Terre d`Elle - Jardin des monts
Transcription
Terre d`Elle - Jardin des monts
Terre d’Elle Vendredi 31 juillet 2015 HERBORISTERIE Portrait Le Jardin des Monts et ses merveilles bio Muriel Favre Au Pays-d’Enhaut deux horticultrices se sont associées pour créer une herboristerie de montagne, le Jardin des Monts, redonnant leurs lettres de noblesse aux plantes médicinales. U n petit chemin et une vingtaine de minutes de marche conduisent le randonneur au chalet d’alpage du Montdessus, situé à environ 1350 mètres d’altitude, au-dessus du village de Rossinière. C’est là qu’un projet s’est mis en place de 2005 à 2009: la création d’une herboristerie de montagne par la réhabilitation d’un chalet d’alpage et de ses terrains en terrasses. Le chalet, construit au XVIIIe siècle par un Lucernois qui lui a Laetitia Jacot et Charlotte Landolt. donné son charme particulier, fut longtemps utilisé comme chalet d’alpage, mais il était en piteux état lorsqu’il fut racheté par Pierre Landolt, tombé sous le charme de ce lieu idyllique, exposé plein sud et offrant une vue à couper le souffle sur toute la région. Une palette de saveurs et de couleurs Cueillette à la main ou à la ciM. Favre saille. Pendant les trois ans que durèrent la restauration du chalet, Charlotte Landolt et Laetitia Jacot s’occupèrent de réhabiliter les pâturages laissés à l’abandon. Ces deux horticultrices de profession se sont retrouvées au Pays-d’Enhaut par une passion commune, les plantes médicinales. «Nous avons voulu les sortir des placards de nos grands- SP mères, retrouver les goûts et saveurs d’antan un peu oubliés», explique Charlotte. Elles recensèrent les plantes de la région, testèrent leur acclimatation afin de sélectionner celles qui s’adaptaient le mieux sur ce terrain plutôt argileux. Les plantes furent aussi choisies pour avoir une palette de saveurs (les thyms, les menthes, plantes goûtues, sont les reines au jardin), et une palette de couleurs qui égayent les mélanges d’infusions. Laetitia profita de cette période pour se perfectionner en herboristerie, alors qu’avec son mari, Jean-Philippe, ils ont habité deux étés le petit chalet du Mont-dessus, à 1650 mètres d’altitude, menant une vie rustique, gardant des chèvres et fabriquant des tommes. CHRISTINE PERROCHET Vigneronne, institutrice Auvernier (NE) Une vigneronne dans la lune réhabilitation du terrain, nos cultivatrices ont développé leur culture en suivant le cahier des charges de l’agriculture biologique. La récolte dans les jardins s’effectue à la main, le séchage se fait à basse température, dans un vieux fenil à bois aménagé. Les plantes sont conditionnées dans des sachets en papier qui leur permettent de respirer tout en étant protégées de la lumière. Nos deux associées ont donc sélectionné les plantes qui convenaient le mieux à leur projet, puis ont commencé à les commercialiser dans la région. Elles ont été bien soutenues par les gens du coin, qui ont joué la carte de la solidarité. Mais la culture dans des conditions assez rudes a un coût qu’il faut amortir. Il a été décidé de développer des produits finis à partir des plantes du jardin. Pour cela les responsables du jardin travaillent en partenariat avec des entreprises de la région, fidèles à leur éthique: partenaires suisses, de la région, travaillant en bio. Le pari a été réussi: redonner vie au domaine abandonné et réhabiliter les plantes médicinales, «des plantes magiques aux propriétés multiples», aux dires de Charlotte. Les jardins sont ouverts aux visiteurs et marcheurs les vendredis après-midis tout le mois d’août et jusqu’à mi-septembre, au moment du pic de la floraison. Voilà une promenade d’été toute indiquée. Des produits finis à partir des plantes Une équipe menée par un trio Le Jardin des Monts, c’est avant tout un travail d’équipe. Au noyau de base constitué de Charlotte et Laetitia s’est ajoutée en 2006 Sandra Menoux, qui leur a apporté une aide précieuse par ses connaissances en marketing. Chacune met ses compétences au profit de l’entreprise. Si Laetitia s’occupe principalement de la production et du développement, Sandra est responsable des ventes et du marketing, alors que Charlotte chapeaute le tout. Ayant obtenu le label bio Bourgeon après deux ans de SUR LE WEB www.jardindesmonts.ch Au trio de base s’ajoutent d’autres collaborateurs: André Mottier, horticulteur paysagiste, est devenu chef de culture, alors que Cindy Pilet s’occupe de la cueillette ainsi que des commandes et livraisons. Le chevrier Christian Jaggi et sa compagne Julia s’occupent du troupeau de 30 chèvres et de la fabrication du fromage au lait cru. Une collaboration est aussi établie avec Julienne Torrent, accompagnatrice en montagne, qui organise des visites à thèmes. MF Le chalet avec les jardins en terrasses. M. Favre De la plante aux différents produits finis Les plantes du Jardin des Monts sont commercialisées sous différentes formes. Elles sont proposées à la vente sous forme de mélanges