Discours de M. Jean-Marc Ayrault - Ateliers de l`Institut français

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Discours de M. Jean-Marc Ayrault - Ateliers de l`Institut français
Discours de clôture de M. Jean-Marc Ayrault, ministre des affaires étrangères et du
développement international, (Paris, 17/07/2016)
Je suis heureux de vous retrouver tous et toutes,
Monsieur le Président de l'Institut français,
Madame la Déléguée générale,
Monsieur le Président de La Villette, Cher Didier Fusillier qui nous accueille pendant ces deux
jours,
Je suis également heureux de saluer le président de la Fondation des Alliances françaises,
Jérôme Clément, et vous tous aussi,
Mesdames et Messieurs, Chers Amis,
Je pensais venir à la clôture de cette journée vers 17h, mais mon emploi du temps est bouleversé
vous le comprenez bien. Je le dis, parce que nous avons tous une tâche, chaque membre du
gouvernement, à accomplir.
Le 14 juillet, c'est toute la France qui a été atteinte à nouveau, en son cœur, par la barbarie du
terrorisme. Ce sont des enfants, des femmes, des hommes, français représentant la diversité de
la société française, et aussi des étrangers, 27 nationalités, qui ont été tués, blessés,
profondément choqués ce soir-là à Nice. Ils étaient réunis pour un moment de fête, de
convivialité et de fraternité. Comme chaque fois que les Français se retrouvent pour la Fête
nationale, ils étaient venus en famille pour célébrer, autour de ce feu d'artifice traditionnel qui
est tiré dans les grandes villes, mais aussi jusque dans les plus petits villages, la fraternité, les
valeurs de la République, celles qui nous réunissent. Ce sont ces valeurs de liberté, d'égalité et
de fraternité qui sont en cause. Notre réponse doit être de nous rassembler, au-delà de nos
différences et de nos sensibilités, de nos débats légitimes, dans une société comme la France où
l'on a toujours accepté le débat, le dialogue, la controverse qui fait partie de notre Histoire. Mais
dans ces moments-là, quand on sait que ce qui est attaqué, c'est justement notre manière d'être,
notre façon de vivre, l'adhésion que nous avons en commun, au-delà de ces différences à un
certain art de vivre, c'est là qu'il faut réagir avec force, ne pas nous laisser faire. Le terrorisme
ne mettra pas la terreur partout, il ne créera pas la peur. Notre réponse, c'est aussi celle que vous
apportez, c'est celle de la culture.
Merci pour tout ce que vous faites partout dans le monde, vous qui représentez la France dans
les Instituts français, dans les alliances françaises. Il faut continuer, il faut tenir bon, il faut être
offensif, merci à vous pour tout ce que vous faites.
Quand on se retrouve, partout en France - la France est un pays d'une richesse incroyable - bien
sûr nous sommes ici à La Villette. C'est un lieu formidable mais jamais dans les grandes villes,
il y a eu autant de vitalité culturelle. En ce moment, c'est le festival d'Avignon et beaucoup
d'autres, certains voudraient qu'on les arrête et peut-être que c'est ce que veulent les terroristes,
je dis peut-être, mais c'est certainement, mais nous ne renoncerons pas. C'est vrai que, de ce
point de vue, la France est particulière. Il y a à la fois l'action publique mais aussi l'action des
artistes et celles des associations, dans les régions les plus diverses de la France, il y a une
vitalité formidable. Elle n'est pas simplement liée au patrimoine, elle est liée à la capacité
d'utiliser les technologies d'aujourd'hui, l'innovation. C'est l'un des défis qui sont les nôtres,
nous devons continuer à nous battre partout.
J'étais à Oulan-Bator il y a quelques jours pour le sommet Union européenne - Asie et j'ai appris
la terrible nouvelle de ce nouvel attentat en arrivant après les sept heures de décalage horaire.
J'étais profondément touché par l'accueil qui m'a été réservé. Non seulement le moment intense
de la minute de silence demandée par le président de la Mongolie, pays qui vivait durant des
années sous la dictature et qui aujourd'hui est en train de construire une démocratie, qui est en
train de mettre en place des institutions démocratiques, qui a aboli la peine de mort et qui
accueille une Alliance française. Partout la France est présente. Au moment où j'ai rencontré
mes homologues, certains chefs d'État ou de gouvernement du monde entier, j'ai senti quelque
chose qui vibrait parmi eux, quelque chose que nous partagions, parce qu'il y a toujours, à
l'égard de la France, une attitude particulière. Au moment où chacun s'exprimait dans cette
conférence internationale Europe - Asie, beaucoup d'entre eux qui représentaient leur pays ont
tenu à présenter leurs condoléances en langue française même s'ils ne la parlaient pas. Car,
lorsque la France est touchée, c'est aussi une certaine universalité de valeurs qui est touchée.
