"Sauver la tête d`un homme mon plus beau combat"

Transcription

"Sauver la tête d`un homme mon plus beau combat"
VAUCLUSE
NOTRE SÉRIE
DE L’ÉTÉ
"C’est
l’affaire
de ma vie"
LES AMANTS
DIABOLIQUES
PAR Me
BONNENFANT
Samedi 13 Août 2011
www.laprovence.com
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"Sauver la tête d’un homme
mon plus beau combat"
Me Bonnenfant a 30 ans lorsqu’il plaide devant les assises de Limoges, puis de Bordeaux,
pour éviter la peine de mort à Bernard Cousty accusé d’avoir assassiné sa femme un soir de
Noël et d’avoir maquillé le meurtre du mari de sa maîtresse en accident de voiture.
/ PHOTO JÉRÔME REY - LES COUPURES DE PRESSE SONT CELLES DU JOURNAL LA MONTAGNE À CLERMONT-FERRAND
D
ans sa pochette-souvenirs qu’il pose sur une petite table en marbre,
des coupures de journaux jaunies,
parfois écornées. Le temps a eu beau filer
sur ces "papiers", la mémoire des événements qui y sont consignés est encore
bien vive. "Regardez, c’était lui, Cousty",
nous glisse Me Christian Bonnenfant en
pointant une photo d’un grand gaillard
aux épaisses lunettes. Me Bonnenfant a 30
ans lorsqu’il reçoit une lettre d’un certain
Bernard Cousty qui lui demande d’assurer sa défense. Les deux hommes ne se
connaissent pourtant pas. Me Bonnenfant
a déjà dix ans de barreau à Avignon. Bernard Cousty est incarcéré à la prison de Limoges. "Avant d’accepter, je suis allé le
rencontrer, se souvient l’avocat. Je suis
tombé sur un bonhomme qui me racontait tout ça avec un certain détachement". "Tout ça", c’est la manière dont
Bernard Cousty a méthodiquement, au
soir de Noël 1969, étouffé sa femme avec
de l’éther et fait passer cela pour une mauvaise grippe ayant emporté la malheureuse. "Tout ça" c’est aussi comment le 23 février 1970, il abat René Balaire d’une balle
avant d’incendier son véhicule, faisant
passer le tout pour un tragique accident
de la route. Les deux crimes étaient presque parfaits...
Balaire est un quincaillier de Bourganeuf dans la Creuse mais surtout le mari
d’Yvette avec qui Cousty vit une folle passion extraconjugale. Les deux amants ont
tout organisé pour éliminer leurs
conjoints respectifs. Mais après leur mort,
les rumeurs vont bon train dans cette petite bourgade bourgeoise du Limousin. Et
les deux "amants diaboliques de Bourganeuf" comme les surnomment les journalistes de l’époque finiront par être confondus. Le procès de Bernard Cousty s’ouvre
fin mai 1972 devant la cour d’Assises de Limoges.
Des coups de parapluie pour
l’avocat...
L’ambiance est littéralement électrique,
l’opinion et la presse locale se déchaînent
contre les deux amants et la foule ne demande qu’à en découdre avec l’avocat avignonnais. "A l’époque, la prison de Limoges n’était située qu’à une centaine de
mètres du palais de justice et je me souviens de cette masse de personnes qui
hurlait ’à mort’ pour Cousty, raconte Me
Bonnenfant. Toute la ville était contre
nous ; on ressentait une hostilité incroyable. On avait l’impression d’être revenus
au Moyen-Age où les gens veulent voir
un homme écartelé en place publique".
Me Bonnenfant prend des coups de parapluie dans la salle des pas perdus, est insulté durant sa plaidoirie sans que le président de la cour d’Assises ne s’en émeuve.
L’avocat doit même en venir aux mains...
"Tout cela reste gravé en moi, confie Me
Bonnenfant. A l’époque, un procès était
un affrontement".
"Ça a été l’unique fois
de ma carrière où une
peine de mort a été
prononcée"
LES REPÈRES
24 DÉCEMBRE 1969 Ginette
Cousty est retrouvée morte
dans son lit, emportée par une
grippe.
23 FÉVRIER 1970 René Balaire est victime d'un accident de
voiture. Son corps est retrouvé
carbonisé.
2 JUIN 1972 Bernard Cousty
est condamné par la cour d’Assises de Limoges à la peine de
mort pour l’assassinat de sa femme Ginette et du mari de sa maîtresse, René Balaire.
28 MARS 1973 Après un pourvoi en cassation, Bernard Cousty est condamné à la réclusion
criminelle à perpétuité par la
cour d’Assises de Bordeaux.
Sans surprise, le 2 juin 1972, Cousty est
condamné à l’échafaud. "Ça a été l’unique fois de ma carrière où une peine de
mort a été prononcée, poursuit l’avocat
avignonnais. Lorsque Cousty a entendu
la sentence, j’ai vu soudainement sa tête
rentrer dans ses épaules. Je n’ai jamais
oublié cette image...". Contre toute attente, Bernard Cousty aura droit à un second
procès. A l’époque, l’appel n’existe pas
aux Assises mais Me Bonnenfant obtient la
cassation grâce à un incident à l’audience.
"Alors que Cousty m’avait demandé de
défendre la thèse de l’incendie spontané
après l’accident de René Balaire, l’un des
jurés qui était garagiste m’avait interrompu dans ma plaidoirie en disant que
c’était impossible et en me traitant de
menteur ! Cousty doit sa tête à cet incident".
