Tambov - Mémorial de l`Alsace

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Tambov - Mémorial de l`Alsace
f iche
p é d ag o g i qu e
L E S PA G E S I e t I V s o nt d e st i n é e s au x E N S EI G N A N T S .
Exposition : que s’est-il passé à Tambov ?
Rappel des faits :
• 22 juin 1940 : signature de l’armistice de Rethondes :
aucune clause ne concerne l’Alsace et la Moselle qui
restent, en droit, des départements français, mais qui ont
déjà été annexées de fait par l’Allemagne nazie.
• 19 août 1942 : ordonnance du Gauleiter Bürckel instituant
le service militaire obligatoire dans la Wehrmacht pour les
jeunes Mosellans ; le 25 août, le Gauleiter Wagner prend la
même décision pour l’Alsace.
• Plus de 100 000 Alsaciens et 30 000 Mosellans sont
enrôlés de force à partir d’octobre 1942 ; beaucoup sont
envoyés sur le front russe à partir de mars 1943.
• Certains de ces Malgré-Nous sont faits prisonniers par
les Russes ; d’autres désertent. Une grande partie de ces
prisonniers et déserteurs est regroupée dans le camp de
Tambov par les Russes.
Des documents variés et complémentaires.
Pour faire revivre la mémoire de Tambov, les
organisateurs de l’exposition ont exploité des documents
d’origines variées :
P – 4148/1/8 16 pages
MOSCOU UPVI NKVD URSS
A l’attention de Monsieur le Lieutenant Général Petrov
------Le 28 octobre de cette année au camp de Rada N_188 sont arrivés
du camp de Siretsk N°62 sous escorte 144 prisonniers militaires
français et belges ; ils ont fait 16 jours de trajet dans un train qui
n’était pas du tout équipé. Tous les prisonniers étaient vêtus
d’uniformes d’été déchirés, la plupart sans sous-vêtements,
sans couvre-chefs, ni chaussures. Le jour du départ on leur a
donné des sabots en bois sans tenir compte de leurs pointures
et qui n’étaient pas à leurs tailles, à cause de cela les prisonniers
ont marché 3 km pieds nus sur la neige depuis la station Rada
jusqu’au camp. Parmi les arrivés, 47 personnes sont dans un
état de grave épuisement, 17 personnes sont malades. Le jour
suivant leur arrivée, 4 personnes ont été hospitalisées avec une
pneumonie.
Je considère que l’équipe d’escorte du contingent de Français
d’un comportement aussi révoltant, doit avoir une punition méritée.
Le Représentant de l’UPVI du NKVD de l’URSS
Le Commandant du service médical Rosenblum (signature)
29/10/1944
N_2869
Transmis par Komarov
Reçu par Anissimov
Le commandant du service médical Rosenblum demande des
sanctions contre l’équipe d’escorte qui a conduit
un contingent français à Tambov, parce que cette escorte a
maltraité des prisonniers. Etonnant document
qui va à l’encontre de bien des idées reçues !
• Les archives de Tambov : plus de 4000 clichés des archives
russes ont été rapportés par une équipe du Conseil
général du Bas-Rhin (voir exemple ci-contre). Quelle
est la difficulté essentielle pour l’exploitation de ces
documents ?
• Les témoignages des survivants : ils sont nombreux. Sontils toujours fiables ?
• Les dessins réalisés par les détenus : ils sont toujours
intéressants. Pourquoi faut-il regarder les dates de
réalisations ?
• Les objets rapportés par les rescapés : Gamelles, cuillers,
habits, tabatières… Pourquoi possède-t-on peu de choses
dans ce domaine ?
• Les photos : elles sont rares ; la plupart concerne la
libération des 1500. Pourquoi faut-il s’en méfier ?
• Les récits et publications des historiens : S’agit-il encore
de documents historiques ?
• Les reconstitutions : comme les baraques enterrées
à l’extérieur du mémorial de Schirmeck. Ce ne sont
évidemment pas des documents historiques, mais quel
peut-être leur intérêt ?
I
II
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p é d ag o g i qu e
L E S PA G E S II e t III s o nt d e st i n é e s au x é l è v e s ( P h o t o co p i e s aut o r i s é e s ).
Documents à étudier
1. Appels à déserter :
« Filez vers les lignes russes ! Criez alors « France, Frantsouz, de Gaulle ! ». Soyez sûrs qu’on vous comprendra, soyez sûrs qu’on
vous accueillera à bras ouverts et qu’on vous fournira les moyens de rejoindre les forces armées de la France combattante ou tous les
moyens de travailler pour votre patrie ou pour vous-mêmes… ».
Appel lancé le 7 mars 1943 par Jean Champenois à la radio de Moscou.
« Quittez au plus vite les rangs de cette armée étrangère…Evadez-vous, gagnez les lignes russes ou américaines…En gagnant les
lignes russes, vous serez accueillis en amis… ».
