Daniel Maximin LÉON-GONTRAN DAMAS, colporteur de feu Léon

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Daniel Maximin LÉON-GONTRAN DAMAS, colporteur de feu Léon
Daniel Maximin
LÉON-GONTRAN DAMAS, colporteur de feu
Léon-Gontran DAMAS est né le 28 mars 1912 à Cayenne, en Guyane. Six ans
muet dans son enfance, il est décédé à New York le 22 janvier 1978, des suites d’un
cancer de la langue.
Entre ces deux mutismes s’est élaborée son œuvre : Bégaiements de poésie en
graffiti nocturnes sur les murs du silence, de l’oppression, de l’indifférence, et de
l'amour: malgré tous les malgré.
Sève noire, sel noir, suc et sueur nègres, de la mort à la vie, trois fleuves, Afrique,
Europe, Amériques : trois fleuves coulent dans mes veines, sur la terre des parias.
Trois continents, additionnés de soustractions : pas d’origine, pas de généalogie, pas
d’ancêtres reconnus : l’abondance d’origines perdues sous la nudité originelle d’une
table rasée des traces sûres du passé. Et le: petit-bourgeois crépu s’embarque en quête
de la vraie vie avec : son âme d’emprunt, son corps emmailloté, son cœur un long
soupir.
Aussi son action s’exercera-t-elle jusqu’à sa mort à travers toutes les activités
disparates qu’il mènera de front avec un mélange de fougue, de dilettantisme, de
détachement et de passion, porté toujours par la ferveur mise à collecter sans relâche
les paroles de beauté et de révolte du monde noir tour entier, de ces cultures
d’Afrique et d’Amérique qu’il voulait toutes embrasser, défendre et répandre, de
Paris à Dakar, de Harlem à Rio, de Fort-de-France à Cayenne.
Homme fantasque et pathétique, sarcastique et tendre, blessé et sentimental,
amoureux de l’amour, tourmenté à tire d’elles, il fut tout au long de sa vie un
médiateur de poésie, la sienne et celle de tous les autres, inlassable pèlerin
rassembleur des poésies du Tiers-monde, auteur de la toute première Anthologie des
poètes francophones dès 1947 à Paris. Certain qu’il faut, que le poète garde la parole,
l’urgente, la fragile, la nécessaire, pour fracasser les murs des égoïsmes criards et
silencieux.
La force vive de sa parole créatrice éclate de tous ses droits de survivre à la mort
tant rêvée, et que nous écoutons lui survivre, en souvenir de tant et tant de souvenirs
et de son avenir pérenne parmi nous. Avec : l'infinie tendresse qui entend lui
survivre…
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(Inédit)

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