Knock de Jules Romains (1923) Serment de l

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Knock de Jules Romains (1923) Serment de l
Knock de Jules Romains (1923)
L’auteur : Jules Romains est né en 1885. Élève du
lycée Condorcet et de l’École normale supérieure, il est
agrégé de philosophie en 1909.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, il s’exile aux
États-unis puis à Mexico, où il fonde l’Institut français
d’Amérique latine.
Il est élu à l’Académie française en 1946.
Il meurt à Paris en août 1972. C’est Jean d’Ormesson
qui succède à son siège d’Académicien.
Ensuite, on voit à quel point l’homme cherche avant tout la puissance, la
docilité, la soumission de la population qu’il affaiblit pour mieux la ruiner.
D’ailleurs, une des patientes, la dame en violet, avoue elle-même cette
suprématie du docteur :
« Oh ! Je serai une malade très docile, docteur, soumise comme un petit
chien. Je passerai partout où il le faudra, surtout si ce n’est pas trop
douloureux ».
Enfin, avec Knock, Jules Romains dénonce le viol des consciences,
l'asservissement des foules au nom de la confiance qu’ils ont en la médecine,
dans le monde scientifique qui « dit toujours la vérité ». C’est cette même
confiance que les gens ont dans la publicité, dans la société de consommation
qui les entoure.
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Résumé de la pièce : Le Docteur Knock débarque à
Saint-Maurice pour remplacer le Docteur Parpalaid.
Très rapidement, en discutant avec l’ancien médecin, il
se rend compte que celui-ci l’a « roulé » en lui cédant
un cabinet où peu de malades viennent. Cependant,
Knock doit désormais les « échéances trimestrielles »,
c’est-à-dire l’argent qu’il doit verser au Dr. Parpalaid
pour l’achat de son cabinet et de sa maigre « clientèle ».
Knock se met toutefois activement au travail et décide de s’imposer dans le
village. Son savoir médical – savoir discutable car, s’il est fraîchement diplômé,
il a longtemps exercé illégalement la médecine – consiste plutôt en un savoirfaire commercial visant à influencer les patients et à les impressionner dans la
perspective de graves maladies qu’ils pourraient avoir. Très rapidement et
grâce à des subterfuges (invention de maladies, consultations gratuites mais
avec des traitements coûteux…), Knock se construit une solide réputation. Son
« commerce médical » est florissant !
Trois mois plus tard, le docteur Parpalaid, qui n’avait pas eu le courage et le
sens du commerce nécessaire pour en faire autant revient dans l’ancien hôtel
du village transformé en hôpital pour toucher sa première échéance… A cette
occasion, Knock fait comprendre à Parpalaid les raisons de son échec. Le vieux
médecin est impressionné par la méthode de Knock autant que par l’esprit
cynique et presque diabolique qui anime le docteur.
Avis : Belle pièce, humoristique, satirique et qui dénonce plusieurs choses.
Tout d’abord, Knock, médecin véreux, montre à quel point la médecine peut
être considérée comme un business, un commerce à part entière alors
que le serment d’Hippocrate a des valeurs bien différentes. Knock a tout
calculé pour parvenir à attirer la clientèle en sa faveur : annonce avec un
tambour (le début de la publicité), les consultations gratuites le lundi (sorte
d’appât pour mieux rouler ensuite la clientèle), diagnostics douteux qu’il fait
avaler avec facilité à une population effrayée.
Serment de l'Ordre français des Médecins de 1996 :
« Au moment d'être admis à exercer la médecine, je promets et je jure
d'être fidèle aux lois de l'honneur et de la probité.
Mon premier souci sera de rétablir, de préserver ou de promouvoir la santé
dans tous ses éléments, physiques et mentaux, individuels et sociaux.
