3 Montréalaises à Dubaï M - Welcome to Marie

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3 Montréalaises à Dubaï M - Welcome to Marie
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meeting
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illustratoR
personal growth, contact with
other cultures, money, education,
communicating, expatriation, success, the financial crisis—three
Montreal women recount their
experiences of living in the allpowerful oasis.
Marie-Josée Primeau
Marie-Josée Primeau, age 41, is pre­s­
ident of the Canadian Business Council of
Dubai and Northern Emirates, as well as a
respected painter and a popular speaker.
three times (in 2005, 2006 and 2007) and
sidente du Conseil des entreprises cana-
took part in four marathons this year alone,
diennes de Dubaï et des Emirats du Nord.
including Paris and the Great Wall of China.
Elle est également une artiste peintre
respectée et une conférencière sollicitée.
À trois reprises (en 2005, 2006, 2007), elle
a fait l'ascension du mont Kilimandjaro
(près de 6000 mètres) et, cette année, elle
a participé à quatre marathons, dont celui
de Paris et de la Grande Muraille de Chine.
“When I first landed in Dubai,
I was driving on the Sheikh
Sayed Road (the equivalent of
the Metropolitain, but 12 lanes
wide), surrounded by buildings
that glittered like jewels, and
I felt such intense energy that
Quand je suis arrivée à Dubaï la
I vowed I would live here. I
première fois, je roulais sur la
returned to Quebec seven months
Sheikh Zayed Road (l’équivalent
later long enough to put my
du Métropolitain, mais 12 voies
affairs in order and come back
de large), entourée d’édifices
as soon as possible.”
qui scintillent comme des
bijoux, et j’ai ressenti une
énergie tellement intense que je
me suis dit : « Il faut que je
reste ici. » Je suis retournée
au Québec sept mois plus tard,
le temps de régler mes affaires
pour revenir au plus vite.
Marie-Josée has three cherished
myself out of the comfort zone, because
the survival instinct that emerges in these
situations has always brought out the best
in me.
“In 2007, I left behind my big job, big
salary and BMW convertible, and with two
dreams, all of which she is dangerously
suitcases, I went off to join the cranes that
close to achieving: to become a respected
dot the Dubai skyline, 40% of all the cranes
businesswoman, an artist of international
in the world. I was suffocating. I felt like a
renown, and a good communicator about
little flower in a wooden crate. I dreamt
her experiences in both fields. She laid
of a playing field led by visionaries with
the cornerstone for this lifelong project
boundless ambition. Today, I feel alive, and
at the age of 19, when she headed to Los
I’ve never had so much energy. I’m writing a
Angeles for the final year of her bachelor’s
book, I paint works that can be found in the
desquels elle s’approche dangereusement :
degree. The only Canadian in the group, she
royal palace and the Culture Department,
devenir une femme d’affaires reconnue,
experienced studying abroad as a multicul­
and I take care of my business. une artiste de statut international et une
tural immersion among Iranians, Germans,
bonne communicatrice de ses deux expé-
French and Arabs. Marie-Josée nourrit trois grands rêves
Montreal Meets Dubai
She has scaled Kilimanjaro’s 6,000 metres
Marie-Josée Primeau, 41 ans, est pré-
Marie-Josée Primeau
“From where I live (at the Palm Jumei­
rah, a palm-shaped artificial island), I can
see girls lying in the sun all day long. I don’t
riences cumulées. La première pierre de
“For me,” she says, “a diploma is a ticket
cette cathédrale, elle l’a posée à l’âge de
to hop on a bus. After that, the interest in
judge them, but I’m not envious. I don’t wish
19 ans en mettant le cap vers Los Angeles
travel is shaped by the ability to adapt,
I were in their place. In Montreal, I lived
pour sa dernière année du bac. Seule Cana-
open-mindedness and the desire to go
life at 200 miles an hour. In Dubai, I'm up
dienne du groupe, l’expérience d’études à
beyond your limits. All my life, I’ve taken
to 600! I look to what’s ahead. Yesterday
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céline tremblay
Paul Blow (agoodson.com)
3 Montréalaises
à Dubaï
L’évolution, la cohabitation, le
fric, l’éducation, la communication,
l’expatriation, le succès, la crise…
Trois Montréalaises racontent
leur expérience dans l’oasis de la
toute puissance.
