Article de synthèse paru dans le journal L`Alsace

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Article de synthèse paru dans le journal L`Alsace
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Région
M E RC RE D I 9 MAR S 201 6
L ' AL S A CE
POMPIERS
« Une mutation irréversible »
En cette période troublée par l’évolution des menaces, la recomposition des territoires et les contraintes budgétaires, les enjeux pour les pompiers et la population ont été
évoqués ce week-end à Colmar, à l’occasion des 25es assises du Groupement qui fédère depuis autant d’années les unions départementales… de l’actuelle grande région.
Textes : Jean-Frédéric Surdey
Le Grand-Est, et l’Alsace en particulier, restent les régions qui comptent le plus de « soldats du feu »
par rapport au reste de la France,
comme le reflète le nombre d’adhérents composant le Giracal (lire
ci-dessous), qui défend les intérêts
des pompiers du Grand-Est. Avec
près de 42 000 adhérents sur
268 500 dans toute la FNSPF, ou
Fédération nationale des sapeurspompiers de France (190 000 professionnels et volontaires actifs,
48 000 anciens sapeurs-pompiers,
26 000 jeunes et 4 000 personnels
administratifs, techniques et spécialisés), il s’agit du plus gros groupement sur les 13 du territoire
français.
15 000 pompiers
en Alsace, un atout
Rien qu’en Alsace, on recense près
de 15 000 pompiers, dont 9 000
dans le Haut-Rhin qui peut compter sur le réseau de volontaires le
plus nombreux (plus de 6 000) de
l’Hexagone. « Cette forte présence
s’explique d’abord par deux raisons historiques : avant les pompiers, la Garde nationale était plus
fournie sur cette zone frontalière,
Le président de la Fédération nationale :
« On parle de recréer de la citoyenneté et
on casse ce qui fonctionne. » Photo L’Alsace
et pour ce qui concerne l’AlsaceMoselle, l’uniforme des sapeurspompiers n’avait été pas été
germanisé, d’où un fort attrait », a
expliqué le colonel Eric Faure, président de la FNSPF, dimanche à la
fin des 25es assises du Giracal à
Colmar.
« Parfois le seul lien
social qui reste »
Aujourd’hui, l’attachement à ce
métier reste donc très vif dans la
région. « Concernant le volontariat en Alsace, Lorraine et Champagne-Ardenne, la tendance à la
baisse s’est même inversée en
2014 », a ajouté Eric Faure. Le
Haut-Rhin - où cela s’est également stabilisé - peut compter sur
un vivier important de 1 300 jeunes sapeurs-pompiers, même si le
département n’est pas épargné
par des manques de disponibilité
dans certaines zones, surtout rurales et en journée : des conventions
avec des employeurs et des collectivités permettent parfois d’y remédier.
Le Groupement interrégional Alsace, Champagne-Ardenne et Lorraine (Giracal) des pompiers a tenu ses 25es assises annuelles à Colmar, le week-end dernier. À l’occasion de la clôture de ces
25es assises, le commandant Pascal Christophe, président du Giracal, a toutefois souligné que
malgré les engagements pris en
congrès national « pour contrer
l’érosion du maillage territorial,
plusieurs Sddis (services départementaux d’incendie et de secours)
désirent fermer ou regrouper des
Cis (centres d’incendie et de secours) afin de réaliser prétendument des économies budgétaires,
or ces centres ruraux sont le seul
lien social dans certaines communes », en citant le Sdis de la Drôme
qui « veut fermer un quart des
Cis ».
« On parle de récréer de la citoyenneté en France mais on casse ce
qui fonctionne, c’est pourquoi il
L’« Acal » regroupée
depuis 25 ans
Cela fait 25 ans qu’il fédère les
unions départementales (UD) de
pompiers des trois régions n’en
formant plus qu’une depuis le
début de l’année : le Groupement interrégional Alsace,
Champagne-Ardennne et Lorraine (Giracal) existe depuis 1991,
« lorsque la Franche-Comté et la
Bourgogne se sont unis ensemble mais à part parce que c’était
trop vaste à gérer », note son
président actuel, Pascal Christophe.
tations sportives des UD, et comprend aussi un aspect social ».
Récoltés lors de divers événements organisés par l’UD du
Haut-Rhin, 25 000 € ont
d’ailleurs été remis dimanche à
l’Oeuvre des pupilles orphelins
des sapeurs-pompiers.
Par ailleurs, trois des chevilles
ouvrières des 25es assises qui se
sont tenues à Colmar ont reçu
une médaille échelon or : le nouveau président de l’UD 68 Martin
« Tandis qu’un Sdis (service dé- Klein, son trésorier Gérard Gantpartemental d’incendie et de se- zer et Bernard Meister, président
cours) est un établissement de la section des anciens. Quant
public, nous sommes une struc- à Alphonse Hartmann, le prédéture associative, précise le prési- cesseur de Martin Klein à la tête
dent. Le Giracal sert de relais de l’UD 68 pendant 21 ans, le préentre les hommes et femmes du sident de la FNSPF lui a rendu un
terrain et la Fédération nationale hommage appuyé qui l’a ému
des sapeurs-pompiers de France aux larmes, pendant la cérémo(FNSPF), il organise les manifes- nie de clôture.
Photos L’Alsace/Thierry Gachon
faut continuer à se battre pour le
volontariat dans tous nos territoires ! », a exhorté le président de la
FNSPF, longuement applaudi pour
ces propos. « Même si nous devons faire évoluer nos pratiques,
dans un contexte de baisse des
dotations de l’État vers les collectivités, de recomposition des territoires à l’image des nouvelles
régions et intercommunalités, et
face à l’évolution des menaces ou
des demandes de secours, en raison de la carence d’autres acteurs
ou comme on a pu le voir lors des
attentats », a ajouté Eric Faure.
