Sur les routes d`Angels Camp

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Sur les routes d`Angels Camp
Sur les routes d’Angels Camp
Juillet 2001: Pour la première fois depuis des années, j’ai eu envie de prendre de longues
vacances, et sans plus attendre, mon ami Marc et moi avons fait nos bagages et pris la route.
Direction : Sierra Nevada et Death Valley.
Au volant d’une Pontiac blanche de location, nous avons entrepris de sillonner cette région de
Californie, en partant du Nord pour descendre jusqu’à son cœur le plus aride. Puis plus loin
encore, au delà du Grand Canyon.
Pendant près d’un mois nous avons roulé sans discontinuer, déterminant chacune de nos étapes
au gré de nos envies, de nos découvertes, et ne quittant notre véhicule qu’à la nuit tombée pour le
garer devant la porte d’une chambre d’un motel inconnnu. Comme tous ceux qui ont eu la chance
de se perdre un jour dans cette nature incomparable, nous étions totalement fascinés par ses
territoires sauvages et démesurés, où le regard décolle vers l’horizon, plane un instant et finit par
se retourner pour aller frapper en soi comme un boomerang. Tout semblait flotter autour de nous.
Le temps. Les choses. Plus rien ne paraissait porter de nom, de passé. Aucune certitude, aucune
référence face à ces étendues qui n’avaient de cesse de déchirer l’atmosphère, de se dérouler et
de se métamorphoser sous nos yeux. Rien n’était alors plus vivant que tous ces mirages: les forêts
brûlées, la tour du diable, les collines rouges, puis les langues de sel. Les villages de caravanes et
quelques tentes de fortune, les débris de stockcars au bord des chemins.
Et chaque jour déclinait son improbable histoire. Et chaque jour nous assistions à cette nouvelle
fiction dont le dénouement n’avait de fin que l’horizon.
De ce voyage est né Angels Camp.
A mon retour, j’ai étudié mon carnet de route, les tracés de notre parcours sur la carte et les
mauvaises photographies témoins, fraîchement sorties de nos appareils jetables. Et j’ai entrepris
de retranscrire toutes ces impressions, ces sensations pour me lancer dans un nouveau projet de
film. Une fiction qui retracerait la vie d’une région et de ses habitants durant toute une année. Un
film à l’image d’une saga, dans lequel les destinées des personnages et leurs rêves seraient
inexorablement mêlés, et dont les décors naturels se feraient l’écho de leurs aventures. J’ai alors
repensé au village dans lequel j’avais grandi en Suisse, et à ses alentours : les forêts de pins, les
grottes et les champignonnières, la crique sauvage et tous ces no man’s land que j’avais tant
explorés durant mes grandes vacances. Je me suis rappelé la jouissance de ces espaces libres,
leurs atmosphères et les similitudes étonnantes entre mon récent voyage et les paysages de mon
enfance.
Septembre 2001: Le scénario et la structure du film sont établis.
C’est l’histoire, en quatre épisodes, de la vie d’une dizaine de personnages vivant dans une région
fictive surnommée Angels Camp. Ils sont : la Femme à la Torche, sa mère et sa soeur imaginaire,
Celya et Arantxa, les deux Adolescentes des Cabanes, l’Homme de la Forêt, la Jeune Fille de la
Rivière, Marie, Dani, le Chien Blanc et les Fillettes au Poulain. Chacune des parties du film
représente une saison de l’année et suit la vie et le regard d’un personnage déterminé. Tous les
épisodes seront ainsi étroitement liés les uns aux autres par les relations qui se noueront petit à
petit entre les protagonistes. Alors, ensemble, ils pourront retracer l’histoire de cet endroit.