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Geneviève Angio-Morneau
Geneviève Angio-Morneau est conceptrice-muséologue. Armée d’un bac en graphisme et d’une maîtrise en muséologie,
la jeune femme de 32 ans est à l’emploi de
gsmprjct°création, une firme montréalaise qui se spécialise en design d’exposition à l’échelle internationale, une discipline assez pointue. Basée à Montréal,
Geneviève se déplace périodiquement
aux Émirats arabes pour la mise en place
un musée et on travaille avec un conser-
d’une exposition portant sur l'histoire de
vateur. Cette fois-ci, ce qui est plutôt
la ville de Dubaï qui aura lieu à la fin de
inhabituel, on traite directement avec le
cette année dans l’observatoire situé au
promoteur immobilier, soit Emaar Pro-
124e étage de la Burj Dubaï, le gratte-ciel
perties, l’une des deux grandes sociétés
le plus haut du monde (162 étages, 818 m).
immobilières de Dubaï (la seconde étant
L’image qui est véhiculée
Nakheel). Et, bizarrement, on n’est en
de Dubaï est parfois très
simpliste. C’est facile de tout
mettre sur le compte du pétrole
et de faire abstraction de leur
culture marchande considérable.
Si on transposait cette fortune
dans un environnement porteur
d’une autre vision, d’une autre
structure, ce n’est pas certain
que le résultat serait aussi
bien. Il y en a qui gagnent à
la loterie et qui, deux ans
Geneviève Angio-Morneau is a museol­
très élevés et ils engagent des experts à
ogist and designer. Armed with a bachelor’s
l’échelle internationale pour faire le tra-
degree in graphic arts and a master’s in
vail. Résultat : tout se passe en anglais. Le
museology, this 32-year-old works for
directeur de la construction de la tour est
gsmprjct°création, a Montreal firm spe­
néo-zélandais, son assistant est malaisien
cializing in international exhibition design,
et le manager fait partie du cabinet améri-
a fairly specialized discipline. Based in
cain Skidmore, Owings and Merrill, une
Montreal, Geneviève travels periodically to
firme de Chicago spécialisée dans les super
the Arab Emirates to organize an exhibit on
tall buildings.
the history of Dubai, which will open at the
« Les spécialistes du monde entier sont
end of the year in the 124th-floor observa­
tory of Burj Dubai, the world’s highest sky­
breux. En général, ils ont aussi travaillé
scraper (at 818 metres and 162 stories).
« Généralement, les expositions sur les-
sur la Taipei 101, sur les tours Petronas,
quelles je travaille portent sur des thèmes
la Sears Tower, etc. Pour le béton, il n’y a
“The projected image of Dubai is
historiques et culturels. Par exemple, en
que deux ou trois sommités vers lesquel-
2006, on a complété le Musée national de
les se tourner pour arriver à le pomper à
Singapour, l’équivalent du Musée cana-
600 mètres d’altitude dans cette chaleur.
dien des civilisations. Là-bas, on était en
Il a d’ailleurs fallu avoir recours à de nou-
lien avec les historiens locaux pour l’élabo-
velles techniques pour conserver le béton
ration du contenu. Mon travail consiste en
flexible jusqu’à ces hauteurs.
d’autres savent bien investir.
fait à trouver à chaque fois, et dans chaque
« C ’est fascinant cet assemblage
pays, la meilleure façon de raconter une
humain qui se reflète dans l’usage des
histoire. Leur histoire. Le rôle de l’ex-
techniques et les matériaux qui provien-
position, dans le cas qui nous intéresse,
nent de partout dans le monde. Certains,
consiste à démontrer à quel point Dubaï
comme les panneaux de recouvrement de
often oversimplified. It’s easy
to blame the oil for everything
and ignore their strong merchant
culture. If we transposed that
money into an environment with
a different vision, a different
structure, the result might not
be as good. There are lottery
winners who burn through the
money in two years and others
who know how to invest.”
la tour, sont fabriqués en partie en Belgi-
“Generally, the exhibits I work on
« Ça fait cinq ans que ma boîte travaille
que et en partie en Chine avec une inter-
have cultural and historical themes.
sur le projet de la Burj Dubaï. Au début,
vention arabe. J’ai fait des entrevues avec
For example, in 2006, we completed the
on s’est attardés à la configuration de l’es-
des ingénieurs, des consultants, des archi-
National Museum of Singapore, the equiva­
s’est constituée rapidement.
