Génétique moléculaire de l`hémochromatose
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Génétique moléculaire de l`hémochromatose
© Masson, Paris, 2002. Gastroenterol Clin Biol 2002;26:563-569 Génétique moléculaire de l’hémochromatose Hémochromatose : de la souris à l’homme Olivier ROSMORDUC, Brigitte HERMELIN, Raoul POUPON Service d’Hépatologie, Laboratoire Commun de Biologie Moléculaire, INSERM U402, Hôpital Saint-Antoine, 75011 Paris. L’ hémochromatose est la maladie héréditaire monogénique récessive la plus fréquente en Europe occidentale puisqu’elle atteint un sujet sur 300 environ et jusqu’à 1/100 en Irlande [1, 2]. Le nombre de malades en France serait d’environ 150 000 (2 à 5 pour mille) [3]. Les anomalies génétiques qui provoquent l’hémochromatose sont probablement hétérogènes mais aboutissent le plus souvent à une hyperabsorption du fer alimentaire quels que soient les besoins ou la surcharge tissulaire en fer de l’organisme. Cette hyperabsorption du fer aboutit à une surcharge des hépatocytes, des cardiomyocytes, des cellules béta du pancréas et des cellules antéhypophysaires gonadotropes. L’accumulation du fer peut atteindre dix fois la quantité de fer d’un individu normal. Comme le fer libre est toxique, il induit la formation de radicaux libres responsables de lésions de nécrose et de fibrose et la maladie évolue vers la dysfonction des différents organes atteints. courant sanguin par la transferrine et le complexe fer-transferrine est capté par le récepteur à la transferrine présent au niveau des différents organes en particulier le foie et les cellules érythropoïétiques. Les hépatocytes possèdent, non seulement des récepteurs à la transferrine, mais aussi un système de captation du fer non lié à la transferrine et un système d’exportation du fer probablement la ferroportine et une autre ferroxydase, la céruléoplasmine. Le fer capté par l’hépatocyte via la transferrine et son récepteur est libéré dans les endosomes, transféré vers le cytoplasme via le transporteur DMT1 puis utilisé ou stocké dans la ferritine intracellulaire. Le récepteur de la transferrine est alors recyclé vers la surface cellulaire. De manière similaire, le fer libéré par la lyse des hématies dans les macrophages du système monocytemacrophage est exporté probablement via la ferroportine et la céruléoplasmine pour être recyclé au cours de l’érythropoïèse. Le gène Hfe code une protéine de distribution ubiquitaire mais siégeant de manière préférentielle au niveau des cryptes duodénales qui sont les sites majeurs d’absorption du fer [16]. Sa fonction est encore mal connue, mais elle pourrait diminuer l’entrée du fer dans la cellule en modulant l’affinité du récepteur à la transferrine pour son substrat [17, 18]. La régulation de l’absorption intestinale du fer comporte un degré de complexité La compréhension de la maladie a progressé avec la localisation du gène candidat HLA [4], puis la découverte du gène Hfe-1 en 1996 [5]. Il est cependant rapidement apparu que le gène Hfe ne pouvait pas rendre compte de tous les cas d’hémochromatose en particulier dans les pays du sud de l’Europe [6, 7]. Cette constatation a permis plus récemment la caractérisation d’autres gènes associés à des surcharges en fer. La compréhension de la physiopathologie de la maladie a aussi beaucoup bénéficié des nombreux modèles animaux développés depuis 4 ou 5 ans. Les différents acteurs moléculaires impliqués dans le métabolisme du fer Le fer est un élément fondamental pour la biologie, la croissance et la survie des organismes (pour une revue voir [8, 9]). Il joue un rôle important dans le transport de l’oxygène par l’hémoglobine et dans l’activité d’oxydoréduction de nombreuses enzymes mitochondriales. L’organisme contient environ 4 g de fer, en majorité contenu dans l’hémoglobine (pour 75 %) ou stocké dans d’autres tissus en particulier dans le foie (0,5 à 1 g) et les macrophages du système monocyte-macrophage. L’absorption quotidienne du fer équivalente aux pertes est d’environ 2 