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Les Matinées du CA
Conseil d'administration de la FNCAUE
Réunion du 31 janvier 2012
Relevé des interventions sur…
Sociétés Publiques Locales,
SPL d’Aménagement
& CAUE
"Le déploiement des SPL sur le territoire national" .. page 2
Intervention de Jean-Marie BERNARD
responsable du Département Aménagement et Développement
Économique de la Fédération des EPL (Entreprises Publiques
Locales)
"Témoignage" ........................................................... page 8
Intervention de Bruno LETTELIER
directeur du CAUE du Maine-et-Loire sur une initiative locale
regroupant dans le même GIE le CAUE 49 et une SPLA
départementale
Extrait du compte
rendu du CA,
diffusé
aux administrateurs
:
de la FNCAUE
et
exceptionnellement
aux Présidents et
directeurs de CAUE
adhérents.
Envoi par mail
FNCAUE – CA 31/ 01/ 2012 – Partie Conférences SPL, SPLA & CAUE
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Jean-Marie RUANT, Président de la FNCAUE
Je remercie ici nos deux intervenants d’avoir accepté de nous faire partager leur expérience.
II- Le déploiement des SPL sur le territoire national
Jean-Marie BERNARD
Responsable du Département Aménagement et Développement Économique de la
Fédération des EPL (Entreprises Publiques Locales)
En 2005, le fédération des SEM a été confrontée à la volonté de la Commission européenne de
mettre en concurrence les concessions d’aménagement, de même que tous les contrats publics. Il
existait cependant une ambiguïté sur la mise en concurrence du mandatement, c'est-à-dire la
possibilité pour la puissance publique, de mandater une association, par exemple, pour réaliser
une mission de service public, en contrepartie de laquelle elle reçoit des financements. Le
processus est encadré par une convention d’objectifs et concerne notamment les associations du
secteur médico-social et les agences de développement économique. Ce système fait aujourd'hui
l’objet de controverses et il s’avère parfois difficile de comprendre les intentions de la Commission
en la matière.
La loi SAPIN dispose que les SEM sont également mises en concurrence concernant les
délégations de service public (transports, remontées mécaniques, parkings). Les concessions
d’aménagement bénéficiaient d’une dérogation, mais un opérateur privé a attaqué cette
disposition devant la Commission européenne. Celle-ci a alors envoyé une lettre
d’injonction à l’Etat, puis un avis motivé, avec des menaces de sanctions très
importantes (la rétrocession des fonds FEDER liés aux opérations
d’aménagement). Une loi a donc été discutée devant le Parlement en 2005. Les parlementaires
souhaitaient cependant que les maîtres d’ouvrage puissent continuer à choisir et à contrôler les
opérateurs.
Nous avions alors rappelé la notion d’opérateur interne (in house), définie par l’arrêt Tecktal .
Celui-ci dispose qu’un opérateur n’a pas besoin d’être mis en concurrence s’il se trouve sous
contrôle de la collectivité (de manière équivalente à ses propres services), et s’il n’accorde ses
services qu’à la collectivité qui le contrôle. Cette définition faisait l’objet de beaucoup de débats
entre juristes, mais ceux-ci apparaissaient sans fondement, alors que des opérateurs intégrés
existent bien dans d’autres pays.
Lorsque la loi a été votée pour mettre en concurrence les concessions d’aménagement, les
parlementaires ont parallèlement demandé au gouvernement de mettre en place un groupe de
travail afin d’inventer un nouveau type d’opérateur qui serait sous le contrôle de la collectivité tout
en fonctionnant avec la souplesse des SEM. Ce travail a débouché en 2006 sur une loi face à
laquelle la Direction générale des collectivités locales s’est montrée réticente. La démarche n’a
donc été lancée qu’à titre expérimental et l’obligation a été faite de disposer de 7 actionnaires.
Cette dernière condition compliquait d’autant plus la situation que l’année 2007 était une année
électorale. Quelques SPL ont néanmoins été créées par des maires de grandes agglomérations (à
Nantes et à Lyon notamment), puis les régions se sont lancées dans la démarche, en instaurant
des SPLA (Sociétés Publiques Locales d’Aménagement). Un débat a alors porté sur le fait de
savoir si la construction d’un lycée relevait d’une opération d’aménagement : la réponse n’est pas
claire, mais la Direction générale des collectivités locales l’a accepté.
