Economie de la Corruption 2 Procédures Compétitives et

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Economie de la Corruption 2 Procédures Compétitives et
Ariane Lambert Mogiliansky
CERAS
Juin 2003
Economie de la Corruption 2
Procédures Compétitives et comportements anticoncurrentiels
Pourquoi des enchères plutôt qu’une procédure d’allocation
administrative, marché négocié ?
Le point de départ est :
•
A. Asymétrie d’information:
ex: l’ordonnateur ne connaît pas les coûts de construction d’une nouvelle
station d’épuration de l’eau.
L’ordonnateur cherche à mettre les entreprises en concurrence afin de
faire révéler de l’information sur les coûts. Cette information est
nécessaire pour
- s’assurer d’une allocation efficace ( que la « meilleure firme gagne » ).
- minimiser les « rentes informationnelles »
Une enchère est un mécanisme
i.
ii.
iii.
de revelation d’information,
d’engagement (cf négociation),
de réduction du pouvoir discrétionnaire de l’agent.
A. Enchère comme mécanisme de révélation de l’information
Une procédure compétitive est un mécanisme qui lie les annonces
(révélation de l’information privée) et l’allocation dans l’objectif de
garantir l’efficacité et le meilleur revenu.
Parmi les limitations : Comportements anticoncurrentiels
- Ententes pouvant résultées en offres identiques (cartel faible) ou bien
offres de couverture (cartel fort) ;
- Favoritisme : le cahier de charges peut-être établi afin de favoriser une
firme( plutôt que dans la recherche de l’efficacité).
B. Enchère comme mécanisme qui réduit le pouvoir discrétionnaire de
l’agent qui alloue le marché, garantit une certaine transparence.
Le marché n’est pas alloué par le « principal » lui -même ex: les
consommateurs d’eau, mais par un agent (un élu) qui peut avoir des
intérêts autres que ceux du principal.
Il y a un problème d’agence classique: Comment faire en sorte que
l’agent n’(ab)use pas de son pouvoir pour satisfaire à ses propres
intérêts(soucis budgétaires pour les élus - la pratique des droits d’entrée
cf Loi Sapin)?
L’enchère limite le pouvoir de choix de l’agent et donc sa capacité de
retirer des rentes de sa position( corruption). La pratique du favoritisme
dans les marchés négociés est difficilement contrôlable car la procédure
est éminemment opaque (cf projet de reforme)
Limites à la réduction du pouvoir de décision de l’agent
Ex:
- pas de garantie satisfaisante contre les manipulations
d’enveloppes (aléa moral),
- régulation des avenants laissant encore à désirer,
- favoritisme dans la spécification du contrat (marché sur
mesure)
- sélection biaisée des candidats éligibles
- élimination des offres anormalement basses(cf. garantie
de bonne fin)
Comportements anticoncurrentiels :
Entente, Corruption et Favoritisme
Ententes
Un cartel doit surmonter quatre types de difficultés:
1. Les firmes doivent réussir à s ’entendre sur une règle
de partage du surplus alors qu’elles ont une information
privée sur leurs coûts. Comment faire révéler
l’information?
2. Le cartel doit garantir le respect de l’accord illicite:
comment punir une firme qui dévie?
3. Les surprofits du cartel attirent de nouveaux entrants:
comment limiter l’entrée?
4. Les victimes du cartel (de l’autre coté du marché)
l’ordonnateur peut prendre des mesures pour déstabiliser
le cartel, comment répondre?
Nous allons considérer les deux premiers problèmes.
1. Accord sur une règle de partage du surplus
Des études empiriques aux EU montrent que
- La ½ des cartels se sont effondrés suite à un désaccord
interne,
- la plupart des cas menés en justice sont initiés par des
membres non satisfaits qui dénoncent les autres.
Le premier problème révélation/coordination
ressemble à celui de l’enchère standard:
Le cartel peut user d’un mécanisme qui transforme le
« message » des firmes sur leurs coûts (offres) en une
décision concernant qui est le gagnant et
éventuellement quels transferts doivent être effectués
(pour compenser les perdants).
La corruption peut également œuvrer à la coordination :
en arbitrant par exemple un partage de marché.
Le deuxième problème : garantir le respect des accords
crime organisé, interaction répétée, corruption.