Je respecterai toutes les personnes, leur autonomie et leur volonté, sans
aucune discrimination selon leur état ou leurs convictions. J'interviendrai pour
les protéger si elles sont affaiblies, vulnérables ou menacées dans leur
intégrité ou leur dignité. Même sous la contrainte, je ne ferai pas usage de
mes connaissances contre les lois de l'humanité.
J'informerai les patients des décisions envisagées, de leurs raisons et de
leurs conséquences. Je ne tromperai jamais leur confiance et n'exploiterai pas
le pouvoir hérité des circonstances pour forcer les consciences.
Je donnerai mes soins à l'indigent et à quiconque me le demandera. Je ne
me laisserai pas influencer par la soif du gain ou la recherche de la gloire.
Admis dans l'intimité des personnes, je tairai les secrets qui me seront
confiés. Reçu à l'intérieur des maisons, je respecterai les secrets des foyers et
ma conduite ne servira pas à corrompre les mœurs.
Je ferai tout pour soulager les souffrances. Je ne prolongerai pas
abusivement les agonies. Je ne provoquerai jamais la mort délibérément.
Je préserverai l'indépendance nécessaire à l'accomplissement de ma
mission. Je n'entreprendrai rien qui dépasse mes compétences. Je les
entretiendrai et les perfectionnerai pour assurer au mieux les services qui me
seront demandés.
J'apporterai mon aide à mes confrères ainsi qu'à leurs familles dans
l'adversité.
Que les hommes et mes confrères m'accordent leur estime si je suis fidèle
à mes promesses ; que je sois déshonoré et méprisé si j'y manque. »
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Qu’est-ce que l’Académie française ?
’Académie française fut fondée sous le Règne de Louis XIII en
1635 par le Cardinal de Richelieu.
Les statuts et règlements visés par le Cardinal, avec les lettres
patentes signées en 1635 par Louis XIII et enregistrées par le
Parlement en 1637, consacrèrent le caractère officiel d’une compagnie
de lettrés, qui se réunissaient auparavant de manière informelle.
La mission qui lui fut assignée dès l’origine était de fixer la langue
française, de lui donner des règles, de la rendre pure et
compréhensible par tous. Elle devait dans cet esprit commencer par
composer un dictionnaire.
La première édition de celui-ci fut publiée en 1694, les suivantes en
1718, 1740, 1762, 1798, 1835, 1878, 1932-1935. La neuvième
édition, dont la publication a débuté en 1992, est en cours.
’Académie française se compose de 40 membres
élus par leurs pairs. Depuis sa fondation, elle a reçu en
son sein 719 membres.
Elle rassemble des poètes, des romanciers, des
hommes de théâtre, des philosophes, des médecins,
des hommes de science, des ethnologues, des critiques
d’art, des militaires, des hommes d’État, des hommes
d’Église, qui ont tous illustré particulièrement la langue
française.
Par sa composition variée, elle offre une image fidèle du talent, de
l’intelligence, de la culture, de l’imagination littéraire et scientifique qui
fondent le génie de la France.
Les Académiciens doivent leur surnom d’Immortels à la devise « À
l’immortalité », qui figure sur le sceau donné à l’Académie par son
fondateur, le cardinal de Richelieu.
Ils ont été, et sont aujourd’hui, habilités à être des juges éclairés
du bon usage des mots, et donc à bien définir les notions et les
valeurs dont ces mots sont porteurs.
Leur autorité morale en matière de langage s’enracine dans des
usages, des traditions, un faste.
Le célèbre « habit vert », que les académiciens revêtent, avec le
bicorne, la cape et l’épée, lors des séances solennelles sous la
Coupole, a été dessiné sous le Consulat. Il est commun à tous les
membres de l’Institut de France.
