Vie et activités des Basques du Venezuela. Le Centre Basque de

Transcription

Vie et activités des Basques du Venezuela. Le Centre Basque de
Vie et activités des Basques du Venezuela.
Le Centre Basque de Caracas*
(Life and activities of the Basques in Venezuela. The Basque Centre in Caracas)
Elguezabal, Bitor de
BIBLID [1136-6834 (1998), 11; 7-24]
Bitor de Elguezabal, délégué du groupe Gernika et du Centro Vasco de Caracas commence par décrire sommairement le
Venezuela, pays jeune, encore en grande partie inexploité. Les Basques ont aidé à son peuplement, à sa formation et à son indépendance et ils constituent encore aujourd’hui un élément important. Autour du Centro Vasco de Caracas, se développent des activités folkloriques, sportives et culturelles.
Bitor de Elguezabal, Gernika taldeko eta Caracasko Centro Vascoko ordezkariak Venezuela deskribatzen du laburki, herrialde
gazte eta hein handi batean ustiatu gabea oraino. Euskaldunek haren kolonizazioan, eraketan eta independentzian esku hartu dute,
eta gaur egun oraindik komunitate garrantzitsua osatzen dute. Caracasko Centro Vasco folklore, kirol eta kultura ekintzen eragilea
dugu.
Bitor de Elguezabal, delegado del grupo Gernika y del Centro Vasco de Caracas, hace sumaria descripción de Venezuela,
país joven y en gran parte todavía sin explotar. Los vascos han participado de su colonización, en su formación y su independencia, y constituyen aún hoy una comunidad de importancia. El Centro Vasco de Caracas es promotor de actividades folklóricas,
deportivas y culturales.
* Archives Manuel de Ynchausti. Ustaritz.
VIIIème Congrès d’Etudes Basques = Eusko Ikaskuntzaren VIII. Kongresua = VIII Congreso de Estudios Vascos (8. 1954. Baiona, Uztaritz). – Donostia :
Eusko Ikaskuntza, 2003. – P. 69-73. – ISBN: 84-8419-932-0.
69
ELGUEZABAL, BITOR DE
Jaunak eta Andreak. Agur
Neure lenengo itzak geure euskeraz izan bediz emen
batu zarien ainbat euskaldun eta euskel-lagun ospetsu,
Caracas’eko Eusko-Etxearen eta ango Gernika Taldiaren izenez, pozik eta biotzkor agurtateko.
Itxasoaren beste aldetik nator, euskaldunok beti besozabal artu gaituezan Ameriketako lur aldietatik, Bolibar eusko
odoldun semiak azkatatutako Venezuela’tik, eta emen, danoen
aurrian, erri orreri, euskaldun guztien esker osoa esan gura
dautzak.
Venezuela’ri eskerrik asko ba ta zueri, agur.
Mesdames, mesdemoiselles, messieurs,
Je viens de vous dire, en mon euskera de Bizcaye, un
agur cordial du Centre Basque de Caracas et du Groupe
Gernika. J’ai aussi remercié le Venezuela pour l’accueil qu’il a
fait aux basques.
Avant de commencer mon exposé, il me reste à remercier
monsieur Intxausti et ce Congrès d’Etudes Basques de m’avoir fait l’honneur de m’inclure parmi tant de savants conférenciers et puis, à vous prier, vous tous, d’être très indulgents
avec moi. Cette prière s’adresse spécialement à ceux d’entre
vous, certainement fort nombreux, qui connaissent au moins
aussi bien que moi le Venezuela et la vie des basques qui y
résident.
Je vais donc tâcher de vous dire brièvement –car ce sera
là mon meilleur atout– ce qu’ont fait ou font les basques du
Venezuela, descendants de ceux arrivés là-bas avec la
Compañía Guipuzcoana de Caracas ou installés depuis à peu
près 15 ans.
Ma tâche aurait certainement été beaucoup plus facile si
j’avais pu préparer ce travail à Caracas et, surtout, si mes amis
d’outre-mer m’avaient remis les exposés qu’ils m’avaient promis. De peur sans doute de démentir ceux qui affirment que
les basques n’aiment pas écrire, ils ont choisi de se ranger
avec la majorité de nos compatriotes très actifs mais fort peu
bavards.