C'est de cela dont nous devons être profondément conscients. Je sais que vous, de par votre
métier, vous en êtes conscients mais, face à cette terreur, ou plutôt, à travers ces événements
tragiques, puisons une force supplémentaire pour être encore plus offensifs, plus mobilisés,
partout dans le monde, pour continuer à nous battre contre cette forme d'obscurantisme. Nous
devons le faire par tous les moyens qui sont à notre disposition. Les États démocratiques doivent
se protéger et se défendre, par la voie politique, la voie diplomatique, militaire, par
l'organisation encore améliorée et coordonnée de nos systèmes de renseignements, par l'action
de la police, par l'action de la justice, par l'action contre toutes les formes de radicalisation mais
aussi avec notre art de vivre, avec notre message au monde, celui de la paix, celui du vivreensemble, celui de la fraternité entre les peuples.
Dans ce contexte terrible, le besoin de défendre la culture est plus vital que jamais. Nous devons,
vous devez, continuer à promouvoir ses valeurs d'humanisme, de tolérance, de respect des
différences et de dialogue.
Votre mission est essentielle : la culture contribue au rapprochement entre les peuples, au
respect entre les nations. En quelque sorte, elle donne une chance, même lorsque la liberté est
bafouée, aux forces les plus profondes de l'humanité de relever la tête, d'être le meilleur possible,
sans céder à toutes les formes de violence et de peur.
J'ai été frappé lorsque je me suis rendu récemment en Birmanie lors de la rencontre émouvante
avec Aung San Suu Kyi qui a mené ce combat, comme vous le savez, dans des conditions
extrêmement difficiles pour la liberté de son peuple. Le président que j'ai rencontré, qui est un
monsieur d'une très grande dignité m'a remercié, il a remercié la France parce que, pendant les
cinquante années de dictature, malgré les difficultés, l'Institut français, que l'on appelle là-bas
l'Alliance française, n'a jamais fermé ses portes. Il a toujours été un lieu où, ceux qui étaient
emprunts de liberté, qui voulaient continuer de se battre contre la dictature au détriment de leurs
propres libertés. J'ai rencontré un jeune monsieur qui gouverne la ville de Rangoun qui est resté
quinze ans en prison pour avoir manifesté comme étudiant, beaucoup étaient de ces hommes et
de ces femmes qui n'acceptaient pas la dictature à l'Institut français. C'était une forme de
résistance. C'est l'Institut français qui l'a fait et je puis vous dire que tous ceux qui veulent
aujourd'hui une Birmanie nouvelle, sont extrêmement reconnaissants à la France.
Ce que vous faites, chacune et chacun d'entre vous, dans vos différentes missions, peut-être le
sous-estimez-vous, mais c'est particulièrement précieux. Je voulais encore une fois vous
remercier de continuer à favoriser les échanges artistiques, intellectuels, éducatifs, de
promouvoir l'enseignement de la langue française en sachant innover. Vous êtes ici à La Villette,
je sais que vous en avez débattu : comment aller vers de nouveaux publics ? Comment toucher
les jeunes qui sont parfois plus en avance que nous ? Je crois que nous le pouvons, grâce
notamment au numérique, et vous l'avez évoqué il y a quelques instants, c'est une chance
nouvelle, il faut s'en saisir, je sais que vous allez le faire.
En tout cas, vous avez tout mon soutien, partout où je me rends, j'essaie de prendre un peu de
temps pour aller visiter l'Alliance française, l'Institut français. J'étais l'autre jour à New York
j'ai visité la librairie française installée là-bas comme une librairie comme il en existe dans nos
villes, des petites librairies indépendantes qui résistent. Justement, il y a un certain modèle
français qui est que la culture n'est pas seulement une affaire de marché comme les autres.
Je me souviens de cette formule de l'ancien Premier ministre Lionel Jospin qui disait : «Nous
sommes dans une économie de marché, mais nous ne voulons pas d'une société de marché».
Nous voulons une société qui soit capable de défendre des valeurs et une certaine idée d'être
ensemble, une certaine idée de la création, de la gratuité, une certaine idée de donner et
d'inventer. Je pense que c'est cela que le monde attend. Alors, n'ayons pas peur, soyons fiers de
ce que nous sommes, non pas avec arrogance comme si nous avions raison sur tout et partout,
mais parce que nous avons quelque chose en nous que nous voulons partager avec les autres.
Alors, continuez à le faire, merci d'avance, merci pour la France, merci aussi pour la liberté,
pour la fraternité. Merci pour la culture, pour l'humanité et ses valeurs./.

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