Sans-papiers - Collectif Solidarité Contre l`Exclusion
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Sans-papiers - Collectif Solidarité Contre l`Exclusion
Actu Sans-papiers : de grèves en grèves, Depuis des années, de grèves de la faim en occupations, le quotidien des sans-papiers n'est qu'un long calvaire. Face à eux, un gouvernement sourd distribue les permis au cas par cas… Chronique d'une lutte éreintante. / A Henri Solé Collectif Solidarité Contre l'Exclusion Aujourd’hui des dizaines de milliers de concitoyens végètent et travaillent chez nous, parfois depuis plus de 10 ans, sans titres de séjour, ni permis de travail: ils sont ceux qu’on appelle les sans-papiers. Il y a quatre ans, certains d'entre eux occupèrent l’église Saint Boniface à Ixelles et obtinrent, outre le soutien du clergé local, celui d’un député MR et des voisins et commerçants du quartier. Ils lancèrent même une grande manifestation sur les boulevards de Bruxelles et obtinrent leur régularisation. Voyant cette possibilité, de nombreux autres sans-papiers fondèrent l’UDEP, l'Union de défense des sans-papiers, qui s’était donné une charte ne permettant qu’aux sans-papiers d’être membres. Elle a lancé un grand mouvement pour réclamer une régularisation générale sur base de critères objectifs. De nombreux bâtiments furent alors occupés dans toute la Belgique, surtout francophone, mais aussi en Flandre; notamment à Anvers où l’évêque soutint le mouvement. Les réunions rassem- (8) jusqu'à la fin blèrent dans toutes les familles politiques. De nombreuses églises à Bruxelles, Charleroi, Marche-enFamenne, Liège, etc., la maison de la laïcité de Bruxelles, le CIRE, le Forum Asile et Migration, les syndicats, les Ecolos, des chrétiens et des socialistes mirent leur indignation et leurs forces en commun… et obtinrent que le gouvernement mette à son programme une régularisation. Divisions et duplicité En face, le ministre VLD Patrick De Waele voulait garder le droit de régulariser qui il voulait et de refouler selon ses critères propres. Il obtint de se faire nommer une adjointe de sa mentalité, qui osa émettre une circulaire pour empêcher toute régularisation. Ce manque d’humanité, et de réalisme, aboutit à plusieurs grandes et longues grèves de la faim au Béguinage, à Forest, rue Royale, dans les installations sportives de Saint-Josse à Evere, à l’ULB, au Centre latino-américain... Elles furent traitées avec la plus grande injustice, les uns obtenant des papiers de longue durée avec permis de travail, comme au Bé- guinage, les autres n’obtenant rien selon la doctrine De Waele. En réaction aux promesses non tenues et aux injustices commises, la presse a de plus en plus souvent pris parti pour les sans-papiers. Le gouvernement, incapable d’appliquer son programme, décida alors de mettre en chantier une réponse globale à tous les problèmes liés à l’accès, au séjour et à l’établissement des étrangers sur les territoires de notre pays (sans oublier l’expulsion). Les sans-papiers furent l’objet de divisions et l’UDEP n’y résista pas. Certains groupuscules tentèrent des coups de force et risquèrent la vie de ceux et celles qu’ils étaient censés protéger. Il se fit même une certaine surenchère entre laïques et chrétiens parce que beaucoup de lieux d’asile étaient des lieux de culte. L’Office des étrangers se mit à l’œuvre pour tenter de désamorcer la crise, mais sa ministre de tutelle lui mit tous les bâtons possibles dans les roues: permis de très courte durée, pas de possibilités pour les permis de travail, faire traîner en longueur toutes les procédures… Bref, le mouvement s’est désuni au cours de ces trois longues années, chacun cherchant à régler son propre problème et à protéger les siens. Résultat de l’injustice et de l’inaction: la colère gronde partout et fait le lit des extrémismes… et donc, demain, des terrorismes. Un exemple concret à Forest En avril 2006, dans la foulée de la grande vague d’occupation des églises suite à la régularisation des occupants de l’église Saint-Boniface, l’UDEP demanda de pouvoir occuper le Saint Curé d’Ars à Forest. Dans cette paroisse démocratique, les paroissiens réunis votèrent d’accueillir ces frères étrangers dans le besoin et leur permirent d’habiter les locaux paroissiaux, à condition