Le roi du single-malt - Commerce International

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Le roi du single-malt - Commerce International
[ life] style
Par By Esther Élionore Haldimann
Le roi du single-malt
Dans les années 1960, Glenfiddich fut la première
marque de whisky écossais à exporter le single-malt.
Depuis sa fondation, en 1886, la distillerie
William Grant & Sons appartient à la même famille.
lenfiddich est probablement la marque
de single-malt la plus connue au monde.
Sa cuvée 12 ans d’âge est la mieux vendue. Pourtant, les grands amateurs de
whisky estiment parfois ce grand classique trop « astringent », même s’ils plébiscitent la
maison Grant pour avoir lancé le single-malt, que
les Écossais n’exportaient guère avant 1963. Ces
whiskys restèrent en effet longtemps un secret bien
gardé des Écossais, qui les savouraient entre eux.
Lorsqu’une grande partie des distilleries écossaises
fut peu à peu rachetée par des multinationales
à partir des années 1960, Sandy Grant Gorden, arrière-petit-fils du fondateur de la marque, eut alors
l’audace de miser sur une plus forte production et
sur l’exportation du single-malt. Aujourd’hui, la production de William Grant & Sons est single-malt à
90 %, les 10 % servant de base à son Blend Grant’s.
Longévité, fidélité et marketing priment depuis la fondation de
la maison dans la célèbre vallée de la Spey, au nord-est de l’Écosse.
Tout commence en 1886, lorsque William Grant construit sur
la rivière Fiddich, à Dufftown, sa propre distillerie après avoir
travaillé vingt années durant comme directeur comptable à la
distillerie voisine de Mortlach. D’une autre distillerie encore, il
récupère les grands alambics de cuivre. La première goutte de son
whisky en coule à la Noël 1887, à point nommé pour le jubilé d’or
de la reine Victoria.
En 1909, l’âge d’or du whisky écossais, son gendre Charles
Gorden embarque pour un tour du monde d’une année à la
conquête des marchés étrangers. Aux États-Unis, pendant la prohibition (1920-1933), son petit-fils Grant Gordon parvient à
augmenter la production au lieu de la réduire… Toutefois, s’il existait 160 distilleries en Écosse en 1860, il n’en reste que 10 à la fin
de la prohibition. Grâce à l’initiative du petit-fils, William Grant
& Sons a assez de whisky vieilli en stock pour relancer le marché.
La fidélité du personnel aura toujours également contribué à la
réussite de l’entreprise qui a, par exemple, augmenté ses exportations de 400 % entre 1971 et 1974. « Beaucoup d’employés de l’entreprise restent de la fin de leur scolarité jusqu’à l’âge de la retraite. L’actuel
président, Peter Gordon, appelle les collaborateurs par leur prénom »,
souligne Ian Miller, ambassadeur de la marque à
l’emblème au cerf. La bouteille triangulaire, lancée
en 1957, représente la trinité écossaise du singlemalt : d’abord les céréales, puis l’eau de la rivière
Fiddich pour mouiller l’orge et celle de la source
Robbie Dun pour réduire le taux d’alcool, enfin l’air
écossais dont les « esprits » sont préservés dans les
fûts. Du reste, ces fûts d’origines diverses renforcent
la richesse des arômes et influent sur la couleur du
breuvage. Le doré « paille » provient des fûts américains qui offrent des arômes floraux secs.
Lorsqu’on parvient à bien saisir la subtilité
des notes d’un single-malt, on ne se refuse plus la découverte des whiskys d’âge. Le Solera (15 ans) est
un assemblage de whiskys vieillis dans des fûts de
Xérès, de bourbon et de jeune chêne et réunis dans
un foudre en pin d’Oregon devant être toujours à
moitié plein, ce qui augmente son harmonie, sa
complexité et son intensité d’année en année. C’est ainsi le singlemalt le plus raffiné de la marque. Les 600 bouteilles de 40 ans d’âge
contiennent l’assemblage le plus complexe : la robe dorée signe
les millésimes 1925, 1937, 1939, le début des années 1950 et le
début des années 1960. Les fûts de chêne européen – utilisés à 95 %
jusque vers 1950 – apportent des notes d’herbes fraîches et le lent
vieillissement la légère amertume. Intenses et soyeux, les arômes
initiaux de fruits secs, de dattes, de raisins et de compote de pommes font progressivement place à des notes de chêne, de chocolat
noir et de tourbe. En 2009, Glenfiddich a également lancé une
édition limitée « 50 ans » : une bouteille prestigieuse, soufflée à
la main, que des collectionneurs ont acquise pour 10 000 livres
(12 000 euros), très souvent pour ne jamais l’ouvrir. On peut certes
déguster cette cuvée exceptionnelle au George V à Paris : le verre
vous en coûtera 1 000 euros. Rares sont donc ceux qui ont prisé son
parfum de marmelade d’orange, de caramel à la vanille et d’herbes
aromatiques avant la longue finale à la touche de chêne sec,
rehaussée d’une note de tourbe et de bruyère. Mais, enfin, ne
serait-ce pas plutôt par son parfum qu’on entame la dégustation
d’un single-malt ? De la cuvée de 50 ans d’âge de Glenfiddich émane
une senteur de violettes ourlée de pétales de rose et poivrée d’une
vapeur de chêne, de tabac et de fumée de sous-bois ! •
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COMMERCE INTERNATIONAL
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N°82 - FÉVRIER 2012