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A l’occasion de la loi Boutin, le nombre d’actionnaires nécessaire est passé de 7 à 2 et cette
mesure a permis une diffusion importante des SPLA (Aix, Mulhouse, Avignon, Paris…). Il
s’agissait souvent de gérer des opérations d’envergure que la ville souhaitait absolument
maîtriser. La Fédération n’avait pas été associée au travail de l’administration et de nombreuses
questions ont continué à se poser. A l’occasion d’une niche parlementaire, les élus ont donc voté
une loi sur les SPL en 2010, avec l’unanimité des deux chambres. Ils souhaitaient, en effet,
disposer d’un outil qui s’avérerait à la fois dynamique et sous contrôle. En 2002, une loi sur la
transparence des SEM avait déjà été votée.
Depuis 2010, il ne s’agit plus uniquement de créer des opérateurs non soumis à la concurrence
dans le domaine de l’aménagement, mais de le faire dans tous les secteurs. Aujourd'hui, si la
collectivité n’est pas satisfaite d’un service rendu par un opérateur, elle peut reprendre le service
et le personnel. Cette situation se retrouve notamment pour la SPL « Eau du Ponant » dans la
région de Brest. Certaines régies se transforment aussi en SPL : l’avantage est ici de pouvoir
disposer de fonds propres et d’un système souple de fonctionnement. Les SPL se sont
développées dans des secteurs divers et parfois inattendus : l’aide à la personne, le tourisme,
l’eau, les transports…. Elles permettent aux collectivités de mutualiser leurs moyens et leurs outils.
Aujourd'hui, les intercommunalités s’intéressent aussi à ce cadre.
Une autre évolution n’avait pas été prévue au départ : une SEM et une SPL peuvent créer un GIE.
Il ne s’agit pas d’une véritable innovation, car des organismes HLM avaient déjà mutualisé leurs
moyens juridiques ou comptables (DOMIAL en Alsace, par exemple). Ces organisations
permettent un service de meilleure qualité.
Dernièrement, une agence technique départementale s’est aussi transformée en SPL dans l’Oise.
En dépit du grand nombre d’actionnaires, les juristes de la DGCL et de Bercy ont apporté leur
appui à sa constitution.
Les élus s’interrogent régulièrement sur l’ingénierie départementale. Les SPL
n’effectuent pas le travail d’ingénierie au sens du travail fait par un
bureau d’études, mais bien celui d’assistance à maîtrise d’ouvrage
(AMO). Il n’est en effet possible de lancer des initiatives de type SEM
que s’il y a
carence de l’offre privée. Or, si les bureaux d’études sont présents sur
tout le territoire, le
départ des DDE et des DDA a laissé un vide (les communes pouvaient auparavant s’appuyer sur
les ingénieurs d’arrondissement), d’où la nécessité de la reprise de l’AMO par les SEM.
Actuellement, le conseil général peut cofinancer une étude mais, dans l’avenir, ce seront peut-être
plutôt les intercommunalités qui se chargeront de mener à bien les projets. Ces intercommunalités
pourraient passer à 50 000 habitants au lieu de 10 ou 20 000 habitants, mais l’évolution est loin
d’être achevée. Les régions seront aussi amenées à jouer un rôle important dans le domaine
économique. Lorsqu’elles lancent des sociétés d’encouragement à l’innovation, les régions se
tournent plutôt vers les SEM que vers les SPL, pour faire rentrer des groupes dans le capital.
Dans l’avenir, il n’est pas impossible que la région crée une SPL et une SEM, reliées par un GIE,
afin de promouvoir le territoire. Les évolutions sont importantes, mais les incertitudes demeurent
fortes quant à la réforme territoriale et à ses conséquences éventuelles sur les différents outils.