Mais passons à notre sujet.
Tout d’abord, qu’est-ce que ce Venezuela un peu fabuleux où, encore de nos jours, plus d’un étranger –je ne dis pas
d’un basque– est arrivé armé jusqu’aux dents prêt à se défendre contre les tigres et les indiens dans les rues de Caracas,
ou équipé d’instruments pour découvrir or, diamants et pétrole tout près du port de La Guaira, ou encore résigné à endurer maux de dents et maladies mystérieuses parce qu’il croyait
n’y trouver ni médecins ni dentistes?
Et bien le Venezuela est un pays tropical situé au nord de
l’Amérique du Sud –pas en Amérique Centrale– où il fait chaud
ici et froid là-bas –le climat de Caracas est par exemple l’un
des climats les plus agréables au monde– d’une superficie
d’environ 1.000.000 de km (avec plus ou moins 6.000.000
d’habitants fort intelligents en général bien qu’assez désordonnés, peu constants et prodigues, indiens, noirs, métis,
blancs, d’origine basque, allemande, française, italienne,
espagnole, portugaise, serbe, irlandaise, polonaise, que saisje encore, qui produit du pétrole (second pays producteur et
premier exportateur du monde), du fer, du cuivre, de la bauxite, de l’or, des diamants, des perles, du sucre, du cacao, du
café –aussi bon au moins que le café du Brésil– possédant
une énergie électrique potentielle énorme inexploitée (le Salto
70
del Angel est, dit-on, la plus haute chute d’eau du monde),
sillonnée de routes de plus en plus nombreuses et meilleures
et de lignes aériennes qui conduisent à tous les coins du pays,
avec une marine marchande appréciable, en contact tous les
jours avec New York, avec des hôtels, des hôpitaux et des
écoles modernes, bourré de camions et d’automobiles, possédant trois postes émetteurs de télévision, etc.etc.
Bref, le Venezuela est un pays jeune, encore en grande
partie inexploité, où l’on vit fort bien, qui travaille beaucoup,
gagne beaucoup et dépense peut-être un peu trop allègrement, et marche à grands pas, me semble-t-il, vers un standard de vie du type yankee s’efforçant toutefois de ne pas trop
s’éloigner de la culture européenne.
Je m’excuse de m’être étendu, un peu trop longuement,
mais je tenais à vous dire tout cela car je suis aussi vénézuélien et je veux éviter les fausses idées sur ma patrie adoptive.
Mais, allez-vous me dire, quel est l’apport basque à ce
Venezuela dont vous semblez si fier?
Et bien je crois sincèrement qu’il n’est pas négligeable.
Jetez par exemple un coup d’oeil sur l’histoire du
Venezuela et, au temps de la conquête, de la colonie ou de
l’indépendance vous trouverez les noms de Bolivar, Ayala,
Zarate, Ibarra, Aristeguieta, Castillobeitia, Urdaneta, Ricaurte,
Arizmendi, Guevara, Malpica, Aguirre, Tolera, Auzoategui,
Madariaga et tant d’autres. Je sais qu’un donostiarra résidant
à Caracas possède par exemple une liste fort intéressante de
noms basques extraite des lettres de Simon Bolivar.
Feuilletez encore l’annuaire des téléphones de Caracas
pour l’année 1954 et vous verrez des centaines de noms basques: Lecuona, Mendeza, Arizmendi, Zuloaga, Elexpe,
Areaya, Aretxeberia, Etxenaguroa, Uribe, Otamendi, Irazabal,
Merrezbeitia, Agerrebere, Uribe, Azpurua, et ainsi de suite. Je
n’en finirais pas.
Nous pouvons donc dire, sans aller plus loin, que les basques ont aidé à peupler le Venezuela, qu’ils ont participé a son
indépendance, à sa formation et à son développement et
qu’ils constituent encore aujourd’hui un élément de force et
d’activité que personne ne peut ignorer.
Il faut pourtant signaler, me semble-t-il, que sauf en deux
opportunités, l’apportation basque a été trop camouflée et
qu’il est un peu difficile de la considérer comme telle. Je veux
dire que, sauf en deux occasions, les basques ne sont pas
présentés au Venezuela comme basques et que ce sont des
noms qu’on trouve mêlés à toutes sortes d’autres races et non
pas des groupes ou des collectivités.