mg. Ceci démontre que le stock de l’organisme est très stable et que l’absorption du fer est finement régulée. Le fer est absorbé au niveau des entérocytes des villosités duodénales qui possèdent des transporteurs capables d’assurer la captation du fer (DMT1 ou Nramp-2) [10-12]) au pôle apical, puis il est stocké au niveau intracellulaire par la ferritine ou transféré au pôle basolatéral et exporté dans les capillaires sanguins via la ferroportine [13, 14] et une ferroxydase, l’héphaestine [15] (figure 1). Le fer est ensuite transporté dans le Tirés à part : O. ROSMORDUC, Service d’Hépatologie, Laboratoire Commun de Biologie Moléculaire, INSERM U402, Hôpital Saint-Antoine, 75011 Paris. Fig. 1 − Absorption du fer par l’entérocyte. Iron absorption by the enterocyte. 563 O. Rosmorduc et al. Tableau I. − Modèles animaux de carence et de surcharge en fer. Animal models of iron deficiency and iron overload. Genes Mutations Hfe C282Y/C282Y ou KO β2m Consequences References Surcharge en fer (foie ++) Erythropoïèse normale Déplétion en fer des macrophages Levy JCI 2000 Zhou PNAS 1998 Levy Blood 1999 KO Surcharge en fer (foie +++) Anomalies immunitaires Koller Science 1990 De Souza Immunol Lett 1994 Rtf KO Léthal (anémie + dégénérescence neuroépithéliale) Levy Nat Genet 1999 Rtf +/– Pas surcharge hépatique en fer Erythropoïèse anormale (microcytose) Levy Nat Genet 1999 Hfe et Rtf –/– et +/– Surcharge hépatique en fer++++ Levy JCI 2000 Hfe et β2m –/– et –/– Surcharge hépatique en fer ++++ Anomalies immunitaires Levy JCI 2000 Atransferrinémie souris hpx Anémie sévère Surcharge hépatique en fer ++++ Trenor Blood 2000 Anémie ferriprive Fleming Nat Genet 1997 PNAS 1998 Anémie sévère précoce transitoire Surcharge en fer des entérocytes Vulpe Nat Genet 1999 DMT1 Hephæstine souris mk rat belgrade souris sla Céruléoplasmine KO Surcharge en fer (foie/pancréas/cerveau) et anémie Harris PNAS 1999 H-ferritine KO +/– Léthal Ferritine L augmentée. Pas de surcharge en fer Ferreira JBC 2000 Ferreira Blood 2001 Ferroportine 1 Poisson zèbre weh Anémie ferriprive Donovan Nature 2000 Hfe et Hephæstine Hfe–/– et souris sla Absence de surcharge hépatique en fer Surcharge en fer des entérocytes Levy JCI 2000 Hfe et DMT1 Hfe–/– et souris mk Hepcidine/Usf2 –/– Absence de surcharge hépatique en fer Levy JCI 2000 Surcharge en fer (foie/poumon/cœur/rein) Absence de surcharge en fer de la rate Erythropoïèse normale Nicolas PNAS 2001 riser d’une part, des souris anémiques présentant une microcytose hypochrome liée à une carence en fer, parfois paradoxalement associée à une surcharge en fer tissulaire, et d’autre part, des souris ayant une surcharge en fer. La description de ces modèles murins et dans certains cas, leur croisement ont permis de mieux préciser le rôle des différents acteurs moléculaires impliqués dans les surcharges en fer. Ces différents mutants sont rapportés dans le tableau I. supplémentaire dans la mesure où l’expression des transporteurs est différente entre les entérocytes de la villosité qui expriment DMT1 et les entérocytes de la crypte qui expriment Hfe et le récepteur à la transferrine. Le rôle de la cellule de la crypte pourrait être d’évaluer la quantité de fer de l’organisme via le récepteur à la transferrine ou d’autres médiateurs circulants mal connus. En cas de surcharge en fer, la protéine régulatrice Hfe augmente et entraîne l’inhibition de l’expression du transporteur DMT1 et limite l’aborption du fer par l’entérocyte lorsque celui-ci aura migré de la crypte jusqu’au niveau de la villosité. A l’inverse, une situation de carence martiale sera reconnue par la cellule de la crypte, entraînera la répression de Hfe et l’induction de l’expression du transporteur DMT1, permettant d’augmenter l’absorption du fer au niveau de la villosité. Modèles de carence martiale avec ou sans surcharge tissulaire en fer Les souris hpx homozygotes sont caractérisées par une anémie microcytaire et hypochrome précoce liée à une déficit sévère en transferrine (< 1 %) [19, 