L’élection à l’Académie française est souvent considérée par
l’opinion comme une consécration suprême.
a préparation à la neuvième édition du dictionnaire est effectuée
par le Service du Dictionnaire, qui soumet ses travaux à la
Commission du Dictionnaire, composée de quatorze membres,
chargée de la révision de la précédente édition et de l’élaboration
définitive.
e premier tome de la neuvième édition du Dictionnaire de
l’Académie francaise (A à Enzyme) est disponible dans toutes les
librairies. Une édition de format compact est parue chez Julliard en
1994. La préface en a été élaborée par M. Maurice Druon, Secrétaire
perpétuel de l’époque. Il comporte 14 024 mots, dont 5 500 mots
nouveaux.
e deuxième tome de la neuvième édition du Dictionnaire de
l’Académie française (Éocène à Mappemonde) est coédité par
l’Imprimerie nationale et les éditions Fayard. M. Maurice Druon,
Secrétaire perpétuel honoraire en a élaboré l’avant-propos. Il
comporte environ 11 500 mots, dont 4 000 mots nouveaux.
a suite est publiée en fascicules au Journal officiel, au fur et à
mesure de l’avancement des travaux. (30 fascicules parus au Journal
officiel édition des documents administratifs).
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Jules Romains (1885-1972)
Knock
ou le Triomphe de la médecine
Une étude de Jean-Luc et D.F.
En produisant Knock en 1923, Jules Romains s’inscrit dans une tradition
littéraire bien française : la satire des médecins. Depuis le Moyen Âge avec Le
Vilain Mire, en passant par Le Médecin malgré lui ou Le Malade imaginaire de
Molière, nombre d’auteurs ont stigmatisé l’ignorance, le pédantisme, le jargon
des docteurs et surtout leur inefficacité quand il ne s’agissait pas du danger
qu’il faisait courir à leurs malades. Cependant, en créant le personnage du
Docteur Knock, Jules Romains a tant appuyé le trait, que sa farce en trois
actes dépasse la simple pochade tympanisant la médecine.
L’argument de la pièce
C’est tout à la fois l’histoire d’un trompeur trompé et surtout la rapide accession
d’un canton à « l’âge médical » grâce au génie d’un médecin mâtiné d’homme
d’affaires avisé et entreprenant.
Le Docteur Parpalaid, qui, pendant les vingt-cinq ans de son séjour à SaintMaurice, n’a pas cru à la médecine ni fait fortune, vient de gruger le Docteur
Knock en lui vendant un cabinet sans clientèle (acte I). Ce dernier personnage,
joignant la ferveur du missionnaire à l’énergie de l’homme d’action, spécule sur
la peur de la maladie et révèle le besoin de se soigner à la population du
canton en commençant par une consultation gratuite le jour du marché (acte II).
Très vite on accourt pour se faire examiner. Le Docteur Knock qui a su fédérer
les intérêts du pharmacien, de l’instituteur, de l’hôtelière, a assuré la fortune de
ses alliés, mais sa vraie passion, c’est la volonté de puissance. Au bout de trois
mois, il peut montrer au Docteur Parpalaid un paysage « tout imprégné de
médecine » sur lequel il règne sans partage. Le Docteur Parpalaid finit par le
consulter pour lui-même (acte III). Ainsi la minable escroquerie de ce petit
docteur de campagne met-elle en valeur les talents de Knock qui, rapidement,
a su assurer « le triomphe de la médecine ».
De la médecine considérée comme un commerce
C’est une originalité du personnage. Par rapport à ses devanciers de la
tradition littéraire, le Docteur Knock se révèle un homme d’affaires avisé. Il a
d’ailleurs fait ses premières armes dans le négoce des cravates et de
l’arachide. Désormais la maladie sera son gagne-pain : « J’estime que, malgré
toutes les tentations contraires, nous devons travailler à la conservation du
malade ». Ce propos à double entente signifie moins que Knock empêchera
ses patients de mourir, mais surtout qu’il entretiendra leur mal, source de ses
revenus.
