Controverse La démence vasculaire
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Controverse La démence vasculaire
338 Rev Neurol (Paris) 2001 ; 157 : 3, 338-343 Controverse La démence vasculaire Formation Post-Universitaire Présentée à la Société de Neurologie en janvier 2000 J. De Reuck1, D. Leys2, M.G. Bousser3 Adresses : 1Service de Neurologie Hôpital Universitaire, Gand (Belgique). 2 Service de Neurologie et Pathologie Neurovasculaire. Université Lille II — Lille (France). 3 Service de Neurologie, Hôpital Lariboisière — Paris. Tirés à part : J. DE REUCK, Afdeling Neurologie. Universitair ziekenhuis Gent. De Pintelaan. 9000 Gent. Belgique. La démence vasculaire est sous-estimée J. DE REUCK. – Le concept de démence vasculaire a fortement évolué durant le siècle dernier, mais reste néanmoins controversé. « Démence artériopathique » était le terme utilisé jusqu’aux années 1970, reposant sur les idées initialement proposées par Binswanger et Alzheimer que le rétrécissement progressif du calibre des artères était responsable d’une diminution progressive du débit sanguin cérébral. Cette hypoperfusion cérébrale chronique était considérée comme la cause de la démence sénile, bien qu’Alzheimer ait déjà décrit les lésions neuropathologiques de la maladie qui porte son nom. Il n’est donc pas surprenant que, dès la fin des années 1960, sous l’impulsion de Fisher, le concept d’hypoperfusion chronique ait été réfuté, rattachant la démence à l’existence d’accidents vasculaires cérébraux (AVC) multiples. Grâce à des études par tomographie à émission de positions (TEP), montrant que la baisse du débit sanguin était couplée à celle de la consommation d’oxygène et que sa répartition était variable, le concept de démence par infarctus multiples a été introduit. Il a fallu plus de quinze années pour admettre que la destruction parenchymateuse liée aux infarctus était insuffisante en ellemême dans le déterminisme de la démence (De Reuck et Santens, 1998). Le terme de démence par infarctus multiples a été, d’une part, accusé d’être abusivement employé conduisant à une surestimation (Brust, 1993) et, d’autre part, d’être trop réducteur causant une sousestimation (O’Brien, 1993). Le terme plus général de « démence vasculaire » reflète actuellement le concept plus large d’un syndrome aux mécanismes et aux étiologies multiples. Les difficultés du diagnostic et le biais des études épidémiologiques Malgré ce nouveau concept, la présente controverse reflète encore toujours les deux points de vue exprimés, concernant les démences par infarctus multiples. Si l’on accepte que tout dément ayant un ou plusieurs infarctus au scanner X ou à l’IRM, ait une démence vasculaire, les démences vasculaires sont surestimées. Si on accepte, en revanche, que la démence vasculaire a différentes causes, incluant non seulement les infarctus et les lacunes, mais également les infarctus incomplets J. DE REUCK et coll. non visible en imagerie, la leucoaraïose, les effets du diaschisis et de l’hypoperfusion chronique du cerveau, alors les démences vasculaires sont sous-estimées. Ceci explique les différences d’incidence des démences vasculaires dans les études épidémiologiques basées, d’une part, sur des données hospitalières et des populations urbaines et, d’autre part, sur des autopsies (Chui, 1998). Dans les cliniques de la mémoire la fréquence de la maladie d’Alzheimer est de 47 p. 100 et de la démence vasculaire de 9 p. 100. En revanche dans les services admettant des malades souffrant d’AVC, l’incidence de la démence vasculaire est évaluée entre 15,9 et 56,3 p. 100. Les données épidémiologiques dans les populations urbaines varient selon le pays et le continent. En Europe et aux États-Unis la démence d’Alzheimer est 2 fois (2,6 p. 100) plus fréquente que la démence vasculaire (1,5 p. 100), alors qu’au Japon et en Russie les proportions sont inversées après 65 ans. Les vérifications anatomopathologiques de démences au Japon révèlent 50 p. 100 de démences vasculaires et 25 p. 100 de maladies d’Alzheimer (MA). En Europe et aux États-Unis l’incidence des démences vasculaires pures varie de 7,5 p. 100 à 19 