L`impressionnisme, une histoire américaine

Transcription

L`impressionnisme, une histoire américaine
EXPOSITION
Par Alexandre
Crochet
PAGE
04
LE QUOTIDIEN DE L’ART | JEUDI 8 JANV. 2015 NUMÉRO 745
L’IMPRESSIONNISME AMÉRICAIN – Museo ThyssenBornemisza, Madrid – Jusqu’au 1 er février
L’impressionnisme,
une histoire américaine
Dominée par Mary Cassatt, John Singer Sargent et James
Whistler, l’exposition du Musée Thyssen-Bornemisza, à Madrid,
permet de redécouvrir des figures moins connues qui se sont
frottées au creuset français, entre épigones et interprètes inspirés.
Après le musée des impressionnismes de Giverny et les National
Galleries of Scotland à Édimbourg en Écosse, c’est au tour de Madrid
d’accueillir l’exposition « L’impressionnisme américain », co-organisée par la
Terra Foundation for American Art. Cette dernière étape se justifie notamment
par la présence d’importantes œuvres de ce mouvement au sein des collections
du musée Thyssen-Bornemisza, qui n’ont pas participé aux accrochages en
France et au Royaume-Uni.
L’exposition évoque d’abord, chronologiquement, les expatriés américains
venus se frotter directement aux nouvelles tendances de l’art. La première salle
est ainsi dévolue au travail brillant
de Mary Cassatt (1844-1926) mis en
regard d’un maître français dont elle
fut une amie proche à Paris, Edgar
Degas. Et ses œuvres soutiennent
la comparaison. Si certaines se
rapprochent des sujets abordés
par Degas, tel une Jeune femme au
balcon (1883) avec en arrière plan
une construction, allusion à la
modernisation de la capitale, d’autres
se distinguent par une plus grande
intériorisation des personnages
féminins, à l’instar d’Automne,
portrait de Lydia Cassatt (1880)
représentant une femme pensive et
résignée sur un banc emmitouflée
dans un manteau aux couleurs de
feuilles mortes, brossée par des
touches appuyées et énergiques.
Plus loin est accrochée une Amazone
d’Édouard Manet de 1882 qui
montre que Cassatt évolue dans la
même mouvance. Mais son attention
aux visages, à la figure humaine,
se révèle plus prononcée, tout
comme le choix de motifs
L’EXPOSITION
prioritaires tels que celui
ÉVOQUE D’ABORD,
de la mère et de l’enfant, dans lequel elle excelle. Dans Femme assise
CHRONOLOGIQUEMENT,
avec un enfant dans les bras (vers 1890), prêté par le Museo de Bellas
LES EXPATRIÉS
Artes de Bilbao, elle surprend en montrant le garçonnet nu le regard
AMÉRICAINS VENUS SE
étonnamment adulte et méditatif, seules les épaules de la mère étant
FROTTER DIRECTEMENT
visibles. À l’observation tendre et fine de l’enfance succède dans la
AUX NOUVELLES
salle suivante les scènes de vie de John Singer Sargent (1856-1925).
TENDANCES DE L’ART
Plusieurs tableaux montrant une sortie en canots où deux femmes
Mary Cassatt, Woman
sitting with a child
in her arms, vers 1890,
huile sur toile,
81 x 65,5 cm. Museo
de Bellas Artes, Bilbao.
/…
PAGE
05
EXPOSITION
LE QUOTIDIEN DE L’ART | JEUDI 8 JANV. 2015 NUMÉRO 745
assoupies dans une barque sur des coussins rappellent
l’atmosphère d’une Partie de campagne de Maupassant et Renoir, sans l’ombre
de la satire, d’autres s’attardent sur des scènes de genre tel une Bretonne sur
une plage ou des faucheurs au repos dans un champ.
L’Europe fascine – déjà - les Américains. « Mon Dieu, je voudrais plutôt aller en
Europe qu’au Paradis », s’exclame le
peintre américain William Merritt
Chase (1849-1916) en 1872.
Fascinés, appliqués, un certain
nombre d’artistes d’outre-Atlantique
se penchent à la fin du XIXe siècle
sur les paysages du berceau de
l’impressionnisme, Giverny et la
région parisienne, dont Theodore
Robinson (1852-1896) ou Childe
Hassam (1859-1935). C’est frais,
parfaitement dans l’esprit sensitif des
impressionnistes, mais ressemble un
peu trop au travail de bons élèves.
Proche de Claude Monet dont on
peut voir ici Meules, effet de gelée
blanche, John Leslie Breck (18601899) a peint la même année, en 1891, une série de douze tableaux de petit
format immortalisant des meules de foin devant des collines à différentes
heures du jour, non sans talent. Sa grande version de 1892 avec d’autres
meules paraît en partie flirter avec le pointillisme.
La dernière section de l’exposition montre la production d’artistes américains
passés par le creuset initiatique en France, ou imprégnés par la première
grande exposition impressionniste à New York en 1886 organisée par Paul
Durand-Ruel. Armés de cette nouvelle façon de représenter le réel, de peindre
la lumière et ses effets, ils s’emparent de sujets typiquement américains :
canaux, paysages urbains, pavillons des expositions universelles à Chicago,
parcs, plages ou conversations d’été
sous les arbres du verger (Edmund
C. Tarbell, 1862-1938). Certains
flirtent avec le symbolisme, tel James
Abbott McNeill Whistler (18341903) qui domine sans difficultés
cette dernière partie, figure majeure
de l’art de cette époque qui n’avait
rien à envier à ses plus illustres
contemporains et qui déclara un
jour : « en peinture, il n’y a que Degas
et moi ».
SUITE DE LA PAGE 04
L’IMPRESSIONNISME,
UNE HISTOIRE
AMÉRICAINE
Childe Hassam, Universal
Colombina de Chicago,
1893, Horticulture
Building, World’s
Columbian Exhibition,
Chicago, huile sur toile,
47 x 66,7 cm.
Terra Foundation for
American Art, Chicago,
Daniel J. Terra Collection.
À lire :
L’Impressionnisme
et les Américains,
catalogue publié en
français, éditions
Hazan, 155 pages,
29 euros. L’ouvrage
comprend d’utiles
notices biographiques
et une chronologie
replaçant les artistes
américains dans le
contexte général de
l’impressionnisme.
L’IMPRESSIONNISME AMÉRICAIN,
jusqu’au 1er février, Museo ThyssenBornemisza, Paseo del Prado, 8, Madrid,
Espagne, tél. +34 902 760 511,
www.museothyssen.org
Theodore Robinson,
Blossoms at Giverny,
1891-1892, huile sur toile,
54,9 x 51,1 cm.
Terra Foundation for
American Art, Chicago,
Daniel J. Terra Collection.
MON DIEU,
JE VOUDRAIS
PLUTÔT ALLER
EN EUROPE
QU’AU PARADIS.
(WILLIAM MERRITT
CHASE)