Avant d’arriver à l’époque actuelle, je veux signaler ces
deux exceptions.
La première est celle de l’oñatiarra Lope de Aguirre,
connu sous les noms de Aguirre el Traídor (c’est lui-même qui
choisit ce nom), de Tirano Aguirre, de Aguirre Fuerte, Caudillo
de los Marañones. Et je dis que Lope de Aguirre doit être signalé comme la première exception parce que lui-même, dans
sa lettre si connue au roi d’Espagne, souligne qu’il est “natural
vascongado”. Il n’aurait d’ailleurs peut-être pas besoin de le
dire car son caractère décidé, astucieux, d’une constance à
toute épreuve, sa haine contre l’injustice commise par les
grands de son temps qui exploitaient de loin la vie des terres
américaines conquises par d’autres, la façon de mener du
Pérou au Venezuela son expédition épique et les moyens dont
il se sert –cas de légitime défense me semble-t-il– pour récompenser ou châtier ipso facto ses subordonnés ou ses supé-
VIE ET ACTIVITÉS DES BASQUES DU VENEZUELA. LE CENTRE BASQUE DE CARACAS
rieurs indignes, le style de sa lettre au roi, tout indique son
“natural vascongado”.
Hélas, notre ami Lope de Aguirre n’a rien laissé de durable. Il est certes encore légendaire, mais il n’intéresse que
quelques biographes et ne sert qu’à faire peur aux enfants qui
ne veulent pas dormir tandis que son âme continue sur son
cheval du côté de Barquisimeto et du Tocuyo. Et Lope de
Aguirre ne serait-il pas le premier Libertador d’Amérique?
La seconde exception est celle de la Compañía
Guipuzcoana de Caracas. Je n’ose presque pas en parler car
je connais assez peu cette question.
Je puis tout de même en dire que son labeur fut fécond
et durable et que les noms basques qu’on retrouve aujourd’hui au Venezuela sont, la plupart, des noms de ceux qui s’y
installèrent aux temps de la Compagnie.
Vous savez tous qu’elle dut sa formation à un contrat par
lequel, en 1728 je crois, le roi d’Espagne lui donna le monopole du commerce surtout avec le Venezuela.
Les commerçants basques s’établirent donc à Puerto
Cabello et à la Guaira où l’on peut encore voir la maison construite par eux. Ils avaient bientôt fait de construire des nouveaux quais, d’organiser une marine marchande considérable,
de maîtriser les corsaires (ils en avaient le droit), de dicter des
ordonnances et d’organiser une administration parfaite. Et
comme le but de la Compañía Guipuzcoana de Caracas était
de faire du commerce et qu’en arrivant au Venezuela elle ne
trouva que fort peu d’or, d’épices, de colorants, de tabacs, de
cuirs, etc.etc., elle commença par organiser (pas toujours par
des moyens très équitables) la production systématique de
tout ce dont elle avait besoin, introduisant même des nouvelles cultures tel que, par exemple, le blé dans la région de
Puerto Cabello et Valencia où, depuis, il s’est de nouveau
perdu.
Tout semble avoir fort bien marché au début et la
Compagnie et le Venezuela n’eurent qu’à s’en féliciter. Mais
survinrent les abus, l’hostilité des habitants lésés dans leurs
justes intérêts, et bientôt après 1750, malgré la protection de
la couronne et de la Capitanía General de Caracas, la
Compagnie fut dissoute et remplacée par celle des
Philippines.
Il n’en reste pas moins que la production agricole et du
bétail augmente de beaucoup grâce à l’activité de la
Compañía Guipuzcoana, que les ports furent améliorés, qu’elle enrichit et organisa le commerce du Venezuela et que son
influence a été très sensible sur l’économie vénézuélienne et
surtout, sur l’installation des basques au Venezuela.
Arrivons enfin à la quatrième et à la cinquième décade de
notre vingtième siècle.
Je vais tout de suite vous dire que je ne vais citer aucun
nom et aussi, que je suis prêt à répondre aux questions que
vous voudrez me poser tout à l’heure et auxquelles je pourrai
le faire.