p. 100, tandis que © Masson celles des démences mixtes (Alzheimer et vasculaires) ont une fréquence de 9 à 18 p. 100. Les mécanismes vasculaires de la démence Les études anatomocliniques et en TEP ont démontré une fréquence plus élevée de démence dans les micro-angiopathies avec lacunes et leucoaraïose que dans les infarctus corticaux multiples, à l’exception des infarctus incomplets des territoires jonctionnels. Cinquante pour cent des malades présentant une démence vasculaire et 30 p. 100 de ceux présentant une MA ont une leucoaraïose au scanner. Il existe également des leucoencéphalopathies vasculaires pures comme la maladie de Binswanger et le CADASIL, mais ces entités sont rares. Elles peuvent être expliquées par un mécanisme de diaschisis au niveau cortical (De Reuck, 1994). Plusieurs études en TEP ont démontré une hypoperfusion chronique dans les démences vasculaires par micro-angiopathies, lacunes et leucoaraïose, due à la perte des réserves hémodynamiques, suivie par un hypométabolisme cérébral global (De Reuck et al., 1998). Le déficit cognitif vasculaire et autre Les études précédentes démontrent l’hétérogénéité des mécanismes des démences vasculaires. Dès lors il serait logique de redéfinir la démence vasculaire en terme de déficit cognitif d’origine vasculaire comme le propose Hachinski (Hachinski et al., 1994). Ce nouveau concept pourrait également être appliqué à toute autre cause de déficit cognitif et permettrait de rechercher les facteurs de risque de la démence. Cela éviterait également le biais d’une classification difficile entre démence versus déclin cognitif non démentiel et entre vasculaire versus dégénérative. Les critères neuropathologiques de MA sont aussi hétérogènes et complexes, en raison de l’association de corps de Lewy corticaux dans 10 à 20 p. 100 des cas, d’infarctus non suspectés dans 17 p. 100, d’anomalies de la substance blanche dans 30 p. 100 et d’angiopathie amyloïde dans 80 p. 100 des cas. Controverse • La démence vasculaire Les facteurs de risque vasculaires La fréquente co-existence de la MA et des AVC n’est pas fortuite. Les nouvelles entités comme celle de « démence postAVC » ont clairement démontré l’interaction entre MA et AVC (Hénon et al., 1997). L’apolipoproteine E4, l’angiopathie amyloïde, la leucoaraïose, le diabète, l’hypercholestérolémie et le tabagisme sont des facteurs de risque communs aux 2 pathologies (Siau et De Reuck, 1998). L’hypertension artérielle évoluant depuis dix à quinze ans et l’hypotension artérielle pendant la période de déclin cognitif, sont des facteurs de risque retrouvés aussi bien pour la MA que pour les AVC (Skoog et al., 1996). Le donepezil, employé comme traitement symptomatique des troubles de la mémoire chez des malades au début d’une MA, aurait également un effet bénéfique sur le déficit cognitif vasculaire. Conclusion Si les démences vasculaires pures sont rares, les facteurs de risque vasculaires sont très fréquents et sont les seuls qui jusqu’à ce jour peuvent faire l’objet d’une prévention ou d’un traitement. La démence vasculaire est surestimée D. LEYS. – Au cours de la dernière décennie la reconnaissance de facteurs vasculaires dans les démences a amélioré la prise en charge des patients. La prévention des accidents vasculaires cérébraux (AVC) peut diminuer l’incidence des démences, y compris de la maladie d’Alzheimer (MA) (Forette et al., 1998). Toutefois il y a une tendance chez de nombreux cliniciens à diagnostiquer comme démence vasculaire les cas de MA associés à des facteurs vasculaires. Les conséquences d’une telle surestimation des démences vasculaires peuvent être graves : la prise en charge générale de patients Alzheimer diffère de celle de patients présentant une démence vasculaire, des traitements spécifiques ralentissant l’évolution de la MA ne sont pas appropriés dans les démences vasculaires, l’information donnée à la famille sur l’évolution n’est pas la même dans les deux affections, et certaines familles souhaitent avoir un diagnostic précis. J. DE REUCK et coll. 339 L’objectif est de montrer que les démences vasculaires sont surévaluées en pratique chez des