L`officine française dans la tourmente
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L`officine française dans la tourmente
L’officine française dans la tourmente La distribution totale représente environ 25 % du prix d’un médicament remboursable (hors taxes). Objet d’un vaste mouvement de dérégulation en Europe, elle est dans la ligne de mire des pouvoirs publics français. Sa rentabilité est mise à mal. A u premier janvier 2007, la France comptait 22 561 pharmacies, en très légère baisse par rapport à l’année précédente (– 0,2 %), mais globalement stable depuis 1995. En dépit de cette sage tendance liée à une réglementation stricte encadrant l’ouverture d’oicines, ain d’assurer une répartition géographique cohérente sur le territoire, des voix de plus en plus nombreuses s’élèvent pour souligner leur nombre trop élevé en France. Il est vrai que l’analyse des chifres efectuée par Eurostaf 1 dans les principaux pays européens laisse apparaître de grandes disparités et une densité particulièrement élevée en 22 PHARMACEUTIQUES - DÉCEMBRE 2007 France, avec 2 670 habitants par oicine en moyenne. L’Allemagne compte 3 830 habitants par oicine et les Pays-Bas pas moins de 9 150… L’Europe des quinze 2 afiche quant à elle une moyenne de 17 822 oicines, soit 3 380 habitants par pharmacie. Des chifres largement repris par les partisans d’une diminution de leur nombre sur le sol français, qui laissent ainsi entendre que près de 5 000 oicines devraient disparaître. Mais la seule analyse des données chifrées est-elle pertinente ? Comme le souligne Gilles Bonnefond, secrétaire général de l’Union des syndicats de pharmaciens d’oicine (USPO), « on ne peut pas comparer la France avec tous les autres pays européens, notamment les Pays-Bas ou la Suède ». L’habitat en France est en efet dispersé et le relief accidenté, tandis que les Pays-Bas sont un pays plat avec une densité de population très forte… En outre, les Pays-Bas, le Royaume-Uni ou encore la Suisse ont un nombre élevé de médecins propharmaciens… Pour autant, les principaux syndicats professionnels sont d’accord sur un point : il faut favoriser les regroupements d’oicines. Pour Gilles Bonnefond, il faut faire grossir les structures, notamment en milieu rural. Et si Jean-Pierre Lamothe, vice-président – et président de la commission économique – de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), souligne un réseau français bien constitué, avec un nombre d’oicines jugé convenable, il estime cependant qu’il faut mieux faire coller ce réseau aux besoins de la population, en Dossier Officine Taux de marge (en % du chiffre d'affaires) monde de la pharmacie (voir page 16). C’est peu de dire que les pharmaciens sont inquiets. Car ces questions surviennent à un moment 35 où l’économie de l’oicine est mise à mal. Depuis trois ans maintenant et des négociations 30 sur le TFR qui ont entraîné d’importantes baisses de prix sur le marché pharmaceutique 25 de ville en France, la marge de l’oicine est 20 en berne. En 2006, le taux de Marge dégressive lissée (MDL), qui s’applique aux médica15 ments remboursables selon trois paliers déinis 10 en fonction du prix des médicaments, a même enregistré une variation négative de – 2,8 % en 5 valeur par rapport à 2005. Une situation iné0 dite. Les conséquences de cette dégradation 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 de la MDL ne se sont pas fait attendre. Selon Taux de MDL (marge dégressive lissée) Taux de marge commerciale Eurostaf, le taux moyen de marge commerciale – après remises – est passé de 29,6 % à 27,2 % Taux de MDL : 26,1 % du PFHT (prix fabricant hors taxes) pour les spécialités remboursables entre 1998 et 2006, enregistrant une baisse de dont le prix est inférieur à 22,90 euros, 10 % pour un prix compris entre 