Le cadre de l’analyse
Enchère au premier prix sous plis fermés, valeurs privées
Essentiellement deux types de cartel:
- « Cartel faible » sans transferts de fonds entre firmes,
- « cartel fort » avec transferts de fond (et possibilité
d’exclusion)
1. Cartel faible
Les firmes sont symétriques c ∈ [ cl, ch ]
L’ordonnateur est « passif »
- il annonce un prix de réserve P,
- parmi les firmes ayant soumis des offres identiques, il
choisit avec probabilité égale.
Résultat:
« La collusion optimale requiert:
B(ci, c-i ) = 0
P
ci > P
ci ≤ P. »
(sous condition technique peu contraignante sur la
distribution des coûts qui assure que plus le coût est faible
plus le gain espéré est important).
Remarque 1: les offres sont identiques, seulement les
firmes ayant des coûts inférieurs au prix de réserve
participent.
2 effets:
le coût du projet augmente
perte d’efficacité: la meilleure firme est
sélectionnée avec probabilité 1/n. le profit espéré est
Π = (P - ci)1/n
La condition technique, garantit que l’augmentation du profit lorsque la
firme est choisie domine la réduction des chances d’avoir le projet ⇔ la
collusion est profitable.
Remarque 2: Le mécanisme ne demande aucune
coordination préalable à l’enchère officielle. Cette
collusion implicite n’est pas à proprement dit illégale : il
n’y a aucune preuve d’entente anticoncurrentielle.
Cependant la présence d’information asymétrique et
l’absence de transferts conduit à une inefficacité: le cartel
ne peut pas réaliser le profit maximum de l’entente.
L’ordonnateur est « utilisé » comme mécanisme aléatoire.
De fait, il coordonne (sans corruption!).
Sherer 1970 « Chaque année les autorités locales et
fédérales reçoivent des milliers d’offres identiques »
« Sur 30% des marchés publics de bois gérés par les
autorités forestières aux EU pendant les années 80, les
ventes étaient réalisées à 1% du prix de réserve »
Autre mécanismes cas de collusion sans transfert (avec
répétition):
Plutôt que des offres identiques, une firme est
sélectionnée, par « la phase de la lune », pour faire l’offre
dans l’enchère officielle. Si elle accepte les autres font des
offres de couvertures.
Solution plus risquée, équivalente en terme de profit. Sauf
dans une situation asymétrique ou elle peut être
préférable.
Ex: Dans l’industrie d’équipement électrique aux EU.
En France la CGE, la Lyonnaise et SAUR(Bouygues)
semblent se partager le marché de l’approvisionnement et
de l’assainissement de l’eau.
Parfois même en collusion ouverte: ex à Saint-Etienne.
« Affaire Mery » : est-il question d’arbitrage où l’agent
répartissait les marchés (en tenant compte des
asymétries) ?
Le cartel fort
- possibilité d’exclusion de firmes pas sérieuses
- possibilité de transferts de fonds
Résultat
« Il existe un mécanisme tel que
i) les firmes révèlent leurs coûts,
ii) la plus efficace obtient le contrat en offrant le prix de
réserve tandis que les autres font des offres de
couvertures,
iii) les perdants sont compensés par un transfert »
Ex: Les firmes organisent une pré-enchère au premier prix
illégale. Le moins disant(si p < r) est désigné gagnant et
paye à chaque perdant une somme proportionnelle à la
différence entre son offre dans l’enchère illégale et le prix
de réserve.
Dans la réalité: d’abord l’enchère légale, le bien est vendu
au prix de réserve(à une firme) puis une seconde enchère
entre les membres de la collusion(« knock-down »). Les
membres se divisent la différence entre le prix de
l’enchère légale et celui de l’enchère illégale. Cela se
rencontre dans des enchères d’antiquités, de livres , de
poissons, d’équipement électrique.
Seule différence: risque d’inefficacité, peut-être personne
ne valorise le bien à un prix supérieur au prix de réserve.
Effet du cartel fort:
- le prix = le prix de réserve
- allocation efficace: la firme ayant les coûts les plus bas
réalise le projet (pourquoi?)
- plus facile à détecter car cela exige beaucoup de
coordination.
Corruption et Favoritisme dans les enchères
Position du problème:
L’enchère est menée par un agent qui peut avoir des
intérêts autres que ceux de l’ordonnateur public.
• Il ne cherche pas à allouer le contrat à l’entreprise la
plus efficace (efficacité sociale),
• Il ne cherche pas à minimiser la dépense.
Pourquoi? Car il peut y avoir des gains privés à réaliser en
favorisant une firme.
Corruption = entente entre l’agent et une ou plusieurs
firmes.