20]). Cette anomalie est liée à une mutation qui altère un site donneur d’épissage du gène de la transferrine [21]. Il existe paradoxalement une surcharge en fer des autres organes à cause de l’augmentation réactionnelle de l’absorption intestinale du fer et de l’internalisation du fer non lié à la transferrine. Ceci démontre que l’absorption intestinale du fer semble indépendante du cycle de la transferrine mais dépend surtout des besoins en fer pour l’érythropoïèse. Au niveau des organes utilisateurs, l’absorption du fer à partir de l’endosome est aussi soumise à une régulation dépendante du gène Hfe. En effet, en cas de surcharge en fer, la protéine Hfe s’accumule, se fixe au récepteur à la transferrine et va inhiber le relargage du fer à partir de l’endosome. Le fer maintenu sur le récepteur à la transferrine est alors recyclé avec lui et ressort de la cellule. Enfin, une autre régulation, au sein de l’hépatocyte, permet d’orienter le métabolisme du fer vers le stockage, en augmentant la synthèse de ferritine, ou vers l’absorption, en augmentant la synthèse du récepteur à la transferrine, en fonction de la quantité intracellulaire en fer [8, 9]. Les souris mk homozygotes présentent aussi une anémie microcytaire sévère [22]. L’anomalie génétique intéresse ici le gène DMT1 qui code pour le transporteur du fer au niveau de la bordure en brosse de l’entérocyte [10]. Il existe aussi une anomalie de captation du fer par les précurseurs de la lignée rouge indépendante de la transferrine et probablement localisée au niveau de l’endosome. Une anomalie de ce gène a aussi été trouvée chez le rat (rat Belgrade) [23], la drosophile et le poisson zèbre. Modèles animaux explorant les anomalies moléculaires du métabolisme du fer Les souris sla (sex linked anemia) homozygotes présentent une anémie précoce et transitoire liée à une anomalie du transfert Les souris ont représenté très tôt un modèle d’étude pour le métabolisme du fer. En effet, l’observation a permis de caracté564 Génétique moléculaire de l’hémochromatose basolatéral du fer qui reste stocké dans les entérocytes. Le gène responsable est une protéine homologue de la céruléoplasmine, l’héphaestine, qui jouerait un rôle de ferroxydase facilitant le transport du fer à travers la membrane basolatérale de l’entérocyte vers la transferrine [15]. pour le Rtf n’induisait de surcharge en fer qu’en présence d’une anomalie de Hfe [24]. Ce résultat illustre le fait que des gènes modulateurs peuvent influencer l’expression de la surcharge en fer chez les animaux porteurs de la mutation principale du gène Hfe. Le poisson zèbre ayant une anomalie dans le gène weissherbst (weh) présente une anémie ferriprive. Ce gène a été indentifié comme étant celui de la ferroportine [14] (voir plus loin). Un récepteur 2 de la transferrine (Rtf2) récemment décrit jouerait un rôle dans l’absorption du fer lié à la transferrine au niveau des hépatocytes [28]. Il a été montré qu’à la différence du Rtf qui diminue au cours des surcharges en fer, le gène Rtf2 n’est pas régulé par la quantité de fer intracellulaire [29]. L’expression continue de ce gène pourrait ainsi favoriser l’accumulation du fer au cours des hémochromatoses [30]. Modèles de surcharge tissulaire en fer Une mutation au niveau de l’acide aminé 282 du gène Hfe-1 (C282Y) est fortement liée à la maladie chez l’homme (voir plus loin). Cette anomalie empêche l’association de la protéine Hfe à la bêta-2-microglobuline, le routage correct vers la membrane et induit une destruction prématurée de la protéine. Les souris invalidées (KO) pour le gène Hfe ou pour la bêta-2microglobuline ou qui sont homozygotes pour la mutation Hfe C282Y absorbent plus de fer que les souris normales et présentent une surcharge hépatique majeure en fer [24, 25]. D’autre part, il existe une surcharge croissante en fer entre les souris Hfe-C282Y, invalidées pour Hfe et invalidées pour la bêta-2-microglobuline, suggérant que d’autres gènes associés à la bêta-2-microglobuline pourraient intervenir