70 SPLA/SPL existent aujourd'hui et les deux statuts continuent à coexister (il ne s’agit que d’une
différence d’intitulé). Le statut de SPLA figure dans le code de l’urbanisme, tandis que celui de la
SPL se trouve dans le Code général des collectivités territoriales. Ces dernières peuvent avoir
toute activité de service public, notamment à travers des délégations de service public.
Le rythme des nouveaux projets apparaît aujourd'hui assez fort et nous en dissuadons un certain
nombre, lorsque ceux-ci n’ont pas la taille suffisante. Les élus doivent absolument prendre
conscience qu’en créant une SPL, ils créent une véritable entreprise qui doit disposer d’un
véritable projet d’entreprise.
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Echange avec la salle
Jean-Michel DESAILLY
Ma première question porte sur les aspects financiers. Au vu de l’évolution des finances locales
pour les années à venir, les collectivités territoriales rechignent à créer des structures engendrant
des frais de fonctionnement supplémentaires. A partir de quel seuil l’opération est-elle donc
réaliste ?
Jean-Marie BERNARD
Il n’y a pas de règle en la matière. Le taux d’honoraires de l’AMO s’élève
à 1,5 ou 2 % et celui de la maîtrise d’ouvrage déléguée à 3,5 %.
Concernant l’aménagement, il faut ajouter les dépenses, les
recettes
et diviser le tout par deux avec un taux de 4 à 6 %. Il s’agit de vérifier
qu’il est possible
de rémunérer les personnes qui y travailleront. Les calculs sont à réaliser au cas par cas.
Dans certains secteurs ruraux, de gros investissements sont mis en œuvre, notamment par des
agences de bassin. Les fonds ne manquent pas, notamment dans les communes de montagne ou
du littoral, mais la situation s’avère très différente d’une région à l’autre.
La question centrale est d’apprécier la capacité de financement de la collectivité, ce qui n’est pas
aisé avec les réformes actuelles.
Michel CORNUET
Quelle est la différence exacte entre une SPL et une SEM ?
Jean-Marie BERNARD
Pour les SEM, la loi prévoit que plus de 50% du capital soit détenu par des collectivités
territoriales. Les autres actions peuvent être détenues par des sociétés privées, des chambres
consulaires, des banques… En France, il existe aujourd'hui encore des SEM Poincaré
avec un capital public minoritaire de 30 % – celles-ci sont rares – et les SEM
disposent généralement de 60 à 80 % de capitaux publics. Historiquement, la
Caisse des dépôts a également joué un rôle important dans l’éclosion des SEM,
dans les années 1959-1960. Dans le cadre de la SPL, 100 % des capitaux
proviennent des collectivités territoriales ou de leurs groupements (les universités et les hôpitaux
ne peuvent en faire partie).
La grande différence entre les deux types de sociétés tient à cette possibilité dorénavant laissée
aux collectivités locales de créer des sociétés seules, à travers les SPL. Les collectivités doivent
cependant être conscientes que créer une SPL demande un certain niveau de technicité. Il s’agit,
en effet, d’une SA régie par le droit du commerce. Un autre statut existe : celui des sociétés
coopératives d’intérêt collectif, qui ressemblent à des SEM et sont de taille plus limitée, ce qui peut
s’avérer plus sécurisant. Avant de créer une SPL, il faut d'abord évaluer le chiffre d'affaires, les
rémunérations, le compte d’exploitation, le dimensionnement. La Fédération donne aux
collectivités les coordonnées de bureaux d’études pour les conseiller quant à la faisabilité du
business plan. Pour l’instant, aucun problème particulier ne s’est posé. Il s’agit souvent de
reprendre l’activité d’un opérateur privé qui s’en retire. La collectivité dispose alors de recul sur la
rentabilité.
Michel CORNUET
Si la SPL engrange des profits, comment ceux-ci reviennent-ils à la collectivité ?
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Jean-Marie BERNARD
Comme pour une SA, soit les profits sont redistribués sous forme de dividendes, soit ils sont
incorporés sans les réserves. En général, la collectivité décide plutôt d’une mise en réserve qui
permet d’augmenter les fonds propres et de réduire les frais financiers.
Michel CORNUET
Dans le cadre de la régie, les profits reviennent intégralement dans le budget général ?