22,91 et 150 euros 2,4 points en l’espace de huit ans. et 6 % au-delà de 150 euros. Car l’activité des oicines dépend à plus de favorisant à la fois les regroupements et les transferts des zo- 85 % des prescriptions et les trois quarts de leur chifre d’afnes en surdensité vers les zones moins favorisées. Même ana- faires en valeur sont liés aux produits remboursables, dont les lyse pour Claude Japhet, président de l’Union nationale des prix et les niveaux de marge sont administrés. Si cette dépenpharmacies de France (UNPF), qui regrette que des mesures dance peut être considérée comme un atout dans la mesure de réorganisation n’aient pas été prises il y a dix ans pour ac- où elle protège les oicines d’une concurrence sur les prix, compagner des mouvements de population, et qui soutient elle constitue aussi un frein certain à la croissance : les pouaujourd’hui l’idée de favoriser les transferts vers les zones en voirs publics poursuivent depuis plusieurs années un objectif sous densité, avec possibilité de créer une nouvelle oicine de restriction des dépenses de médicaments remboursables, au bout de deux ans en cas d’absence de transfert volontaire. à la fois en volume (déremboursements, volonté de promouvoir le bon usage du médicament) et en valeur (hausse des Une marge en berne génériques, baisses de prix sur certaines spécialités). Les prinToutes ces questions qui agitent la pharmacie n’arrivent pas cipaux syndicats de pharmaciens ne sont pas optimistes pour par hasard. Le Projet de loi de inancement de la Sécurité so- l’avenir. Du moins, si rien n’évolue par rapport à la situation ciale 2008, récemment entériné par les deux chambres, est actuelle. passé par là et les propos de Roselyne Bachelot, ministre de Ainsi, en 2007, pour Claude Japhet (UNPF), la variation de la Santé, ont propulsé la pharmacie sur le devant de la scène. la MDL devrait être comprise entre – 1 % et 0,5 %, autant Outre le maillage oicinal, ce sont en efet des questions tel- dire un niveau proche de 0. Gilles Bonnefond (USPO) préles que l’ouverture possible du capital (actuellement, seuls voit lui aussi une croissance négative de la MDL pour 2007. des pharmaciens peuvent détenir et gérer des oicines) ou Jean-Pierre Lamothe (FSPF) souligne de son côté certaines encore la pérennité du monopole oicinal qui ont secoué le interrogations – notamment les efets de la franchise à la boite sur les volumes – et insiste sur les disparités entre oicines. Il est vrai que les plus importantes sont aussi celles qui enregistrent les croissances les plus soutenues de leurs ventes : + 4,2 % COMPOSANTES DE LA CROISSANCE DES VENTES en 2006 pour les pharmacies ayant un chifre DE MÉDICAMENTS REMBOURSABLES d’afaires supérieur à 1,5 million d’euros, mais 15 + 2,5 % seulement pour celles dont les ventes sont inférieures à 800 000 euros… Jean-Pierre Lamothe redoute que l’écart ne se creuse da10 vantage au cours des années à venir. Ainsi, selon lui, alors que certaines oicines vont af5 icher des taux de croissance de leur MDL à + 4 % ou + 5 %, parce qu’elles auront ponctuellement des patients sous médication lourde 0 et bénéicieront de la vente de médicaments 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 sortis de la réserve hospitalière, d’autres vont -5 se retrouver à l’inverse autour de – 2%, voire – 3%. « L’efet structure » (voir ci-contre), qui relète la croissance liée à la vente de nouveaux Effet prix Effet volume Effet structure -10 produits souvent onéreux (bénéiciant d’un Décomposition de la croissance totale des ventes de médicaments remboursables (en %) SOURCE : EUROSTAF, D’APRÈS IMS HEALTH SOURCE : EUROSTAF, D’APRÈS UNPF ET FIDUCIAL EXPERTISE EVOLUTION COMPARÉE DU TAUX DE MARGE COMMERCIALE ET DU TAUX DE MDL 23 DÉCEMBRE 2007 - PHARMACEUTIQUES