dans le métabolisme du fer [24]. Ceci est confirmé par l’observation d’une surcharge en fer majorée chez les souris porteuses de la double mutation homozygote Hfe–/– et bêta-2-microglobuline–/–. Il a été montré que les souris double homozygotes pour les mutations Hfe–/– et héphaestine ou DMT1 développaient une surcharge en fer moindre que les souris homozygotes pour Hfe–/– seulement, suggérant le rôle essentiel de ces deux gènes dans l’expression de la surcharge en fer au cours de l’hémochromatose [24]. Enfin, une même invalidation du gène Hfe peut s’accompagner d’une surcharge en fer hépatique très variable d’une souche de souris à l’autre [25]. Cette différence de phénotype pour un même génotype est liée à une différence d’expression des gènes impliqués dans le transport du fer au niveau de l’entérocyte (cytochrome b duodénal, DMT1 et ferroportine) et suggère qu’il existe des gènes susceptibles de moduler l’expression phénotypique de l’hémochromatose liée au Hfe [25]. Il a été récemment décrit un modèle de souris invalidées pour le facteur de transcription Usf2 [31]. Ces souris présentent d’une part un déficit complet en hepcidine, un petit peptide sécrété par le foie et ayant une activité antimicrobienne, et d’autre part une surcharge en fer sévère et multiviscérale (foie, pancréas, cœur). Chez ces souris, comme dans les autres modèles d’hémochromatose, il existe une résistance de la rate vis-à-vis de la surcharge en fer mais l’érythropoïèse est normale [31]. Dans le modèle des souris invalidées pour la bêta-2-microglobuline, il a été aussi observé que la surcharge hépatique en fer induisait l’expression des ARN codant pour l’hepcidine dans le foie des animaux [32]. Très récemment, il a été montré que les souris transgéniques qui surexpriment l’hepcidine de façon constitutionnelle présentent une anémie ferriprive très précoce, sévère et souvent léthale [33]. Ces résultats suggèrent que l’hepcidine est induite par le fer et pourrait fonctionner de la même façon que Hfe ou agir en coopération avec Hfe pour réguler l’absorption du fer par les cellules entérocytaires. Ainsi, l’expression et la sécrétion d’hepcidine pourrait augmenter en cas de surcharge hépatique en fer, interrompre l’absorption de fer par les entérocytes et favoriser le stockage intracellulaire du fer à l’intérieur des macrophages. Enfin, alors que les souris invalidées pour le gène de la ferritine H ne survivent pas, les souris hétérozygotes présentent une hyperferritinémie liée à l’augmentation de la ferritine-L sans surcharge en fer [34, 35]. Génétique moléculaire de l’hémochromatose chez l’homme Les souris présentant un déficit en céruléoplasmine, une ferroxydase à cuivre impliquée dans l’exportation du fer des hépatocytes ou des macrophages, ont une surcharge tissulaire en fer en particulier du foie, des macrophages de la rate, du pancréas et du système nerveux central [26]. Les souris meurent de diabète, de maladie neurodégénérative et de surcharge hépatique en fer. Le métabolisme du cuivre n’est pas altéré démontrant que le cuivre est impliqué dans la fonction enzymatique et que le transport du cuivre n’est pas altéré. La surcharge en fer est liée à l’absence de relargage de fer par les hépatocytes et les macrophages [26]. Cette anomalie peut être corrigée par l’administration de céruléoplasmine exogène. Enfin, il est possible que le phénotype atténué observé chez les souris sla soit lié au remplacement partiel de l’héphaestine déficiente par la céruléoplasmine. Hémochromatose héréditaire liée à Hfe (Hfe-1) ANOMALIES DU MÉTABOLISME DU FER Au cours de l’hémochromatose, il existe une absorption anormalement élevée du fer au niveau de l’entérocyte de la bordure en brosse liée à une anomalie de la captation au pôle luminal et du transfert vers le pôle basolatéral. Il a été montré que la maladie était fortement associée à la mutation homozygote C282Y du gène Hfe. Cette mutation altère considérablement la conformation et donc la fonction de la protéine Hfe en inhibant son routage