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Geneviève Angio-Morneau
de la population, occupent des postes
réunis à Dubaï parce qu’ils sont peu nom-
après, ont tout flambé alors que
plaisirsdevivre
contact avec aucun Arabe ! À Dubaï, les
émiratis, qui ne représentent que 20 %
pace avec l’architecte. Maintenant, on est
tectes et le directeur de la tour et, quand
lent of the Canadian Museum of Civiliza­
passés au contenu, à l’exposition en tant
on les entend parler de leur fierté d’avoir
tion. We worked closely with local histor­
que telle. D’habitude, notre client c’est
participé à cette réalisation, ça déconstruit
ians to develop the content. My job consists
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Hélène Mathieu
enfants ! J’avais 25 ans. Des fois, je regarde
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Hélène Mathieu
Première Occidentale à ouvrir un cabi-
en arrière et je trouve que mon choix était
The first Western woman to open a
net juridique dans les Émirats arabes unis,
pas mal gutsy ! Maintenant, je parle arabe
law practice in the United Arab Emir­
Hélène Mathieu habite Dubaï depuis
plutôt couramment, plus par intérêt per-
ates, Hélène Mathieu has lived in Dubai
maintenant 15 ans. Son équipe, qui se
sonnel que par obligation. D’ailleurs, 95 %
for 15 years. Her team of 15, which deals
charge surtout de droit commercial mais
des expatriés ne parlent pas l’arabe et s’en
mainly with commercial law but also
aussi de droit de la famille et de l’immigra-
tirent très bien.
family law and immigration cases, includes
tion, est constituée de 15 employés, dont
10 femmes.
« Je suis arrivée à la fin décembre 1994,
« Quand on accepte de devenir expatriés, il ne faut pas oublier qu’on est des
invités. Tacitement, on accepte de res-
c’était au tout début du règne du cheikh
pecter l’environnement dans lequel on
Mohammed, moment charnière à partir
a choisi de vivre. Dans mon bureau, sur
duquel Dubaï a commencé à changer. J’ai
15 employés, on compte probablement
été témoin du développement de la ville
10 nationalités. Les habitudes culturelles
de A à Z.
sont différentes, chacun a sa manière de
On trouve tous les systèmes
faire, de penser, et toute la réussite de cet
scolaires possibles et
impossibles ici. On a le choix
entre le système d’éducation
local, américain, britannique,
libanais ou européen.
Pour moi, le français c’était
vital, pour mon conjoint l’arabe
l’était tout autant…
amalgame repose sur le respect et l’ouverture d’esprit pour mettre à profit les points
communs qui existent aussi. Dubaï est
10 women. “You find every school system
possible—and impossible—here!
You can choose among the local,
American, British, Lebanese or
European education systems. I
consider French to be essential,
and for my husband, Arabic is
just important. So my sevenyear-old daughter speaks four
languages fluently now!”
un bouillon de culture. On dit que 10 ans
“I arrived in late December 1994, at the
à Dubaï correspondent à 20 ans de vie sur
very beginning of Sheikh Mohammed’s
des territoires européens comme la France
reign, a key time, when Dubai began to
ou l’Angleterre, qui sont très homogènes
change. I’ve witnessed the city’s develop­
en comparaison avec les Émirats.
ment from A to Z.
« Mon conjoint est d’origine syrienne-
“At the time, not many Quebeckers knew
libanaise. Il parle huit langues. Il a habité
where Dubai was. I admit that when I was
partout dans le monde. C’est quelqu’un
offered work here, I first looked at a map
de très ouvert. On est ici parce qu’on a du
to find Saudi Arabia and then Dubai. Today,
« À cette époque, il n’y avait pas beau-
plaisir à faire ce que l’on fait. Le jour où
we’d probably do the opposite, it has thrived
coup de Québécois qui savaient où était
ça ne sera plus le cas, on reconsidérera.
so much in the last few years.
Dubaï. J’avoue que quand on m’a fait la
C’est un contrat ouvert. On n’est pas atta-
“I articled in Montreal, was called to the
proposition d’aller y travailler, j’ai d’abord
chés à perpétuité ici. Il faut savoir que la
bar on December 14 and left on the 28th.
regardé sur une carte où était l’Arabie
citoyenneté des Émirats ne s’acquiert pas.
Three days later, I met my business partner,
saoudite pour ensuite trouver Dubaï.