EVOLUTION DES TAUX DE MARGE BRUTE PAR SEGMENT DE MARCHÉ ENTRE 2003 ET 2007 Homéopathie Vétérinaire Cosmétologie SOURCE : EUROSTAF, D’APRÈS IMS HEALTH, PANEL PHARMASTAT IN LE MONITEUR DES PHARMACIES Médicament non remboursable Diététique Accessoires Bas et collants oicines, Claude Japhet relève que les fermetures touchent surtout des pharmacies situées dans des grandes villes (80 % des oicines sont situées en zone urbaine) et soumises à une concurrence sévère émanant d’autres circuits de distribution sur la parapharmacie notamment. Cette dernière ne représente en moyenne que 4 à 5 % des ventes des oicines, mais elle bénéicie d’un niveau de marge libre et constitue donc un segment sur lequel il est possible d’améliorer sa rentabilité. Selon lui, les oicines qui tombent le rideau sont aussi caractérisées par des ventes OTC marginales, plus basses que la moyenne (l’automédication représente déjà une part relativement faible du chifre d’afaires oicinal moyen, autour de 6 %), la population les fréquentant n’y ayant quasiment pas recours… Pour Alix Garnier, spécialisée dans le conseil aux pharmaciens dans le cadre de cessions/acquisitions d’oicines au sein du cabinet Phar-Excel, si les faillites ne constituent pas un phénomène nouveau, elles sont en revanche efectivement en hausse en 2007 par rapport aux deux années qui ont précédé. Et ce phénomène pourrait bien perdurer dans les années à venir. Selon elle, la rentabilité de nombre d’oicines n’est en fait plus assez solide pour leur permettre de faire face à de nouvelles modiications négatives de leur environnement. Le pharmacien ne peut rapidement plus rembourser les emprunts contractés pour acheter son oicine, payée en moyenne à des niveaux de prix trop élevés depuis 2003. Pour Alix Garnier, la situation inancière des oicines risque de se détériorer encore davantage avec la multiplication des modes de distribution du médicament et le passage, qu’elle juge tout à la fois probable et inopportun, de l’OTC en Grandes et moyennes surfaces (GMS), passage annoncé par la vente devant le comptoir de l’oicine... Car n’en doutons pas, les GMS trouveront là un argument de poids pour cautionner leur volonté de se positionner sur ce segment de marché… Dans ce contexte morose, le pharmacien – trop dépendant du médicament de prescription – doit donc trouver d’autres sources de revenus, plus souples. Retrouver des marges de manœuvre 2003 2007 Médicament remboursable 0 10 20 30 40 50 Taux de marge (en % du CA TTC) taux de MDL à 6 % seulement), est le seul sur lequel les oficines peuvent s’appuyer pour faire croître leurs marges sur les médicaments remboursables. Pour Jean-Pierre Lamothe, cet efet est non seulement insuisant, mais il est par ailleurs évident que toutes les oicines n’en bénéicieront pas de la même manière. Faillites en hausse Les diicultés de l’oicine transparaissent dans la recrudescence des faillites en 2007. Les chifres divergent mais l’USPO et l’UNPF parlent d’environ 70 faillites depuis le début de l’année. D’autres analystes évoquent le chifre de 120. S’il n’existe pas de typologie précise caractérisant ces 24 PHARMACEUTIQUES - DÉCEMBRE 2007 Pour Gilles Bonnefond (USPO), il convient tout d’abord de « redonner au pharmacien sa capacité à mieux gérer son entreprise ». Selon lui, l’oicinal doit avoir une marge de manœuvre plus grande dans l’achat des médicaments et être mieux à même de négocier les prix avec les grossistes-répartiteurs, qui octroient des remises bloquées à un taux maximum de 2,5 %, niveau jugé insuisant. En outre, les ventes directes du laboratoire à l’oicine, qui représentent environ 8 % du chifre d’afaires oicinal et qui concernent largement les génériques, pourraient se développer. A moins bien sûr que la remise en question récente de la pratique des marges