Article de synthèse paru dans le journal L`Alsace
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Article de synthèse paru dans le journal L`Alsace
34 Région M E RC RE D I 9 MAR S 201 6 L ' AL S A CE POMPIERS « Une mutation irréversible » En cette période troublée par l’évolution des menaces, la recomposition des territoires et les contraintes budgétaires, les enjeux pour les pompiers et la population ont été évoqués ce week-end à Colmar, à l’occasion des 25es assises du Groupement qui fédère depuis autant d’années les unions départementales… de l’actuelle grande région. Textes : Jean-Frédéric Surdey Le Grand-Est, et l’Alsace en particulier, restent les régions qui comptent le plus de « soldats du feu » par rapport au reste de la France, comme le reflète le nombre d’adhérents composant le Giracal (lire ci-dessous), qui défend les intérêts des pompiers du Grand-Est. Avec près de 42 000 adhérents sur 268 500 dans toute la FNSPF, ou Fédération nationale des sapeurspompiers de France (190 000 professionnels et volontaires actifs, 48 000 anciens sapeurs-pompiers, 26 000 jeunes et 4 000 personnels administratifs, techniques et spécialisés), il s’agit du plus gros groupement sur les 13 du territoire français. 15 000 pompiers en Alsace, un atout Rien qu’en Alsace, on recense près de 15 000 pompiers, dont 9 000 dans le Haut-Rhin qui peut compter sur le réseau de volontaires le plus nombreux (plus de 6 000) de l’Hexagone. « Cette forte présence s’explique d’abord par deux raisons historiques : avant les pompiers, la Garde nationale était plus fournie sur cette zone frontalière, Le président de la Fédération nationale : « On parle de recréer de la citoyenneté et on casse ce qui fonctionne. » Photo L’Alsace et pour ce qui concerne l’AlsaceMoselle, l’uniforme des sapeurspompiers n’avait été pas été germanisé, d’où un fort attrait », a expliqué le colonel Eric Faure, président de la FNSPF, dimanche à la fin des 25es assises du Giracal à Colmar. « Parfois le seul lien social qui reste » Aujourd’hui, l’attachement à ce métier reste donc très vif dans la région. « Concernant le volontariat en Alsace, Lorraine et Champagne-Ardenne, la tendance à la baisse s’est même inversée en 2014 », a ajouté Eric Faure. Le Haut-Rhin - où cela s’est également stabilisé - peut compter sur un vivier important de 1 300 jeunes sapeurs-pompiers, même si le département n’est pas épargné par des manques de disponibilité dans certaines zones, surtout rurales et en journée : des conventions avec des employeurs et des collectivités permettent parfois d’y remédier. Le Groupement interrégional Alsace, Champagne-Ardenne et Lorraine (Giracal) des pompiers a tenu ses 25es assises annuelles à Colmar, le week-end dernier. À l’occasion de la clôture de ces 25es assises, le commandant Pascal Christophe, président du Giracal, a toutefois souligné que malgré les engagements pris en congrès national « pour contrer l’érosion du maillage territorial, plusieurs Sddis (services départementaux d’incendie et de secours) désirent fermer ou regrouper des Cis (centres d’incendie et de secours) afin de réaliser prétendument des économies budgétaires, or ces centres ruraux sont le seul lien social dans certaines communes », en citant le Sdis de la Drôme qui « veut fermer un quart des Cis ». « On parle de récréer de la citoyenneté en France mais on casse ce qui fonctionne, c’est pourquoi il L’« Acal » regroupée depuis 25 ans Cela fait 25 ans qu’il fédère les unions départementales (UD) de pompiers des trois régions n’en formant plus qu’une depuis le début de l’année : le Groupement interrégional Alsace, Champagne-Ardennne et Lorraine (Giracal) existe depuis 1991, « lorsque la Franche-Comté et la Bourgogne se sont unis ensemble mais à part parce que c’était trop vaste à gérer », note son président actuel, Pascal Christophe. tations sportives des UD, et comprend aussi un aspect social ». Récoltés lors de divers événements organisés par l’UD du Haut-Rhin, 25 000 € ont d’ailleurs été remis dimanche à l’Oeuvre des pupilles orphelins des sapeurs-pompiers. Par ailleurs, trois des chevilles ouvrières des 25es assises qui se sont tenues à Colmar ont reçu une médaille échelon or : le nouveau président de l’UD 68 Martin « Tandis qu’un Sdis (service dé- Klein, son trésorier Gérard Gantpartemental d’incendie et de se- zer et Bernard Meister, président cours) est un établissement de la section des anciens. Quant public, nous sommes une struc- à Alphonse Hartmann, le prédéture associative, précise le prési- cesseur de Martin Klein à la tête dent. Le Giracal sert de relais de l’UD 68 pendant 21 ans, le préentre les hommes et femmes du sident de la FNSPF lui a rendu un terrain et la Fédération nationale hommage appuyé qui l’a ému des sapeurs-pompiers de France aux larmes, pendant la cérémo(FNSPF), il organise les manifes- nie de clôture. Photos L’Alsace/Thierry Gachon faut continuer à se battre pour le volontariat dans tous nos territoires ! », a exhorté le président de la FNSPF, longuement applaudi pour ces propos. « Même si nous devons faire évoluer nos pratiques, dans un contexte de baisse des dotations de l’État vers les collectivités, de recomposition des territoires à l’image des nouvelles régions et intercommunalités, et face à