Désireux de faire fortune, Knock s’y prend avec habileté. Il nous expose le très
moderne concept du marchéage qui consiste à créer le besoin avant de
proposer le produit apte à le satisfaire. « Ce que je veux, avant tout, c’est
que les gens se soignent ». Aussi n’aura-t-il de cesse à les persuader de la
maladie en général et de leur maladie en particulier quitte à adapter ensuite le
traitement aux revenus du patient. Ensuite Knock affiche un sens de la publicité
non moins sûr, il saura parfaitement utiliser les services du tambour et appâter
le chaland par des consultations gratuites.
Ajoutons sa diplomatie qui le poussera par exemple à demander des conseils
au Docteur Parpalaid qu’il considère comme un escroc un peu nigaud, et
surtout sa psychologie qui lui permet de deviner très vite les faiblesses de ses
patients grâce auxquelles il aura prise sur eux. Enfin il a compris que sa
réussite ne peut être que le travail d’un groupe où chacun œuvre en fonction de
ses capacités : l’instituteur, le pharmacien, l’hôtelière. C’est pourquoi d’ailleurs
Knock s’arrangera pour qu’ils ne soient pas contaminés par la peur de la
maladie qui sape le canton : son affaire ne saurait prospérer avec des
collaborateurs malades.
Pourtant, dès que Knock commence à encaisser de gros revenus, l’argent ne
l’intéresse plus ; de son propre aveu, il travaille pour échapper à l’ennui, mais
surtout pour exercer son pouvoir sur autrui.
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De la médecine considérée comme un instrument de
puissance
Knock n’est sûrement pas ce que nous appellerions un bon médecin. Sa culture
médicale s’est constituée au contact des notices accompagnant les
médicaments. Pourtant il connaît le succès grâce à l’emprise de sa
personnalité sur ses patients. À vrai dire c’est d’abord un grand comédien qui a
le don de la mise en scène. Il a su pénétrer « le style de la profession ».
D’abord on ne doit s’adresser à lui qu’avec le titre de Docteur tant il connaît la
magie des titres sur l’esprit du vulgaire. Comme ses prédécesseurs moqués par
Molière, il utilise le jargon, illustre ses démonstrations de schémas, se sert du
pouvoir émotionnel et inquiétant des photos, s’attache à autosuggestionner ses
victimes et à les rendre réellement souffrantes par un traitement qui les
affaiblira.
Fin psychologue, il a tôt fait de découvrir les petits travers de ses patients ou
de ses associés et il les exploite sans vergogne : altruisme et orgueil
intellectuel de l’instituteur, insatisfaction du pharmacien, vanité du tambour… Il
n’hésite pas à briser ceux qui voudraient lui tenir tête : les deux amis hilares ou
Raffalens. Il joue sur les engouements incontrôlés, la force coercitive du
groupe. Il entend s’appuyer sur l’autorité de la science ; c’est pourquoi il
s’inquiète de savoir si le canton est agité par le spiritisme, la magie ou d’une
manière plus générale par des comportements irrationnels ce qui constituerait
un milieu peu propice à la diffusion de sa théorie. Même il n’hésite pas à
fabriquer de toutes pièces une citation pour pouvoir s’appuyer indûment sur le
prestige du grand Claude Bernard : « Les gens bien portants sont des
malades qui s’ignorent ».
Knock, c’est son emprise sur les individus par la science ou par toute autre
voie : « Il n’y a de vrai décidément que la médecine, peut-être aussi la
politique, la finance et le sacerdoce que je n’ai pas encore essayés ».
Source : http://www.etudes-litteraires.com/knock-jules-romains.php
Conclusion
Avec Knock, Jules Romains dénonce le viol des consciences, l’asservissement
des foules à l’âge scientifique et commercial, lorsqu’un être sans scrupule
spécule sur nos peurs ataviques ou joue de nos travers.
Mais ce qui est encore plus inquiétant, c’est que Jules Romains ne nous a pas
dépeint un escroc de génie, mais un être persuadé de sa mission sociale,
l’apôtre d’une nouvelle religion, un filou visionnaire qui voudrait « mettre toute
une population au lit pour voir, pour voir ». En fin de compte, ce qui passionne
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