À moins d’habiter le pays depuis très long-
who is now my husband and the father of
Maintenant, on ferait probablement l’in-
temps ou d’avoir rendu de loyaux services
my children! I was 25. Sometimes, I look
verse tellement grand est son essor des
au gouvernement, le passeport émirati est
back and think I was pretty gutsy! Now I
dernières années.
réservé aux nationaux car ils ne comptent
speak Arab fairly fluently, more out of per­
que pour 20 % de la population actuelle.
sonal interest than obligation. As it stands,
Alors ma fille de sept ans parle
aujourd’hui quatre langues
couramment !
« J’ai fait mon stage à Montréal, j’ai
été assermentée le 14 décembre et je suis
« On ne pénètre d’ailleurs pas facile-
partie le 28. Trois jours plus tard, je ren-
ment le noyau de la population locale,
about 95% of expatriates don’t speak Arab
and get along just fine.
contrais mon partenaire d’affaires qui est
à moins de faire un réel effort. Eux ne
“When you agree to become an expatri­
aujourd’hui mon mari et le père de mes
viendront pas spontanément vers nous,
ate, you can’t forget that you’re a guest. You
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Hélène Mathieu (SUITE)
Hélène Mathieu (cont’d)
mais si on démontre du respect, de la curiosité, si on fait preuve
tacitly agree to be respectful of the environment
d’une volonté de rapprochement, on découvre des portes gran-
you’ve chosen to live in. In my office, out of a staff
des ouvertes sur une amitié sincère qui est tout sauf superfi-
of 15, about 10 nationalities are represented.
cielle. La notion de famille est très élargie ici et on s’aperçoit
The cultural habits are different; everyone has
their own way of thinking and doing things. The
vite qu’ils adorent les Canadiens. On sent que les positions du
success of this fusion lies in respect and open-mindedness
Canada face au Moyen-Orient sont appréciées.
« Je dois dire qu’en tant que femme j’ai davantage été res-
and in taking advantage of the commonalities that exist, too.
pectée ici que n’importe où dans le monde. Contrairement à ce
Dubai is a cultural melting pot. It’s said that 10 years in Dubai
qu’on peut penser, le fait d’être une femme m’a ouvert beaucoup
is like 20 years spent in a European country such as France or
plus de portes que ça m’en a fermé. Il y a deux ans, je suis partie
England, which are very homogenous compared to the Emirates.
en voyage d’affaires en Allemagne et j’étais la seule femme dans
“My husband is of Syrian-Lebanese origin. He speaks eight
un groupe constitué de 12 Saoudiens, dont plusieurs avaient
languages and has lived all over the world. He’s a very open
trois ou quatre femmes, ce qui fait partie de leurs traditions. J’ai
person. We’re here because we enjoy what we do. The day that
été traitée comme une reine. C’était l’inverse de l’image qu’on
this no longer holds true, we’ll reconsider. It’s an open contract.
We’re not tied here forever. And you can’t obtain Emirati citizen­
peut se faire de l’Arabie saoudite.
« Le plus gros mythe qui gravite autour de Dubaï est que c’est
ship. Unless you’ve lived in the country for a very long time or have
un eldorado où on fait de l’argent comme de l’eau. Well, I have
loyally served the government, the Emirati passport is reserved
some news for you : on le gagne notre argent ! En revanche, je ne
for nationals, because they make up only 20% of the population. m’ennuie pas des taxes qu’on prélève au Québec. Ce côté fiscal
“It’s not easy to penetrate the core of local population, unless
est même un point qui me ferait hésiter à plier bagage même si,
you really make an effort. They don’t approach us spontaneously,
pour moi, home ça se situe encore au Canada. Je vais au Québec
but if we show respect, curiosity and a willingness to come closer,
au moins trois fois par année. J’ai donné naissance à mes deux
then the doors are wide open to a sincere friendship that is any­
enfants au Canada aussi. Ma fille parle d’ailleurs avec un accent
thing but superficial. The notion of family is very broad here, and
très québécois. Mais y revenir à temps plein ? Je ne sais pas.
you quickly realize that they adore Canadians. You sense that
C’est sûr que quand on a vécu l’ivresse des voyages, c’est diffi-
Canada’s stances on the Middle East are appreciated.
cile d’imaginer se fixer. Avant-hier encore, j’étais à Séoul et je
“I must say as a woman, I’ve been respected here more than
anywhere else in the world. Contrary to what one might think,
réalisais que c’était le 32 e pays que je visitais !
« Par contre, je peux vous dire que le fait d’avoir autant
being a woman has opened more doors to me than it has closed.
voyagé m’a fait apprécier davantage le Canada et ses valeurs.