normal et son association avec le récepteur à la transferrine [17, 18, 36]. Cette protéine modifiée ne peut plus freiner l’absorption du fer à partir de l’endosome ce qui aboutit à une situation de surcharge intracellulaire. Au niveau de l’entérocyte de la crypte, la présence d’une protéine Hfe mutée en C282Y, instable et non fonctionnelle, perturbe l’évaluation de la quantité de fer présente dans l’organisme. Les souris présentant un déficit complet en récepteur de la transferrine meurent in utero en raison d’une anémie très sévère mais les autres tissus se développent normalement à l’exception du tissu neuroépithélial [27]. Par contre, les souris hétérozygotes présentent des hématies nombreuses et de petite taille (microcytose), démontrant le rôle majeur du cycle de la transferrine dans l’érythropoïèse normale, mais elles n’ont pas de surcharge en fer. De manière inattendue, il a été observé que les souris portant la double mutation Hfe–/– et récepteur de la transferrine Rtf–/+ avaient une surcharge en fer significativement majorée par rapport aux souris Hfe–/–, suggérant que l’« haploinsuffisance » Chez les malades présentant la mutation homozygote C282Y, la cellule de la crypte « perçoit » paradoxalement, via le récepteur à la transferrine, l’existence d’une carence martiale et induit la synthèse du transporteur DMT1 au niveau de la bordure en brosse, ce qui va accentuer la surcharge en fer [37]. Ceci a été 565 O. Rosmorduc et al. ANOMALIES GÉNÉTIQUES ET MOLÉCULAIRES DE HFE-1 Deux mutations faux-sens (C282Y, H63D) (figure 2) ont été identifiées chez les malades [5], mais seule la mutation C282Y a une réelle signification en pratique [5, 40-42]. La mutation C282Y résulte d’une substitution G > A du nucléotide 845 sur l’exon 4 qui remplace une cystéine par une tyrosine. Elle provoque une perte de fonction de la protéine : la cystéine manquante empêche la formation du pont disulfure entre la bêta-2-microglobuline et la protéine Hfe mutée qui reste localisée dans la cellule et ne joue plus son rôle de régulateur négatif de l’entrée du fer dans la cellule. Cette mutation est présente à l’état homozygote chez 64 à 92 % des malades avec un gradient décroissant du nord au sud de l’Europe. Le variant H63D, substitution du nucléotide 187 C > G sur l’exon 2, remplace une histidine par un acide aspartique en position 63. Son rôle dans le métabolisme du fer et dans l’hémochromatose est incertain. Il n’aurait pas la même affinité que la protéine normale pour le TfR. Environ 5 à 10 % des malades portent ce variant. Pour la plupart, il s’agit de malades hétérozygotes composites (C282Y/H63D) ayant une expression généralement modérée de la maladie. Ce variant est souvent associé à d’autres maladies hépatiques avec une surcharge en fer le plus souvent modérée comme la porphyrie cutanée tardive ou l’hépatosidérose dysmétabolique. Fig. 2 − Structure de la protéine Hfe et localisation des mutations C282Y et H63D. Structure of the Hfe protein and localization of the C282Y and H63D mutation. Plusieurs autres mutations délétères ont été décrites associées à la mutation C282Y chez des malades hétérozygotes composites ayant une hémochromatose. C’est le cas des mutations Glu 168 stop et Trp 169 stop [43] de la mutation IVS3 + 1G > A [44] et de la mutation C282S [45]. Toutes ces mutations sont des variants dont la fréquence allélique est extrêmement rare. Une mutation S655C a été décrite à l’état hétérozygote chez des malades ayant une surcharge hépatique en fer modérée [46]. Enfin, d’autres variants pathogènes ont été décrits au niveau des exons 2-5 [47, 48] (tableau II). confirmé par la mise en évidence dans un modèle animal et chez l’homme d’une expression anormalement élevée du transporteur DMT1 au cours de l’hémochromatose héréditaire [38]. Récemment, il a été montré que DMT1 et la ferroportine étaient aussi augmentés au niveau des entérocytes dans les hémochromatoses liées ou non à Hfe (comme lors des carences martiales) mais pas dans les surcharges secondaires