patients ayant des facteurs de risques vasculaires ou des antécédents d’accidents vasculaires, et que le rôle d’une pathologie dégénérative associée est sous estimé. Toutefois cela ne doit ni faire perdre de vue l’importance cruciale des facteurs vasculaires dans les démences, y compris dans la MA, ni discuter la réalité du concept de démence vasculaire. Tendance historique à la surestimation des démences vasculaires Jusqu’aux années 1970, l’athérosclérose cérébrale entraînant une hypoperfusion chronique était présentée comme la cause majeure de démence, tandis que la MA était considérée comme une affection rare affectant des sujets d’âge moyen. Bien que ce concept ait progressivement décliné parallèlement aux informations apportées au corps médical au grand public sur la MA, il n’a pas totalement disparu dans l’esprit de nombreux praticiens qui ne sont pas familiers avec les démences. Nombreux sont ceux qui considèrent encore la plupart des démences comme étant la conséquence d’une hypoperfusion cérébrale chronique. Cette opinion explique pourquoi certains patients déments reçoivent encore des médicaments dits vasoactifs. Les démences vasculaires pures sont rares et parfois discutables Les démences vasculaires représentent la deuxième cause de démence après la MA (Prencipe et al., 1997), mais ce concept reste controversé (Hachinski et Norris, 1994). Des difficultés à l’élaboration d’un diagnostic clinique et neuropathologique ne sont pas encore résolues (Drachman, 1993). D’un point de vue clinique, une relation de cause à effet entre AVC et démence est probable dans les 4 circonstances suivantes : (1) chez des sujets jeunes avec un faible risque de MA associée, dont la démence apparaît après l’AVC, mais cette circonstance n’est pas fréquente ; (2) quand l’évolution temporelle du déclin cognitif après un accident vasculaire suggère une relation de cause à effet, mais l’exclusion d’une démence préexistante n’est pas toujours facile en l’absence 340 Rev Neurol (Paris) 2001 ; 157 : 3, 338-343 d’évaluation systématique (Hénon et al., 1997) ; (3) quand les lésions vasculaires sont localisées dans des régions stratégiques (Benson et al., 1982 ; Alexander et Freeman, 1984), mais le concept d’infarctus stratégique a été introduit avec la première génération de scanner, et sans recul suffisant ; ainsi une autre lésion vasculaire cérébrale, et la contribution de lésions de type Alzheimer au profil neuropsychologique ne peuvent pas être exclues dans de nombreux cas d’infarctus stratégiques (Pasquier et Leys, 1997) ; (4) quand un marqueur spécifique d’une affection vasculaire connue pour entraîner une démence, est présent, par exemple dans le CADASIL (Joutel et al., 1996) ; cette situation est probablement la seule dans laquelle l’origine purement vasculaire d’une démence ne peut être discutée, mais elle est rare en pratique. Les études épidémiologiques surestiment les démences vasculaires La prévalence des démences vasculaires est surestimée parce que de nombreuses études ne font pas la distinction entre les démences vasculaires et les MA associées à des anomalies vasculaires, mais les classent toutes deux dans les classes des démences vasculaires (Rocca et al., 1991). Le manque de spécificité des critères de diagnostic de démence vasculaire et de MA favorise la surestimation des démences vasculaires Les critères du NINDS-AIREN stipulent que des anomalies de la substance blanche isolées peuvent entraîner une démence lorsqu’elle concerne au moins 25 p. 100 du volume de la substance blanche (Roman et al., 1993), mais cette hypothèse n’a jamais été testée, et la limite à 25 p. 100 est arbitraire. Plus rarement, des anomalies de la substance blanche ont aussi été décrites dans la MA (Rezek et al., 1987 ; Leys et al., 1992 ; Erkinjuntti et al., 1994), en particulier un début tardif (Scheltens et al., 1992), même après exclusion des facteurs de risques vasculaires (Scheltens et al., 1992 ; Leys et al., 1992). Quand un patient atteint de MA présente des facteurs vasculaires, la MA peut être difficile à diagnostiquer. Ce problème pourrait être résolu si nous avions à notre disposition