Appel en dialecte alsacien lancé sur la BBC en août 1943 par Jacques d’Alsace (Jacques Kalb).
2. Les baraques du camp :
« C’étaient des sortes de bunkers enfoncés dans le sol, hauts d’environ deux mètres et recouverts de terre. De l’extérieur, cela ressemble à de petites buttes. Pour y entrer, il fallait descendre des marches comme pour une cave ».
Témoignage de Robert Lutz, De la Wehrmacht à Tambov, Etudes haguenoviennes, 1988, p. 127.
3. Des châlits superposés :
« La norme minimale de surface habitable pour une personne installée sur un châlit à deux étages sera de 1 à 2 mètres carrés ».
Extrait de la directive adressée le 16 février 1945 par le GUPVI au responsable de la région de Tambov sur les mesures à prendre pour
préparer le camp à admettre 15 000 prisonniers (Archives de l’administration du GUPVI P-4148/1c/25).
4. Une journée au camp n° 188 en janvier 1945
5 h
Réveil
13 h 30 à 16 h : Travail
5 h à 5 h30 :
Toilette et nettoyage des baraques
16 h à 17 h : Appel
et de leurs abords 17 h à 19 h :
Education politique
5 h30 à 7 h30 : Petit déjeuner (sic) 19 h à 20 h30 : Repas du soir
7 h30 à 8 h30 : Appel 20 h30 à 21 h : Toilette et ménage
8 h30 à 12 h : Travail 21 h :
Coucher et extinction des feux
12 h à 13 h30 : Repas de midi
Emploi du temps des prisonniers de guerre du camp n° 188, tel qu’il est établi le 8 janvier 1945 par le camarade Kouzmine, capitaine
de la Sécurité d’Etat, chef-adjoint de la direction du camp 188 du NKVD, responsable de la surveillance et de la garde. (Document traduit du russe. Archives de l’administration du camp n° 188 de Tambov-Rada P-3344/1/40 doc.8).
5. La faim au quotidien.
« La pesée du pain était un moment capital, tous les yeux sur la balance. A tour de rôle, chacun recevait l’embout, la dernière portion
de la miche, coupée avec un fil de fer aplati et très aiguisé. Tout était immédiatement englouti, un chiffon sur les genoux, afin de n’en
pas perdre une miette ».
Témoignage d’Albert Minnig, cité dans J. Gandebeuf, La parole retrouvée. Près de 200 Mosellans racontent leur vie entre 1940 et 1945,
1998, p. 283
6. L’hygiène.
« Toutes les quatre semaines environ, on pouvait se laver dans une cuvette contenant 3 à 4 litres d’eau. Avec un peu de chance, on
avait une cuillerée de savon ».
Germain Rodeghiero (témoignage publié dans le quotidien l’Alsace du 21 septembre 2002).
7. Des bricoleurs.
Officiellement, aucun bien personnel n’était autorisé, si ce n’est une boîte de conserve et une cuiller en bois. Comme tout le reste
avait été pris lors des fouilles successives, le règlement était plutôt respecté. Les plus ingénieux fabriquaient quand même des outils
et des objets de première nécessité : par exemple, « avec un clou de charpente récupéré sur un chantier », ils confectionnaient un couteau après avoir passé des heures à l’aplatir entre deux cailloux.
La tragédie des Malgré-Nous par l’historien Pierre Rigoulot, éditions Denoël, 1990, p. 148.
8. La chorale.
« Il faut avoir fait l’expérience de ce que coûte l’effort de chanter lorsqu’on est tourmenté par une faim continuelle depuis plus d’un
an et qu’on n’a plus qu’un désir : manger une bonne fois à sa faim. Mais le fait de se fixer un but a stimulé et fortifié les volontés. Je
suis persuadé que beaucoup de camarades doivent à cette chorale d’avoir survécu ».
Témoignage de Charles Mitschi, cité dans Saisons d’Alsace n° 39-40, 1971, p.352.
9. La prière.
« Il existait dans l’une ou l’autre baraque un petit livret de prières échappé aux fouilles…Ce livret passait de mains en mains et de
baraque en baraque à longueur de journée. Très souvent nous faisions des prières en commun et aucun parmi les non-pratiquants ou
appartenant à une autre confession ne s’en excluait : s’il ne récitait pas les prières avec nous, il écoutait au moins religieusement ».
Témoignage de Martin Hoffarth,
Tambov dans l’histoire de l’Alsace, Saisons d’Alsace n° 39-40, 1971, p. 354.
10. Mourir à Tambov.
« Des cadavres, squelettes recouverts d’une peau bleuie, les pieds encore enflés par l’œdème. Nus comme des vers… ».
Témoignage de Marcel Weil, cité par Pierre Rigoulot, La tragédie des Malgré-Nous, 1990, p. 146.