en fer [39]. Tableau II. − Mutations décrites au cours des surcharges en fer chez l’homme. Mutations described in iron overload in humans. Mutations Type Hfe 1 Mode de transmission Locus Gène Position sur le gène Nucléotide altéré Changement d’acide aminé Autosomique récessif 6p21.3 Hfe 1 Exon 2 157 G > A 175 G > A 187 C > G 193 A > T 277 G > A 314 T > C Val 53 Met Val 59 Met His 63 Asp His 65 Cys Gly 93 Arg Ile 105 Thr Exon 3 381 A > C 502 G > T 507 G > A Gln 127 His Glu 168 stop Trp 169 stop Intron 3 IVS3 + 1 G > T Exon 4 814 G > A 845 G > A 845 G > C Val 272 Iso Cys 282 Tyr Cys 282 Ser Exon 5 989 G > T Arg 330 Met Exon 2 84-88 ins C Glu 60 stop Hfe 2 Autosomique récessif 1q ? Hfe 3 Autosomique récessif 7q22 TFR2 Hfe 4 Hfe 5 Autosomique dominant Autosomique dominant 2q32 11q13 SLC 11 A 3 Ferroportine Ferritine H 566 Exon 4 515 T > G Met 172 Lys Exon 6 750 C > G Tyr 250 stop Exon 3 220 C > A Ala 77 Asp Exon 5 734 A > C Asp 144 His IRE A 49 T Génétique moléculaire de l’hémochromatose La fréquence allélique de la mutation C282Y diminue selon un gradient Nord-Sud (6 à 7 % en France, 1 % en Italie, absente en Afrique et en Asie) [2, 3]. La fréquence de la mutation H63D est supérieure (entre 10 et 20 % et jusqu’à 30 % dans une population basque) [49]. Cette mutation est par contre retrouvée dans toutes les populations. La grande majorité des malades avec hémochromatose héréditaire en Europe occidentale sont homozygotes pour la mutation C282Y. Un faible pourcentage de ces malades (environ 5 %) sont hétérozygotes composites ou homozygotes pour la mutation H63D. Cependant, la pénétrance du phénotype hétérozygote composite est très faible (environ 1 %) et les malades homozygotes H63D sont très rares [50]. La surcharge en fer est très souvent légère à modérée chez ces malades [49]. Il existe cependant pour chaque génotype une variation importante du phénotype puisque certains malades hétérozygotes composites peuvent présenter des surcharges en fer majeures, des malades homozygotes pour la mutation C282Y (6 à 25 % ; 3 % des hommes et 26 % des femmes) n’ont pas de critères cliniques, biologiques ou histologiques requis pour le diagnostic d’hémochromatose et quelques malades avec surcharge en fer (0 à 7 %) n’ont aucune mutation du gène Hfe 1 en particulier les hémochromatoses néonatales, juvéniles ou africaines [51, 52]. Enfin, une étude très récente a suggéré que la pénétrance de la mutation C282Y homozygote était probablement faible en termes d’expression clinique de l’hémochromatose [53]. mutations n’est pas connue, mais pourrait faire intervenir une perte du recyclage du fer à partir de la destruction des hématies plutôt qu’une augmentation de l’absorption intestinale du fer. En effet, il existe une surcharge anormale en fer dans les cellules du système monocyte-macrophage, ce qui est inhabituel pour une hémochromatose héréditaire classique. Cette anomalie pourrait être à l’origine d’une stimulation de l’absorption intestinale du fer pour les besoins de l’érythropoièse. Une autre forme d’hémochromatose autosomique dominante a été associée à une mutation de la séquence régulatrice IRE (iron responsive element) du gène de la ferritine H [59]. La ferritine est constituée de ferritine H et L assemblées en 24 sous-unités associées à un noyau contenant le fer. La ferritine H présente une activité ferroxydasique importante pour l’incorporation du fer dans la protéine et la ferritine L facilite la formation du noyau. Les malades présentaient une surcharge majeure en fer avec pour certains, une fibrose hépatique. L’étude génétique a montré l’existence d’une mutation hétérozygote en position 49 (A49U) au niveau de l’élément de réponse au fer (IRE pour iron responsive element) de l’ARN de la ferritine H [59]. Une autre étude récente a montré qu’une mutation du gène de la ferritine L était associée à une accumulation de fer dans certains noyaux gris centraux et induisait une maladie neurodégénérative [60]. Enfin, deux maladies héréditaires autosomiques récessives