Hypercholestérolémie : quelles mesures diététiques - bichat
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Hypercholestérolémie : quelles mesures diététiques - bichat
SESSION 652 Hypercholestérolémie : quelles mesures diététiques ? Cinq minutes d éducation alimentaire à chaque consultation Boris Hansel, médecin, Fabienne Delestre, diététicienne, service d’endocrinologie- prévention cardiovasculaire, hôpital de la Pitié- Salpêtrière, AP-HP, 75013 Paris. hypercholestérolémie touche environ un tiers de la population adulte française. La prévalence chez la femme est globalement plus faible que chez l’homme, mais elle augmente avec l’âge, notamment après la ménopause. Le premier volet du traitement de cette dyslipidémie est la mise en œuvre de mesures hygiénodiététiques. Celles-ci sont efficaces à plusieurs égards. Elles réduisent le taux de LDL-cholestérol. De plus, elles participent à la prévention ou à la correction d’autres facteurs de risque cardiovasculaire (CV). Cela justifie leur application chez tout(e) patient(e) hypercholestérolémique, même si un traitement médicamenteux hypocholestérolémiant n’est pas indiqué en raison d’un risque CV relativement faible. Les mesures diététiques préconisées pour lutter contre le cholestérol, peuvent être regroupées en 4 catégories.1 L’ Moins d’acides gras saturés La limitation de l’apport en acides gras saturés (AGS) doit se faire au profit des acides gras mono- et polyinsaturés. C’est la première modification alimentaire à mettre en œuvre, selon les recommandations de l’Afssaps pour la prise en charge des dyslipidémies, qui ne fixent toutefois pas de seuil à ne pas dépasser.1 Le classique régime « STEP I » est fondé sur une réduction des AGS en dessous de 10 % des apports énergétiques totaux (AET). L’American Heart Association (AHA) recommande de limiter ce taux à moins de 7 %. Cela implique de réduire la consommation des charcuteries et des viandes grasses et de privilégier les plus maigres, de remplacer autant que possible le beurre par une margarine et de choisir des huiles végétales pauvres en AGS. De même, l’apport de produits laitiers gras doit être limité pour atteindre ces recommandations. Pour suivre à long terme ces conseils sans frustration, il est indispensable de tenir compte des habitudes alimentaires de chacun. L’un des moyens consiste à aborder avec le patient le principe de « quota graisses saturées » (QGS). C’est une quantité maximale d’AGS à ne pas dépasser. Pour un apport calorique de 2 000 Kcal/j, le QGS sera fixé à 20 g (soit un peu moins de 10 % des AET). Un patient qui applique les restrictions classiques du régime anticholesté- rol consomme entre 10 et 15 g d’AGS. Il lui reste donc 5 à 10 grammes d’AGS pouvant être apportés tout en respectant le quota autorisé. Chacun choisira ce qui lui plaît et pourra donc maintenir ses « aliments plaisir » sans frustration ni culpabilité. Les autres aliments riches en AGS seront en revanche limités au maximum. Concrètement, le gros mangeur de fromage pourra en conserver 30 g/jour, quelle que soit sa teneur en matière grasse (tableau). Les habitués du goûter pourront continuer à partager quelques biscuits chocolatés avec leurs enfants et les amateurs de charcuteries pourront garder l’entrée de pâté ou de saucisson plusieurs fois dans la semaine. La seule condition est de continuer à consommer occasionnellement tous les autres aliments riches en AGS. Plus d’acides gras polyinsaturés oméga 3 En épidémiologie, la consommation d’une quantité suffisante d’acides gras (AG) à longue chaîne (EPA et DHA) est associée à une réduction du risque CV. Au-delà de son intérêt comme source de ces oméga 3, le poisson est une excellente alternative aux viandes grasses riches en AGS. Toutefois, en raison des risques potentiels de contamination par des substances toxiques à forte dose (mercure…), on préfèrera, en particulier chez les enfants et les femmes enceintes, les poissons les moins contaminés et on en limitera la consommation à 2 ou 3 portions par semaine (des recommandations spécifiques pour les populations les plus sensibles sont disponibles sur le site de l’Anses2). Teneur en matière grasse de différents fromages Fromage pour une portion de 30 g Acides gras saturés (g) À pâte persillée (bleu, roquefort) 6,3 À pâte molle à croûte lavée (munster, reblochon…) 5,4 À pâte pressée cuite (emmenthal, comté, beaufort, gruyère, parmesan) 5,2 À pâte molle à croûte fleurie (camembert, brie…) 4,1 Fromage de chèvre frais 4 Fromage fondu 4,4 Fromage de chèvre sec 5,1 SPÉCIAL JNMG - LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE - TOME 26 l N° 887 l OCTOBRE 2012 TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN MEDECINE GENERALE UN ILEVER Les omégas 3 d’origine végétale complèteront ceux contenus dans les poissons. Ils sont présents dans les huiles, en particulier de colza, de soja et de noix ainsi que dans les margarines qui en sont enrichies. En outre, certaines salades telles que la mâche sont sources d’oméga 3. Les compléments alimentaires n’ont pas d’effet hypocholestérolémiant et leur utilisation n’est pas recommandée en prévention primaire des maladies CV. Des