un marqueur sensible et spécifique de MA. Dans une étude neuropathologique (Gold et al., 1997), 57 p. 100 des patients ayant une MA et des lésions vasculaires étaient considérés comme ayant une démence vasculaire pure selon les critères de l’état de Californie (ADDTC) (Chui et al., 1992) ; Le pourcentage de mal classés, allant dans le sens d’une surestimation de démences vasculaires pures, était de 29 p. 100 avec les critères du NINDS AIREN (Roman et al., 1993) et de 18 p. 100 avec le score d’Hachinski (Hachinski et al., 1975). La difficulté que l’on observe avec les critères de diagnostic est que les cas de démences vasculaires pures, c’està-dire sans lésions Alzheimer à l’autopsie, pourrait être extrêmement rares (Hulette et al., 1997). Les critères de diagnostic de la MA, utiles pour la recherche, nécessitent l’exclusion de toutes pathologies cérébrales que le clinicien considère comme pouvant contribuer au déclin cognitif (McKhann et al., 1984). En pratique, de très nombreux praticiens excluent des patients ayant des lésions vasculaires cérébrales, et parfois même simplement des facteurs de risques vasculaires (Leys et al., 1990 ; Scheltens et al., 1992). Ainsi la prévalence de la MA est-elle sous estimée, et celle des démences vasculaires surestimée, alors que la prévalence de la MA (Rocca et al., 1990) et des AVC (Giroud et al., 1989) est élevée chez les sujets âgés. Chez les patients présentant un accident vasculaire la MA est plus fréquente que ne le voudrait le hasard Le lien entre pathologie cérébrale et MA est probablement plus important que ne le veut le hasard (Pasquier et Leys, 1997). La MA et les accidents vasculaires cérébraux partagent des facteurs de risques comme l’âge (Rocca et al., 1990), l’hypertension artérielle (Skoog et al., 1996) et le génotype ε ; 4 de l’ApoE (Slooter et al., 1997). Des lésions vasculaires cérébrales sont présentes chez 20 p. 100 des patients ayant une MA à l’autopsie (Jellinger et al., 1990 ; Ince et al., 1995 ; Victorof et al., 1995), alors qu’il est exceptionnel à l’autopsie d’un patient dément de ne trouver que des lésions vasculaires (Hulette et J. DE REUCK et coll. al., 1997). La vasculopathie de la MA comprend l’angiopathie amyloïde (Yamada et al., 1987 ; Kalaria, 1996), source potentielle d’hémorragies (Ellis et al., 1996 ; Lucas et al., 1992), et d’infarctus (Ellis et al., 1996 ; Premkumar et al., 1996), et un épaississement fibrohyalin non spécifique de la paroi des petits vaisseaux perforants intracérébraux (Brun et Englund, 1986 ; Rezek et al., 1987 ; Leys et al., 1991 ; Erkinjuntti et al., 1996), qui peut favoriser la survenue de lacunes, d’anomalies de la substance blanche, ou les deux (Rezek et al., 1987 ; Hijdra et al., 1990 ; Leys et al., 1992 ; Erkinjuntti et al., 1996). Un épaississement intima-média au niveau de l’artère carotide commune est plus fréquente dans la MA que chez des témoins (Hofman et al., 1997), et l’athérosclérose aortique est plus fréquente à l’autopsie de patients Alzheimer que chez des témoins du même âge (Kalaria, 1997). Ainsi les patients Alzheimer ont-ils souvent des anomalies des vaisseaux cérébraux, contribuant ainsi à une surestimation des facteurs vasculaires. Quand une démence survient après un AVC, la tendance est de considérer que la démence est la conséquence directe des lésions vasculaires cérébrales. En fait, une démence pré-existante existe chez 1/6e des patients de plus de 40 ans présentant un accident vasculaire ischémique ou hémorragique constitué, et est souvent due à une MA débutante (Hénon et al., 1997). Dans une étude finlandaise le déclin cognitif est présent avant l’AVC chez près d’un tiers des patients développant une démence post-accident vasculaire (Pohjasvaara et al., 1997). Tatemichi et al. (1992) considéraient que les patients présentant un déclin cognitif avant leur accident vasculaire, avaient une MA. Dans l’étude de Rochester, le risque de survenu d’une MA était doublé 24 ans après un accident vasculaire (Kokmen et al., 1996), suggérant que l’accident vasculaire puisse induire une anticipation de l’expression clinique de la MA. Dans l’étude de New York, la