Je vais, si vous voulez, jeter d’abord un coup d’oeil sur l’activité des basques nés au Venezuela, tout en laissant de côté la
politique, le gouvernement, l’armée et les fonctionnaires.
Dans les académies, les arts, les lettres, les lois, les
sciences, on retrouve beaucoup de noms basques. Les deux
plus savants historiens actuels sont deux basques d’origine.
Un troisième, récemment décédé, est considéré comme le
biographe le plus complet de Bolivar.
Le président et le vice-président de la Banque Centrale
ainsi que celui de la plus ancienne banque privée ont aussi
des noms basques. L’industrie en compte également beaucoup, par exemple celle de l’électricité et celle de la pêche et
des conserves. On peut en dire autant de la construction des
bâtiments, et d’autres industries de second ordre. Parmi les
ingénieurs, médecins, avocats, professeurs, il est si facile de
citer des noms basques qu’il serait presque ridicule d’insister.
Un des hommes les plus actifs, le plus entreprenant, le plus
généreux du Venezuela, le plus aimé porte encore un nom
basque. Je n’en finirais pas.
Les basques qui nous ont précédé ont donc laissé bonne
semence et leurs descendants occupent une position enviable au Venezuela.
Voulez-vous me permettre maintenant un trait d’union
entre ces basques créoles, nés au Venezuela, et ceux qui sont
arrivés depuis 1940?
Laissez-moi alors vous dire que le clergé régulier est en
grande majorité basque, ce qui ne vous étonnera pas beaucoup et justifiera un peu ce qu’on dit assez couramment à
Caracas du Pays Basque: “Es un país productor de curas, frailes y monjas”. Mais il est certainement vrai qu’un jésuite basque (oui, un jésuite) a largement, je n’ose pas dire définitivement, contribué au fait qu’en 1939 et après les portes du
Venezuela nous aient été si largement ouvertes. Il faut l’en
remercier.
Nous voici donc enfin, nous les basques du Venezuela de
1940 puisqu’il faut nous séparer des autres.
En 15 années, le Venezuela a changé. Caracas avait
200.000 habitants, il en compte 800.000 aujourd’hui. Le paludisme était le fléau numéro un du Venezuela; il a disparu. Le
budget était alors de 200 millions de bolivars, il est aujourd’hui
de l’ordre de 2.500 millions. Il y avait peu de routes, d’avions,
d’hôpitaux, d’écoles, d’industries ; il y en a chaque jour davantage.
Faut-il en conclure que notre seule présence a ainsi changé un pays. Je n’oserai pas dire que tous les basques du
Venezuela répondraient “non”.
La vérité est pourtant que c’est le pétrole qui a changé le
Venezuela. Mais nous, nous avons aussi fait quelque chose.
Je ne saurais vous dire combien de basques sont venus
s’installer au Venezuela depuis 1939-1940. Je sais qu’il y en a
dans tous les coins: à Caracas, à Maracaibo, à Barquisimeto,
à Merida et San Cristobal, à El Tigre et à Barcelona, à Puerto
la Cruz et à La Guaira. Je sais aussi qu’il y a des ingénieurs,
des médecins, des avocats, des prêtres, des constructeurs,
des marins, des menuisiers, des mécaniciens, des pêcheurs,
des agriculteurs, des comptables, des administrateurs... et
des gens qui n’avaient aucune profession. C’est d’ailleurs souvent ces derniers qui ont gagné le plus d’argent.
Il y a des familles entières, il y a beaucoup d’isolés, il y a
des jeunes, étudiants ou pas, des pas si jeunes et quelques
vieux, il y a beaucoup d’enfants et pas mal de femmes.
Que font tous ces gens-là?
Il est faux, comme j’ai dû répondre il y a quelques jours,
que 90% des Basques vit mal et voudrait revenir au Pays
Basque s’il le pouvait. Il est également faux que nous soyons
tous milliardaires –loin de là– et que nous soyons des magnats
du fer, de la construction ou du commerce. Nous vivons généralement bien et nous travaillons beaucoup. Voilà la vérité.
71
ELGUEZABAL, BITOR DE
Il est assez difficile de vous dire exactement ce que fait
chacun. Je vais tâcher de vous signaler les activités les plus
importantes.