Jean-Marie BERNARD
En effet. En général, dans le cadre de la SPL, les dividendes ne sont pas une priorité des
collectivités. L’aménagement ne permet d’ailleurs guère de réaliser des profits.
Natalie FRANCQ
Les EPFL (Etablissements Publics Fonciers Locaux) relèvent-ils de la même logique ?
Jean-Marie BERNARD
Non, il s’agit d’une autre variété d’entreprise publique. Ce sont des EPIC qui n’ont pas de fonds
propres et les membres sont responsables de leur gestion. Il existe des EPFL et des
établissements publics d’État. Une ordonnance récente (non ratifiée à ce jour) pose problème, car
elle donne la possibilité aux établissements publics d’État de créer des filiales. Les
parlementaires ont bien compris que ce mouvement pouvait aller dans le sens
inverse de la délocalisation : en effet, les collectivités territoriales devraient
combler leur déficit, alors qu’elles n’ont pas la main sur l’outil.
Les établissements publics locaux souffrent d’un manque
de cohérence :
ce sont des EPIC, alors qu’ils perçoivent la taxe spéciale
d’équipement dont ils
fixent la quotité. En termes de droit communautaire, un
problème se pose. La
Fédération des EPL est néanmoins favorable à la présence de ces établissements publics fonciers
locaux, car une véritable politique foncière est nécessaire. Pour régler la fragilité juridique
existante, la collectivité pourrait lever l’impôt et le reverser sous forme d’obligation de service
public, afin d’assurer une plus grande clarté.
Les Etablissements Publics d’Aménagement d’Etat posent, eux, problème car les SEM sont mises
en concurrence avec eux. En outre, contrairement aux SPL qui ne travaillent que sur leur propre
territoire, l’agence foncière de la Région parisienne peut, par exemple, vendre sa compétence sur
tout le territoire français. L’examen des ordonnances par le Sénat a été reporté et il semble
qu’elles ne pourront être étudiées avant la fin de la mandature.
Paul CHEVIET
Dans le département de la Haute-Saône, une agence départementale d’ingénierie a été mise en
place. Quelle est la différence avec les autres structures, sachant que cette agence
s’occupe de maîtrise d’œuvre, ainsi que d’assistance à maîtrise d’œuvre. Le système
fonctionne de façon satisfaisante, surtout pour les petites communes.
Jean-Marie BERNARD
Ces structures sont régies par un texte de 1981-1982, portant sur les agences techniques
départementales. Elles font l’objet d’une association entre les collectivités locales et le
département.
Jean-Marie BERNARD
Le problème est de savoir comment ces structures sont financées. Davantage de juristes que
d’ingénieurs travaillent aujourd'hui dans ces agences départementales et ils réalisent plus d’AMO
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que de véritable ingénierie. Il n’existe guère de véritable bureau d’études en leur sein. Les
agences conseillent surtout les maires sur les acteurs à faire intervenir dans le projet ou les
modalités de signature de contrat avec un bureau d’étude privé.
Paul CHEVIET
Dans les départements ruraux, les communautés de communes n’atteignent souvent que le seuil
de 5000 habitants, et non celui de 50 000. Les maires ne peuvent avancer aussi vite dans des
communautés de communes comprenant 25 à 30 communes que dans celles qui n’en comptent
que quatre. Il n’est, en outre, pas simple de gérer les difficultés existant en milieu rural : il s’avère
notamment difficile de trouver des élus pour conduire les projets.
Jean-Marie BERNARD
Je suis bien conscient du problème, ayant moi-même habité dans une commune rurale de l’Aisne.
Même la signature d’un contrat très limité peut poser des difficultés : il apparaît notamment
compliqué de respecter les règles d’appels d’offres. Auparavant, les ingénieurs
d’arrondissement apportaient leur aide sur cet aspect, tandis que la partie
strictement technique était souvent largement confiée au privé. L’amont est
si complexe que, si personne n’est là pour les conseiller, ils peuvent se
retrouver dans l’illégalité. Les DDE et DDA remplissaient donc un rôle tout à
fait
important. Mais les DDA/DDE réalisaient aussi l’AMO, en concurrence avec
les SEM. Ces
dernières s’occupent aujourd'hui de ces tâches, mais les moyens des collectivités rurales
diminuent et la Fédération est très inquiète : certains départements sont en train de se séparer de
leur outil d’aménagement.
