Les cicatrices du nucléaire – L`héritage de Tchernobyl et Fukushima

Transcription

Les cicatrices du nucléaire – L`héritage de Tchernobyl et Fukushima
Les cicatrices du nucléaire – L’héritage de
Tchernobyl et Fukushima
Briefing média, mars 2016
__________________________________________
Introduction
Afin de marquer les 30 et 5 anniversaires des catastrophes de Tchernobyl et Fukushima,
respectivement, Greenpeace a demandé une étude de toute la littérature traitant de la contamination
radioactive et des effets sur la santé liés à ces accidents. Des spécialistes en matière de radiations chez
Greenpeace ont également mené une étude sur le terrain pour documenter la contamination de
l’environnement dans lequel habitent toujours les survivants en Russie, en Ukraine et au Japon. Les
résultats de ces études sont compilés dans le rapport intitulé Nuclear Scars: The lasting legacies of
Chernobyl and Fukushima. À la lumière des dommages sociaux et environnementaux et des effets sur la
santé causés par ces deux désastres, l’abandon de l’énergie nucléaire au profit du développement des
énergies propres et sécuritaires constitue la manière la plus responsable de bâtir l’avenir.
e
e
Tchernobyl et Fukushima: désastres sur le plan du droit de la
personne
Les droits et la santé des survivants de Tchernobyl et Fukushima ne sont pas pleinement reconnus ni
protégés par leurs gouvernements respectifs, qui semblent plutôt préoccupés à faire des économies,
alors que l’industrie nucléaire responsable de ces désastres rembourse peu ou pas les sommes
nécessaires pour aider les victimes à rebâtir leur vie.
Des centaines de milliers de personnes ont été déplacés de manière permanente à cause des
catastrophes de Tchernobyl et Fukushima. Des millions d’autres vivent dans des zones contaminées par
la radioactivité. Ces populations ne sont plus en capacité de décider de leur propre sécurité et de
protéger leur famille.




L’aide financière diminue progressivement pour les survivants de Tchernobyl, réduisant la
capacité à contrôler la sécurité alimentaire, amenuisant également les financements prévus
pour les mesures de protection et le suivi scientifique. Par conséquent, les risques d'exposition
aux radiations pour les habitants des zones contaminées s’accentuent.
Dans la région de Bryansk en Russie, la plupart des communautés catégorisées en “zone
d’évacuation” en raison des niveaux de radiation n’ont jamais été évacuées.
Au Japon, 55 000 personnes évacués devront retourner dans leurs foyers dans les zones
contaminées d’ici mars 2017. Les aides financières prendront fin un an après, forçant donc les
victimes à retourner dans les zones contaminées.
Le gouvernement japonais a déclaré que les évacués peuvent regagner les régions où
l’éxposition de la radioactivité est inférieure à 20 mSv par an, une radioactivité 20 fois plus

élevée que ce qui est recommandé dans des situations non accidentelles. C’est aussi 20 fois plus
que la dose maximale permise de 1mSv par an pour vivre dans des zones contaminées par
Tchernobyl.
Le Rapporteur spécial des Nations Unies au Conseil des droits de l’homme, Anand Grover, a
affirmé que la politique sur le retour des évacués japonais « n’est pas conforme aux droits de la
personne à la santé... », et que ce retour ne doit être permis que « [...] lorsque la dose de
radiation est réduite au maximum, soit à un niveau inférieur à 1mSv par an ».
Effets sur la santé
Les deux accidents nucléaires ont conduit à un déclin général de la santé et du bien-être des populations
exposées aux retombées radioactives. En raison de la période de latence du cancer, les preuves
scientifiques à l’égard de certains cancers et d’autres maladies n’apparaîtront dans la région de
Fukushima qu’après cinq ans. Néanmoins, une augmentation perceptible du cancer de la thyroïde a déjà
été détectée. Après 30 ans, on a pu observer dans la région de Tchernobyl les effets suivants sur la
santé, suite aux expositions aux radiations:





Augmentation significative des cas de cancer de la thyroïde chez les enfants et les agents de
décontamination;
Présence de leucémie chez les agents de décontamination;
Nombre de cancers du sein 1,6 fois plus élevé chez les agents de décontamination, un nombre
qui a doublé dans les régions les plus fortement contaminées en Biélorussie et en Ukraine;
Diminution des fonctions cognitives chez les agents de décontamination;
Augmentation de la mortalité chez les agents de décontamination et les habitants des zones
contaminées.
Le stress lié au déplacement, l’impossibilité de retourner chez soi, la stigmatisation sociale, et
l’inquiétude due à l’exposition aux radiations, compromettant la santé mentale et physique.
·
·
·
Ces deux désastres ont causé des troubles de santé mentale chez les survivants, dont l’anxiété, la
dépression, des troubles de stress post-traumatique (TSPT), l’alcoolisme et le suicide.
Cinq ans après Fukushima, le risque de troubles de santé mentale comme la dépression, l’anxiété et les
TSPT a augmenté.
30 ans après Tchernobyl, la mortalité des habitants des zones contaminées a augmenté, et le taux de
natalité a diminué. Le taux de cancer a également augmenté, et les troubles de santé mentale sont
désormais répandus chez les survivants.
Contamination
Les accidents de Fukushima et Tchernobyl ont causé une exposition chronique aux radiations de faible
intensité au sein de grandes populations, accroissant le risque de problèmes de santé générale chez les
survivants. La contamination touche tous les aspects de leur vie. Elle est partout, dans la nourriture,
dans l’eau, et dans le bois qu’ils utilisent pour la construction et le chauffage.
·
Aujourd’hui, plus de 5 millions de personnes vivent dans des zones officiellement contaminées par
Tchernobyl, soit 1,1 million en Biélorussie, 1,6 million en Russie et 2,3 millions en Ukraine.
·
·
·
·
Un million de personnes vivent dans des communautés en Russie, en Ukraine et en Biélorussie où
l’exposition aux radiations dépasse la dose maximale permise de 1mSv par an.
150 000 km en Biélorussie, en Russie et en Ukraine ont été contaminés à des niveaux exigeant une
évacuation ou une restriction dans l’utilisation du territoire ou dans la production alimentaire. 8 millions
de personnes occupaient la région avant l’accident de Tchernobyl.
Aujourd’hui, plus de 10 000 km demeurent impropres à l’activité économique.
En raison du haut degré de contamination par le plutonium dans un rayon de 10 km autour des
centrales de Tchernobyl, il sera impossible de repeupler la région pour encore des dizaines de milliers
d’années.
2
2
Les forêts radioactives de Tchernobyl et Fukushima
La surveillance des radiations par les spécialistes de Greenpeace a révélé que les forêts aux alentours de
Tchernobyl et Fukushima sont devenues de grands entrepôts de contamination radioactive. Le Caesium137 y est un contaminant clé. En raison de sa période radioactive (30 ans), la contamination par le
caesium pose un danger pour des siècles à venir. Que ce soit par des feux de forêt ou par la migration de
contaminants radioactifs à travers les écosystèmes, les communautés avoisinantes resterons toujours
exposées aux radiations.
Les forêts radioactives près de Tchernobyl continuent de mettre en péril la santé humaine. Entre 1993 et
2013, plus de 1100 incendies de forêt ont été officiellement constatés dans la zone d’exclusion de
Tchernobyl. L’utilisation de bois contaminé pour le chauffage et la cuisson soumet aussi les survivants au
risque prolongé de radiations. En septembre et octobre 2015, Greenpeace a testé des échantillons de
bois contaminé provenant de forêts en Ukraine et de la région de Bryansk en Russie.
Contamination alimentaire
En septembre et octobre 2015, des échantillons d’aliments provenant de villages à l’ouest et au sudouest de Tchernobyl et de la région de Bryansk ont été analysés.
·
·
·
46 des 50 échantillons de lait prélevés dans la région de Rivne en Ukraine (environ 200 km de
Tchernobyl) contenaient du caesium-137 en concentration supérieure à celle autorisée pour la
consommation adulte. Tous les échantillons présentaient un niveau de contamination au-dessus de la
limite autorisée pour les enfants;
Les niveaux de caesium-137 dans des échantillons de champignons venant d’Ukraine et de Russie
étaient aussi supérieurs aux limites permises de consommation;
42 % des échantillons de céréales du district de Ivankiv, dans la région de Kiev en Ukraine (environ 50
km de Tchernobyl) présentaient des niveaux de strontium-90 au-delà des limites autorisées de
consommation, dont deux les dépassaient du double.
Fukushima et Tchernobyl: catastrophes sociales
·
Indéniablement, Fukushima et Tchernobyl sont des catastrophes sociales inacceptables.
Une augmentation des taux de suicide a été observée à la suite des accidents;
·
·
·
·
Un dépeuplement considérable des zones contaminées de Tchernobyl s’est produit, et l’on assiste
maintenant à une tendance analogue au Japon;
Le Japon a connu une recrudescence des manifestations citoyennes ainsi qu’une montée de ce qu’on
appelle la “science citoyenne” lorsque des citoyens ont commencé à surveiller la radioactivité et mis en
place des réseaux pour partager les données obtenues;
Avant l’accident de Fukushima, le Japon avait l’intention de construire de nouvelles centrales nucléaires.
Aujourd’hui, l’opposition publique à l’énergie nucléaire continue de croître, et le gouvernement a
commandé 85 550 mégawatts d’énergie renouvelable depuis 2011;
La responsabilité de l’État envers les survivants de Tchernobyl est reconnue dans l’Article 16 de la
constitution de l’Ukraine.
Les demandes de Greenpeace
Compte tenu de l’ampleur des impacts sociaux et environnementaux, des effets néfastes sur la santé
des catastrophes de Tchernobyl et Fukushima, une réponse sensée est d’éliminer
progressivement l’énergie nucléaire au profit des énergies renouvelables.
Les pays qui optent pour le maintien de l’énergie nucléaire, à court et moyen terme, doivent élaborer
des plans d’urgence nucléaire pour protéger leur population civile en cas de rejets radioactifs
comparables à ceux de Tchernobyl et Fukushima.
·
·
·
·
·
·
·
La justice exige qu’un soutien adéquat soit fourni aux survivants de Tchernobyl et Fukushima. Dès lors,
Greenpeace recommande d’entreprendre les mesures suivantes :
Les droits des survivants doivent être pleinement reconnus et respectés. Les populations touchées
devraient être impliqées dans toutes décisions relatives à leur sécurité personnelle;
Les survivants devraient avoir le droit de décider de leur sécurité personnelle et ne pas être contraints
de vivre dans des environnements contaminés;
Les survivants devraient recevoir un soutien financier des autorités;
Les études sur les effets à long terme des accidents de Tchernobyl et Fukushima devraient être prises
en charge, y compris l’effet des radiations chroniques de faible intensité sur les humains et autres êtres
vivants;
Les mesures de protection pour réduire l’exposition aux retombées radioactives devraient être
maintenues ou améliorées;
Les programmes de surveillance environnementale et de contrôle de la qualité des aliments dans la
région de Tchernobyl devraient être rétablis;
Les restrictions sur l’accès aux “points chauds” radioactifs devraient être introduites.
- fin -

Documents pareils