fibres et des micronutriments Augmenter la consommation de fibres et de micronutriments naturellement présents dans les fruits, légumes et produits céréaliers est la troisième mesure à envisager. D’une manière générale il est conseillé d’assurer un apport suffisant en fibres, de l’ordre de 30 g/j avec en particulier des fibres solubles. En effet, seules ces dernières réduisent le taux sanguin de LDL-cholestérol.3 Elles sont contenues dans l’avoine, l’orge, le psyllium mais aussi dans certains fruits (pomme, orange, pamplemousse, fraise, poire) et légumes (aubergine, asperge, haricot, pois vert, chou de Bruxelles et carotte). Le gombo – encore appelé okra – est également riche en fibres solubles. Il est courant dans l’alimentation africaine mais également dans le sud de l’Europe, en Inde, aux Antilles et en Amérique du Sud. Son aspect mucilagineux que certains tolèrent difficilement peut être réduit en le cuisant entier plutôt que haché ou en le faisant tremper 30 minutes dans le vinaigre ou du jus de citron avant de le cuire. L’avoine peut être proposée sous forme de farine et peut remplacer intégralement ou pour moitié la farine de blé dans le pain, les tartes, les gâteaux, la pâte à pizza, etc. Les flocons d’avoine peuvent être consommés en porridge avec du lait. Sous forme de son, l’avoine s’ajoute plus facilement dans les yaourts, les compotes, les vinaigrettes, les potages, les pâtes à pain. L’orge peut être consommé sous forme de farine, comme la farine de blé mais en proportion moins importante, soit 1/4 d’orge pour 3/4 de farine de blé. Moins de cholestérol alimentaire, et des produits enrichis en stérols végétaux L’apport quotidien en cholestérol ne doit pas dépasser 200 mg en moyenne, selon les recommandations de l’AHA. En pratique, les aliments dont la consommation est à restreindre sont les abats et les œufs (pas plus de 3 à 4 par semaine en tenant compte de ceux qui entrent dans la composition des gâteaux et des plats cuisinés). Les stérols végétaux sont des molécules d’origine végétale dont la structure est voisine de celle du cholestérol. À l’état naturel, ils sont présents dans les légumes secs, certaines huiles végétales, les fruits et légumes, mais en trop faible quantité pour avoir un effet hypocholestérolémiant. Il a été montré qu’un apport quotidien de 2 à 3 grammes de stérols végétaux réduit le LDL-cholestérol d’environ 10 %.4 Cet effet est supérieur à celui d’un doublement de la dose de statine. Seule la consommation de produits industriels enrichis en stérols végétaux permet d’en atteindre la quantité optimale. Une journée hypocholestérolémiante à 2 000 kcal Petit déjeuner 10 g de margarine Déjeuner Tomate (huile de tournesol 10 g) Saumon Haricots verts et pomme de terre (huile de colza 10 g) Un yaourt maigre Un fruit Dîner Taboulé (100 g) Viande maigre Courgette (margarine 10 g) Un yaourt maigre Un fruit Total 2g 1g 2g 1g 0,5 g – 1g 2g 2g 0,5 g – 12 g de graisses saturées De tels produits sont disponibles en France sous forme de margarine, de lait fermenté, de fromage blanc et de vinaigrette. En pratique L’application de ces recommandations diététiques n’est pas aisée pour tous les patients. L’une des solutions consiste à consacrer, lors de chaque consultation médicale, 3 à 5 minutes à la délivrance d’informations pratiques telles que nous les avons résumées. Dans les cas difficiles, le recours à un diététicien, qui saura adapter ces conseils aux habitudes et aux goûts individuels, permet souvent de donner aux modifications des habitudes alimentaires un caractère peu contraignant, et constitue la clé de voûte de leur suivi à long terme. ■ RÉFÉRENCES 1. Afssaps. Recommandations pour la prise en charge des dyslipidémies. Mai 2005. 2. http://www.anses.fr/PNEC01.htm 3. Brown L, Rosner B, Willett WW, Sacks FM. Cholesterol-lowering effects of dietary fiber: a meta-analysis. Am J Clin Nutr 1999;69:30-42. 4. Katan MB, Grundy SM, Jones P, et al. Efficacy and safety of plant stanols and sterols in the management of blood cholesterol levels. Mayo Clin Proc 2003;78:965-78. 5. Jenkins DJ, Kendall CW, Marchie A, et al. Effects of a dietary portfolio of cholesterol-lowering foods vs lovastatin on serum lipids and C-reactive protein. JAMA 2003;290:502-10. Boris Hansel déclare avoir des liens durables ou permanents avec ICAN (IHU cardiométabolique), JIM.fr, AP-HP et l’hôpital américain de Paris et participer ou avoir participé à des interventions ponctuelles pour Jalma, Unilever, Ipsen, Danone et Lesieur. Fabienne Delestre déclare participer ou avoir participé à des interventions ponctuelles pour Unilever. Le régime portfolio Conçu par le Pr Jenkins, ce régime associe quatre mesures hypocholestérolémiantes qui s ajoutent à la recommandation de réduire au maximum les apports en graisses saturées : consommation quotidienne de stérols végétaux, de soja, d amandes et de fibres solubles. Le régime portfolio réduit le LDL-cholestérol de manière comparable à une petite dose de statine.5 SPÉCIAL JNMG - LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE - TOME 26 l N° 887 l OCTOBRE 2012 TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN MEDECINE GENERALE 653