Frédéric SARDIN
Dès lors qu’il existe une SEM d’aménagement départementale, y a-t-il un intérêt à créer une SPL
pour les collectivités ? Cela représente-t-il une opportunité ou une concurrence ?
Jean-Marie BERNARD
Cela peut créer une concurrence avec la société départementale. Si une agglomération décide de
créer sa propre SPL, alors que la SEM départementale réalisait 2/3 de son chiffre d'affaires sur
l’agglomération, des guerres intestines peuvent avoir lieu. Mais, c’est rarement le cas.
Généralement, la ville-centre finit par rentrer dans le capital de la SEM
départementale. En son sein, les agglomérations souhaitent souvent avoir
davantage de marge de manœuvre et ce, d’autant que le département a
vu ses moyens financiers diminuer.
Dans le Doubs, un GIE a été créé entre la SEM départementale et la SPL
de Besançon.
Les mêmes équipes travaillent dans les structures et la région est rentrée dans le processus.
Généralement, la coopération s’avère donc satisfaisante et la Fédération essaie de la favoriser.
Michel ASTIER
Vous préconisez presque des limites « déontologiques » pour la création de SPL, sur des
questions portant sur l’ingénierie du territoire.
Jean-Marie BERNARD
Je parle d’ingénierie de maîtrise d’œuvre (et non d’ingénierie du territoire). Faire de la maîtrise
d’œuvre, en architecture, en urbanisme, aménagement ne relève pas de nos attributions. Si c’était
le cas, les levées de boucliers des professionnels seraient importantes. Je souhaite aussi rappeler
qu’il n’est possible de créer une SEM que sous le contrôle de légalité du Préfet. Il faut éviter de se
situer sur le terrain du secteur concurrentiel.
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Valérie CHAROLLAIS
En travaillant sur la présente réunion, nous avons d’ailleurs compris que le concept « ingénierie »
ne recouvre en fait pas la même réalité pour chacun de nous. M. Bernard utilise le terme
« ingénierie » pour évoquer le « bureau d’études », alors que la Fédération des CAUE inclut aussi
dedans l’ingénierie de conseil, l’aide à la décision en amont.
Jean-Marie BERNARD
Nous utilisons aussi parfois le terme d’ingénierie du territoire et nous traitons des questions de
conseil, mais la frontière s’avère ténue avec la maîtrise d’œuvre pure – à laquelle nous ne
participons pas.
Michel ASTIER
Certaines collectivités peuvent avoir totalement intégré leur service de
maîtrise d’œuvre.
Michel CORNUET
Sur la carence de l’initiative privée, une SPL qui
gérerait un réseau
pourrait se retrouver dans une situation de concurrence par rapport au secteur privé ?
d’eau
Jean-Marie BERNARD
Il s’agit là d’un service public délégué. L’entretien d’un service d’eau peut requérir d’employer des
ouvriers, mais les travaux de construction de réseau nouveau relèvent du secteur privé. La
situation locale peut différer fortement d’une situation à l’autre, en fonction des lobbys de
professionnels présents.
Bruno LETTELIER
Qu’en est-il de la sécurité juridique du statut des SPL aujourd'hui ?
Jean-Marie BERNARD
Une circulaire de la DGCL garantit le système. Le MEDEF a néanmoins exercé un recours auprès
de la direction de la concurrence. Il a demandé à la DGCCRF de lancer une enquête nationale,
sur les sociétés non-soumises au droit de la concurrence, car il ne comprend pas l’existence du
droit à l’auto production des collectivités locales (ce principe est, depuis toujours, garanti par la
Commission européenne). Le MEDEF compte aussi déposer une plainte devant la Cour
européenne de Justice. Cette initiative s’avère infondée dans la mesure où la DGCL avait contacté
la Commission avant de publier le texte.