En premier lieu vient, je crois, la construction. Elle a
aujourd’hui diminué notablement mais entre 1940 et 1950 les
constructeurs basques étaient fort nombreux et très importants. Il y avait au moins 10 entreprises dont 3 que j’ai en
mémoire, très fortes. Les constructeurs ont surtout bâti à
Caracas, des petites maisons et des grands bâtiments. Ils ont
aussi fait des routes, des installations sanitaires, etc. etc.
De plus, je crois que chaque Basque s’est senti architecte et il y a des centaines de maisons à Caracas et partout
ailleurs d’un style nettement basque ou basque colonialisé,
partout des noms basques plus ou moins corrects et élégants.
L’influence des constructeurs basques est très considérable surtout dans les quartiers résidentiels ou
“Urbanizaciones”. Elle tend cependant à céder devant le style
sans style mi-allemand - mi-italien - mi-yankee. Je crois qu’on
l’appelle “architecture fonctionnelle”.
A côté de la construction de bâtiments proprement dit, il
y a les ateliers de constructions métalliques. Il doit y en avoir
une quinzaine à Caracas dont huit ou neuf aux mains des
Basques. Et parmi les quatre ateliers les plus importants, deux
appartiennent également à des Basques. Ici encore, là où on
peut le faire, l’empreinte basque se voit et il n’est pas difficile
de trouver des grilles par exemple dignes des ferronniers
d’Otxandiano ou des “lauburus” couronnant une porte.
Outre ces constructeurs qui, en général, se sont constitués en compagnies anonymes, il y a bon nombre d’ingénieurs
basques travaillant au Ministère des Travaux Publics ou aux
ordres d’autres entreprises. Je crois qu’il n’y a que 2 ou 3
architectes basques. On trouve également beaucoup de
maçons fort appréciés.
Les menuiseries aussi sont nombreuses; plutôt, elles ont
été nombreuses. L’une d’elle, liquidée il y a peu de temps,
était, je crois la plus importante du Venezuela.
Deux entreprises basques fournissent de la pierre, du
sable et de la chaux aux constructeurs; un autre, au moins,
des briques et des blocs en ciment.
Il y a dix ans environ, 3 ou 4 Basques tentèrent le laminage à froid de profils de fer. Ils obtinrent peu de résultats mais
il y a aujourd’hui des continuateurs.
Il faut signaler aussi la pêche à laquelle ont largement
contribué de bons “arrantzales”, bien que leur nombre (actif
s’entend) ait diminué très notablement.
Et puisque nous parlons de la mer, disons de suite l’important rôle joué par les capitaux basques, les machinistes
etc. qui ont rendu de grands services à la marine marchande
du Venezuela, à l’Alcoa (où il y a un capitaine basque qui en
est je crois l’un des gérants) aux pétroliers et à d’autres.
Une autre industrie assez importante entre les mains des
Basques est la typographie, typographie-imprimerie. Il y en a
6 ou 8, deux d’entre elles fort importantes et avec des gros
capitaux.
Il y a encore des tas de mécaniciens, électriciens, peintres, dessinateurs, topographes, aussi bien dans les
Compagnies de Pétrole que particuliers ou dans d’autres maisons. Il est curieux de signaler que pas unes des
“Urbanizaciones” de Caracas depuis 1939 n’a travaillé au
moins avec un topographe basque. On les payait alors 300
72
bolivars, Ils sont aujourd’hui presque tous riches et indépendants.
Signalons aussi l’industrie et les plantations de la canne à
sucre appartenant à un Basque vivant à Cuba. Je crois que
c’est là une grosse affaire mais je n’en sais pas grand chose
et il vaudra mieux ne rien ajouter.
Dans le commerce, plusieurs maisons, importantes quelques-unes, spécialement deux fournissant des matériaux de
construction (toujours la construction) et une autre fournisseur
de vitres et glaces.
Le transport est plutôt entre les mains de quelques chauffeurs travaillant individuellement. Il y eut cependant, il y a de
cela 8 ou 10 ans, une entreprise assez forte et très bien organisée appartenant à un basque mort il y a fort peu de temps.