Two years ago, I went on a business trip to Germany, the lone
Les Canadiens ne reconnaissent généralement pas à sa juste
woman in a group of 12 Saudis. Some had three or four wives, as
is their tradition. I was treated like a queen. It was the opposite
valeur leur passeport.
« Je suis heureuse de ce qui s’est passé pour Dubaï, parce
of the image one might have of Saudi Arabia. que c’est excellent pour la région, mais je suis reconnaissante
“The biggest myth about Dubai is that it’s Eldorado, that
de l’avoir connue avant. Je me souviens encore de l’odeur qui
money flows like water. Well, I have news for you: we earn every
régnait à l’aéroport à l’époque où on débarquait directement sur
cent! On the other hand, I don’t miss the taxes that are taken
le tarmac. Il y avait ici quelque chose d’indescriptible. Le parfum
off in Quebec. The fiscal aspect is one reason why I’d hesitate
du désert s’est évanoui au profit d’une odeur industrielle. Dans
to pack my bags, even though home for me is still Canada. I’m in
le changement fulgurant, Dubaï a perdu un peu de son âme,
Quebec at least three times a year. I gave birth to my two children
de son essence.
in Canada, too. My daughter speaks French with a very Quebec
« Le seul regret que j’ai quand je regarde la Dubaï
accent. But return full-time? I’m not sure. Of course, when you’ve
d’aujourd’hui, c’est qu’on arrive plus difficilement à palper sa
experienced the headiness of travelling, it’s hard to imagine stay­
culture. Avant, Dubaï était comme un grand village, on était
ing put. Just the day before yesterday, I was in Seoul, and I real­
plus près des gens. C’était plus facile de faire des contacts.
ized Korea’s the 32nd country I’ve visited!
Maintenant, on vit les avantages et les inconvénients de la
“I can tell you, however, that travelling so much has made me
grande ville, les Dubaïotes le constatent avec un peu de tristesse,
better appreciate Canada and its values. Canadians on the whole
mais ils sont conscients que c’était le prix à payer.
don’t recognize the true value of a Canadian passport.
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Hélène Mathieu (cont’d)
« Il y a eu beaucoup d’inflation à Dubaï et je crois que la crise
“I’m happy about how Dubai has changed,
économique aura une excellent effet assainissant. Je compare-
because it’s wonderful for the region, but I’m
rais ça un peu à Hong Kong, qui a connu une chute importante
glad I knew it before. I still remember the smell
that permeated the airport when you landed
dans les années 1990 et dont le marché a repris par la suite. » 
directly on the tarmac. It had something
indescribable about it. The smell of the desert has been swal­
Marie-Josée Primeau (SUITE)
lowed up by an industrial smell. In this stark change, Dubai has
l’étranger s’est traduite par une immersion en
terrain multiculturel où se côtoyaient Iraniens,
lost a little of its soul, its essence.
“My only regret, when I look at the Dubai of today, is that
it’s more difficult to get a sense of its culture. Dubai used to be
Allemands, Français et Arabes.
« Pour moi, dit-elle, un diplôme c’est un
something like a big village; we were much closer to people. It
ticket pour monter à bord d’un autobus. Après,
was easier to make contact. Now, we live with the advantages
l’intérêt du voyage est conditionné par la capacité d’adaptation,
and inconveniences of a big city. The Dubai natives note it with a
l’ouverture d’esprit et la volonté de dépassement du passager.
little sadness but are aware that it’s the price to pay.
Toute ma vie, je me suis volontairement plongée en zone d’in-
“There’s a lot of inflation in Dubai, and I think the economic
confort parce que l’instinct de survie qui émerge de ces situa-
crisis will clean things up. It’s a little like Hong Kong, which
tions a toujours fait ressurgir le meilleur de moi-même.
« En 2007, j’ai quitté le gros job, le gros salaire et la BM déca-
experienced a major downturn in the 1990s and whose market
then picked up again after.”  
potable pour aller rejoindre avec deux valises les 40 % des grues
du monde entier qui égayent le ciel de Dubaï. J’étouffais. Je me
sentais comme une petite fleur dans une caisse de bois. Je rêvais
Marie-Josée Primeau (cont’d)
de ce terrain de jeu mené par des visionnaires aux ambitions
is old history for me. I see my target, feel it and believe in it. I don’t
démesurées. Aujourd’hui, je me sens vivante, je n’ai jamais
let it out of my sight because in 24 hours, it may be elsewhere.
eu autant d’énergie. J’écris un livre, je peins des tableaux qui
Tomorrow, I could be in Moscow!
se retrouvent au palais royal et au ministère de la culture et je
“Dubai is the port of entry to the Middle East, the way to
Qatar, Saudi Arabia, exceptional markets. That’s why 80% of the
mène mes affaires.