En Allemagne, toutes les villes importantes disposent non seulement de sociétés publiques
locales, mais aussi de consortiums/groupes avec filiales. Pour les Allemands, il est normal qu’une
ville soit un opérateur économique, même si celui-ci est limité dans ses compétences. Le
statut de la SPL ne pose pas de souci juridique, si elle se situe bien dans le cadre des
services économiques d’intérêt général, car les collectivités sont légitimes dans ce rôle.
Hors de ce cadre des services économiques d’intérêt général, il faut prouver la carence
du secteur privé, mais ces cas sont plus rares.
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II- Témoignage et retour d’expérience
Bruno LETELLIER
Directeur du CAUE du Maine-et-Loire sur une initiative locale regroupant dans le même
GIE le CAUE 49 et une SPLA départementale
Je souhaiterais évoquer l’expérience menée dans le Maine-et-Loire.
La motivation de la relation très positive existant entre le CAUE de Maine et Loire et la SPL
s’explique, pour le CAUE, par le souci de mieux réaliser les objectifs de qualité de l’urbanisme, de
l’architecture et des paysages (article 1 de la loi de 1977).
Dans le Maine-et-Loire, dès la création du CAUE en 1979, celui-ci a souhaité mettre en avant
l’accompagnement de la maîtrise d’ouvrage des collectivités, plus que le conseil aux particuliers.
Les postes d’architectes conseillers ont complété les postes de chargés d’études dont la
mission était l’accompagnement de la maîtrise d’ouvrage des collectivités. En
1982, la décentralisation renforçait ce positionnement en accordant à ces
dernières une compétence très importante en matière d’aménagement et
d’urbanisme. Ce mouvement a aussi été concomitant du début du
désengagement de l’Etat et des DDE (en Maine-et-Loire, un service intégré à la DDE intervenait
lourdement en AMO, mais aussi en bureau d’étude). Au fur et à mesure du délitement de ces
services, le CAUE a développé son positionnement d’accompagnement des collectivités.
Lorsque Christian GAUDIN a pris la Présidence du CAUE, il a constaté un hiatus entre sa mission
d’aide à la maîtrise d’ouvrage publique aux collectivités, fondée précisément sur l’article 2 de la loi
MOP, et l’existence de difficultés liées à l’inexistence d’accompagnement de la maîtrise d’ouvrage,
au-delà de la maîtrise d’œuvre. Un maire rural était accompagné en termes d’évaluation des
enveloppes budgétaires, d’étude de faisabilité…, mais était bien seul face au professionnel, car
l’Etat ne l’accompagnait plus et le CAUE limitait son action à l’article 2. Depuis les années 1960
existait une SEM, la société d’équipement du Maine-et-Loire, présidée par le Président du Conseil
général et légitime à intervenir dans tout le département, hors l’agglomération d’Angers.
Pour assurer la cohérence des politiques et de la réalisation des projets, le CAUE
s’est rapproché de la SEM départementale. Le Conseil général a créé une
SPLA qui a repris exactement la même structure que la SEM et
quasiment les mêmes actionnaires. Cette création a plutôt
renforcé le partenariat avec le CAUE, compte tenu même de
la plus forte
légitimité de la SPL par rapport à la SEM. Les élus
considèrent
la
relation avec la SPL comme un véritable partenariat et le
sentiment d’appartenance
est fort.
L’idée d’une collaboration entre le CAUE et la SPL s’est donc renforcée et s’est traduite par la
création d’un GIE. L’élaboration d’un plan départemental de l’habitat (PDH) a aussi permis
d’établir un partage clair des compétences en 2008. Celui-ci a permis de définir une politique
assez volontariste, notamment dans le domaine de l’urbanisme durable et de l’orientation des
aides départementales. Le PDH a également permis de s’adapter à un contexte réglementaire de
plus en plus complexe et d’intégrer tous les aspects en amont, jusqu’à l’intervention des différents
professionnels. La difficulté actuelle porterait plutôt sur la capacité de réponse de ces derniers par
rapport à la multiplication des opérations. La SEM ou la SPL interviennent en aval de l’intervention
du CAUE et en cohérence avec lui.