Comme Marcel Weil, tous ceux qui sont passés à Tambov ont parlé avec épouvante de la baraque 22 où l’on entassait les morts
chaque jour avant de les enfouir dans des fosses communes dans la forêt de Rada.
11. Le retour.
« Les malheureux arrivent dans un état d’exténuation extrême. Ce n’est qu’un tas de loqueteux, dans un état de saleté et de puanteur
répugnant, presque tous porteurs de plaies d’avitaminose sur tout le corps, mais particulièrement sur les jambes ».
Extrait du rapport du capitaine Schwing, responsable du centre de tri et de rapatriement de Chalon (28 août 1945).
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III
L E S PA G E S II e t III s o nt d e st i n é e s au x é l è v e s ( P h o t o co p i e s aut o r i s é e s ).
N° du
document
page II
A
B
C
D
E
Nature du
Document
Thème du
document
Autre document de
l’exposition
sur le thème
Nature de ce
nouveau
document
Renseignements complémentaires
apportés par ce document
1
2
Reconstitution
d’une baraque
Témoignage d’un survivant
qui décrit la vie dans les baraques,
les nuits blanches à trois
dans un châlit…
3
4
Document
Officiel du
N.K.V.D
5
Dessin
de Jean Thuet :
les malades
au sauna
6
7
8
Les
prisonniers
organisent
une
chorale
9
10
11
Compléter ce tableau après l’avoir agrandi (par exemple en A3 par photocopie).
1. Pour les colonnes A et B, partir de l’analyse des documents de la page II.
2. Pour la colonne C, mettre le titre d’un autre document trouvé dans l’exposition et portant sur le même thème.
3. Colonne D, indiquer la nature de ce document.
4. Colonne E : quels renseignements supplémentaires ce deuxième document apporte-t-il sur le thème ?
(Voir des exemples de réponses en italique dans les cases).
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IV
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L E S PA G E S I e t I V s o nt d e st i n é e s au x E N S EI G N A N T S .
A. Objectifs de la fiche :
Guide pédagogique.
-Les savoir-faire :
- Sortir les idées essentielles d’un texte.
- Faire une recherche documentaire dans une exposition (ou un musée).
- Mener une réflexion critique sur les sources et les documents historiques.
- Trier et classer des informations, les ordonner dans un tableau de synthèse.
- Passer d’un tableau à la rédaction d’une synthèse.
-Les connaissances :
- Acquérir des connaissances sur l’incorporation de force en Alsace-Moselle.
- Comprendre l’univers concentrationnaire soviétique (on pourra faire un parallèle avec les camps nazis).
B. Une démarche en trois temps :
1. Avant la visite :
- Etudier en classe les 11 documents proposés (explication de texte).
- Profiter de cette explication pour reconstituer le contexte historique de l’Alsace-Moselle pendant la Seconde Guerre
mondiale.
- Mener une réflexion sur la nature et la fiabilité des documents proposés. On pourra utiliser les questions de la page I comme
fil directeur.
- Renseigner les colonnes A et B du tableau de la page III (il serait judicieux de l’agrandir en format A3).
2. Pendant la visite :
- L’élève complète son tableau : colonnes C, D et E. Ce travail sera différent d’un élève à l’autre ; exemple : le texte sur les
baraques : comme autre document (colonne C), l’élève peut choisir un autre texte ou une photo ou un dessin fait par un détenu
ou la reconstitution d’une baraque… ce qui entraînera des réponses variées dans les colonnes D et E.
- Il existe pour l’élève la possibilité de photographier le document retenu, mais ce n’est pas indispensable.
3. Après la visite :
- En cours, une mise en commun orale ; les élèves peuvent présenter les documents retenus (ainsi, le document initial se trouve
complété par 6 ou 7 documents nouveaux, le sujet s’enrichit considérablement).
- Nouvelle réflexion sur la variété des sources.
- En partant du tableau, rédaction d’une synthèse sur la vie dans le camp de Tambov.
- Possibilité de faire une petite exposition avec les documents rapportés.
C. Un exercice pour trois niveaux :
1. L’exercice tel qu’il est conçu s’adresse à des collégiens.
2. Il est très facile de l’adapter à un CM2 en ne gardant que les colonnes A, B et C. Le travail consistera essentiellement à une
recherche documentaire dont les élèves de cet âge sont friands.
3. Pour les lycéens, on ajoutera une colonne F :
Etude critique des sources : s’agit-il d’un document historique ou non ? D’une source fiable ou non ? D’une vérité généralisable
ou d’un cas ponctuel ? L’ouverture des archives soviétiques : quel intérêt ?
Le travail peut déboucher sur une composition (type épreuve du bac) avec une problématique simple : que s’est-il passé à
Tambov ?
Marcel Spisser, IA-IPR d’histoire-géographie honoraire
Séance d’épouillage à Tambov.