Beaucoup, dernièrement arrivés surtout, sont vendeurs et
gagnent assez bien. D’autres ont des représentations, d’autres travaillent dans les assurances, d’autres encore dans les
maisons de commerce, aux divers ministères, dans les banques, dans de grosses entreprises étrangères ou nationales
comme la General Motors, General Electrica, Fosforera
Venezuelana, Cervecería Caracas et Polar, Compagnie
d’Aviation Avema, etc.etc. Je crois qu’il n’est pas trop osé de
dire que dans la plupart des ministères ou des maisons ou
compagnies importantes, il y a un ou plusieurs Basques bien
placés, très bien considérés, ayant certainement une agréable
influence. Les Compagnies que je viens de vous nommer
comptent parmi leur personnel soit un gérant, soit un chef de
ventes, soit un chef de production, soit un inspecteur général,
et ainsi de suite.
En agriculture, outre le Basque-Cubain que j’ai mentionné, je crois hélas! qu’il y a peu à dire. Il y a pourtant des familles basques entières de Zenarruza, d’Abadiano et autres
lieux, qui se sont installés dans des centres d’agriculture organisés par le Gouvernement. Habitant assez loin des centres
habités par les basques, ils sont malheureusement un peu
abandonnés par la collectivité basque et ont, je crois, fort peu
de contact avec celle-ci.
L’un des groupes les plus nombreux a été et est encore
constitué par les médecins. Il y en a bien une vingtaine. Aussi
bien à Caracas qu’à l’intérieur du pays, ils ont beaucoup travaillé et continuent à le faire. Plusieurs sont médecins des universités vénézuéliennes, deux ou trois ont fini là-bas leurs études, certains travaillent au Ministère de la Santé et sont directeurs, tous ont travaillé dans les villages les plus abandonnés
du pays. Une des cliniques renommées de Caracas appartient à un médecin ou a un groupe de médecins basques.
Il y a également 4 ou 5 dentistes qui travaillent beaucoup.
Comme toujours, les avocats étaient aussi assez nombreux. Deux seulement que je sache, exercent leur profession.
L’un d’entre eux du moins, avec beaucoup de succès. Les
autres avocats ont choisi soit le commerce, soit l’industrie, soit
d’être fonctionnaires. On dirait qu’ils ne sont bons à rien et
bons à tout. Le fait est que tous ont fort bien organisé leur
façon de vivre.
Voilà, à peu près, ce que font les basques de 1940 au
Venezuela. Vous allez me dire que mon exposé est assez confus et assez désordonné. Je l’avoue. Ma mémoire ne m’a pas
permis de faire mieux et, d’autre part, je crois que le tableau
représente assez fidèlement le désordre de l’activité individuelle des basques du Venezuela. Et je crois que cela est fort
regrettable. Certes, dans un pays comme le Venezuela qui
VIE ET ACTIVITÉS DES BASQUES DU VENEZUELA. LE CENTRE BASQUE DE CARACAS
progresse si rapidement, où il y a beaucoup, beaucoup d’argent et où les capitaux étrangers affluent tous les jours davantage, l’activité de quelques milliers de Basques, arrivés sans
le sou il y a 15 ans ne pourrait représenter qu’une goutte
d’eau. Mais je me suis souvent demandé si cette goutte d’eau
n’aurait pas beaucoup plus pesé si toutes les gouttelettes que
je viens de vous signaler s’étaient réunies. C’est là une autre
question que d’autres pourraient peut-être essayer de résoudre.
Car je crois qu’elle pourrait encore se résoudre en partie.
La collectivité basque du Venezuela a bien travaillé dans un
autre sens et elle pourrait le faire aussi sur ce terrain.
Je veux, pour finir, vous dire quelque chose au sujet de la
Colonie basque et de ce qu’elle a fait, comme collectivité.
Dès 1940 ou 1941, je ne me rappelle pas exactement, le
Centre Basque de Caracas fut fondé. Installé d’abord dans
une petite maison du centre de Caracas il alla ensuite à une
maison plus grande où il possédait déjà un fronton puis, n’y
tenant plus, acheta des terrains un peu à l’écart de la ville et
construisit une belle maison, un grand édifice qui abrite
aujourd’hui toutes les activités basques et que nous regardons
avec orgueil. Tous, Basques, vénézuéliens ou étrangers considèrent ce Centre Basque comme le meilleur de Caracas.
