TD n°12 : Le géant de Zeralda de Tomi Ungerer

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TD n°12 : Le géant de Zeralda de Tomi Ungerer
Oral professionnel 2ème partie – Littérature jeunesse
CRPE
TD n°12 :
Le géant de Zeralda de Tomi Ungerer
Trois pistes essentielles permettent d’explorer ce conte que vous pouvez
proposer à des élèves de cycle 1 ou de cycle 2, avec des méthodes de travail
différentes. La première consiste en un travail de description de la figure de
l’ogre (ne pas oublier d’utiliser les illustrations). La seconde est un travail de
mise en réseau de cette figure avec d’autres contes ou d’autres personnages de
la littérature enfantine, cette mise en réseau faisant l’objet des instructions
officielles étant donné qu’elle permet de construire le sens de ce corpus qu’est la
tradition orale populaire, à travers les âges et les contrées. La troisième piste
vous permettra d’exploiter le schéma narratif de l’œuvre : il s’ouvre sur une série
de méfaits commis par l’ogre qui change d’apparence à la fin du récit, ce qui n’est
pas banal dans les autres contes enfantins.
………………………………….
Le géant de Zeralda est un conte moderne (années 1970) qui
reprend un personnage typique des contes traditionnels de Perrault ou de Grimm,
l’ogre, ainsi qu’un des thèmes fondamentaux de l’imaginaire collectif et enfantin,
la dévoration, le cannibalisme. Pour les psychanalystes, les contes, à la manière
des rêves, figurent des fantasmes, des désirs, des craintes qui ne peuvent
apparaître tels quels à la conscience. La crainte d’être dévoré est très archaïque
et profondément refoulée. Ainsi elle resurgit régulièrement dans le personnage
de l’ogre mangeur d’enfant. 1
Les contes de Perrault ou de Grimm comportent une morale, un
enseignement, des préceptes, suite à la transgression d’un interdit, ou suite à
l’accomplissement d’un méfait heureusement réparé à la fin de l’histoire. Pour les
1
Pour plus de précisions, reportez vous aux articles de S. FREUD Délire et rêves dans la « Gradiva » de Jansen
Paris, Gallimard, 1949.
Rêves dans le folklore in Résultats, idées, problèmes, Paris, PUF, 1984.
L’inquiétante étrangeté in Essais de psychanalyse appliquée, Paris, Gallimard, 1971.
Consultez aussi Bruno Bettelheim Psychanalyse des contes de fées Paris, Laffont, 1976.
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héroïnes, la dévoration ou le meurtre (comme dans la Barbe bleue) interviennent
à cause de la curiosité ou de l’insouciance, suite à l’initiation sexuelle : le Petit
Chaperon Rouge a « connu » le loup en couchant avec lui et en lui explorant le
corps. La femme de la Barbe Bleue transgresse l’interdit et découvre la
boucherie de corps exhibée dans la chambre secrète pourtant destinée à être
vue et à servir de prétexte au meurtre.
Dans le géant de Zeralda, c’est l’enfant qui répare les méfaits commis
par l’ogre en lui offrant les gratifications orales qu’elle réservait à son père et
de plus, en l’épousant, elle annule la différence générationnelle et l’interdit qui en
résulte, accomplissant ainsi le fantasme oedipien de mariage avec un substitut du
père. L’interdit de l’inceste ici ne fonctionne pas puisque l’héroïne épouse une
figure paternelle assez ambivalente (c’est un ancien meurtrier) sous couvert de
pacification des relations, où « tout est bien qui finit bien ». Les pulsions
primaires sont aseptisées, mais elles sont toujours à l’œuvre. Cette conception
des relations correspond à l’existentialisme de Ungerer et à son désir de liberté
sans culpabilité.
1) Comparaison avec d’autres contes :
Dans le Petit Poucet, l’ogre apparaît dans le récit comme cannibale et
meurtrier assoiffé de sang, avec son grand couteau. Le sang y coule à flots
(meurtre des fillettes) comme il coule à flot dans la Barbe Bleue autre
personnage monstrueux, bien que non cannibale. Le héros déjoue ses pièges, ce
qui le conduit aussi à être responsable lui-même du massacre des jeunes filles
dont il a posé les couronnes d’or sur sa propre tête et sur celle de ses six frères.
Dans le géant de Zeralda, l’ogre est un perturbateur de la vie sociale par
ses pulsions cannibales. On y voit les adultes tenter de protéger les enfants (la
société a bien changé, depuis le XVII°, siècle du Petit Poucet, où les parents
exposent volontairement leurs enfants au danger, puisqu’à l’époque, la vie des
enfants a moins de valeur que celle des adultes), ce qui conduit à l’arrêt des
activités scolaires (remarquons au passage que la Renaissance où semble se
dérouler le conte ne voyait pas beaucoup d’enfants scolarisés, ce qui représente
un anachronisme).