arrière par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) ne vienne au contraire marquer un coup d’arrêt aux achats directs. Gilles Bonnefond insiste par ailleurs sur la nécessité de renforcer le conseil pharmaceutique auprès des patients et de développer « le rélexe pharmacien » chez les patients. Mais d’autres pistes sont également à l’étude. Car, comme le souligne JeanPierre Lamothe, « si les pharmaciens sont d’abord et avant tout des professionnels de santé, ils sont aussi des entrepreneurs » et ne sont donc pas à court d’idées pour proposer de nouvelles missions au seul professionnel de santé présent sur l’ensemble du territoire. La hausse des ventes d’autres types Dossier Officine de produits (OTC, cosmétique...), à marge libre, constitue bien sûr une piste possible et cette activité devrait donc croître dans les années à venir. Mais ce ne sera pas suisant. Nouvelles missions et rémunérations Les pistes proposées par les pharmaciens sont variées, mais convergent sur un point : s’il est appelé à accomplir de nouvelles missions, l’oicinal doit en contrepartie bénéicier de nouvelles rémunérations, qui restent à déterminer. Claude Japhet (UNPF) met l’accent sur les services aux personnes, liés notamment au vieillissement de la population, que le pharmacien pourrait être amené à proposer. Et de citer notamment la dispensation à domicile, la préparation de doses individualisées – pour sécuriser la prise de médicaments chez le patient soufrant de la maladie d’Alzheimer par exemple – ou encore la prise en charge de patients en hospitalisation à domicile. Jean-Pierre Lamothe (FSPF) insiste sur la nécessité de « déléguer certaines compétences au pharmacien, sans empiéter sur les platebandes du médecin ». Cela concernerait par exemple le renouvellement de certaines ordonnances ou la prise en charge de pathologies bénignes et de certains actes d’urgence. Selon lui, le service de garde des pharmacies est en efet parfaitement organisé sur l’ensemble du territoire et on pourrait donc avoir demain une prescription d’urgence faite par le pharmacien, soit avec l’aide de médecins coordinateurs, soit en direct, en suivant des protocoles élaborés par la Haute autorité de santé (HAS) en cas d’épidémies de gastroentérites par exemple. Gilles Bonnefond (USPO) souligne quant à lui le rôle que le pharmacien pourrait être appelé à jouer dans la coordination des soins et le suivi thérapeutique des patients, notamment des patients soufrant de pathologies chroniques : « Cette évolution ira d’autant plus vite que l’industrie pharmaceutique jouera cette carte et cherchera à associer la pharmacie ». Selon lui, l’industrie bénéicierait en retour d’une grande richesse d’informations sur l’observance de son traitement par le patient. Au bout du compte, toutes ces propositions aboutissent à une même conclusion : le circuit oicinal est en plein bouleversement et l’oicine de demain pourrait bien n’avoir que peu de choses à voir avec celle que nous connaissons aujourd’hui. Les modèles développés au cours de ces dernières années par nos voisins européens – Hollandais ou Allemands en tête – sont là pour le prouver. n Valérie Moulle (1) L’avenir du circuit officinal français face à la dérégulation européenne, 2007. (2) Allemagne, France, Autriche, Luxembourg, Belgique, PaysBas, Royaume-Uni, Espagne, Italie, Portugal, Grèce, Danemark, Suède, Finlande, Irlande. EMPLOI - RECRUTEMENT www.pharmaceutiques.com référence pour l’emploi et le recrutement 10 000 rits à l’alerte e-m nsc i ail s at Nos Services i p lo em can did La Tarifs dégressifs Alerte e-mail quotidienne Présentation de votre société novembre 2007 Accès gratuit à la CVthèque 11 OCTOBRE 2007 - PHARMACEUTIQUES Contact : Pierre Sanchez - Tél : 01 44 05 83 00 - e-mail : [email protected]