pathologie vasculaire est la cause de la démence chez 56,1 p. 100 des patients développant une démence de novo après un accident vasculaire, tandis que 36,4 p. 100 de ces démences sont présumées dû à la coexistence d’une lésion vasculaire et d’une MA (Tatemichi et al., 1994). Quelques démences survenant après © Masson un accident vasculaire ont d’ailleurs un début progressif et une évolution suggérant plus une affection dégénérative qu’une affection vasculaire (Tatemichi et al., 1994). Une lésion vasculaire cérébrale peut révéler une MA « pré-clinique » De nombreux cas de démences survenant chez des patients ayant une pathologie vasculaire cérébrale sont la conséquence de l’effet cumulatif de la lésion vasculaire cérébrale, de lésions de type Alzheimer, et d’anomalies de la substance blanche. Même quand ces modifications ne sont pas suffisamment évoluées pour entraîner par elle-même un syndrome démentiel, leur association peut faire atteindre le seuil de lésion nécessaire pour induire une démence (Pasquier et Leys, 1997). Quand un accident vasculaire, des anomalies de la substance blanche, ou les deux, surviennent chez un patient présentant des lésions anatomiques de MA encore asymptomatique, la longue période pré-clinique de développement des lésions de type Alzheimer pourrait être raccourcie (Pasquier et Leys, 1997). Ainsi, de nombreuses démences pourraient être la conséquence de la sommation des effets de lésions vasculaires, de lésions de type Alzheimer et d’anomalie de la substance blanche. Les résultats de l’étude des religieuses américaines (nun study) (Snowdon et al., 1997), est en faveur de cette hypothèse. Les lésions vasculaires pourraient jouer un rôle important dans l’apparition et la sévérité des symptômes cliniques de type Alzheimer (Snowdon et al., 1997). L’évolution clinique chez de tels patients est celle d’une MA. D’un point de vue théorique une prise en charge optimale des facteurs de risques vasculaires devrait réduire l’incidence de la MA (Pasquier et Leys, 1997 ; Leys et Pasquier 1999). L’étude publiée par Forette et al. (1998) pourrait avoir des implications majeures en terme de santé publique : l’abaissement de la pression artérielle avec la nitrendipine chez des sujets âgés non déments présentant une hypertension artérielle systolique réduit de façon significative l’incidence de la MA sur une période de 2 ans. Le mécanisme par lequel le traitement de l’hypertension artérielle systoli- Controverse • La démence vasculaire que du sujet âgé réduit l’incidence de la MA pourrait être simplement une prévention des accidents vasculaires, évitant l’anticipation du début d’un certain nombre de MA dont la symptomatologie aurait été précipitée par des infarctus (Leys et Pasquier, 1999). Conclusion Les AVC et la MA sont plus souvent associés chez le même patient que ne le voudrait le hasard. Un accident vasculaire, même de petite taille, avec des conséquences physiques limitées, peut induire une anticipation de l’expression clinique d’une authentique MA qui, sans pathologie vasculaire, se serait exprimée quelques années plus tard. La reconnaissance d’une composante vasculaire dans un syndrome démentiel est cruciale en terme de prise en charge et de prévention. Toutefois, la reconnaissance d’une MA associée chez un patient développant une démence après un accident vasculaire est aussi importante avec l’émergence de traitements symptomatiques de la MA, et le deviendrait encore plus dans l’hypothèse de traitements étiopathogéniques. Le risque d’une surestimation des démences vasculaires est de négliger une MA associée, et de priver le patient de traitements spécifiques qui pourraient lui rendre service. Ce risque m’amène à suggérer que dans notre pratique nous ayons une attitude plus pragmatique, qui consisterait tout d’abord à reconnaître le syndrome clinique qu’est la démence, puis à identifier l’ensemble des facteurs qui peuvent y contribuer, qu’il s’agisse de facteurs vasculaires, dégénératifs, ou autres. Cette démarche permettrait d’apporter au patient la thérapeutique la plus appropriée de chaque facteur étiologique, et serait plus utile que de classer un patient dans un cadre nosologique trop rigide, et souvent erroné. Conclusion M.