Plaidoyer contre
la peine de mort
Autre ville, Bordeaux, et autre ambiance
pour ce nouveau procès d’Assises, plus
apaisée avec en spectateurs des élèves de
l’école nationale de la magistrature (ENM)
installée dans la ville girondine. "Il est
d’usage avant l’ouverture d’un procès
d’aller saluer le président, explique Christian Bonnenfant. Il m’a juste glissé qu’ici
il n’y aurait pas d’incident comme à Limoges et que ce n’était qu’une formalité". Personne n’imaginait que Bernard
Cousty échapperait à la guillotine... Et
l’avocat avignonnais va décider d’entamer un véritable plaidoyer contre la peine
de mort. "J’avais dit à Cousty de me laisser faire, de ne pas recommencer avec
cette histoire d’incendie spontané de la
voiture..." se souvient Me Bonnenfant.
Alors, au cours de sa plaidoirie d’une heure et demie, il ne fera pas mention de l’affaire, se bornant à décrire les conditions
d’une exécution, à évoquer les cinq mois
qui la précèdent durant lesquels le détenu
passe nuit et jour dans une minuscule cellule éclairée en permanence. "J’ai fait reculer les jurés face à cette vision apocalyptique". Le 28 mars 1973, Cousty écope
de la réclusion criminelle à perpétuité.
"Là, sous les applaudissements des élèves de l’ENM, j’avais sauvé la tête d’un
homme et gagné le combat de ma vie, raconte aujourd’hui l’avocat. Cousty, lui, reste abasourdi sur son banc. "Il s’est penché
vers moi et m’a dit vaguement merci.
Quant au président, il n’a pas répondu à
ma main tendue, glisse Me Bonnenfant
qui voyait là triompher la plus forte de ses
convictions. Sous l’occupation à Digne,
nous habitions près du champ de tirs où
des résistants et des fusillés pour l’exemple étaient exécutés par la gestapo, j’en
garde un souvenir épouvantable, explique-t-il. Depuis ma plus tendre enfance,
je tiens cette haine farouche de ces mises
à mort, sans jugement de surcroît. Cela
m’a toujours habité". Florence ANTUNES
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FAITS DIVERS
INVITÉS PAR LA CRIIRAD
GIGONDAS
Des bénévoles japonais racontent Fukushima
● Un touriste allemand recherché dans le massif des Dentelles. De
grands moyens ont été déployés, hier vers 18 heures, pour retrouver un randonneur dans le massif des Dentelles de Montmirail au
niveau du col du Cayron. Un peu avant, deux randonneurs ont
alerté les secours : ils venaient de perdre la trace d’un membre de
leur famille qui les accompagnait dans le massif. Ne le voyant plus
derrière eux et voyant qu’il ne répondait pas à leurs appels, ces
touristes allemands se sont inquiétés et ont prévenu gendarmes et
pompiers. Le Grimp, Groupe de Reconnaissance et d’Intervention
en Milieu Périlleux s’est rendu sur place. Dès leur arrivée, à hauteur du parking du col du Cayron, les sapeurs-pompiers de Carpentras ont réussi à localiser le randonneur disparu. Ce touriste
allemand était en fait en détresse respiratoire. Voyant qu’il ne pouvait plus poursuivre la balade, il a préféré s’arrêter. Hier soir, il a
été hélitreuillé, puis déposé sur le parking situé à proximité du col
du Cayron. Saint et sauf.
CHÂTEAUNEUF-DU-PAPE ● Le Belge qui escroquait les hôtels
arrêté. Les hôteliers peuvent désormais dormir tranquillement. Le
Belge qui avait pour habitude depuis juillet dans le département
d’arriver à vélo le soir à l’hôtel et de repartir le lendemain sans
payer a été interpellé hier à Châteauneuf-du-Pape, là même où il
avait escroqué une auberge pour près de 900 euros. Au total, ce
sont six hôtels, de Bedoin à Caderousse, qui ont fait les frais de ce
bon coucheur et mauvais payeur pour une somme totale dépassant les 2 000 euros. Il a fait l’objet d’une convocation devant un
officier de police judiciaire pour le 5 mars prochain.
Beaucoup de monde pour
cette conférence où a été
évoquée la catastrophe.
"Ils sont ici pour expliquer à
la population française ce qui se
passe à Fukushima", expose, en
préambule de la conférence organisée mercredi soir à Montélimar, Bruno Chareyron, responsable du laboratoire de la CRIIRAD. Ils, trois bénévoles Japonais, sont venus raconter pendant toute une soirée leur expérience terrifiante qui dure depuis désormais plus de cinq
mois.
Suite à la catastrophe nucléaire de Fukushima le 11 mars dernier, Aya Marumori, Shimizu
Yoshihiro et Wataru Iwata se
mobilisent pour informer le
peuple nippon. "Notre objectif
autorités gouvernementales et
la société TEPCO". Ainsi, le "Projet 47" et le CMRS ("Citizen’s Radioactivity Monitoring Station)
ont pu voir le jour.
10 000 euros de matériels
prêtés par la CRIIRAD
Mercredi soir, Wataru Iwata (au second plan) a donné une
conférence devant plus d’une centaine de personnes. / PHOTO R.D.
premier est de sensibiliser les
gens afin qu’ils puissent penser
par eux-mêmes", explique Wataru Iwata. Et pour ce faire, il a dé-
cidé, avec plusieurs bénévoles,
de créer des associations pour
informer la population suite à
la "mauvaise gestion par les
Des organisations qui sont en
quelque sorte des CRIIRAD sauce japonaise. Encore que, ces
dernières manquent de
moyens et de compétences ."Nous sommes allés sur place fin mai. Désormais, nous leur
donnons une formation en France au laboratoire", confie Bruno
Chareyron. Un laboratoire de la
CRIIRAD qui leur a d’ailleurs
prêté 10 000 euros de matériels
scientifiques pour pouvoir effectuer leurs recherches. Et tenter de mettre en lumière la caRobin DELORME
tastrophe...