Octobre 2001: L’équipe est constituée. Une équipe minimale, une petite famille : Kata Trüb à la
caméra, qui m’avait déjà aidée lors de précédents projets, mon ami Marc Göhring au cadrage et à
la postproduction, Sandrine Normand au montage. Eric Diener et Marie-Delphine Jaquet sont les
assistants de plateau, Celya Larré, Antoinette Antille, Emilie Gutknecht, Pierrette Isoz, Stéphane
Vecchione, Claude Barras et Stéphane Nöel, les acteurs. Et également Sébastien Dubugnon et
Alexander Miesch qui complèteront notre équipe quelques mois plus tard pour réaliser le son du
film. Et d’autres acteurs encore: Roberto Garieri, Marie-France Josi, Hanni Cambridge, Dani
Ramos et Julie Greset.
Le premier tournage d’Angels Camp peut démarrer. Il s’agit du premier épisode, intitulé « By the
river », filmé dans la maison de ma grand-mère, au milieu des champs de maïs, près des marais
qui bordent le village.
Fin octobre 2001: J’ai pris contact avec trois musiciens, Sami Benhadj, Philippe Oberson et
Christian Pahud du groupe Honey For Petzi, afin de leur confier la conception de la musique du
film. Après qu’ils m’eurent présenté plusieurs compositions originales, nous avons décidé de
travailler en étroite collaboration, à savoir qu’ils ajusteraient et développeraient leurs compositions
sur le montage du film et l’enregistreraient ainsi, comme une voix-off, à la manière des bruiteurs de
cinéma.
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Novembre 2001: Montage de l’épisode « By the river».
Décembre 2001: Casting et repérages.
Janvier 2002 : Tournage du deuxième épisode « The red cabins », dans un coin surnommé L’Eau
Noire. Un village de cabanes abandonnées pour l’hiver au bord d’un lac. Je n’y étais pas retournée
depuis l’âge de huit ans.
Comme la neige n’était pas au rendez-vous ces jours-là, nous avons décidé d’aller la chercher plus
haut dans les environs et de la rapporter par sacs entiers sur les lieux, pour compléter notre décor.
Février 2002: Montage de l’épisode « The red cabins ».
Mars 2002: Casting et repérages.
Avril 2002: Tournage du troisième épisode « From the woods », en pleine forêt, dans des grottes
et d’anciennes champignonnières avoisinantes. Egalement sur la colline qui surplombe le village,
décimée par l’ouragan Lothar deux ans plus tôt. Les décors sont impressionnants. Tout
spécialement la nuit, dans les bois, au milieu des cirques de pierres.
Mai 2002: Montage de l’épisode « From the woods».
Mi-mai 2002: Casting et repérages.
Juin 2002: Tournage du quatrième épisode « The creek », sur une plage sauvage, entourée de
roseaux et envahie par les nénuphars. La journée, le vent s’est acharné sur notre équipe sans
interruption. Le soir, c’était au tour des nuées de moustiques de prendre la relève. La dernière nuit
de tournage s’est achevée sur des plans de feux d’artifices au centre de la crique.
Fin juin 2002: Tournage au Brummell, un club de striptease réservé pour l’occasion, dans laquelle
le groupe Honey for Petzi est filmé interprétant leurs compositions en live sur scène. Quelques
mois plus tôt, je leur avais demandé de pouvoir réaliser ces séquences, afin de les faire apparaître
entre chacun des épisodes du film comme de courts interludes, des petites respirations dans la
narration. Les musiciens et leurs mélodies deviennent les narrateurs imaginaires de l’histoire.
Juillet 2002: Montage de l’épisode « The creek» et des séquences au Brummell. Puis des quatre
épisodes ensemble.
Août 2002: Travail en studio d’enregistrement pour Honey For Petzi.
Septembre à novembre 2002: Montage du son et de la musique. Travail de postproduction des
images: étalonnage, effets spéciaux et générique.
Décembre 2002: Avant-première du film. Projection dans une salle de cinéma pour toute l’équipe,
nos familles et amis qui ont si généreusement soutenu ce projet depuis son commencement.
Merci à tous.
Emmanuelle Antille, janvier 2003
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