Dans les deux cas, c’est un enfant qui va mettre l’ogre hors d’état de
nuire, à la différence près que dans le géant de Zeralda, l’ogre est un personnage
ambivalent, à la fois agresseur et donateur. C’est de son plein gré qu’il donne tout
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son or à la fillette (le Petit Poucet vole l’or de l’ogre comme juste retour de
balancier après le mal qu’il a fait). Si l’ogre cesse d’être un « méchant » l’interdit
disparaît, tout devient possible et sans problème, ce qui facilite grandement la
vie de tout le monde. Dans les contes traditionnels, l’agresseur reste un
agresseur qui parfois pousse le héros à commettre une action répréhensible. Si
ce héros ne disparaît pas sous les dents cet agresseur, il n’y a aucun accord
possible entre eux. Dans Hansel et Gretel par exemple, la fillette réussit à
enfermer la sorcière ogresse à la place de son frère et punit cette figure
maternelle cruelle de manière tout à fait justifiée (vous pouvez proposer à vos
élèves la version illustrée par Anthony Browne de ce conte).
2) Description de la figure de l’ogre :
Si l’on regarde la couverture et l’illustration de première page, l’ogre
apparaît agressif, bouche ouverte remplie de dents, couteau aiguisé sanglant
(assiette sanglante où se trouve une souris), yeux petits et cruels. Il porte des
bracelets incrustés de pierreries en signe de richesse. Dans une première séance
de travail, vous pouvez inviter vos élèves à regarder ces illustrations et à les
décrire (Grande Section et CP). Les enfants font des hypothèses sur les images,
les interprètent. Par la suite, ils essaient d’inventer l’histoire à partir des images
(en petits groupes) et vous la retranscrivez au tableau par dictée à l’adulte.
Sur les deux pages suivantes on aperçoit l’ogre qui capture des enfants
(voir la cage de la première page). Une femme s’évanouit de terreur et l’on
observe les effets de la désorganisation sociale avec laquelle la paix des images
représentant le monde de Zeralda va contraster.
Les illustrations qui suivent font la part belle aux victuailles raffinées
(civilisation alimentaire contre barbarie sanguinaire). Les gratifications orales
offertes par Zeralda au géant remplacent avec beaucoup d’innocence les pulsions
agressives (à aucun moment Zeralda ne semble au courant du passé de l’ogre).
A la fin, on voit l’ogre distribuer des sucreries aux petits enfants. Le
méfait est réparé et la société retrouve paix et ordre. Seule, la dernière image
pose question et peut donner lieu à interprétation. Le frère tient derrière son
dos, en observant le nouveau-né, un couteau et une fourchette. Les dernières
paroles du conteur sont aussi ambiguës « on peut donc penser que leur vie fut
heureuse jusqu’au bout ».
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3) Schéma narratif du conte :
Le conte s’ouvre sur une série de méfaits : l’ogre dérobe et dévore des
enfants.
Mais : les adultes protègent leur progéniture, ce qui le conduit à éprouver le
manque, la faim. Toutefois, on ne retrouve pas chez ce personnage, qui porte
toute la responsabilité de ses pulsions, les ruses employées par les tentateurs
que sont le loup dans le Petit Chaperon Rouge ou la Barbe Bleue. Si ces derniers
arrivent à piéger les héroïnes, c’est parce qu’elles désirent. Chez Ungerer,
Zeralda est entièrement innocente. A la place des ruses il existe un contrat qui
scelle l’échange entre Zeralda et l’ogre et qui repose sur le fait que l’ogre est à
la fois donateur et agresseur.
 Il confronte l’héroïne à une épreuve (il gémit de faim)
 Elle réagit (en cuisinant).
 Il lui offre ses richesses en échange de son installation au château (don).
Dans ce conte, l’héroïne épouse sans culpabilité ce personnage ambigu. L’interdit
repose sur le regard du lecteur qui connaît le passif de l’ogre. Mais ici tout est
possible et c’est d’autant plus facile que le personnage maternel est absent de la
relation de Zeralda au père.
Pour travailler la structure du conte dans une séquence pédagogique, vous
proposerez à vos élèves, après avoir lu jusqu’à l’épreuve qui attend l’héroïne,
lorsque l’ogre se cache derrière les rochers, d’imaginer la suite de l’histoire, la
réaction de Zeralda (en plusieurs épisodes, par exemple, s’il la mange ou non, si
Zeralda, au contraire menace l’ogre avec son grand couteau de cuisine). Vous
pouvez aussi vous arrêter à l’épisode du don et imaginer s’il est respecté ou non.
Ces créations seront dictées au maître et des dessins pourront les illustrer
(également commentés). A la dernière séance, vous finirez la lecture du conte et
demanderez à vos élèves ce qu’ils en pensent.
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