La Messe en si, une œuvre majeure portée par un souffle

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La Messe en si, une œuvre majeure portée par un souffle
La Messe en si, une œuvre majeure portée par un souffle La Messe en si mineur, un monument s’il en est, a été terminée entre août 1748 et octobre 1749. C’est comme si Johann Sebastian Bach désirait, vers la fin de sa vie, nouer la gerbe de plusieurs idées remontant aux étapes principales de son parcours. Pendant ces quinze mois, il se focalise avant tout sur cette messe et sur l’Art de la fugue. Missa et messe Lors des fêtes luthériennes à Leipzig, on chantait volontiers une « missa », soit une mise en musique du Kyrie et du Gloria de la messe latine, qui enrichissait le culte. Bach a ainsi composé quatre « missae » en 1738/39. Il en avait déjà écrit une en 1733, sensiblement plus longue et destinée à la cour de Dresde. Le Kantor la retravaillera pour l’intégrer à la Messe en si, qui compte aussi un Credo, un Sanctus et un Agnus Dei (bien que, ici, certaines sections portent un autre titre). Une formation extrêmement riche Pour l’époque de Bach, la formation de la Messe en si est extrêmement riche avec en particulier trois trompettes, des timbales, cinq solistes et une écriture chorale allant jusqu’à huit voix. Le compositeur met en valeur tout le potentiel de cet ensemble. Profondeur et envergure Une large palette stylistique s’inspirant de l’écriture ancienne et d’une syntaxe plus moderne, une grande variété de techniques de composition, une exploitation de toutes les possibilités sonores : rien ne manque à la Messe en si pour lui conférer une profondeur et une envergure exceptionnelles. Nombre de parties semblent toucher à l’universel tant leur pouvoir expressif est grand : le Gloria où les trompettes viennent déchirer le voile un peu sombre du Kyrie, l’Et incarnatus est qui allie tendresse et gravité, ou encore l’Agnus Dei, aussi intense que dépouillé. Forme en arche Relevons que le Symbolum Nicenum adopte une forme en arche. Ainsi la première partie (Credo, Patrem) est reprise à la fin (Confiteor, Et expecto), la deuxième section (Et in unum) se retrouve en avant-­‐dernière position (Et in spiritum sanctum), et la suivante (Et incarnatus est) revient selon la même symétrie (Et resurrexit). Au centre du Symbolum Nicenum trône ainsi le Cruxifixus. Ce type de construction se trouve par exemple dans le motet Jesu, meine Freude, que les auditeurs du Festival ont pu entendre en 2012. La parodie et le souffle La majeure partie de toutes les sections de la Messe en si sont des parodies, à savoir des adaptations de compositions du Kantor. Les œuvres dont il s’inspire couvrent l’ensemble de ses périodes créatrices. Il modifie ainsi une partie de la cantate Weinen, Klagen, Sorgen, Zagen, qui remonte à l’époque de Weimar (1708-­‐17), pour en faire le Crucifixus ; le Sanctus trouve son origine dans celui qu’il avait écrit pour les fêtes de Noël de 1725, à Leipzig. Bach a-­‐t-­‐il conçu l’œuvre d’un seul tenant ou a-­‐t-­‐il regroupé des parties disparates ? Aucun musicologue n’a encore complètement résolu l’énigme, mais l’œuvre est portée par un souffle de bout en bout. Exécutions Selon Werner Breig, si Bach pensait à une occasion d’exécuter cette œuvre, il pourrait s’agir de l’inauguration de l’église de la cour de Dresde, qui aura lieu onze mois après sa mort. Mais c’est C. P. E. Bach qui dirige la première exécution d’une partie de la composition, le Symbolum Nicenum, en 1786, non sans l’avoir adapté au goût du jour. Il faudra attendre 1859 pour voir la Messe en si jouée intégralement, à Leipzig, aussi dans une instrumentation revue selon l’esthétique de l’époque. © Nicolas Quinche Bibliographie BREIG, Werner, Johann Sebastian Bach in « Musik in Geschichte und Gegenwart », Personenteil 1, Kassel : Bärenreiter, 1999 BUTT, John, Bach : Mass in B minor, Cambridge : Cambridge University Press, 2003 CANTAGREL, Gilles, Bach en son temps, Paris : Fayard, 1997 SADIE, Stanley éd., Johann Sebastian Bach, in « The new Grove dictionary of music and musicians », Londres : Macmillan, 1980 WOLFF, Christoph, The learned musician, New York : Norton, 2000 Parties de la Messe en si Kyrie Symbolum Nicenum Kyrie eleison Credo in unum Deum Christe eleison Patrem omnipotentem Kyrie eleison Et in unum Dominum Gloria Et incarnatus est Gloria in excelsis Deo Cruxifixus Et in terra pax Et resurrexit Laudamus te Et in Spiritum sanctum Gratias agimus tibi Confiteor unum baptisma Domine Deus Et exspecto Qui tollis pecata mundi Sanctus Qui sedes ad dexteram Patris Sanctus Quoniam tu solus sanctus Osanna in excelsis Cum Sancto Spiritu Benedictus Agnus Dei Agnus Dei Dona nobis pacem 

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