de plantes pour infusions, savamment choisies pour apporter le maximum de bienfaits et de saveurs. Les sirops confectionnés à partir des plantes fraîches du jardin et de sucre biologique suisse permettent d’obtenir des boissons rafraîchissantes ou de parfumer des desserts. Menthes, thyms ou nepeta rappellent les saveurs d’antan. Pour la partie cosmétique, les plantes sont utilisées sous forme de macérât. Les plantes Les plantes sont commercialisées sous différentes formes. séchées sont mises à macérer dans de l’huile d’olive, de tournesol ou de jojoba selon l’utilisation prévue (les huiles de M. Favre tournesol ou d’olive conviennent mieux pour des huiles de massage, le jojoba est utilisé pour les baumes, car mieux absorbé par la peau). Après dynamisation au soleil, l’huile prend la couleur et l’odeur de la plante. Cette huile enrichie est filtrée et envoyée à un laboratoire de la région labellisé bio, qui la transforme en baumes, huiles de massage, savons, selon les normes cosmétiques en vigueur. L’assortiment est complété par des bougies aux senteurs de forêt de montagne, un chocolat bio-équitable contenant des petites feuilles de menthe poivrée ou de verveine citronnée, et bientôt un petit bonbon doux au parfum de thym citronné et sapin blanc. MF M. DebéLy 12 Née dans le Zürcher Weinland au sud de Schaffhouse, Christine Perrochet a grandi dans les vignes, son père étant vigneron-encaveur. «J’ai d’ailleurs rencontré mon mari, Jean-Denis, alors qu’il faisait son apprentissage dans le domaine de mon papa», raconte-t-elle. Christine et Jean-Denis sont aujourd’hui mariés depuis vingt-neuf ans et le couple constitue la sixième génération qui travaille pour le domaine de la Maison Carrée, situé dans le petit village d’auvernier, au bord du lac de Neuchâtel. Retour au vert Le domaine de la Maison Carrée s’est converti depuis 2012 à la technique de la biodynamie pour ses dix hectares de vignes. Cette technique implique qu’on n’utilise pas de désherbant, ni de produits systé- Christine Perrochet en train d’étiqueter des bouteilles. M. DebéLy miques. Christine explique: «On remplace par du compost et on traite nos vignes avec des tisanes, comme l’ortie, la valériane, etc. On utilise également du petit lait et un peu de souffre et de cuivre». La biodynamie implique aussi de suivre le calendrier lunaire et planétaire. «Par exemple, lorsque la lune est au plus près de la Terre, les maladies à champignons deviennent plus virulentes. Il faut donc traiter les vignes en conséquence». L’accueil des clients face à cette technique est positif. «au début cela intrigue les gens. Lorsqu’on leur explique le concept, ils y sont favorables. Il faut dire qu’il y a un retour au vert, cette technique nous permet de revenir au naturel, ce qui est bienvenu. Je pense qu’il faut s’éloigner de l’industrialisation qui touche le milieu agricole en général car cela tend à une standardisation de nos produits du terroir, ce qui est vraiment dommage.» Si cela fait vingt ans que Christine a rejoint le domaine, elle ne se destinait pourtant pas à travailler dans une cave. «De formation je suis institutrice. J’ai cependant arrêté lorsque je suis venue m’installer ici à auvernier. C’était compliqué d’enseigner à cause de la barrière de la langue. J’ai travaillé comme éducatrice au centre pédagogique des Perce-Neige pendant trois ans, jusqu’à ce que j’arrête pour m’occuper de mes enfants.» en 1995, elle intègre l’entreprise: «Les enfants étaient déjà plus grands alors j’ai commencé à m’investir dans le domaine et j’ai pris de plus en plus de responsabilités. aujourd’hui je m’occupe de l’administratif, de la comptabilité, je gère les salaires des employés». La part de son travail que Christine préfère est l’accueil de la clientèle. «On fait beaucoup de vente direct et ça me plaît d’accueillir les clients, de leur parler des vins, d’effectuer les dégustations.» Un des moments les plus intenses dans l’année est les vendanges. Christine devient alors cuisinière pour les vingt-cinq vendangeurs qui s’ajoutent à la tablée quotidienne: «C’est vraiment un travail fou, je termine à peine la vaisselle du midi qu’il faut préparer le repas pour le soir! Mais c’est aussi pendant ces repas que les amitiés se forment, ce sont des moments conviviaux vraiment super sympas». et Christine ajoute: «Travailler dans un domaine viticole c’est s’adapter à des tâches variées, et c’est ce que j’aime. Je ne me vois pas faire autre chose, je suis heureuse du tourMARIKA DEBÉLY nant qu’a pris ma vie». Dates clés 1986 Mariage avec Jean-Denis. 1988 Naissance des jumeaux Camille et alexandre, suivie d’anne en 1992. 1995 Christine commence à travailler pour le domaine. 2012 Le domaine de la Maison Carrée produit uniquement des vins issus de la culture biodynamique. 2015 alexandre termine sa formation de vigneronencaveur et vient travailler dans le domaine familial. Il devient la septième génération à exploiter les vignes de la Maison Carrée.