exceptionnelles s’accompagnent de surcharge tissulaire en fer : l’atransferrinémie [61] et l’acéruléoplasminémie [62-64]. L’atransferrinémie s’accompagne d’une anémie microcytaire nécessitant des transfusions itératives qui aggravent la surcharge en fer tissulaire et l’acéruléoplasminémie s’accompagne de diabète, d’un syndrome extrapyramidal, d’une rétinite pigmentaire et d’une surcharge hépatique en fer. Hémochromatoses non liées au gène Hfe-1 Dans les populations européennes, essentiellement en Italie, des anomalies des trois gènes suivants ont été associées à un phénotype d’hémochromatose (tableau II) : Hfe2, un gène non encore identifié et situé sur du chromosome 1, le récepteur 2 pour la transferrine ou Hfe3 et la ferroportine ou Hfe 4. La recherche des mutations sur ces gènes n’est pas encore réalisée en routine. Conclusion et perspectives La forme juvénile de la maladie, caractérisée par un tableau endocrinien et cardiaque (insuffisance gonadotrope ou insuffisance cardiaque), est secondaire à une surcharge en fer majeure d’apparition précoce avant l’âge de 20 ans. Une liaison entre la région du bras long du chromosome 1 (1q24) et la maladie a été décrite sans que le gène, Hfe 2, n’ait pu être encore identifié [54]. Des progrès considérables ont été obtenus dans les cinq dernières années quant à la compréhension du métabolisme du fer et des anomalies génétiques à l’origine des surcharges ou des carences en fer. Ces avancées ont été rendues possibles par l’approche génétique et les modèles animaux. Une autre notion est apparue récemment : il s’agit de l’existence de gènes modificateurs du phénotype pour une même anomalie génétique principale. Cet effet est difficile à explorer in vitro et les modèles animaux sont irremplaçables. Ces avancées devraient permettre de développer de nouveaux tests génétiques diagnostiques ou pronostiques chez l’homme, de mieux classer les différents phénotypes observés en fonction du mécanisme pathologique impliqué et de proposer des cibles thérapeutiques pour les traitements à venir. Une nouvelle forme d’hémochromatose autosomique récessive, Hfe 3, dont le gène a été localisé en 7q22 a été identifiée récemment chez 6 malades provenant de deux familles italiennes. Ces malades présentaient une mutation homozygote nonsens au niveau de l’exon 6 (Y250X) du gène du récepteur 2 de la transferrine (RTF2) [55]. Plus récemment, une autre mutation de ce gène a été mise en évidence dans une famille italienne (84-88 insC) entraînant l’apparition d’un codon stop (E60X) [56]. Ce récepteur présente une homologie avec le récepteur de la transferrine (RTF) mais n’est pas régulé par la concentration intracellulaire en fer et ne se lie pas à Hfe. L’expression de ce gène est majeure dans le foie et supérieure à celle du RTF. A l’état hétérozygote, il n’existe aucune anomalie du bilan martial, ni surcharge en fer. Les malades homozygotes présentent les mêmes complications que les malades Hfe 1. RÉFÉRENCES 1. Edwards C, Griffen L, Goldgar D, Drummond C, Skolnick MH, Une autre forme d’hémochromatose, Hfe 4, a été décrite dans des familles italiennes et allemandes dont les membres présentaient une surcharge en fer hépatique mixte au niveau des hépatocytes et des cellules de Kupffer, mais relativement peu de fibrose [57, 58]. La transmission était autosomique dominante. L’étude génétique a montré une liaison avec un locus de la région 2q32 puis deux mutations ponctuelles ont été identifiées dans le gène de la ferroportine à l’état hétérozygote : la mutation Ala77Asp dans l’exon 3 et la mutation Asp144His dans l’exon 5. Parmi les malades, plusieurs ont eu une anémie très précoce, bien avant l’apparition de l’hyperferritinémie. En outre, plusieurs malades ont mal toléré les phlébotomies. La conséquence de ces Kushner JP. Prevalence of hemochromatosis among 11065 presumably healthy blood donors. N Engl J Med 1988;318:1355-62. 2. Merryweather-Clarke A, Pointon J, Shearman J, Robson K. 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