« D’où j’habite (The Palm Jumeirah, une île artificielle en
population is made up of expatriates. In the café the other day, a
forme de palmier), je vois toute la journée des filles allongées
Jordanian, an Iranian, two Parisians and a Brit were at the table.
sur des chaises longues au soleil. Je ne les juge pas, mais je ne
It’s fascinating to meet smart people who make up some of the
les envie pas. À Montréal, je vivais à 200 à l’heure. À Dubaï, je
richest communities in the world and have led exceptional lives!
roule à 600 ! Je regarde devant moi. Hier, pour moi, c’est histo-
Nowhere but here could I have moved forward in so many areas.
rique. Je vois ma cible, je la sens, j’y crois. Je ne la lâche pas de
Everything you see in Dubai today has been here for less than
vue parce qu’elle peut changer en 24 heures. Demain, je peux
40 years. Everything is new, everything is still to come. Of course
être rendue à Moscou !
we’ve been affected by the economic crisis. Many people have left
« Dubaï, c’est la porte d’entrée du Moyen-Orient qui mène
and many projects have been put on hold. The weakest players,
au Qatar, à l’Arabie saoudite, des marchés exceptionnels.
anyone wanting a hit-and-run success, has left. The ones who’ve
C’est ce qui explique que 80 % de la population est composée
stayed do quality work and have the courage or the dynamism
d’expatriés. À la table d’un café l’autre jour, il y avait un Jor-
you need to continue.
danien, un Iranien, deux Parisiennes et un Anglais… C’est
“Perhaps it will all collapse, but I’ll never collapse. What’s the
fascinant de rencontrer des personnes brillantes, qui font
worst thing that could happen? I’ll lose everything and have to
partie des communautés les plus riches du monde et qui ont
start again at zero? I’ll start again. But stopping is not an option.
des parcours exceptionnels ! Nulle part ailleurs qu’ici j’aurais
When you decide to tackle a mountain, you don’t stay more than
pu être propulsée avec autant d’ampleur ! Tout ce qu’on
10 minutes at the top because you feel unwell. So you have to
voit aujourd’hui à Dubaï a moins de 40 ans. Tout est neuf,
enjoy the ride: every stage prepares you for what comes next and
tout est devant nous. C’est sûr qu’on est affectés par la crise
strengthens your character.
économique,beaucoup de gens ont quitté et plusieurs projets
“In the strictest sense, my marathons force me to run 70 kilo­
sont arrêtés. Les moins forts, ceux quivoulaient faire un hit and
metres every week, to eat well, to give up alcohol, to get a good
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Marie-Josée Primeau (cont’d)
run sont partis. Ne resteront que ceux qui font
night’s sleep. All that makes my mind very sharp and helps me to
de la qualité, ceux qui ont le courage ou le
make the right decisions and think positively. Every day, I devote
dynamisme qu’il faut pour poursuivre.
a good two hours to consolidating my strategy and my goals.
« Ça se peut aussi que tout ça s’écroule, mais
“People like me, who drop everything, have big egos and live
moi je ne m’écroulerai jamais. C’est quoi le
in survival mode, are ready to do what’s required to reach their
pire qui peut m’arriver ? Tout perdre et recommencer à zéro ? Je
goals. Personally, I focus all my activities on business. When you
recommencerai. Mais, arrêter, ce n’est pas une option. Quand
really want something, it’s as if everything falls into place to make
on part à l’assaut d’une montagne, on ne reste pas plus de 10
it happen. But sometimes you have to knock down doors. minutes au sommet parce que les malaises sont trop élevés,
“The hardest thing? It’s not being a woman in an Arab land. I
alors « You must enjoy the ride » parce que chaque étape prépare
feel respected by the local community. It’s perhaps not being on
la prochaine et renforce ton caractère.
the same wavelength as others. There’s such a gap between my
« Au sens propre, mes marathons me forcent à courir 70 kilo-
life now and the lives of people I’ve known that conversations
mètres par semaine, à manger sainement, à éliminer l’alcool,
with parents or friends become more superficial. Often, they don’t
à trouver un sommeil réparateur. Ça rend mon esprit très clair,
even know where Abu Dhabi is.