La SPL offre, ici, un avantage supplémentaire par rapport à la SEM : l’intervention de la SEM dans
la phase de conseil et d’assistance était auparavant presque confidentielle, puisqu’il fallait opérer
une mise en concurrence pour la phase opérationnelle. Celle-ci n’était pas véritablement réelle,
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car les SEM travaillent sur des territoires et le choix de la commune pouvait se porter soit sur un
opérateur privé soit sur un opérateur public. Avec la SPL, le problème de la mise en concurrence
ne se pose pas, car celle-ci est impliquée dès le départ dans le projet. La cohérence entre l’amont
et l’aval est donc assurée.
Je souhaite aussi revenir brièvement sur le contexte de la réforme des collectivités. La question du
positionnement des CAUE par rapport au Conseil général et à leurs structures dites associées
s’avère prioritaire dans les discussions. En Maine-et-Loire, les organismes associés au Conseil
général ont décidé d’officialiser leurs relations, avant que ce dernier ne s’en charge (ce
mouvement se traduit généralement plutôt par des fusions que par des associations).
L’idée a donc été émise de créer un GIE, avec un objectif défini clairement et un
coût quasi nul (les charges sont uniquement liées à la mutualisation et aux
synergies possibles entre le CAUE et la SPL).
Quatre objectifs ont été définis. Le premier objectif est d’interpeller les maires sur la démarche
d’aménagement durable, les procédures, les différentes étapes des projets et ce, via un portail
internet (www.anjouurbanismedurable.fr). Le deuxième objectif tient à la mise en place de
schémas d’aménagement communautaire. Le département est couvert de POS, mais l’urbanisme
n’a pas atteint la dimension intercommunale attendue par les accords de Grenelle, à de rares
exceptions près. La dynamique est très positive.
Je souhaite revenir sur les quatre objectifs. Comme nous l’avons vu, la deuxième mission est celle
de la mise en place des schémas d’aménagement communautaire. Il faut faire en sorte qu’en
2014, l’ensemble des intercommunalités rurales soient couvertes par des schémas qui préfigurent
le futur plan local d’urbanisme intercommunal. Malheureusement, certaines intercommunalités
sont encore de taille très limitée.
Le troisième objectif tient à la mise en œuvre de plans d’action foncière. Une véritable politique
foncière au niveau départemental est nécessaire pour clarifier la situation. Nous avons pu
constater une surestimation considérable de la réserve foncière des communes, par rapport aux
objectifs du plan départemental de l’habitat. La prévision de constructibilité pourrait être divisée
par deux dans certains cas.
Le quatrième objectif est de mettre en place un SIG départemental sur la production urbaine et sur
la réserve foncière. Celui-ci s’organisera dans un deuxième temps, lorsque les schémas
d’aménagement communautaire et d’action foncière seront finalisés.
A l’échéance de 2014, la strate des communautés en France sera certainement remise en cause
et les CAUE doivent absolument se repositionner pour continuer à remplir leurs objectifs. Le
rapprochement avec les SPL est donc nécessaire, même s’il s’avère difficile : les cultures
apparaissent, en effet, très différentes et les concilier ne s’avère pas aisé. L’objectif de rentabilité
ne fait encore qu’effleurer les CAUE, tandis que les SPL se concentrent prioritairement sur les
bilans. Le défi est néanmoins en passe d’être gagné en Maine-et-Loire.
Je souhaite aussi souligner, une fois encore, la légitimité forte des SPL départementales par
rapport au Conseil général et aux communes actionnaires. Pour les CAUE, il serait suicidaire de
s’engager dans une relation conflictuelle avec elles.
Sur les perspectives de 2014-2015 et la réorganisation des collectivités, l’union régionale des
CAUE des Pays - de - Loire vient de prendre une initiative : faute de moyens, elle n’a pas
renouvelé le poste de délégué régional, mais a recruté une personne pour réfléchir au
positionnement des CAUE par rapport aux collectivités et aux métropoles. Sa mission (de deux
ans) doit aboutir à des conclusions pertinentes, à l’aune de la réforme des collectivités.
Je souhaite maintenant souligner les différences existant entre le Maine-et-Loire et la Mayenne.