« Les pompiers ont totalement répondu présents dans le cadre de
l’état d’urgence, mais celui-ci continue et la situation reste criti-
Le Haut-Rhin
pas épargné
« Les Sdis étant inévitablement impactés par les lourdes contraintes
budgétaires pesant sur les Départements et les autres collectivités
locales, ils doivent participer à l’effort d’économie, a exposé Eric
Straumann, président du conseil
départemental mais aussi du conseil d’administration du Sdis 68. Le
Haut-Rhin vit les mêmes difficultés
financières que d’autres départements, le même problème de disponibilité des volontaires en
journée, et la même recherche
d’équilibre entre le modèle départemental et communal ».
Après avoir rappelé les atouts d’un
volontariat « extrêmement développé » et d’« un maillage territorial très fort grâce à 243 corps de
première intervention (CPI) en plus
des 40 casernes du corps départemental », le président du Casdis 68
a présenté les « axes stratégiques
que nous souhaitons mettre en
œuvre » : développement de la
complémentarité entre les pompiers professionnels et volontaires, accompagnement des centres
de première intervention locaux
« pour une meilleure efficacité et
un coût optimisé pour les commu-
nes », transformation des CPI qui
ne seraient plus viables à terme en
réserves locales d’appui (« composées de citoyens qui ne seraient
plus pompiers, mais pourraient intervenir en appui »), et révision du
SDACR (schéma départemental
d’analyse et de couverture du risque) « pour l’adapter aux nouvelles contraintes financières tout en
préservant la qualité de service ».
Des réponses qui se veulent
« pragmatiques face à une mutation irréversible, c’est-à-dire des
changements inévitables », a conclu Eric Straumann, même si la
volonté « de garantir la sécurité de
tous les habitants restera toujours
un principe lui aussi irréversible ».
Du neuf contre les incendies
dans les centres anciens
Des initiatives ont été prises encore récemment tandis que d’autres sont toujours à l’étude face aux incendies dans les centres historiques alsaciens, après le drame du 1er janvier 2014 à Riquewihr, où un exercice « grandeur nature » sera mené ce printemps.
À peine plus d’une minute sépare ces images prises par un pompier, une demi-heure après le début de l’incendie mortel de Riquewihr. Missionné par le Sdis 68 - sous le
pilotage de la préfecture du HautRhin - pour étudier comment mieux
lutter contre les feux dans les centres historiques alsaciens, après
l’incendie mortel au cœur de Riquewihr le 1er janvier 2014, le lieutenant-colonel Bruno Ducarouge a
présenté samedi les moyens mis en
œuvre depuis ce sinistre qui laisse à
ce jour une « dent creuse » en haut
du village très touristique.
Le nouveau président de l’Union départementale des pompiers du Haut-Rhin Martin Klein (à droite), son trésorier Gérard Gantzer (à gauche), et le président de la section des
anciens Bernard Meister (au centre) ont reçu une médaille échelon or. Photo L’Alsace
que », a d’ailleurs souligné le
préfet du Haut-Rhin Pascal Lelarge.
En s’inspirant de « tout ce qui a été
fait de bien au début des années
2000 à la suite d’incendies dévastateurs à Annecy et Chambéry, dont
les centres anciens présentent des
similitudes avec ceux de l’Alsace
(notamment des colombages à An-
necy et un enchevêtrement de ruelles à Chambéry) », des mesures
concrètes ont été initiées.
« D’abord, il faut faire prendre
conscience aux habitants de ces
secteurs qu’ils sont les premiers acteurs de leur propre sécurité : en
limitant le potentiel calorifique,
c’est-à-dire ce qui peut brûler à l’intérieur de chez eux, en se dotant
d’extincteurs, ou même en ne garant pas leur voiture aux endroits
gênants. À Riquewihr, un vide-greniers a été organisé et un villageprévention momentanément mis
en place, pour informer les gens »,
indique Bruno Decarouge.
Le lieutenant-colonel ajoute
IRE03
qu’« un vade-mecum » a été distribué aux maires des communes les
plus touristiques du nord du HautRhin : « Les axes rouges pour permettre l’accès des secours doivent
parfois être revus, l’évacuation des
touristes repensée, le potentiel calorifique des cabanons des marchés de Noël doit être limité, etc. ».
Un véhicule spécifique
Par ailleurs, un « exercice grandeur
nature » doit être réalisé à Riquewihr ce printemps, et les pompiers du
H a u t- R h i n e n te n d e n t m i e ux
s’adapter aux ruelles en commandant « du matériel plus compact,
en particulier un véhicule plus petit
doté d’une échelle conçue pour ce
DR
type d’intervention, qu’on espère
recevoir cette année à Colmar ».
Enfin, un autre levier d’action activé à Annecy et Chambéry consiste à
« faire expertiser toutes les parties
communes pour établir un diagnostic sécurité, voir ce qu’on peut
améliorer, et proposer aux propriétaires des aides au financement
pour réaliser des travaux ». Cette
option n’est pas retenue à ce jour,
mais le Sdis 68 a été chargé d’étudier comment prévenir la propagation d’un incendie entre des îlots
d’habitations, en repérant où il
peut être opportun d’installer des
dispositifs coupe-feu, par exemple
entre les pignons de maisons accolées.