ça m’aide à prendre les bonnes décisions et à entretenir des pen-
“I’ve learned to become detached and live alone. In a land of
sées positives. À chaque jour, je consacre deux bonnes heures à
expatriates, friendships take on another dimension, because
consolider ma stratégie et mes objectifs.
they’re forged with people who are passing through. At any rate,
« Les personnes qui larguent tout comme moi ont de gros
we’re always alone in the world, even when we have a family or a
egos et sont en mode survie, ils sont prêts à faire ce qu’il faut
spouse. The world has become my playing field, and if I fall in love
pour atteindre leur objectif. Personnellement, mes activités
with an Australian, well then, I’ll go to Australia. If it’s an Italian,
sont toutes orientées vers les affaires. Quand on veut vraiment
then it will be Italy. I often go to Europe to recharge my batteries,
quelque chose, on dirait que tout se met en place pour que ça se
because here in Dubai, there’s almost no history.
“I don’t have roots anymore. Wherever I am, I do what I need
fasse. Mais il faut parfois défoncer des portes.
« Le plus difficile ? Ce n’est pas d’être une femme en terre
to make sure I’m happy. I don’t think I’ll ever be able to live in one
arabe, je me sens respectée par la communauté locale. C’est
specific place in the world full-time. It’s true, too, that success
peut-être de ne plus se sentir à la même fréquence que les
isn’t well regarded in Quebec. I can’t become the best I can be
autres. Il y a tellement d’écart entre ma vie et celle des gens
in the place I was born. In the Emirates, I can allow myself to
que j’ai connus que les échanges avec parents ou amis devien-
live out my ambitions without being judged. No-one can stop
nent plus superficiels. Souvent, ils ne savent même pas où c’est
me except myself!” 
Abou Dhabi.
« J’ai appris à me détacher et à vivre seule. Les amitiés, en
Geneviève Angio-Morneau (cont’d)
terre d’expatriés, prennent une autre dimension car elles se
créent avec des gens de passage. De toute façon, on est toujours
of finding the best way in every country to tell a
seul au monde, même quand on est en famille et en couple.
story—their history. In this case, the exhibit is
Pour moi, le globe est devenu mon terrain de jeu et si je tombe
intended to show how quickly Dubai developed.
en amour avec un Australien, bien j’irai en Australie. Et si c’est
“The firm has been working on the Burj
un Italien, ce sera en Italie… Je vais par exemple fréquemment
Dubai project for five years. In the beginning,
en Europe pour me ressourcer parce qu’ici, à Dubaï, il n’y a pra-
we concentrated on the space configuration with the architect.
Now we’re doing the content and the exhibit as such. Usually, our
tiquement pas d’histoire.
« Je n’ai plus de racines. Peu importe où je suis, je m’organise
client is a museum and we work with a conservator. This time,
pour être bien. Je pense que jamais plus je ne vivrai à temps
it’s a little unusual, because we’re dealing directly with the real
plein à un endroit précis dans le monde. Il faut dire que le succès
estate developer, Emaar Properties, one of the two biggest prop­
n’est pas très valorisé au Québec. Je ne peux pas aller au bout
erty firms in Dubai (the other is Nakheel). And strangely enough,
de moi-même où je suis née. Aux Émirats, je peux me permet-
we don’t have any contact with the local Arabs! In Dubai, Emiratis
tre de vivre mes ambitions sans être jugée. Personne ne peut
account for only 20% of the population, hold very senior positions
m’arrêter, sauf moi-même ! » 
and hire international experts to do the work, with the result that
everything is done in English. The tower construction director is
plaisirsdevivre
livingwithstyle
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+
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le balcon d'art
rencontrer
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Geneviève Angio-Morneau (SUITE)
Geneviève Angio-Morneau (cont’d)
les préjugés de tape-à-l’œil qu’on peut
from New Zealand, his assistant is Malaysian and the manager works
avoir quand on observe ça de l’extérieur.
for Skidmore, Owings and Merrill, a Chicago firm whose specialty is
« Est-ce que je vivrais à Dubaï ? Non,
super-tall buildings.
tellement pas. C’est vrai que j’y suis
“Specialists from around the world have reunited in Dubai because
surtout allée pendant la saison la plus
there’s not very many of them. Generally, they’ve also worked on Taipei
chaude de l’année, celle où la majorité des expats quittent
101, the Petronas tower, the Sears Tower and so on. For the concrete,
ou envoient leur famille en Europe… Il y a d’ailleurs plein
there’s only two or three leaders to call on when you want to pump
d’émiratis qui ont des maisons en Suisse ou à San Diego.
cement at 600 metres altitude in this heat. They had to innovate new
Pour moi, Dubaï, c’est une association systématique avec
techniques to keep the cement from hardening on its way up.
le travail. Quand on est là, on fait des heures de fous.