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En Mayenne, un projet de création de SPL départementale existe et la concertation avec le CAUE
apparaît très forte (le premier Vice-Président du Conseil général est d’ailleurs aussi le Président
du CAUE). Une SEM travaillait déjà au niveau de Laval et l’établissement de la SPL nécessitait
une relation forte entre ces deux structures. Le mouvement va dans le sens de la recherche de
synergies et de la non-concurrence.
Jean-Marie BERNARD
Une SPL et une SEM ne peuvent pas mutualiser leur personnel et leurs moyens de production
dans un GIE. Mais les fonctions transversales sont mutualisables : administration, promotion….
Placer par contre tout le personnel dans la même structure n’apparaît ni légal ni souhaitable. Il
existe des règles strictes, même si certains aménagements temporaires sont possibles. Chaque
année, en janvier, la Fédération réunit d’ailleurs les différents acteurs et leurs cabinets d’avocats
pour rappeler ce qu’il est possible de faire ou non.
Bruno LETTELIER
En Maine-et-Loire, le GIE créé ne dispose pas de personnel, excepté une personne à temps plein
qui est salariée du CAUE et une salariée mise à disposition.
Echange avec la salle
Jean-Michel DESAILLY
Les CAUE devront se positionner par rapport à la question des ressources. La création d’agences
techniques d’ingénierie départementale ne peut-elle aussi permettre la survie des CAUE ?
Jean-Marie BERNARD
La création de ces agences peut aussi entraîner la disparition des CAUE. Le rôle de conseil
qualité doit bien être différencié de l’aide apportée aux maires au quotidien. Les deux sujets
apparaissent très différents. Si la taxe CAUE est dévoyée vers d’autres destinations, cela
représente un risque.
Jean-Michel DESAILLY
Il n’y a plus de taxe CAUE, mais une taxe d’aménagement.
Jean-Marie BERNARD
Au sein de la taxe d’aménagement, la partie CAUE existe toujours.
Jean-Michel DESAILLY
Ce n’est pas obligatoire.
Valérie CHAROLLAIS
La loi stipule bien qu’il existe une part départementale de la taxe d’aménagement qui ne peut être
affectée globalement qu’aux ENS et/ou au fonctionnement des CAUE. Certains départements ne
se sont effectivement pas saisis de la possibilité de flécher simultanément le taux dédié au CAUE
spécifiquement, dans le rendement global.
Evelyne LUCAS
Le CAUE n’est pas qu’un partenaire technique. L’ensemble des autres missions – hors
accompagnement des collectivités – doivent-elles donc être incluses dans le GIE ?
FNCAUE – CA 31/ 01/ 2012 – Partie Conférences SPL, SPLA & CAUE
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Bruno LETTELIER
Le CAUE n’a pas varié dans l’exercice de ses missions et il les a même considérablement
développées depuis six ans, notamment les missions de formation.
Les missions de conseil et d’AMO ne se limitent pas aux missions du GIE. Le cadre de l’activité
des CAUE demeure l’article 2 de la loi MOP et nous devons nous appuyer sur celui-ci.
L’application des orientations du plan départemental de l’habitat relève du GIE, mais l’identité de
l’intervention du CAUE et de la SEM reste totale. Il ne s’agit pas d’un processus de fusion, mais de
mutualisation.
Evelyne LUCAS
Ce point doit être clarifié. C’est bien l’ensemble des missions du CAUE qui en font un partenaire
intéressant au sein du GIE.
La séance est levée à 12 heures 40.
* Pour en savoir plus sur les EPL, SPL et SPLA, voir le site internet de la Fédération des EPL :
www.lespel.fr
Document rédigé par la société Ubiqus – Tél : 01.44.14.15.16 – http://www.ubiqus.fr – [email protected]
Relecture par la FNCAUE et les intervenants Jean-Marie Bernard et Bruno Letellier
FNCAUE – CA 31/ 01/ 2012 – Partie Conférences SPL, SPLA & CAUE
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FNCAUE – CA 31/ 01/ 2012 – Partie Conférences SPL, SPLA & CAUE
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