l’évolution des menaces ou des demandes de secours, en raison de la carence d’autres acteurs ou comme on a pu le voir lors des attentats », a ajouté Eric Faure. « Les pompiers ont totalement répondu présents dans le cadre de l’état d’urgence, mais celui-ci continue et la situation reste criti- Le Haut-Rhin pas épargné « Les Sdis étant inévitablement impactés par les lourdes contraintes budgétaires pesant sur les Départements et les autres collectivités locales, ils doivent participer à l’effort d’économie, a exposé Eric Straumann, président du conseil départemental mais aussi du conseil d’administration du Sdis 68. Le Haut-Rhin vit les mêmes difficultés financières que d’autres départements, le même problème de disponibilité des volontaires en journée, et la même recherche d’équilibre entre le modèle départemental et communal ». Après avoir rappelé les atouts d’un volontariat « extrêmement développé » et d’« un maillage territorial très fort grâce à 243 corps de première intervention (CPI) en plus des 40 casernes du corps départemental », le président du Casdis 68 a présenté les « axes stratégiques que nous souhaitons mettre en œuvre » : développement de la complémentarité entre les pompiers professionnels et volontaires, accompagnement des centres de première intervention locaux « pour une meilleure efficacité et un coût optimisé pour les commu- nes », transformation des CPI qui ne seraient plus viables à terme en réserves locales d’appui (« composées de citoyens qui ne seraient plus pompiers, mais pourraient intervenir en appui »), et révision du SDACR (schéma départemental d’analyse et de couverture du risque) « pour l’adapter aux nouvelles contraintes financières tout en préservant la qualité de service ». Des réponses qui se veulent « pragmatiques face à une mutation irréversible, c’est-à-dire des changements inévitables », a conclu Eric Straumann, même si la volonté « de garantir la sécurité de tous les habitants restera toujours un principe lui aussi irréversible ». Du neuf contre les incendies dans les centres anciens Des initiatives ont été prises encore récemment tandis que d’autres sont toujours à l’étude face aux incendies dans les centres historiques alsaciens, après le drame du 1er janvier 2014 à Riquewihr, où un exercice « grandeur nature » sera mené ce printemps. À peine plus d’une minute sépare ces images prises par un pompier, une demi-heure après le début de l’incendie mortel de Riquewihr. Missionné par le Sdis 68 - sous le pilotage de la préfecture du HautRhin - pour étudier comment mieux lutter contre les feux dans les centres historiques alsaciens, après l’incendie mortel au cœur de Riquewihr le 1er janvier 2014, le lieutenant-colonel Bruno Ducarouge a présenté samedi les moyens mis en œuvre depuis ce sinistre qui laisse à ce jour une « dent creuse » en haut du village très touristique. Le nouveau président de l’Union départementale des pompiers du Haut-Rhin Martin Klein (à droite), son trésorier Gérard Gantzer (à gauche), et le président de la section des anciens Bernard Meister (au centre) ont reçu une médaille échelon or. Photo L’Alsace que », a d’ailleurs souligné le préfet du Haut-Rhin Pascal Lelarge. En s’inspirant de « tout ce qui a été fait de bien au début des années 2000 à la suite d’incendies dévastateurs à Annecy et Chambéry, dont les centres anciens présentent des similitudes avec ceux de l’Alsace (notamment des colombages à An- necy et un enchevêtrement de ruelles à Chambéry) », des mesures concrètes ont été initiées. « D’abord, il faut faire prendre conscience aux habitants de ces secteurs qu’ils sont les premiers acteurs de leur propre sécurité : en limitant le potentiel calorifique, c’est-à-dire ce qui peut brûler à l’intérieur de chez eux, en se dotant d’extincteurs, ou même en ne garant pas leur voiture aux endroits gênants. À Riquewihr, un vide-greniers a été organisé et un villageprévention momentanément mis en place, pour informer les gens », indique Bruno Decarouge. Le lieutenant-colonel ajoute IRE03 qu’« un vade-mecum » a été distribué aux maires des communes les plus touristiques du nord du HautRhin : « Les axes rouges pour permettre l’accès des secours doivent parfois être revus, l’évacuation des touristes repensée, le potentiel calorifique des cabanons des marchés de Noël doit être limité, etc. ». Un véhicule spécifique Par ailleurs, un « exercice grandeur nature » doit être réalisé à Riquewihr ce printemps, et les pompiers du H a u t- R h i n e n te n d e n t m i e ux s’adapter aux ruelles en commandant « du matériel plus compact, en particulier un véhicule plus petit doté d’une échelle conçue pour ce DR type d’intervention, qu’on espère recevoir cette année à Colmar ». Enfin, un autre levier d’action activé à Annecy et Chambéry consiste à « faire expertiser toutes les parties communes pour établir un diagnostic sécurité, voir ce qu’on peut améliorer, et proposer aux propriétaires des aides au financement pour réaliser des travaux ». Cette option n’est pas retenue à ce jour, mais le Sdis 68 a été chargé d’étudier comment prévenir la propagation d’un incendie entre des îlots d’habitations, en repérant où il peut être opportun d’installer des dispositifs coupe-feu, par exemple entre les pignons de maisons accolées.