une structure « sur mesure » solide et
pérenne afin d'être sûr que ses volontés
seront respectées : d'une certaine façon,
« continuer à gouverner son groupe après sa
mort », glisse un avocat. Tout est possible,
tant dans la durée de la structure (de 7 à
77 ans...) que dans ses contours. Sans compter que les titres sont mis à l'abri des convoitises des concurrents : la société ne peut pas
être vendue par les héritiers, qui ne peuvent
pas non plus la détourner de son objet...
Dans la plupart des cas, il s'agit de confier
à une entité ad hoc les titres de son groupe
par un démembrement de propriété : par
exemple, à la fondation ou au trust, la nuepropriété des titres, aux héritiers, les dividendes. Ainsi, la fondation peut voter à
l'assemblée générale, proposer une liste
d'administrateurs qui désignent, eux, le
président. « C'est un prolongement des
volontés du fondateur. Lorsqu'elles sont convenablement établies, ces structures sont
totalement étanches, il n'y a aucun moyen de
s'opposer aux instructions de la personne qui
a transmis ses biens à ces entités. Hy a une
forme d'irrévocabilitéet donc de sécurité juridique, c'est ce qui est recherche », décrypte
Claude Serra, avocat du cabinet Weil
Gotshal.
dation permet, dans ce cas, d'assurer la continuité de l'entreprise sans la dénaturer.
Bref l'instrument idéal... en théorie. Car
certaines histoires récentes ont montré les
failles du système. Ainsi, Robert LouisDreyfus avait eu recours à un dispositif
complexe de fondation au Lichtenstein qu'il
croyait très solide. La structure nommée
Akira devait durer 99 ans ; elle n'a pas
dépassé les deux ans. Le triumvirat qu'il
avait mis en place, composé de sa femme,
Margarita, de son bras droit, Jacques Veyrat, et de son banquier de confiance, Erik
Maris, a volé en éclats sous les attaques judiciaires de sa veuve.
Il n'empêche, pour les spécialistes, ce
type de structure en France, avec une fiscalité adaptée, permettrait d'assurer la stabilité sur le long terme de nombre d'entreprises : « C'est dommage, cane coûte rien et cela
permettrait de conserver des groupes sur le
territoire national », remarque Olivier Diaz.
En France, la seule fondation autorisée
pour l'entreprise est la fondation d'utilité
publique. Un des rares cas connus est celui
des Laboratoires Pierre Fabre. Le chef
d'entreprise, célibataire, sans enfant, a confié à une fondation, dont l'objet est l'accès au
médicament dans les pays pauvres, l'avenir
de son groupe de pharmacie. •
Les points à retenir
• Partout en Europe,
des dirigeants de groupe
réfléchissent à la création de
holdings, fondations ou
trusts pour sécuriser leur
patrimoine et organiser par
avance la transmission
de leur entreprise.
• En France, ce genre de
structure n'existe pas, ce qui
contribue pour certains
à fragiliser les entreprises
familiales.
• Une fois logée dans une
fondation, une société est
à l'abri des convoitises de
ses concurrents. Ses parts
ne peuvent plus être vendues
par les héritiers, qui
ne peuvent pas non plus
la détourner de son objet.
Les spécialistes l'affirment :
plus qu'une fiscalité
avantageuse, le vrai moteur
des patrons pour partir
est l'instabilité juridique.
La structure est aussi utilisée par des
groupes étrangers en l'absence de successeur dans la famille. C'est le cas pour
Armani ou Playmobil, qui ont ainsi organisé la transmission de leur groupe. La Fon-
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