-G. BOUSSER. — Comme souvent dans une controverse, les deux protagonistes ont bien joué leur rôle mais finalement ils sont à peu près d’accord. Jacques De Reuck a montré que la fréquence de la démence vasculaire était sous estimée et Didier Leys qu’elle était surestimée mais J. DE REUCK et coll. 341 l’un et l’autre ont conclu à la grande fréquence de l’association de lésions vasculaires et de lésions de maladie d’Alzheimer avec les conséquences thérapeutiques qui en découlent. En effet, bien que nous soyons toujours plus à l’aise avec des catégories diagnostiques mutuellement exclusives et intellectuellement confortables, il faut reconnaître que ceci est rarement le cas à partir d’un certain âge et que, pour le sujet qui nous occupe aujourd’hui, les maladies d’Alzheimer pures, sans aucun facteur de risque vasculaire sont rares, tout comme sont très rares, les démences vasculaires pures telles que CADASIL ou certains infarctus stratégiquement situés. Je rappellerai simplement l’étude de Snowdon et al. (1997) consacrée à l’analyse de 102 cerveaux de religieuses américaines ayant eu dans leur jeunesse l’équivalent du baccalauréat et ayant subi des batteries de tests psychométriques dans les années précédant leur décès. Le diagnostic de maladie d’Alzheimer était basé sur des critères neuropathologiques stricts comportant la présence d’abondantes plaques séniles et de dégénérescences neurofibrillaires. Dans le groupe ainsi défini (61 religieuses), la prévalence de la démence cliniquement définie (sur des scores cognitifs et sur l’altération des activités de la vie quotidienne) était de 88 p. 100 lorsqu’existait un infarctus cérébral contre 57 p. 100 sans infarctus. Les infarctus n’avaient pas besoin d’être volumineux pour aggraver le risque de démence clinique : en effet l’impact d’un infarctus lacunaire au niveau des noyaux gris ou de la substance blanche profonde était plus prononcé que celui d’infarctus corticaux territoriaux. La présence d’un ou de deux infarctus lacunaires augmentait même la prévalence de la démence jusqu’à 93 p. 100 dans cette population, soit un risque relatif de 20,7 comparé aux patients sans infarctus. En revanche, en l’absence des critères neuropathologiques de maladie d’Alzheimer, la présence d’infarctus cérébraux ne s’accompagnait d’aucune démence clinique. Ainsi les infarctus cérébraux semblent agir en abaissant le seuil auquel les lésions d’Alzheimer produisent une démence. Ils jouent donc un rôle parfois déterminant dans la survenue de signes cliniques de maladie d’Alzheimer. 342 Rev Neurol (Paris) 2001 ; 157 : 3, 338-343 La conséquence pratique de cette intrication entre lésions vasculaires et lésions d’Alzheimer est simple : il faut traiter les facteurs de risque vasculaire et empêcher autant que faire se peut la survenue d’infarctus cérébraux. Non seulement, une telle prévention diminue le risque de démence vasculaire, mais elle diminue aussi le risque de maladie d’Alzheimer comme cela a été démontré dans l’étude Syst-Eur (Forette et al., 1998). Il est donc crucial d’appliquer à une large échelle les mesures dont l’efficacité dans la prévention des accidents vasculaires cérébraux a été démontrée dans des essais randomisés, telles que le traitement de l’hypertension artérielle, l’endartérectomie carotidienne, l’utilisation de l’Aspirine et des autres agents anti-plaquettaires dans l’athérosclérose, le traitement anticoagulant dans la fibrillation auriculaire, l’utilisation de statines en cas d’hypercholestérolémie et le traitement des autres facteurs de risque vasculaire. Références ALEXANDER M, FREEMAN M. (1984). Amnesia after anterior communicating artery aneurysm rupture. Neurology, 34: 752-757. BENSON D, CUMMINGS J, TSAI S. (1982). Angular gyrus syndrome simulating Alzheimer’s disease. Arch Neurol, 39: 616-620. BRUN A, ENGLUND E. (1986). A white matter disorder in dementia of the Alzheimer type: A pathoanatomical study. Ann Neurol, 19: 253-262. BRUST J. (1993). Vascular Dementia Reconsidered. 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