“It’s fascinating to see this collection of nations reflected in the
Je n’ai jamais réussi à vivre un week-end sans travailler !
use of techniques and materials from around the world. For example,
Pour moi, Dubaï, c’est comme un Far West d’une autre
the panels covering the tower are manufactured partly in Belgium and
époque dominé par des hommes, à cause de la réalité qui
partly in China, with Arab input. I’ve interviewed engineers, consultants,
existe dans le milieu des affaires et de la construction. Et
architects and the tower manager. When you hear them talk about their
comme il fait trop chaud dehors, les off-hours se passent
pride in taking part in this achievement, it destroys any prejudice you
dans les bars qui sont pleins de gars qui ont besoin de se
may have as an outside observer about the showiness.
défouler parce que les clients sont super exigeants. Dubaï,
“Would I live in Dubai? No way. It’s true that I’ve been there mainly
on y est soit pour le travail, soit parce qu’on est dans un
in the hottest season, when most expats leave or send their families
to Europe. Actually, a lot of Emiratis have homes in Switzerland or San
minding de tourisme de luxe.
« Ça ne m’empêche pas d’être fascinée par Dubaï, par
Diego. I associate Dubai systematically with work. When you’re there,
sa population hyperpatriotique dans une royauté où le
the hours are crazy. I’ve never managed to spend a weekend without
cheikh est aussi un poète. Chez nous, c’est totalement
working! Dubai is like a Far West from another era when men ruled,
impossible d’imaginer un politicien écrire de la poésie
because of the reality in the business and construction milieus. And
sur un immeuble qu’il trouverait beau ! Là-bas, la Burj
since it’s too hot outside, the off-hours are spent in bars full of guys
Dubaï c’est la représentation de leur ouverture sur le
who need to let loose because the clients are so demanding. You’re in
monde, de leur vision du futur. On ne peut pas rester de
Dubai for work or because you’re in a luxury tourism mindset.
glace devant le fait qu’il y a cinq ans, il n’y avait que trois
“That doesn’t stop me from being fascinated by Dubai, by the hyper-
baraques militaires sur l’immense terrain vague qui est
patriotic population in a monarchy where the sheikh is also a poet. At
aujourd’hui devenu le Downtown Burj Dubaï, un quartier
home, you could never imagine a politician writing poetry about how
piétonnier qui appartient tout entier à Emaar où se trouve
beautiful a building is! Over there, the Burj Dubai represents their open­
la tour Burj, un lac artificiel, des complexes hôteliers et
ness to the world, their vision of the future. You can’t stay indifferent to
résidentiels. C’est assez grand pour qu’un tram soit pro-
the fact that five years ago, there were only three military barracks on
jeté en plus du métro. D’habitude, un quartier fait à 100 %
the vast land that is now Downtown Burj Dubai, a pedestrian district
de reconstitutions des anciennes maisons des cheikhs je
that belongs entirely to Emaar, with the Burj tower, an artificial lake
trouverais ça hyperquétaine, mais là, c’est tellement bien
and hotel and housing complexes. It’s big enough that now a tramway
fait ! L’éditrice du Time-out, que j’ai rencontrée là-bas, me
is planned in addition to the subway. Usually, I’d think a neighbourhood
confirmait la bonification de Dubaï avec l’implantation
made entirely from replicas of old sheikh houses was super-tacky. But
de son université et la constitution d’un milieu artistique.
it’s so well done! I met the publisher of Time Out over there and she con­
« J’ai séjourné à Chicago, à San Francisco, à New York
firmed that Dubai is being improved with university and artistic milieus.
et à Paris. J’aime les grandes villes, mais, pour moi, les
“I’ve spent time in Chicago, San Francisco, New York and Paris. I like
petits quartiers montréalais comme le Mile-End c’est pré-
big cities, but the little Montreal neighbourhoods like Mile-End are
cieux. J’ai besoin de ce petit côté bohème… Je ne m’iden-
precious to me. I need that little bohemian side. I don’t really identify
tifie pas tellement au mode de vie d’expat, avec la nanny et
with the whole expat lifestyle, with the nanny and the whole shebang.
tout le bazar. Mes racines sont importantes. » 
My roots are important.” 
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