Voilà donc la preuve: lorsque les Basques s’ennuient ils peuvent faire des grandes choses, lorsque quelqu’un les guide et
décide de faire, comme c’est le cas.
Mais quelles sont donc ces activités dont je viens de parler, car il ne suffit pas de construire une maison, il faut aussi
l’habiter et y introduire la vie.
Tout d’abord, car elle est l’organisation basque la plus
ancienne, antérieure au Centre Basque lui-même, nous avons
la “Asociación de Servicios Mutuos”. Comme son nom l’indique, son but est de recevoir les compatriotes qui en ont
besoin. Avec une modique cotisation mensuelle -elle a été très
longtemps de 5 et 7,50 bolivars- elle a assisté les malades et
les opérés, payés les médecines, organisé un service de clinique et de dentiste, etc.etc. Elle s’occupe aujourd’hui de
construire un tombeau pour les Basques morts là-bas. Il faut
penser à tout. Grâce à Dieu, aujourd’hui, la plupart des basques ont peu besoin de ses services. Malheureusement, d’autre part, fort peu sont les associés et l’“Associación de
Servicios Mutuos” languit alors qu’elle pourrait faire de si grandes choses.
Ici, bien qu’il me soit désagréable de l’avouer, je dois dire
que ce défaut est général dans toutes les activités à Caracas
et que c’est toujours le même petit groupe qui est à la tâche.
Je dois surtout dire que mes compatriotes arrivés ces 5 der-
nières années –sauf honorables exceptions– ne semblent pas
avoir le feu de l’enthousiasme pour toutes ces choses.
Vient ensuite, si vous voulez, le Groupe Gernika, un tout
petit groupe qui fait ce qu’il peut. Il a organisé des concours
et donné des prix spécialement pour l’étude de l’euskera, participé aux hommages rendus à Arana-Goiri, à Azkue et à d’autres écrivains, savants et euskerologues connus. Cette année
elle prépare un hommage à Arturo Campion. Le travail du
Groupe Gernika est là-bas assez difficile. Nous avons peu de
livres, pas d’archives, peu de monde. Nous ne sommes que
dix ou douze, aucun savant, tout au plus quelque peu dilettante.
Plus connu sans nul doute est le Groupe “Pizkunde”,
groupe artistique genre “Oldarra” qui compte beaucoup d’éléments jeunes et vieux. Son activité dure depuis plus de dix
ans et il a travaillé avec beaucoup de succès, non seulement
au Centre Basque mais encore au théâtre, à la télévision,
dans les églises, à des fins bénéfiques, invité par des organisations officielles, etc. etc. C’est l’une des activités collectives basques qui a fait le plus connaître les Basques à
Caracas.
Je ne sais si cette affirmation aurait l’approbation des
sportifs basques du Venezuela car eux affirment –avec certains droits j’en conviens– que l’activité qui a le plus uni les
Basques et a eu le plus de public est le “Club Deportivo Vasco
de Foot-ball”. Cette équipe a eu de brillantes activités, surtout
vers les années 45 et 46. Dernièrement, après avoir dépensé
des dizaines de milliers de bolivars, elle a échoué sur le
champ professionnel et n’est représentée aujourd’hui que par
une équipe amateur avec plus ou moins de succès.
Il y a encore d’autres activités au Centre Basque. Les jeunes se sont organisés, aident à organiser des fêtes, ont leurs
cours d’euskera, apprennent les danses basques, font des
excursions et s’entraînent au “mus” avec les vieux.
En un mot le Centre Basque tâche d’unir les basques du
Venezuela, de maintenir la vie basque autant que possible et,
par ses relations avec d’autres centres culturels du pays, s’efforce de créer des liens de plus en plus solides avec le peuple du Venezuela. Je crois qu’il y parvient en partie du moins
et qu’ainsi son existence est utile à la collectivité basque et
aussi au pays qui nous a si chaleureusement accueillis.
Il me semble que j’ai été trop long. Veuillez m’excuser et
excuser aussi la pauvreté de mon travail si rempli de lacunes
et l’incorrection de mon langage mi-français mi-vénézuélien.
Eta azi nagen bez euskeraz amaitzeko, eskerrak danoeri,
azketsei eta Agur.
73

Documents pareils