de ne pas faire de grève de la faim. Pendant deux ans, les invités-occupants multiplièrent les actions: manifestations, appels aux élus, demandes à l’Office des étrangers. Grâce à leur attitude démocratique exemplaire, ils reçurent le soutien du collège communal et du CPAS. Au bout de deux ans et trois mois, vu l’absence de réaction des autorités fédérales, ils décidèrent d’entamer à leur tour une grève de la faim, puisque c’était la seule issue offerte. Au bout de quarante jours, sous la pression de leurs soutiens légaux et paroissiaux, ils acceptèrent de suspendre leur grève devant la promesse d’un permis de séjour provisoire de 3 mois, leur permettant de trouver du travail. C’était, leur avait-on dit, la seule solution possible. Une semaine plus tard, les grévistes du Béguinage recevaient un permis de séjour de 9 mois accompagné d’un permis de travail immédiat… ENSEMBLE! / N°63 / septembre-octobre / www.asbl-csce.be © Pierre Capoue Révoltés par l’injustice, les occupants de Forest décidèrent de ne plus faire confiance à ceux qui les avaient poussés à arrêter leur grève et reprirent celle-ci. Ils voulaient obtenir les mêmes avantages que ceux du Béguinage… Mais le directeur de l’Office des étrangers leur dit que la ministre ne voulait plus rien céder et qu’ils avaient été trop sages, tandis que les grands responsables proclamaient, contre toute évidence, qu’ils ne cédaient pas au chantage. A la limite de la mort, ils acceptèrent alors l’engagement du directeur de l’Office des étrangers, sous la caution des syndicats chrétiens et des communautés paroissiales néerlandophones et francophones, de leur donner un permis de séjour pour raison de santé de trois mois renouvelable, qui leur permettrait de recevoir un permis de travail B ou C à leur choix. Ils reçurent sans-papiers, rue du Méridien, début du mois de septembre. effectivement un permis de séjour de trois mois, mais se virent refuser le permis de travail C, ce qui leur interdit l’accès au travail, découragea tous les organismes de placement (ACTIRIS, Mission locale, CPAS, agences d'intérim et patrons) et les empêcha de s’inscrire à des formations ainsi qu'aux mutuelles. Ils crurent alors avoir été trompés par le ministre bruxellois de l’Emploi, Monsieur Cerexhe, mais il n’en était rien. En fait, le directeur de l’Office des étrangers, qui disait et écrivait d’un côté qu’ils devraient recevoir un permis C, leur avait fourni un permis créé spécialement pour les grévistes de la faim, qui ne le leur permettait pas, et rappela cela en sous-main au ministère bruxellois. Aujourd’hui, ces sans-papiers dénoncent cette duplicité, ces mensonges et cette véritable escroquerie qui met leur ENSEMBLE! / N°63 / septembre-octobre / www.asbl-csce.be vie et celle des leurs proches en danger. Eux et tous ceux qui les soutiennent, celles et ceux qui ont été roulés par les promesses mensongères du directeur de l'Office des étrangers, cherchent aujourd’hui comment faire à nouveau confiance aux administrations et aux élus belges. Pour en sortir u Il faut absolument prendre à bras le corps le problème de la pauvreté et de l’industrialisation des pays de la faim. Il faut faire cesser les atrocités initiées par les richesses naturelles spoliées. C’est en ouvrant des routes, des écoles et des marchés que l’on permettra aux gens de vivre chez eux. C’est là la priorité absolue, même avant les soins de santé, si nous voulons cesser de nous conduire comme des gangsters et former des enfants sans pitié. u Le gouvernement doit établir au plus vite une possibilité claire d’accueil pour toutes ceux qui ont cherché chez nous à vivre leur vie humaine en liberté et en sécurité… Il peut très bien morceler son travail en répondant d’abord à ce qui est le plus urgent humainement. u L’immigration doit être considérée comme une chance pour notre population vieillissante. En effet, nous recevons chez nous l’espoir et les plus vaillants des enfants des peuples frappés par la misère. u Il faut aussi, en urgence, permettre à tous ceux qui sont venus chez nous d’apprendre un métier utile à leur pays et au nôtre, qu’ils soient en règle ou non. Il est stupide de payer des gardiens de prison plutôt que des enseignants. L’idéal ne serait-il pas que tous nos gardes soient des éducateurs? n (9)