Le recours au mécanisme d’enchère augmente la
transparence = réduit la discrétion de l’agent mais ne
l’élimine pas entièrement. Que peut faire l’agent?
Exemples :
• abuser de sa discrétion dans l’évaluation des offres
« mieux disant » discrétionnaire,
• abuser de la discrétion d’intervention dans le cours de la
procédure. Dans l’allocation des contrats complexes
intervenir avec une nouvelle information et inviter à
réajuster.
• contrat sur mesure (favoritisme dans la spécification),
• ex-post réduction des coûts effectifs (avenants contrôles
laxistes)
• La procédure peut être manipulée: les enveloppes
échangées
Nous avons étudié les effets de la corruption dans trois
types de situations
- Quand l’agent se laisse corrompre pour offrir une
seconde chance (re-soumettre)
- Quand l’agent se laisse corrompre dans le choix de
spécification ;
- Quand l’agent se laisse corrompre pour faciliter le
partage de marché dans les grands contrats divisibles.
1 Corruption et Concurrence sur les marché public
Cadre de l’analyse
- Une enchère au premier prix sous plis sellés.
- Il y a n firmes différentes (coûts distribués sur des
supports différents).
Résultat 1
En l’absence de corruption le contrat est gagné à un prix
qui est inférieur à la borne supérieure de la deuxième
firme la plus efficace. La concurrence détermine le prix
indépendamment du prix de réserve.
La corruption
L’agent offre une opportunité de réajuster son offre en
échange d’une bribe.
Cas simple : Le droit de réajuster est donner à une des
firmes qui participe (paye la bribe d’entrée) à une loterie.
Cas plus général : Le droit de réajuster est donner à la
firme qui offre la faveur préférée par l’agent.
Résultat 2
Le transfert de la concurrence en prix à une ‘compétition’
en bribe ou faveur peut tuer la concurrence en prix. Le
contrat est passé au prix de réserve. La corruption induit
la collusion en prix.
Intuition: Le ‘prize’ de la loterie est le contrat au min des
offres en prix. Si les firmes ne peuvent pas (ou peu)
influencer la probabilité de gagner (par leur offre en
prix) mieux vaut gagner ‘gros’.
2 Partage de Marché
Enchère au premier prix avec des objets multiples. Les
offres dites de paquets sont autorisées.
L’agent a le droit légal de prolonger le délai de
soumission en offrant simultanément à tous le droit de
réajuster.
Corruption
L’agent vend le droit de décider : prolongation oui/non.
On montre qu’il est optimal de laisser deux firmes se faire
concurrence en bribe pour ce droit.
Résultat 1
Au lieu de se faire concurrence, les firmes (pour certains
paramètres de coûts) s’entendent sur (et respectent!) un
partage de marché.
Intuition :
Si une firme dévie (essaye d’obtenir plus que selon
l’accord), elle se verra contrainte de payer une bribe à
l’agent pour éviter un réajustement général. En effet la
victime de la déviation est prête elle aussi à payer pour
imposer une prolongation du délai.
Exemple numérique (fichier corruption 3)
3 Favoritisme dans les procédures de spécification
Toute spécification est une forme de discrimination. Le
favoritisme fait référence au principe de discrimination. Il
est généralement difficile à identifier (demande un
raisonnement contra factuel).
1. La spécification qui résulte d’un jeu avec concurrence
en bribe pour l’influence est celle qui minimise la
concurrence, projets les moins standards sont
sélectionnés.
Intuition : plus la spécification est discriminatoire plus les
rentes sont grandes,
2. La spécification ex-ante en terme technique est la plus
vulnérable(génératrice de rentes de corruption), un
détail technique peut tuer la concurrence. En
particulier comparé à la procédure au mieux disant ou à
la spécification en terme de performance.
Intuition : Avec une spécification technique la
concurrence ne se fait que en prix. Avec un critère
multiple, la concurrence se fait sur tous les critères ce qui
réduit les rentes pour le gagnant et donc la valeur du
favoritisme.
CONCLUSION GENERALE
La structure du marché (nombre et type de candidats ainsi
que les caractéristiques du bien/ouvrage) et le format de
l’enchère (y compris les pouvoirs de décision de
l’agent) détermine la vulnérabilité aux ententes et à la
corruption.
Il faut adapter le choix de la procédure et de ses
détails aux spécificités du marché pour réduire les
risques de comportement anti-concurrentiel (ACMD).
•

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